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Grosses délivréesREPUBLIQUE FRANCAISE
aux parties le :AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
COUR D’APPEL DE PARIS
Pôle 5 – Chambre 2
ARRET DU 14 JANVIER 2011
(n° 003, 5 pages)
Numéro d’inscription au répertoire général : 09/02809.
Décision déférée à la Cour : Jugement du 16 Décembre 2008 – Tribunal de Commerce de BOBIGNY 5ème Chambre – RG n° 2006F01794.
APPELANTE :
Société de droit italien BRUNI GLASS SPA nouvelle dénomination de la Société VETRERIE BRUNI SPA
prise en la personne de ses représentants légaux,
ayant son siège social [Adresse 2] (ITALIE),
représentée par la SCP BASKAL CHALUT-NATAL, avoués à la Cour,
assistée de Maître Béatrice MOREAU-MARGOTIN plaidant pour le Cabinet KARSENTY & Associés, avocat au barreau de PARIS, toque R 156.
INTIMÉE :
S.A.S SAVERGLASS anciennement dénommée Société AUTONOME DE VERRERIES
prise en la personne de ses représentants légaux,
ayant son siège [Adresse 1],
représentée par la SCP FISSELIER-CHILOUX-BOULAY, avoués à la Cour,
assistée de Maître Eric BACNELERIE plaidant pour le Cabinet BAYLE & Associés, avocat au barreau de PARIS, toque : P 398.
COMPOSITION DE LA COUR :
En application des dispositions des articles 786 et 910 – 1er alinéa du Code de procédure civile, l’affaire a été débattue le 24 novembre 2010, en audience publique, devant Monsieur GIRARDET, Président, magistrat chargé du rapport, les avocats ne s’y étant pas opposés.
Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :
Monsieur GIRARDET, président,
Madame DARBOIS, conseillère,
Madame NEROT, conseillère.
Greffier lors des débats : Monsieur NGUYEN.
ARRET :
Contradictoire,
– prononcé publiquement par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du Code de procédure civile.
– signé par Monsieur GIRARDET, président, et par Monsieur NGUYEN, greffier présent lors du prononcé.
La société Saverglass, spécialisée dans la fabrication de verres creux, notamment de bouteilles, est titulaire du modèle communautaire n° 2 159 00-0001, constitué d’une bouteille, dénommée AXEL, qu’elle dit avoir créée, présentant un corps conique à quatre faces, avec des arrêtes fortement marquées, un col cylindrique et rectiligne, une épaule quasi horizontale et une semelle épaisse.
Estimant que la bouteille dénommée CONTESSA que commercialisait la société de droit italien Bruni, constituait la contrefaçon de ses droits de dessins et modèles et de ses droits d’auteur, elle a assigné cette dernière devant le tribunal de commerce de Bobigny lequel, par jugement en date du 16 décembre 2008, a accueilli l’action en contrefaçon et condamné la société Bruni à verser à la société Saverglass la somme de 50 000 euros à titre de dommages et intérêts, prononcé la mesure d’interdiction d’usage et ordonné la publication, sous diverses formes, du jugement déféré, le tout avec exécution provisoire.
Vu les dernières écritures en date du 18 novembre 2010 de la société Bruni qui sollicite l’annulation du modèle communautaire et la constatation de son défaut d’originalité, avant de conclure, à titre subsidiaire, à l’absence de contrefaçon et à la condamnation de l’intimée à lui verser la somme de 300 000 euros de dommages et intérêts pour procédure abusive ;
Vu les dernières écritures de la société Saverglass en date du 14 octobre 2010 qui demande à la cour de confirmer la décision déférée en ce qu’elle a retenu la contrefaçon mais de porter à la somme de 100 000 euros le montant des dommages et intérêts et, à titre subsidiaire dans l’hypothèse où la cour rejetterait l’action en contrefaçon, de condamner l’appelante à verser la même somme au titre de la concurrence déloyale ;
SUR CE,
Sur la validité du modèle communautaire et le caractère original du modèle AXEL :
Considérant qu’aux termes des articles 4, 5 et 6 du Règlement (CE) n°6/ 2002 du 12 décembre 2001, la protection d’un dessin et modèle n’est due qu’à un modèle nouveau – c’est-à-dire qu’aucun dessin ou modèle identique ne doit avoir été précédemment divulgué au public -, qui présente un caractère individuel, c’est-à-dire qu’il doit produire sur l’utilisateur averti une impression différente de celle produite sur celui-ci par les dessins et modèles préexistants ;
Considérant que pour conclure à l’annulation du modèle Axel, la société Bruni expose que le modèle Quadra Elite commercialisé depuis l’année 2000 présente également une semelle en verre épaisse, un épaississement du verre en partie basse de la bouteille, un col long sur un corps conique à quatre faces et des arrêtes fortement dessinées, en sorte qu’il produit une même impression visuelle d’ensemble que le modèle Axel ; qu’elle fait également état du modèle international DM/06 3101 déposé le 7 mars 2003 qui reprend, selon elle, les mêmes caractéristiques que celles précitées et du modèle international DM/ 19685-1 et anglais n° 20 14990 déposé en 1994, doté pareillement d’un col long, d’un corps conique, d’arrêtes fortement dessinées ; qu’elle ajoute que le modèle Vecchia Era qui date de 1994, distribué depuis 1995, et le modèle Assiria de 1996, présenté notamment au catalogue 2003 de la société Bormioli Roccao E Figlio et commercialisé en 2003, comportent un corps conique, une base nettement rectangulaire, des arrêtes fortement dessinées, un col cylindrique droit et une épaule horizontale ;
Que ces modèles priveraient de nouveauté, du moins de caractère individuel le modèle Axel ;
Considérant, ceci exposé, que le modèle communautaire a été enregistré à l’OHMI le 13 août 2004, sa publication étant intervenue le 19 octobre suivant ;
Qu’aucune des antériorités invoquées ne présente l’ensemble des caractéristiques du modèle AXEL ; que bien plus, chacune d’elles se différencie de ce dernier par des éléments qui ne sont pas des détails insignifiants ;
Qu’en effet le modèle Quadra Elite, à supposer qu’il fût commercialisé avant le modèle Axel et qu’il soit pourvu d’une semelle épaisse, ce que les documents produits ne permettent pas de discerner avec certitude, est en tous cas doté de pans coupés ;
Que les modèles Vecchia et Assiria sont tous deux dépourvus de semelle épaisse, ne présentent pas un épaississement du verre en partie basse et sont surmontés d’un col court et non pas long comme dans le modèle Axel, en sorte que l’impression d’ensemble faite sur un utilisateur averti est différente ;
Que le modèle de bouteille enregistré DM /063101 montre des figures trop sommaires (4.1 et 4.2) pour pouvoir être analysées, étant observé qu’aucun exemplaire de cette bouteille n’est produit aux débats ;
Que le modèle international n° DM / 1985 -1 et anglais n° 201499 donne à voir non pas des arrêtes mais des pans coupés, et une semelle qui n’apparaît pas être épaisse ;
Considérant qu’il suit que dans un domaine où les impératifs fonctionnels et techniques sont nombreux, les modèles de bouteilles se différencient entre eux par des éléments précis, parfois limités, et définis avec soin, en sorte que la bouteille Axel ne peut que produire sur l’utilisateur averti une impression visuelle différente des antériorités précitées ;
Considérant par ailleurs que le modèle Axel reflète, par le caractère très élancé de sa forme d’ensemble combiné à l’épaisseur de sa semelle, l’empreinte de la démarche personnelle de son auteur ;
Que partant, il est éligible à la protection du droit d’auteur ;
Sur la contrefaçon :
Considérant que le modèle incriminé, dénommé CONTESSA, présente certes, comme le modèle Axel, un corps conique, un col cylindrique et rectiligne, une épaule horizontale, une semelle épaisse et un épaississement du verre en partie basse ;
Considérant toutefois, qu’outre une base carrée et non pas rectangulaire, il se différencie par des côtés nettement bombés, des arrêtes et une épaule moins marquées, légèrement arrondies, et par un col plus élancé ;
Considérant que dans un domaine où, comme indiqué plus haut, les différences résident dans des caractéristiques circonscrites, le modèle Contessa produira sur l’utilisateur averti une impression visuelle globale différente de celle produite par le modèle Axel ;
Considérant que l’absence de reprise des caractéristiques essentielles de l”uvre, telles que les arrêtes vives et les côtés droits et planaires, exclut pareillement que la bouteille litigieuse puisse porter atteinte aux droits d’auteur de l’intimée ;
Que la décision sera en conséquence infirmée en ce qu’elle a accueilli l’action en contrefaçon ;
Sur la concurrence déloyale :
Considérant que la société Saverglass invoque à ce titre d’autres procédures dans lesquelles l’appelante a été condamnée pour contrefaçon, et le fait que la semelle caractérisant le modèle aurait été reprise à l’identique par le modèle litigieux ;
Mais considérant que l’existence de précédentes contrefaçons n’est à l’évidence pas susceptible de caractériser un acte de concurrence déloyale pas plus que ne peut l’être la reprise d’une semelle évocatrice de celle des pots lyonnais, d’autant qu’il n’est ni démontré ni même soutenu que la reprise de la semelle de la bouteille Axel soit de nature à générer un risque de confusion ;
Que la décision entreprise sera confirmée en ce qu’elle a rejeté la demande de concurrence déloyale ;
Sur les demandes reconventionnelles pour procédure abusive et les frais irrépétibles :
Considérant que la société Saverglass, titulaire de droits exclusifs sur la bouteille Axel, a pu se méprendre sur l’exacte portée de ceux-ci en incriminant la bouteille Contessa, sans que l’action engagée dans le cadre de la présente instance puisse être imputée à une intention de nuire ;
Qu’il en va de même de la saisie-contrefaçon dont la société Bruni n’établit pas que les conditions dans lesquelles elle a été opérée aient affecté son image et sa réputation auprès de la clientèle présente au salon.
Considérant en revanche que l’équité commande de condamner la société Saverglass à verser à la société Bruni la somme de 18 000 euros au titre des frais irrépétibles.
PAR CES MOTIFS,
Infirme en toutes ses dispositions la décision déférée sauf en ce qu’elle a rejeté la demande d’annulation du modèle communautaire et l’action en concurrence déloyale,
Statuant à nouveau et y ajoutant,
Déboute la société Saverglass de ses demandes,
Rejette la demande de dommages et intérêts de la société Bruni pour procédure abusive,
Condamne la société Saverglass à verser à la société Bruni la somme de 18 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile et à supporter les entiers dépens qui seront recouvrés dans les formes de l’article 699 du même code.
Le greffier,Le Président,