Présentateur : 16 novembre 1999 Cour de cassation Pourvoi n° 96-17.664

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Présentateur : 16 novembre 1999 Cour de cassation Pourvoi n° 96-17.664

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, FINANCIERE ET ECONOMIQUE, a rendu l’arrêt suivant :

Sur le pourvoi formé par la société PT Insansandang Internusa, société de droit indonésien, dont le siège est J1, Putri n 3, Nandung 40262 (Indonésie),

en cassation d’un arrêt rendu le 10 mai 1996 par la cour d’appel de Paris (5e chambre, section C), au profit de la société Bank Ekspor Impor Indonesia, société de droit indonésien, dont le siège est 1, Jalan Lapangan Setasium, Jakarta (Indonesie), et ayant établissement …, 75008 Paris,

défenderesse à la cassation ;

La demanderesse invoque, à l’appui de son pourvoi, le moyen unique de cassation annexé au présent arrêt ;

LA COUR, composée selon l’article L. 131-6, alinéa 2, du Code de l’organisation judiciaire, en l’audience publique du 5 octobre 1999, où étaient présents : M. Dumas, président rapporteur, M. Poullain, Mme Lardennois, conseillers, M. Jobard, avocat général, Mme Moratille, greffier de chambre ;

Sur le rapport de M. Dumas, président, les observations de Me Choucroy, avocat de la société PT Insansandang Internusa, de Me Balat, avocat de la société Bank Ekspor Impor Indonesia, les conclusions de M. Jobard, avocat général, et après en avoir délibéré conformément à la loi ;

Sur le moyen unique, pris en ses huit branches :

Attendu, selon l’arrêt attaqué (Paris, 10 mai 1996), que la société Insansandang a engagé contre la société Bank Ekspor Impor Indonesia (banque Eksim) une action en responsabilité lui reprochant l’inexécution fautive d’un crédit documentaire consenti par elle ; que la banque a invoqué la non-conformité des documents reçus par rapport aux prévisions de la lettre de crédit, le connaissement faisant apparaître un transbordement non autorisé des marchandises, et la police d’assurance subordonnant son effectivité à une ancienneté de moins de vingt-cinq ans des navires utilisés pour le transport, condition qui n’a pu être vérifiée ;

Attendu que la société Insansandang fait grief à l’arrêt du rejet de sa demande, alors, selon le pourvoi, d’une part, que le connaissement litigieux précise que la marchandise devait être transportée depuis Jakarta jusqu’à Istanbul, lieu de livraison, dans deux conteneurs identifiés DSRU 8238074/312906 et SENU 2007682/312907 ;

qu’en affirmant néanmoins que ce connaissement ne préciserait pas que les marchandises sont transportées du lieu de prise en charge au lieu de destination finale dans le même conteneur et sous couvert d’un seul et même document de transport, la cour d’appel a dénaturé les termes clairs et précis de ce connaissement, en violation de l’article 1134 du Code Civil ; alors, d’autre part, que l’article 29-c-3 des règles et usances uniformes relatives aux crédits documentaires (révision de 1983), seules applicables en l’espèce, précise que « même si le transbordement est interdit par les conditions du crédit, les banques accepteront tout document de transport qui ( … ) stipule ou indique que les marchandises sont transportées en conteneur(s) ( … ) et qu’elles seront transportées du lieu de prise en charge au lieu de destination finale dans le(s) même(s) conteneur(s) ( … ), sous couvert d’un seul et même document de transport » ; qu’en affirmant que ces dispositions seraient inopérantes dès lors que le transbordement opéré ne résulterait pas d’un droit que se réservait le transporteur mais d’une demande de l’expéditeur, la cour d’appel a ajouté à la disposition susvisée, qu’elle a, par suite, méconnue ;

alors, en outre, que les télex en date des 3 décembre 1992 et 15 décembre 1992 énoncent expressément, après avoir fait état de désaccords relatifs à l’absence d’autorisation de transbordement et au fait que la police d’assurance ne serait pas valable pour les cargaisons transportées par des navires de plus de 25 ans d’âge, que le bénéficiaire « acceptera les documents tels que présentés » à réception « d’une attestation concernant l’âge des deux navires » ; qu’il en résultait une renonciation à se prévaloir, à tout le moins, de l’irrégularité tenant à l’existence d’un transbordement ; qu’en décidant du contraire, la cour d’appel a dénaturé ces télex et violé l’article 1134 du Code civil ; alors, de plus, que la société Insansandang faisait valoir, dans ses conclusions d’appel signifiées le 4 août 1995, que la banque Eksim avait méconnu l’article 10-d des règles et usances en ajoutant aux stipulations du crédit documentaire par l’exigence d’un document supplémentaire, un certificat attestant l’âge des bateaux ; qu’en s’abstenant de répondre à ce chef des conclusions, la cour d’appel a violé l’article 455 du nouveau Code de procédure civile ; alors, de surcroît, que l’article 39 des règles et usances dispose que « lorsqu’un crédit stipule « assurance contre tous risques » les banques accepteront un document d’assurance contenant n’importe quelle clause ou annotation « tous risques », que le titre en soit ou non « tous risques », même s’il indique que certains risques sont exclus, sans assumer aucune responsabilité pour tout risque non couvert » ; qu’en décidant que le bénéficiaire ne pouvait invoquer cette disposition pour soutenir la régularité du certificat d’assurance produit, lequel comportait une clause « tous risques », la cour d’appel a violé la disposition sus-visée ;

alors, au surplus, qu’il résulte des termes clairs et précis du télex en date du 15 décembre 1992 émanant de la banque Eksim que le donneur d’ordre avait, antérieurement à cette date, reçu une attestation, laquelle, après avoir visé les deux navires Wana Bhum et German Senator énonçait : « Le navire n’a pas plus de 25 (vingt-cinq) ans d’âge à la date de chargement » ; qu’en affirmant néanmoins qu’il ne serait pas démontré que la justification a été produite avant l’expiration du délai d’exécution prévu pour le crédit documentaire, soit le 21 décembre 1992, la cour d’appel a dénaturé les documents sus-visés et violé l’article 1134 du Code civil ; alors, encore, qu’en toute hypothèse, l’article 16-e des règles et Usances dispose que « si la banque émettrice n’agit pas conformément aux dispositions des paragraphes c et d du présent article et/ou ne tient pas les documents à la disposition du présentateur ou ne les lui retourne pas, la banque émettrice ne pourra plus faire valoir que les documents ne sont pas conformes aux conditions du crédit » ; qu’en se bornant dès lors, pour écarter toute renonciation de la banque émettrice à se prévaloir d’un défaut de conformité des documents, à énoncer que les télex des 3 et 15 décembre 1992 dénonçaient des « irrégularités », sans constater que celle-ci avait agi conformément aux dispositions des paragraphes c et d de l’article 16 des règles et usances, notamment en indiquant au présentateur, dans la notification d’un refus des documents, que ceux-ci étaient tenus à sa disposition ou lui étaient retournés, la cour d’appel n’a pas justifié l’arrêt attaqué au regard des dispositions susvisées ; et alors, enfin, qu’il appartenait à la banque Eksim d’établir qu’elle s’était libérée de l’obligation, mise à sa charge par l’article 16 des règles et usances, de mettre immédiatement les documents à la disposition du présentateur ou de les lui retourner ; qu’en décidant du contraire, la cour d’appel a violé cette dernière disposition, ainsi que l’article 1315 du Code civil ;

Mais attendu, en premier lieu, qu’en raison de l’ambiguïté de ses formulations, le connaissement litigieux suppose interprétation pour déterminer si étaient réunies, en l’espèce, les conditions énoncées par le paragraphe III de l’article 29 (C) des règles et usances, auxquelles était, conventionnellement, soumis le crédit documentaire litigieux, pour que dans le cas où « le transbordement est interdit par les conditions du crédit, les banques » soient, néanmoins, tenues d’accepter « tout document de transport qui… indique que les marchandises sont transportées en conteneur(s),… et qu’elles seront transportées du lieu de prise en charge au lieu de destination finale dans le(s) même(s) conteneur(s), sous couvert d’un seul et même document de transport » ; que c’est, dès lors, après avoir apprécié souverainement ce connaissement que la cour d’appel a estimé que faute d’indication de l’ensemble des modalités de transport précitées, il ne pouvait être dérogé à l’interdiction conventionnelle de transbordement ; qu’elle a, ainsi, statué, hors dénaturation du connaissement, ni des télex, qui n’emportaient pas renonciation à se prévaloir de l’irrégularité évoquée, sans méconnaître le texte précité ;

Attendu, en second lieu, que c’est sans méconnaître l’article 39 des règles et usances cité au moyen, qui prévoit l’admissibilité d’un « document d’assurance » indiquant « que certains risques sont exclus », mais non celle d’une assurance soumise au jeu d’une condition non vérifiée, que la cour d’appel a retenu que la condition d’une ancienneté des navires transportant les marchandises inférieure à vingt ans n’a pu être vérifiée par la banque dans le délai de validité du crédit, des affirmations par télex émanant du bénéficiaire du crédit ne pouvant suppléer les documents probants à cet égard ; qu’elle a statué ainsi hors dénaturation, en répondant aux conclusions prétendument omises, sans inverser la charge de la preuve, et sans avoir à relever des manquements de la banque à l’article 16-e des règles et usances, dès lors qu’elle a constaté que c’est le bénéficiaire du crédit qui a, par ses omissions de production des documents promis par lui, laissé s’écouler le délai de validité du crédit ;

D’où il suit que le moyen n’est fondé en aucune de ses branches ;

 


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