Présentateur : 3 mai 2018 Cour de cassation Pourvoi n° 15-26.273

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Présentateur : 3 mai 2018 Cour de cassation Pourvoi n° 15-26.273
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COMM.

IK

COUR DE CASSATION
______________________

Audience publique du 3 mai 2018

Rejet

Mme MOUILLARD, président

Arrêt n° 375 F-D

Pourvoi n° T 15-26.273

R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, FINANCIÈRE ET ÉCONOMIQUE, a rendu l’arrêt suivant :

Statuant sur le pourvoi formé par la société Prologue, société anonyme, dont le siège est […]                                                     ,

contre l’arrêt rendu le 10 septembre 2015 par la cour d’appel de Paris (pôle 5, chambre 5-7), dans le litige l’opposant :

1°/ à l’Autorité des marchés financiers, dont le siège est […]                                      ,

2°/ à la société O2I, société anonyme, dont le siège est […]                                       ,

3°/ au procureur général près la cour d’appel de Paris, domicilié […]                                          ,

défendeurs à la cassation ;

La demanderesse invoque, à l’appui de son pourvoi, le moyen unique de cassation annexé au présent arrêt ;

Vu la communication faite au procureur général ;

LA COUR, en l’audience publique du 6 mars 2018, où étaient présents : Mme Mouillard, président, M. X…, conseiller référendaire rapporteur, Mme Riffault-Silk, conseiller doyen, Mme Arnoux, greffier de chambre ;

Sur le rapport de M. X…, conseiller référendaire, les observations de la SCP Célice, Soltner, Texidor et Périer, avocat de la société Prologue, de la SCP Ohl et Vexliard, avocat de l’Autorité des marchés financiers, l’avis de Mme Y…, avocat général, et après en avoir délibéré conformément à la loi ;

Attendu, selon l’arrêt attaqué (Paris, 10 septembre 2015), que le 9 décembre 2014, la société Invest Securities, agissant comme établissement présentateur pour le compte de la société Prologue, a déposé auprès de l’Autorité des marchés financiers (l’AMF) un projet d’offre publique d’échange visant la totalité des actions, les obligations convertibles (les OC) et les bons de souscription et/ou d’acquisition d’actions remboursables (les BSAAR) de la société O2i ; que cette offre consistait, d’une part, en un échange de ces actions et de ces OC contre des actions à émettre par la société Prologue, à raison de trois actions Prologue contre deux actions O2i et 3 actions Prologue contre 2 OC O2i, et, d’autre part, en un achat de ces BSAAR au prix de 0,05 euro l’unité ; que la société Prologue avait précédemment, par communiqué du 15 octobre 2014, annoncé avoir conclu des engagements d’apport avec certains actionnaires de la société O2i, représentant 16 % du capital de celle-ci ; que sur requête de la société Prologue, le président d’un tribunal de grande instance a, par ordonnance du 17 décembre 2014, désigné un commissaire aux apports, qui a déposé son rapport le 9 janvier 2015, suivi d’un rapport complémentaire le 20 mars 2015 ; que le conseil d’administration de la société Prologue a, le 19 décembre 2014, désigné le cabinet Ricol Lasteyrie Corporate Finance (le cabinet RLCF) comme expert indépendant ; que le cabinet RLCF a remis deux rapports, en date des 24 février et 12 mars 2015, par lesquels il a conclu que l’offre n’était pas équitable d’un point de vue financier pour les porteurs de titres de la société O2i ; que le 25 février 2015, le conseil d’administration de la société O2i a émis un avis défavorable au projet d’offre publique de la société Prologue ; que par décision n° 215C0390 du 2 avril 2015, l’AMF a déclaré ce projet non conforme aux dispositions législatives et réglementaires applicables ; que la société Prologue a formé un recours contre cette décision et une demande de paiement de dommages-intérêts contre l’AMF ;

Sur le moyen unique, pris en sa première branche :

Attendu que la société Prologue fait grief à l’arrêt de rejeter son recours et sa demande de dommages-intérêts alors, selon le moyen, qu’il résulte de l’article 231-21, 5° du règlement général de l’AMF, que lorsqu’elle apprécie la conformité d’un projet d’offre publique aux dispositions législatives et réglementaires qui lui sont applicables, l’Autorité des marchés financiers n’est exceptionnellement fondée à se prononcer sur les conditions financières de l’offre, au regard notamment du rapport de l’expert indépendant et de l’avis motivé du conseil d’administration de la société cible, que « dans les cas prévus à l’article 261-1 », notamment, selon le 5° de l’article 261-1, « lorsque l’offre porte sur des instruments financiers de catégories différentes et est libellée à des conditions de prix susceptibles de porter atteinte à l’égalité entre les actionnaires ou les porteurs des instruments financiers qui font l’objet de l’offre » ; que cette dernière disposition, d’interprétation stricte, ne peut s’appliquer qu’à des offres emportant, pour chacune des catégories d’instruments financiers visées, le paiement d’un « prix », c’est-à-dire d’une contrepartie en numéraire, et non une contrepartie en nature ; que tel n’était pas le cas de l’offre de la société Prologue qui, ainsi que le relève la cour d’appel, consistait, d’une part, en un échange de deux actions O2i contre trois actions Prologue et de deux obligations convertibles en actions (OC) contre trois actions Prologue et, d’autre part, en un achat de bons de souscription et/ou d’acquisition d’actions remboursables (BSAAR) de la société O2i à raison de 0,05 € l’unité, une telle offre n’étant de nature à engendrer aucun risque d’inégalité de traitement en termes de prix entre les porteurs de ces différentes catégories d’instruments financiers, seule une catégorie d’entre-eux – les porteurs de BSAAR – se voyant proposer le versement d’un prix ; qu’en jugeant néanmoins qu’une telle offre relevait des dispositions de l’article 261-1,5° du règlement général de l’AMF, au motif inopérant que ce texte concerne les offres d’acquisition et n’est donc pas limité aux seules offres publiques d’achat, la cour d’appel a violé l’article L 433-1 du code monétaire et financier et les articles 261-1, I, 5° et 231-21 du règlement général de l’AMF ;

Mais attendu que l’arrêt énonce à bon droit que l’interprétation soutenue par la société Prologue, selon laquelle la désignation d’un expert indépendant ne s’impose qu’à l’égard des seules offres publiques d’achat, est contredite par la lettre même de l’article 261-1 du règlement général de l’AMF, qui vise les offres publiques d’acquisition de façon générale, c’est-à-dire les offres de toute nature et de toutes modalités, que la contrepartie offerte consiste dans le versement d’un prix ou dans la remise de titres selon une parité déterminée, et que son champ d’application n’est, en conséquence, nullement limité aux seules offres publiques d’achat ; que le moyen n’est pas fondé ;

Et sur le moyen, pris en ses deuxième et troisième branches :

Attendu que la société Prologue fait le même grief à l’arrêt alors, selon le moyen :

1°/ que l’expertise indépendante requise par l’article 261-1, 5° du règlement général de l’AMF « lorsque l’offre porte sur des instruments financiers de catégories différentes et est libellée à des conditions de prix susceptibles de porter atteinte à l’égalité entre les actionnaires ou les porteurs des instruments financiers qui font l’objet de l’offre », de même que le contrôle exercé par l’Autorité des marchés financiers sur le projet d’offre, n’ont pas pour finalité de déterminer si l’offre publique est conforme à l’intérêt social de la société cible, ni de se prononcer sur le caractère satisfaisant des conditions de prix ou de parité offertes aux destinataires de l’offre, mais seulement de s’assurer de l’égalité de traitement entre les porteurs des différentes catégories d’instruments financiers sur lesquelles l’offre porte ; qu’il suit de là que la mission de l’expert indépendant et de l’Autorité des marchés financiers doit se limiter à s’assurer de la cohérence des contreparties offertes aux porteurs des différentes catégories d’instruments financiers, pour vérifier que certains d’entre eux ne sont pas avantagés au détriment des autres ; qu’en l’espèce, tout en constatant que l’expert « indépendant » avait été mandaté par le conseil d’administration de la société O2i pour se prononcer sur le caractère équitable de l’opération et sur sa conformité à l’intérêt social, la cour d’appel a considéré que la circonstance que cette dernière mission ne soit pas visée par les textes en cause n’était pas de nature à disqualifier son rapport dès lors qu’il présentait les caractères requis d’une attestation d’équité ; qu’elle a également relevé que « si dans son rapport du 24 février 2015, le cabinet RCLF s’est prononcé sur le caractère équitable de l’offre de la société Prologue pour les seuls actionnaires de la société O2i, il s’est prononcé, dans son rapport du 12 mars 2015, sur le caractère équitable de cette même offre pour les titulaires d’OC et les porteurs de BSAAR de la société O2i », puis a constaté que l’AMF avait fondé sa décision de non-conformité sur le constat que « s’agissant des conditions financières dans lesquelles sont visés les BSAAR et les OC O2I, l’expert indépendant les valorise respectivement à 0,17 € et 2,99 € par l’application de la méthode du modèle binomial pour les BSAAR et de la méthode de la valorisation actuarielle complétée par un modèle Black & Scholes pour la partie optionnelle des OC, soit pour les BSAAR une décote induite par l’offre de 71% et pour les OC une fourchette de décote comprise entre 3% et 41%, tandis que l’établissement présentateur, par une méthode similaire obtient une valeur comprise entre 0,14 € et 0,29 € par BSAAR, soit une décote comprise entre 64% et 83% et assimile les OC O2I aux actions O2I, hors coupon couru » ; qu’en jugeant que l’AMF était fondée à se prononcer sur la conformité aux dispositions législatives et réglementaires du projet d’offre de la société Prologue sur la base des conclusions d’un tel rapport d’expertise, cependant qu’il ressortait de ses propres constatations que l’expert n’avait nullement entrepris de vérifier la cohérence des contreparties offertes aux porteurs des différentes catégories d’instruments financiers, afin de s’assurer que certains d’entre eux n’étaient pas avantagés au détriment des autres , mais s’était plus radicalement prononcé sur le caractère satisfaisant des conditions de parité et de prix offertes aux destinataires de cette offre, en substituant ses propres évaluations des instruments financiers en cause à celles retenues par la société Prologue, la cour d’appel a derechef violé les textes susvisés ;

2°/ que le respect du principe d’égalité de traitement impose d’accorder un traitement égal à toute situation égale ; qu’en l’espèce, la société Prologue faisait valoir que dans le cadre de son offre les actionnaires et les porteurs d’OC étaient traités de manière égale puisque ceux-ci se voyaient proposer la même parité d’échange ; qu’elle rappelait, s’agissant des porteurs de BSAAR, que ceux-ci se voyaient également proposer un traitement qui n’était pas désavantageux par rapport aux autres destinataires de l’offre s’ils étaient placés dans une situation égale, c’est-à-dire en prenant l’hypothèse d’un exercice immédiat des BSAAR les rendant actionnaires ; qu’elle rappelait à cet égard que le prix d’acquisition de trois BSAAR ajouté au prix d’exercice de ces BSAAR représentait 2,35 euros, ce qui correspondait à peu de chose près à la valeur unitaire de l’action O2i retenue dans le cadre de l’OPE (qui était de 2,38 euros), étant rappelé que 3 BSAAR étaient nécessaires pour l’acquisition d’une action O2i ; qu’elle rappelait, surtout, qu’était parfaitement possible, pour les porteurs de BSAAR de les exercer pour souscrire des actions O2i, et bénéficier ainsi des conditions offertes aux porteurs d’actions et d’OC pour le cas où, le cas échéant, ils estimeraient ces conditions plus favorables ; qu’en s’abstenant de répondre à ces conclusions, qui démontraient que les conditions financières étaient essentiellement les mêmes pour tous et que l’offre formulée par la société Prologue ne méconnaissait pas le principe d’égalité de traitement, la cour d’appel a violé l’article 455 du code de procédure civile ;

 


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