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Copies exécutoires RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
délivrées le : AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
COUR D’APPEL DE PARIS
Pôle 6 – Chambre 7
ARRÊT DU 09 NOVEMBRE 2023
(n° 484, 13 pages)
Numéro d’inscription au répertoire général : N° RG 20/06042 – N° Portalis 35L7-V-B7E-CCL4X
Décision déférée à la Cour : Jugement du 15 juin 2020 – Conseil de Prud’hommes – Formation de départage de BOBIGNY – RG n° 14/02985
APPELANT
Monsieur [C] [E]
[Adresse 2]
[Localité 1]
Représenté par Me Sandrine MENEZES, avocat au barreau de PARIS, toque : D1932
INTIMÉE
Société AIR FRANCE
Société anonyme régie par le code de l’aviation civile, inscrite au RCS de BOBIGNY sous le n° 420 495 178
[Adresse 3]
[Localité 4]
Représentée par Me Harold HERMAN, avocat au barreau de PARIS, toque : T03
COMPOSITION DE LA COUR :
En application des dispositions des articles 805 et 907 du code de procédure civile, l’affaire a été débattue le 1er juin 2023, en audience publique, les avocats ne s’y étant pas opposés, devant Madame Bérénice HUMBOURG, présidente de chambre, chargée du rapport.
Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, entendu en son rapport, composée de :
Madame Bérénice HUMBOURG, présidente de chambre
Madame Guillemette MEUNIER, présidente de chambre Monsieur Laurent ROULAUD, conseiller
Greffier, lors des débats : Madame Marie-Charlotte BEHR.
ARRÊT :
– CONTRADICTOIRE,
– par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la Cour, initialement prévu le 12 octobre 2023 et prorogé au 09 novembre 2023, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile.
– signé par Madame Bérénice HUMBOURG, présidente de chambre et par Madame Alisson POISSON, greffière à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
FAITS, PROCÉDURE ET PRÉTENTIONS DES PARTIES
La société Air France compte trois catégories de personnel, à savoir :
– le personnel navigant technique (PNT comportant les pilotes) ;
– le personnel navigant commercial (PNC comportant les hôtesses et les stewards) ;
– le personnel au sol (PS).
Chaque catégorie de personnel est spécifique et correspond à des professions distinctes. La différence de catégorie de personnel se manifeste également par des organisations syndicales représentatives propres à chacune de ces catégories, lesquelles négocient des accords d’entreprise distincts.
M. [C] [E] a été engagé par contrat à durée déterminée du 27 février 2006 par la société Air France en qualité d’agent d’escale commercial. Un contrat à durée indéterminée a été signé le 1er octobre 2006, avec reprise d’ancienneté au 27 février 2006. Il était soumis à la Convention du Personnel au Sol de 2006.
Par diffusion d’une sélection interne par la société Air France le 15 novembre 2010, il a été offert aux salariés relevant du Personnel au Sol la possibilité d’intégrer une formation de Personnel Navigant Commercial.
M. [E] a manifesté sa volonté d’intégrer la formation et a reçu une confirmation de réussite à la sélection en qualité de PNC, en obtenant le “Certificat de Formation à la Sécurité” (CFS), remplacé par le “Cabin Crew Attestation” (CCA) le 8 avril 2013 en application de la nouvelle réglementation européenne, lequel est nécessaire à l’exercice de la profession de personnel navigant commercial (PNC) et soumis à une durée de validité.
Le 21 janvier 2013, un accord collectif a été conclu entre la société Air France et certaines organisations syndicales du personnel au sol afin de permettre la mutation temporaire de celui-ci de la société Air France vers la société Transavia, qui appartient au même groupe, pour y exercer les fonctions de PNC, avec vocation de revenir à la société Air France en cette qualité. Cet accord prévoyait un certain nombre de mesures et garanties, telles que des primes d’accompagnement.
C’est dans ces conditions que l’appelant a été informé par courrier du 24 janvier 2013 de la possibilité de rejoindre la société Transavia en qualité de PNC.
Le salarié a accepté cette offre et a signé un avenant de suspension de son contrat de travail avec la société Air France le 20 février 2013. Il exerçait alors les fonctions de Technicien Service Client (niveau N3) pour une rémunération brute mensuelle moyenne de 3 136,58 euros.
Le salarié a également signé une convention de mutation temporaire le 4 mars 2013 avec la société Transavia, entraînant son transfert en son sein, en qualité de PNC. Avant ce transfert, le salarié n’avait jamais occupé de poste de PNC, malgré l’obtention du CFS.
Par avenant du 31 janvier 2014, la prime d’accompagnement initiale versée par la société Air France, fixée initialement à 1 000 euros, puis 2 000 euros, a été portée à 8 000 euros.
Le conseil de prud’hommes de Bobigny a été saisi le 30 juin 2014 par M. [E], aux fins notamment de requalifier le contrat de mutation temporaire en contrat de détachement. Seule la société Air France a été attraite dans la cause.
Par un avenant du 1er décembre 2016 signé avec la société Air France, M. [E] a intégré le Personnel Navigant Commercial de la société Air France.
Par jugement contradictoire du 15 juin 2020, le juge départiteur a :
– débouté M. [E] de sa demande de requalification du contrat de mutation temporaire en contrat de détachement ;
– débouté M. [E] de ses demandes de dommages et intérêts pour discrimination, exécution déloyale du contrat de travail, exécution fautive du contrat de travail et manquement à l’obligation de proposition de poste conforme à sa qualification, délit de marchandage et perte de salaire subie lors de la réintégration;
– débouté M. [E] de ses demandes de rappels de primes de compensation;
– débouté les parties de toute autre demande, fin ou prétention plus ample ou contraire;
– laissé à la charge de chacune des parties la charge des frais exposés par elle et non compris dans les dépens;
– condamné M. [E] aux dépens.
Le conseil a considéré que la “convention de mutation” ne pouvait être assimilée à une situation de détachement en application des dispositions conventionnelles en vigueur au sein de la société Air France, que ce contrat ne correspondait pas non plus au prêt de main d”uvre visé par les dispositions de l’article L.8241-2 du code du travail et enfin que le salarié ne pouvait se prévaloir d’aucune irrégularité de l’accord de mutation temporaire groupe du 21 janvier 2013.
Par déclaration notifiée par le RPVA le 23 septembre 2020, M. [E] a interjeté appel de cette décision.
Dans ses dernières conclusions transmises par la voie électronique le 4 avril 2023, M. [E] demande à la cour d’infirmer en toutes ses dispositions le jugement rendu le 15 juin 2020 par le conseil de prud’hommes de Bobigny en ce qu’il l’a débouté de ses demandes, laissé à sa charge les frais exposés par lui et non compris dans les dépens et condamné aux dépens et statuant de nouveau, de :
– requalifier le contrat de “mutation temporaire” en une opération de prêt de main d’oeuvre au sens des articles L.8241-1 et L.8241-2 du code du travail,
Par conséquent,
– ordonner à la société Air France de lui faire application depuis le 4 mars 2013, des stipulations relatives au “détachement” telles que prévues par la Convention d’Entreprise Commune et la Convention du Personnel au Sol dans sa version applicable au 1er janvier 2013,
– juger que l’accord collectif “sur l’organisation de mutations groupe temporaires” du 21 janvier 2013 est illicite,
Par conséquent,
– lui dire inopposables les clauses relatives à la conclusion d’un contrat de “mutation groupe” avec la société Transavia et d’un avenant de suspension du contrat de travail avec la société Air France,
Par conséquent,
A titre principal,
– condamner la société Air France à lui payer la différence entre les salaires et accessoires versés par la société Transavia et les salaires et accessoires qui auraient dû être versés en vertu des stipulations conventionnelles applicables au sein de la société Air France et sur la base d’une intégration en 2ème classe au 4 mars 2013,
A titre subsidiaire,
– condamner la société Air France à lui payer la différence entre les salaires et accessoires versés par la société Transavia et les salaires et accessoires qui auraient dû être versés en vertu des stipulations conventionnelles applicables au sein de la société Air France au 4 mars 2013,
– ordonner à la société Air France de délivrer un bulletin de salaire rectificatif pour chaque mois concerné, sans pouvoir régulariser la situation sur un bulletin de salaire unique,
– condamner la société Air France à lui payer la somme de 30.000 € au titre du préjudice subi du fait de la perte des avantages en termes de couverture sociale (mutuelle et prévoyance),
– condamner la même à lui payer la somme de 2.000 € au titre du préjudice subi du fait de la perte des avantages liés aux activités sociales et culturelles du comité d’entreprise,
– dire et juger que le “contrat de mutation temporaire” s’analyse en une opération de prêt de main d’oeuvre illicite et en une infraction de marchandage,
Par conséquent,
– condamner la société Air France à lui payer la somme de 25.000 € au titre du préjudice financier,
– condamner la même à lui payer la somme de 5.000 € au titre du préjudice moral,
– juger que la société Air France a violé les règles conventionnelles relatives à sa priorité d’affectation en qualité de PNC,
Par conséquent,
– condamner la société Air France à lui payer la somme de 20.000 € au titre du préjudice subi,
– juger que la société Air France n’a pas tenu compte de ses qualifications et compétences au soutien de sa classification au sein du Personnel Navigant Commercial,
Par conséquent,
A titre principal,
– ordonner à la société Air France de le positionner en 2ème classe depuis le 1er décembre 2016,
– condamner l’intimée à lui payer à ce titre les rappels de salaires afférents et accessoires depuis le 1er décembre 2016,
– ordonner à la société Air France de délivrer un bulletin de salaire rectificatif pour chaque mois concerné, sans pouvoir régulariser la situation sur un bulletin de salaire unique,
A titre subsidiaire,
– condamner la société Air France à lui payer la somme de 15 000 € au titre du préjudice subi,
En tout état de cause,
– dire et juger que les sommes octroyées porteront intérêt au taux légal et seront soumises à l’anatocisme,
– condamner la société Air France à lui payer la somme de 2.500 € au titre de l’article 700 du code de procédure civile,
– condamner la même aux entiers dépens,
– débouter la société Air France de l’intégralité de ses demandes.
Il soutient en substance que :
– le contrat de ‘mutation temporaire’ constitue une opération de mise à disposition de personnel ce qui justifie qu’il aurait dû bénéficier du statut conventionnel applicable au sein de la société Air France,
– l’opération de mise à disposition constitue un prêt de main d”uvre illicite et l’infraction de marchandage, ce qui justifie qu’il soit indemnisé à ce titre des divers préjudices subis,
– la société Air France a gravement manqué à son obligation d’exécuter de bonne foi le contrat de travail en ne respectant pas sa priorité d’affectation en qualité de PNC,
– la société Air France l’a recruté en qualité de PNC en lui appliquant une classification hiérarchique qui ne correspond nullement aux compétences qu’il avait acquises, de sorte qu’elle sera condamnée à lui verser un rappel de salaires à ce titre ou des dommages-intérêts à titre subsidiaire en raison de l’absence d’information quant aux conditions de rémunération à son retour au sein de la compagnie.
Dans ses dernières conclusions transmises par la voie électronique le 19 mars 2021, la société Air France demande à la cour de :
– confirmer le jugement du Conseil de prud’hommes de Bobigny en ce qu’il a débouté les salariés de leur demande de requalification du contrat de mutation temporaire en contrat de détachement, de leurs demandes de dommages et intérêts pour discrimination, exécution déloyale du contrat de travail, exécution fautive du contrat de travail et manquement à l’obligation de proposition de poste conforme à sa qualification, délit de marchandage et perte de salaire subie lors de sa réintégration, de leurs demandes de rappels de primes de compensation et de toute autre demande, fin ou prétention plus ample ou contraire et en ce qu’il a condamné les salariés aux dépens ;
– débouter les appelants de l’ensemble de leurs demandes ;
– condamner les appelants à payer chacun à la société Air France la somme de 2.500 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile,
– condamner les appelants aux entiers dépens.
La société répond notamment que les conventions de mutation ne relèvent pas des dispositions de l’article L. 8241-2 du code du travail (prêt de main d’oeuvre), que la convention d’entreprise commune et la convention collective du personnel au sol ne traitent pas de la situation spécifique de l’appelant et que les conséquences des conventions de mutation étaient prévues par l’accord collectif du 21 janvier 2013.
La cour se réfère aux conclusions adressées par le RPVA pour plus ample exposé des moyens des parties.
L’ordonnance de clôture a été rendue le 10 mai 2023.
MOTIFS
Sur le contexte contractuel et conventionnel
L’accord national interprofessionnel du 8 juillet 2009 sur ‘la gestion sociale des conséquences de la crise économique sur l’emploi’ avait pour objet de prévoir des mesures visant à limiter au maximun lesdites conséquences pour une période s’achevant le 1er janvier 2011. Il distinguait différents mécanismes et notamment le chômage partiel, le prêt de main d’oeuvre et les mobilités internes aux entreprises et aux groupes en précisant pour ces dernières que’les entreprises et les groupes assujettis à l’obligation triennale de négociation de la GPEC mettront en place des mesures pour faciliter les mobilités internes, notamment des bourses de l’emploi. Afin de sécuriser et de faciliter ces mobilités, ces mêmes entreprises ou groupes mettront en place une “période expérimentation mobilité” qui permettra aux salariés de découvrir leur nouvel emploi’. Les modalités de ces mesures devaient être précisées par accord collectif.
Selon l’accord du 21 janvier 2013 signé entre la société Air France et plusieurs syndicats de personnel au sol portant sur ‘l’organisation de mutations groupe temporaires de personnels au sol d’Air France vers Transavia’, les salariés d’Air France ayant validé le Certificat de Formation Sécurité (CFS, ancienne dénomination du CCA) occupant un poste de personnel au sol ont, sur la base du volontariat, la faculté d’accepter une mutation temporaire comprise entre 2,5 et 5 années, vers la société Transavia, pour y occuper les fonctions de personnel navigant commercial (PNC), et être réintégrés à l’issue de cette période, au sein d’Air France, en cette qualité, afin de ne pas perdre le bénéfice de leur certification.
Cet accord prévoit également que chaque candidat volontaire et sélectionné recevra un contrat de mutation temporaire, afin d’intégrer les effectifs de la société Transavia en qualité de PNC, et un avenant à son contrat de travail avec Air France ; que chaque salarié muté bénéficiera d’une garantie de retour au sein de la société Air France en qualité de PNC, de deux primes d’accompagnement initial et global, du maintien des droits conventionnels à billets Air France, et de la prise en compte de la durée du contrat de mutation au titre de l’ancienneté Air France ; que l’exécution du contrat au sein de la société Transavia se fera sans maintien de l’ancienneté Air France et aux conditions de l’entreprise accueillante ; que chaque salarié bénéficiera d’une période de réflexion de 10 jours à réception des documents pour exprimer son consentement, ainsi que d’une période probatoire de 4 mois une fois en poste, durant laquelle l’accord pourra être librement révoqué.
En application de cet accord d’entreprise, M. [E] a signé deux documents :
– avec la société Air France : un avenant de suspension de son contrat de travail le 20 février 2013 mentionnant notamment l’accord du 21 janvier 2013 sur l’organisation de mutations groupe temporaire, la suspension du contrat de travail avec Air France afin de procéder à sa mutation temporaire auprès de Transavia France dans les conditions de l’accord pour y exercer les fonctions de personnel navigant commercial avec soumission aux règles en vigueur au sein de cette dernière qui versera également la rémunération et sa réintégration à l’issue de la période de mutation débutant le 4 mars 2013 pour une durée comprise entre 2 ans et demi et 5 ans au sein d’Air France dans un emploi de PNC dans le respect des disposition de l’accord dont une copie était jointe à l’avenant ;
– avec la société Transavia : une convention de mutation temporaire le 4 mars 2013 mentionnant à nouveau l’accord sur l’organisation des mutations groupe temporaires, sa mutation afin d’exercer les fonctions de PNC, la durée de la mutation et ses conditions (période probatoire, rémunération…).
Enfin, le 1er décembre 2016 M. [E] et la société Air France ont signé un ‘avenant de retour suite mutation groupe Transavia et d’intégration dans le personnel navigant commercial en qualité de steward’, qui prévoyait notamment que les dispositions de l’avenant remplaçaient celle du contrat de travail en qualité de personnel au sol au sein de la société Air France, une classification en classe 4 avec une ancienneté dans celle-ci au 4 septembre 2014, échelon 5, une rémunération mensuelle brute minimum garantie de 2 319,54 euros.
Sur la demande de requalification du contrat de “mutation temporaire” en une opération de prêt de main d’oeuvre au sens des articles L.8241-1 et L.8241-2 du code du travail
L’appelant soutient que l’opération de mise à disposition au bénéfice de la société Transavia devait respecter tant le cadre conventionnel applicable au sein de la société Air France que les dispositions de l’article L.8241-2 du code du travail et que l’accord collectif ayant permis la réalisation de cette opération est frappé d’illicéité. Il considère ainsi que la société Air France lui a appliqué un statut hybride en fraude de ses droits et ce, alors même que les mécanismes prévus non seulement par le code du travail, mais également par les textes conventionnels applicables au sein de l’entreprise, auraient dû suffire à encadrer sa mise à disposition au profit de la société Transavia.
La société Air France soutient au contraire que les dispositions légales et conventionnelles ne permettant pas d’envisager la situation particulière du personnel au sol souhaitant occuper un poste de PNC, un accord collectif a été conclu avec les partenaires sociaux le 21 janvier 2013 pour encadrer cette évolution de carrière.
***
A titre liminaire, si l’accord du 21 janvier 2013 signé avec la société Air France est un accord majoritaire, en ce qu’il a fait l’objet d’une acceptation par les syndicats présents UNSA AERIEN, CFDT, CFE-CGC représentants du personnel au sol et n’a donné lieu à aucune dénonciation, il n’en demeure pas moins, contrairement à ce qu’a jugé le conseil de prud’hommes, que tout salarié qui y a intérêt est recevable à invoquer le caractère illicite d’une clause d’un accord collectif qui lui est applicable, par la voie de l’exception, à l’occasion d’un litige individuel la mettant en ‘uvre.
***
S’agissant tout d’abord du régime légal afférent au prêt de main d’oeuvre, l’article L.8241-1 du code du travail (dans sa version applicable à l’époque des faits) dispose que : “Toute opération à but lucratif ayant pour objet exclusif le prêt de main d”uvre est interdite. (…) Une opération de prêt de main d”uvre ne poursuit pas de but lucratif lorsque l’entreprise prêteuse ne facture à l’entreprise utilisatrice, pendant la mise à disposition, que les salaires versés au salarié, les charges sociales afférentes et les frais professionnels remboursés à l’intéressé au titre de la mise à disposition.”
L’article L.8241-2 du code du travail (dans sa version applicable à l’époque des faits) ajoute que : “Les opérations de prêt de main-d”uvre à but non lucratif sont autorisées. (…)
Le prêt de main-d”uvre à but non lucratif conclu entre entreprises requiert :
1° L’accord du salarié concerné ;
2° Une convention de mise à disposition entre l’entreprise prêteuse et l’entreprise utilisatrice qui en définit la durée et mentionne l’identité et la qualification du salarié concerné, ainsi que le mode de détermination des salaires, des charges sociales et des frais professionnels qui seront facturés à l’entreprise utilisatrice par l’entreprise prêteuse ;
3° Un avenant au contrat de travail, signé par le salarié, précisant le travail confié dans l’entreprise utilisatrice, les horaires et le lieu d’exécution du travail, ainsi que les caractéristiques particulières du poste de travail.
A l’issue de sa mise à disposition, le salarié retrouve son poste de travail ou un poste équivalent dans l’entreprise prêteuse sans que l’évolution de sa carrière ou de sa rémunération ne soit affectée par la période de prêt. (…)
Pendant la période de prêt de main-d”uvre, le contrat de travail qui lie le salarié à l’entreprise prêteuse n’est ni rompu ni suspendu. Le salarié continue d’appartenir au personnel de l’entreprise prêteuse ; il conserve le bénéfice de l’ensemble des dispositions conventionnelles dont il aurait bénéficié s’il avait exécuté son travail dans l’entreprise prêteuse.”
Il ressort ainsi des dispositions légales régissant le prêt de main d’oeuvre notamment l’existence d’une convention entre les deux sociétés ‘prêteuse’ et ‘utilisatrice’ et à l’issue de la mise à disposition, la réintégration du salarié dans son poste de travail ou un poste équivalent.
En l’occurrence, aucune convention n’a été signée entre les sociétés Air France et Transavia et, comme l’a jugé le conseil de prud’hommes, le contrat de mutation temporaire ne correspond pas au prêt de main d”uvre visé par les dispositions de l’article L.8241-2 du code du travail, dès lors qu’il est prévu expressément la réintégration du salarié au sein de la société Air France, non pas à ‘son poste de travail ou un poste équivalent’ mais’dans les conditions prévues par l’accord du 21 janvier 2013′, c’est-à-dire en tant que PNC. En effet, les postes de PS et PNC, qui portent sur des missions différentes et sont soumis à des conventions d’entreprise distinctes, ne peuvent être considérés comme étant équivalents.
Par ailleurs, le salarié, qui n’invoque pas un vice du consentement lors de la signature de l’avenant de suspension de son contrat de travail le 20 février 2013 avec la société Air France, conteste toutefois la réalité de cette suspension en faisant valoir que la période de travail effectuée au sein de la société Transavia était assimilée à une période de travail effectif à Air France, que le bénéfice de ses droits à billets Air France a été maintenu et enfin que la société Air France a conservé l’exercice de son pouvoir disciplinaire pendant toute la durée de l’opération de mise à disposition, en intervenant également dans les conditions de travail des PNC au sein de la société Transavia.
Comme le relève le conseil de prud’hommes, en application du contrat de mutation, le salarié a été placée sous le régime en vigueur au sein de la seule société Transavia et n’a plus été soumis au régime de l’accord collectif d’Air France. Par conséquent les clauses expresses de l’accord collectif, d’une part, de réintégration au sein d’Air France avec le bénéfice de l’ancienneté acquise chez Transavia à l’issue de la période de mutation et, d’autre part, de maintien du bénéfice de la billetterie Air France durant la mutation, viennent précisément confirmer le principe de la suspension du contrat de travail avec la société Air France.
S’agissant du pouvoir disciplinaire, le contrat de mutation temporaire prévoit en son article VI, que ‘pendant toute la durée de la mutation, M. [E] sera placé(e) sous la subordination de Transavia France. A ce titre, les pouvoirs disciplinaires seront exercés par cette dernière dans le respect des dispositions légales, de son règlement intérieur’. Ainsi les décisions disciplinaires étaient prises par la société Transavia, sans intervention de la société Air France.
Si le contrat précise que ‘compte tenu du caractère spécifique de la mutation groupe, les fautes commises à l’égard de Transavia France seront réputées également commises à l’égard d’Air France’ et que des cas de faute justifiant un licenciement entraîneront la fin immédiate de la mutation et le retour à Air France pour ‘éventuelles suites à donner’, ces dispositions ne permettent pas d’en déduire l’existence d’un pouvoir disciplinaire de cette dernière à la place de Transavia durant la mutation et s’expliquent en revanche par le fait que le contrat avec Air France était seulement suspendu et non rompu. Les autres clauses visées par l’appelant, comme celle de l’accord de janvier 2013 permettant qu’ ‘avec l’accord d’Air France’, Transavia puisse proposer à une ou des personnes mutées de poursuivre en son sein la relation contractuelle par un contrat à durée indéterminée, relèvent de la même logique.
S’il ressort enfin du procès-verbal de la réunion du comité central d’entreprise de la société Air France du 23 janvier 2014 que la direction de celle-ci a sensibilisé la société Transavia à certaines difficultés remontées par les salariés mutés dans le cadre de l’accord de janvier 2013, cette intervention ponctuelle s’inscrit dans le cadre même de l’accord collectif qui prévoyait in fine qu’une réunion de suivi de son application serait organisée annuellement avec les organisations syndicales signataires.
Ainsi, le contrat de travail avec la société Air France a bien fait l’objet d’une suspension durant la période de mutation au sein de Transavia et le régime légal du prêt de main d’oeuvre ne pouvait trouver à s’appliquer à la situation du personnel au sol visée par la société Air France et les organisations syndicales.
S’agissant ensuite du cadre conventionnel applicable au sein de la société Air France, l’appelant soutient que l’accord du 21 janvier 2013 contrevient aux stipulations conventionnelles relatives au “détachement”, telles que prévues par la convention d’entreprise commune, la convention du personnel au sol et la convention du personnel navigant commercial et repose également sur un régime juridique (la mutation à durée indéterminée) non applicable à sa situation.
En premier lieu, les différentes conventions d’entreprise conclues au sein de la société Air France prévoient en ce qui concerne la position de ‘détachement’ la même définition.
Ainsi,
– selon la convention d’entreprise commune : ‘le détachement est la position du personnel qui assure son service dans les conditions définies par le présent chapitre et dans les conventions d’entreprise spécifiques, auprès d’autres sociétés ou organismes présentant pour Air France un intérêt direct’ ;
– selon la convention du personnel au sol (PS) : ‘le détachement est la position du salarié qui assure son service dans les conditions prévues par la convention d’entreprise commune, auprès d’autres sociétés ou organismes présentant pour la Compagnie, un intérêt direct’ ;
– selon la convention d’entreprise du personnel navigant commercial (PNC) : ‘le détachement est la position du PNC qui assure son service dans les conditions prévues par la convention d’entreprise commune, auprès d’autres sociétés ou organismes présentant pour la Compagnie, un intérêt direct’.
Il est précisé que le salarié a droit à une situation au moins équivalente à celle qu’il aurait eue s’il n’avait pas été placé en situation de détachement.
La société Air France soutient, à juste titre, que la mise à disposition prévue par ces articles s’applique lorsque celle-ci consiste pour le salarié détaché à exercer les mêmes fonctions que celles qui lui étaient dévolues en son sein mais dans une autre société du groupe.
En effet, si l’appelant considère que le conseil s’est mépris sur le sens à donner au terme de ‘service’ et que les convention d’entreprise ne conditionnent nullement l’application des stipulations relatives au détachement à la circonstance que le salarié exerce, au sein de l’entreprise utilisatrice, les mêmes fonctions que celles exercées pour le compte de son employeur d’origine, force est de constater que les textes conventionnels susvisés ne font pas état de ‘l’activité du salarié’ au sens large mais mentionnent ‘son service’, qui renvoie donc nécessairement au service exercé au moment du détachement dans l’entreprise d’origine, à savoir en l’occurrence un emploi de personnel au sol.
Les textes conventionnels sur le détachement ne pouvaient donc s’appliquer puisque le salarié ne devait pas exercer son métier de personnel au sol au sein de la société Transavia mais celui de PNC et si, comme il le soutient, il disposait des qualifications en ce sens, il n’en demeure pas moins qu’au sein d’Air France le seul poste ou service exercé lors de la mutation était celui de personnel au sol.
Par ailleurs, l’appelant ne peut utilement faire un rapprochement avec la situation des pilotes d’Air France qui ont fait l’objet, aux termes d’un accord d’entreprise, d’un détachement au sein de Transavia mais pour exercer précisément les mêmes fonctions.
Enfin, la mention sur certains documents d’un ‘détachement’ auprès de Transavia est sans incidence sur le régime juridique devant s’appliquer à l’opération.
En second lieu, si l’accord conclu en janvier 2013 se réfère, comme le soutient le salarié, à la ‘convention de mutation groupe’ prévue par la convention d’entreprise commune, il y est toutefois précisé que la société Air France a réuni les organisations syndicales représentatives concernées afin justement de préciser ‘par un accord spécifique à ce projet’ les conditions de mise en oeuvre de cette convention.
En effet, contrairement aux dispositions de la convention de mutation dans une entreprise du Groupe Air France qui peut être proposée au salarié pour une durée ‘indéterminée’, l’objet de l’accord collectif de janvier 2013 était, comme son préambule le précise, de permettre une évolution professionnelle pour les personnels au sol d’Air France ayant réussi les sélections pour devenir PNC mais qui du fait du sureffectif de cette catégorie en son sein risquaient de perdre le bénéfice de l’obtention du CCA limitée à 5 ans en raison de l’évolution de la réglementation, en organisant une mutation seulement ‘temporaire’ au sein de Transavia avec la garantie de revenir à terme au sein d’Air France avec cette nouvelle qualification.
Il en découle que les dispositions existantes sur la ‘mutation intra groupe’ ne permettaient pas de régler la situation des personnels au sol d’Air France souhaitant devenir PNC et qu’un aménagement de cette convention était donc nécessaire afin de prévoir un certain nombre de garanties, notamment en ce qui concerne le retour du salarié au sein de la société d’origine Air France.
Dès lors, l’appelant ne peut être suivi lorsqu’il affirme que l’accord de janvier 2013 a été conclu sur un fondement erroné.
Ainsi, comme le soutient l’intimée, aucun dispositif conventionnel existant ne permettait à des personnels au sol d’être mutés dans une société du groupe Air France, sur un poste de PNC avec la garantie d’un retour au sein de la société Air France en cette qualité.
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Il découle de l’ensemble de ces observations que l’accord du 21 janvier 2013 qui régit une situation spécifique, distincte du prêt de main d’oeuvre et du détachement conventionnel, n’encourt aucune illicéité. La demande d’inopposabilité à l’appelant des clauses dudit accord relatives tant à la conclusion d’un contrat de travail avec la société Transavia qu’à la suspension du contrat avec Air France sera rejetée.
De même, la demande de requalification du contrat de mutation temporaire en une opération de prêt de main d’oeuvre doit être rejetée, comme les demandes subséquentes de l’appelant fondées sur les dispositions conventionnelles de la société Air France applicables au PNC exerçant en son sein, puisque pour la période comprise entre mars 2013 et le 1er décembre 2016, il était salarié de la société Transavia.
S’agissant des demandes au titre du prêt de main d’oeuvre illicite et du marchandage, l’appelant fait valoir que le but lucratif de ‘l’opération de mise à disposition orchestrée par les deux sociétés’ est caractérisé et que ses modalités ont eu pour objet et pour effet d’éluder un certain nombre de dispositions légales et de stipulations conventionnelles.
En premier lieu, comme précédemment développé, l’opération en cause ne relève pas de la qualification ‘d’opération de fourniture de main-d”uvre’.
En deuxième lieu, s’agissant de la société Transavia, si l’appelant soutient que la convention de mutation temporaire lui a permis d’éluder les règles du licenciement et celles relatives aux cas de recours au contrat à durée déterminée, la cour relève que celle-ci n’a pas été appelée dans la cause et qu’aucune requalification du contrat n’est sollicitée à son égard.
En troisième lieu, s’agissant de la société Air France, il ne ressort d’aucune pièce du dossier une obligation d’évolution du personnel ayant obtenu le CFS vers un poste de PNC en son sein dans un délai déterminé et il ressort des termes mêmes du préambule de l’accord de janvier 2013 précité, qui a recueilli l’assentiment des organisations syndicales, que l’entreprise rencontrait alors une situation économique très difficile avec des sureffectifs de PNC et que l’objet de l’accord sur l’organisation d’une mutation temporaire était au premier chef de permettre à des agents travaillant au sol d’être engagés immédiatement en qualité de PNC au sein de la société Transavia et de conserver ainsi le bénéfice de leur Certificat de Formation à la Sécurité (CFS) désormais soumis à une durée de validité, avant de revenir dans un délai fixé entre 2 ans et demi et 5 ans au sein d’Air France avec leur nouvelle qualification.
Enfin, comme le rappelle le Conseil de prud’hommes dans son jugement, si l’appelant soutient avoir fait l’objet de conditions sociales moins favorables qu’elles ne l’auraient été sous le régime du détachement, le salarié, qui ne relevait pas de ce régime, a expressément consenti à la mutation, a bénéficié d’un système de compensation (primes d’accompagnement prévues par l’accord) face à la perte éventuelle de rémunération et d’un positionnement sur un emploi de personnel navigant commercial, en conservant l’ancienneté acquise chez Transavia, lors de sa réintégration chez Air France.
Ainsi, la fraude à ses droits invoquée par l’appelant n’est pas plus établie.
Sur le non-respect de la priorité d’affection de le salarié en qualité de PNC au sein d’Air France
M. [E] fait valoir qu’après avoir été sélectionné par le Service Recrutement Sélection Redéploiement, il a dû attendre deux ans avant de pouvoir intégrer des fonctions de PNC, non pas au sein de la société Air France, mais au sein de la société Transavia dans des conditions de travail bien moins avantageuses et attendre au total plus de 6 ans pour exercer en qualité de PNC au sein de la société Air France. Il considère cette attente exagérée, d’autant que la société Air France a préféré procéder à de nombreux recrutements externes, alors même que le personnel au sol volontaire, dont il faisait partie, remplissait toutes les conditions requises à l’exercice des fonctions de PNC. Considérant avoir perdu une chance d’être recruté en qualité de PNC dès l’année 2012 en application de la convention collective nationale du personnel au sol, de la convention collective PNC et de l’accord GPEC applicables, il invoque un préjudice financier à hauteur de 20 000 euros.
Au soutien de cette demande, il produit un article du Point du 28 septembre 2011 mentionnant le lancement à [Localité 5] d’une base de province ouverte par la société Air France avec l’affectation de 230 PNC, un article de Webtime médias du 18 mai 2015 mentionnant la fermeture de la base de [Localité 6] ouverte en avril 2012 et deux mails des 26 août 2011 et 12 octobre 2011 de Mme [V] du service carrières et emplois PNC mentionnant : ‘Dans le cadre de la mise à jour de vos dossiers de sélection PS/PN, nous vous sollicitons afin de savoir si vous accepteriez une affectation sur une Base de Province, pour votre mise en ligne en tant que PNC.’ Il vise également plusieurs dispositions des accords d’entreprise sur la mobilité interne.
Toutefois, comme le relève l’intimée, la convention d’entreprise du PNC ne pouvait s’appliquer à l’appelant puisqu’avant son transfert dans la société Transavia, il exerçait les fonctions de personnel au sol.
En outre, l’appelant ne justifie pas de la date exacte à laquelle il a obtenu le certificat lui permettant d’accéder aux fonctions de PNC et en tout état de cause, l’avis de sélection “Personnel Navigant Commercial” du 15 novembre 2010 précisait expressément qu’en cas de réussite à la sélection, les postes seraient à pourvoir “en fonction des besoins de l’entreprise”, la société Air France ne s’étant engagée sur aucun délai auprès des salariés passant les sélections, étant également rappelé que le préambule de l’accord de janvier 2013 mentionnait la situation économique difficile de l’entreprise avec un sureffectif de salariés PNC.
Enfin, alors qu’il produit un tract de la CGT du 25 décembre 2012 mentionnant que ‘la direction avait déjà fait une offre aux agents du vivier (PS ayant obtenu leur certificat) pour les bases provinces et beaucoup ont accepté mais bizarrement aucun n’a vu son souhait honoré’, il ne justifie ni avoir répondu au mail susvisé de Mme [V], ni s’être porté candidat pour un poste de PNC en province, qui lui aurait été refusé.
La demande au titre du non respect de la priorité d’affectation sera donc rejetée.
Sur l’inadéquation entre la classification au poste de PNC et l’expérience acquise en qualité de Personnel au Sol et en qualité de PNC chez Transavia
L’appelant soutient que le métier exercé en qualité de personnel au sol et celui ensuite exercé en qualité de personnel navigant commercial comportent beaucoup de similitudes, de sorte que la classe retenue lors de son intégration en qualité de PNC au sein de la société Air France ne correspond nullement à ses compétences et à la qualité du travail fourni. Par conséquent, il demande la condamnation de la société Air France à le placer en 2ème classe depuis le 1er décembre 2016 pour tenir compte de l’expérience acquise au sein de la Compagnie, avec un rappel de salaires ou, subsidiairement, des dommages et intérêts pour exécution déloyale du contrat de travail.
La société Air France fait valoir, à juste titre, que les fonctions de personnel au sol et de personnel naviguant cabine (PNC) diffèrent tant dans les tâches qui doivent être réalisées que dans les qualifications requises, même si dans ces deux postes le salarié est en contact avec la clientèle et promeut les produits et services de l’entreprise. Ainsi, une expérience de plusieurs années en tant que personnel au sol ne peut permettre d’acquérir des compétences semblables à un salarié PNC ayant réalisé plusieurs centaines d’heures de vol.
De plus, l’appelant a bénéficié lors de sa réintégration au sein de la société Air France d’une classe correspondant à son expérience acquise au sein de la société Transavia en tant que PNC avec l’attribution de la classe 4, et non de la classe “Adaptation” prévue pour le personnel au sol devenant PNC au sein de la société Air France (selon l’accord “TransForm 2015 Personnel au Sol” du 6 juillet 2012).
Il apparaît également que l’expérience acquise dans le cadre des anciennes fonctions de personnel au sol a été valorisée au titre de l’ancienneté administrative puisque l’appelant a été réintégrée à son retour de Transavia à l’échelon 5.
Enfin, le salarié, qui rappelle à juste titre que l’acceptation d’un poste ne vaut pas acquiescement à la qualification donnée par l’employeur, laquelle dépend uniquement des fonctions réellement exercées, n’apporte pas d’élément justifiant qu’il relèverait de la 2ème classe dont il demande le bénéfice.
Les demandes de changement de classe et de rappel de salaire seront donc rejetées.
Subsidiairement, le salarié demande l’indemnisation du préjudice subi du fait de l’exécution déloyale du contrat de travail par la société Air France, liée à l’absence d’information sur les conditions de son retour en qualité de PNC en son sein.
Il expose que lorsque la société Air France a diffusé un avis de sélection au métier de PNC le 15 novembre 2010, l’ancienneté administrative et le coefficient hiérarchique acquis en qualité de PS étaient valorisés dans le métier de PNC (article 3 du chapitre 1 du titre II de la convention du personnel au sol de 2006 dans sa version applicable jusqu’au 31.12.2012) ; que par la suite, la société Air France a conclu un accord de méthode le 6 juillet 2012, dit «TransForm 2015 Personnel au Sol» qui lui a permis d’insérer une clause intitulée “Garantie pour le Personnel au sol devenant Personnel Navigant Commercial” précisant désormais que lors d’une affectation d’un personnel sol vers le métier de PNC l’intégration se faisait à l’échelon compagnie correspondant à l’ancienneté PS acquise et au sein de la classe “Adaptation” avec une garantie annuelle de rémunération par application de primes biseaux ; que la révision de la convention du personnel au sol intervenue le 8 octobre 2012 ne mentionnait plus de disposition spécifique au personnel au sol devenant PNC ; que l’accord sur l’organisation de “mutations Groupe” temporaire signé le 21 janvier 2013, après l’entrée en vigueur de la révision de la convention du personnel au sol de 2006, ne fait aucune mention des conditions de retour des salariés au sein de la société Air France ; que si cette dernière a communiqué à chaque salarié les incidences de cette révision par un courrier du 20 février 2013 et a établi des fiches synthétiques “Projet Accord Personnel Sol – Ce qu’il faut retenir…” portant sur un certain nombre de thèmes (rémunération, temps de travail…), à aucun moment, elle n’évoque la particularité du personnel au sol ayant vocation à devenir PNC ; enfin que son avenant de suspension du contrat de travail avec la société Air France ne fait aucune mention des conditions de retour.
Il considère donc que c’est dans l’ignorance totale de ses conditions précises de retour au sein de la société Air France qu’il a accepté d’intégrer la société Transavia, ce qui justifie l’indemnisation de son préjudice à hauteur de 15 000 euros.
La société Air France conteste toute exécution de mauvaise foi du contrat de travail, en soutenant notamment que l’appelant a librement choisi de suivre une formation afin d’obtenir un diplôme en vue de faire évoluer sa carrière professionnelle et qu’il ne peut lui être reproché de ne pas avoir anticipé la crise économique, laquelle a impacté le nombre d’embauches de PNC et que l’intégration temporaire au sein de la société Transavia France, afin d’éviter la perte du bénéfice du CFS, était accompagnée d’une période probatoire de quatre mois lui permettant de prendre connaissance des modalités d’organisation de cette mutation.
Plus précisément sur les modalités du retour au sein de la société Air France, si effectivement l’accord collectif de janvier 2013 et les contrats signés par le salarié ne mentionnent pas la classe et l’échelon qui lui seront attribués lors de sa réintégration, l’article 8 de l’accord précise que la période d’activité à Transavia sera prise en compte “pour tous les droits liés à l’ancienneté administrative” et l’article 1.3 de la convention d’entreprise des PNC précise que les échelons sanctionnent l’ancienneté administrative dénommée également “ancienneté Compagnie”.
Comme précédemment développé, l’ancienneté administrative du salarié a bien été prise en compte lors de sa réintégration au sein de la société Air France.
Par ailleurs, l’application d’un accord collectif aux contrats de travail ne signifie pas que les dispositions de l’accord s’incorporent au contrat de travail et l’appelant ne disposait donc pas d’un droit acquis aux conditions prévues par les accords collectifs afférents au PNC en vigueur au jour de sa sélection ou de sa mutation, la société intimée ajoutant, sans être contredite, que l’accord collectif ‘Transform 2015’ a été signé par plusieurs organisations syndicales le 15 mars 2013.
Il en découle que la société Air France a appliqué au salarié les dispositions des accords d’entreprise dans leur version en vigueur lors de son retour en son sein le 1er décembre 2016 en qualité de PNC et a tenu compte de son ancienneté acquise en qualité de PS.
Aucune exécution déloyale n’est dès lors avérée.
Sur les demandes accessoires
Il n’est pas inéquitable de laisser à chaque partie la charge de ses frais irrépétibles, l’appelant supportant en revanche les dépens d’appel.
PAR CES MOTIFS
La COUR, statuant publiquement, par arrêt contradictoire, mis à disposition au greffe,
CONFIRME le jugement dans toutes ses dispositions ;
Y ajoutant :
DIT n’y avoir lieu à condamnation au titre de l’article 700 du code de procédure civile en cause d’appel ;
CONDAMNE l’appelant aux dépens d’appel.
La greffière, La présidente.