Présentateur : 12 mai 2022 Cour d’appel de Nîmes RG n° 21/00848

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Présentateur : 12 mai 2022 Cour d’appel de Nîmes RG n° 21/00848
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ARRÊT N°

N° RG 21/00848 –

N° Portalis DBVH-V-B7F-H6ZF

SL – NR

TJ HORS JAF, JEX, JLD, J. EXPRO, JCP DE NIMES

11 février 2021

RG :18/04533

[M] [U]

C/

S.A. BNP PARIBAS

Grosse délivrée

le 12/05/2022

à Me Philippe HILAIRE-LAFON

à Me Stéphane GOUIN

COUR D’APPEL DE NÎMES

CHAMBRE CIVILE

1ère chambre

ARRÊT DU 12 MAI 2022

APPELANTE :

Madame [I] [M] [U]

née le 11 Août 1963 à GAGRA (Géorgie)

[Adresse 5]

[Localité 2]

Représentée par Me Philippe HILAIRE-LAFON, Plaidant/Postulant, avocat au barreau de NIMES

INTIMÉE :

S.A. BNP PARIBAS BNP PARIBAS,

SA au capital de 2.499.597.122 €, immatriculée au RCS de PARIS sous le n° 662 042 449, dont le siège social est sis [Adresse 1] , prise en la personne de son représentant légal en exercice domicilié es qualité audit siège.

[Adresse 1]

[Localité 3]

Représentée par Me Stéphane GOUIN de la SCP LOBIER & ASSOCIES, Postulant, avocat au barreau de NIMES

Représentée par Me Jean christophe STRATIGEAS de la SELARL CADJI & ASSOCIES, Plaidant, avocat au barreau D’AIX-EN-PROVENCE

COMPOSITION DE LA COUR LORS DES DÉBATS :

Mme Séverine LEGER, Conseillère, a entendu les plaidoiries en application de l’article 805 du code de procédure civile, sans opposition des avocats, et en a rendu compte à la cour lors de son délibéré.

COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DÉLIBÉRÉ :

Mme Marie-Pierre FOURNIER, Présidente

Mme Elisabeth TOULOUSE, Conseillère

Mme Séverine LEGER, Conseillère

GREFFIER :

Mme Nadège RODRIGUES, Greffière, lors des débats et du prononcé de la décision

DÉBATS :

À l’audience publique du 14 Mars 2022, où l’affaire a été mise en délibéré au 12 Mai 2022,

Les parties ont été avisées que l’arrêt sera prononcé par sa mise à disposition au greffe de la cour d’appel ;

ARRÊT :

Arrêt contradictoire, prononcé publiquement et signé par Mme Marie-Pierre FOURNIER, Présidente, le 12 Mai 2022, par mise à disposition au greffe de la Cour

EXPOSE DU LITIGE

Mme [I] [M] [U] est titulaire d’un compte chèques ouvert auprès de la société BNP Paribas à [Localité 4].

Courant avril 2016, Mme [M] [U] a déposé sur internet une annonce proposant à la location saisonnière, sa maison.

Elle a été contactée pour une réservation de 15 jours au mois de mai pour un montant total de 2700 euros.

En règlement de cette location, il lui a été proposé de recevoir un chèque de 11 375 euros tiré sur le compte du Crédit Agricole Île-de-France, le client de la location saisonnière lui demandant de transférer la différence, soit la somme de 8 675 euros sur le compte de son fils.

Mme [M] [U] a procéder à ces opérations mais a été ultérieurement avisée par sa banque du rejet du chèque encaissé au motif de sa fausseté. La contre-passation du chèque a été effectuée par la banque à hauteur de son montant de 11 375 euros.

Après avoir déposé plainte auprès des services de la gendarmerie, Mme [M] [U] a vainement tenté de trouver une solution amiable avec sa banque.

Par acte en date du 31 août 2018, Mme [M] [U] a assigné la société BNP Paribas devant le tribunal de grande instance de Nîmes, aux fins d’obtenir la condamnation de cette dernière, au bénéfice de l’exécution provisoire :

– à lui restituer sous astreinte de 500 euros par jour de retard passé 48 heures de la signification du jugement à intervenir, le chèque original de 11 375 euros,

– à lui payer la somme de 8 675 euros au titre de la contre-passation injustifiée, les frais, agios et pénalités prélevés par la banque par suite du rejet du chèque litigieux,

– à lui payer la somme de 5 000 euros à titre de dommages et intérêts pour exécution déloyale

des conventions,

– à lui payer 5 000 euros à titre de dommages-intérêts pour résistance abusive,

– à lui payer 5 000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile.

Par jugement contradictoire du 11 février 2021, le tribunal judiciaire de Nîmes a :

– débouté Mme [I] [M] [U] de l’intégralité de ses demandes ;

– condamné Mme [I] [M] [U] aux entiers dépens, dont distraction au profit de Maître [O], aux offres de droit ;

– condamné Mme [I] [M] [U] à payer à la société BNP Paribas la somme de 1 000 euros en application de l’article 700 du code de procédure civile ;

– dit n’y avoir lieu à exécution provisoire.

Par déclaration du 1er mars 2021, Mme [M] [U] a interjeté appel de cette décision.

Dans ses dernières conclusions notifiées par voie électronique le 31 mars 2021 auxquelles il sera renvoyé pour un plus ample exposé de ses prétentions et moyens, l’appelante demande à la cour de dire son appel recevable et fondé, de réformer en toutes ses dispositions la décision entreprise et de :

– condamner la BNP Paribas à lui restituer sous astreinte de 500 euros par jour de retard passé 48 heures de la signification de l’arrêt à intervenir, le chèque original de 11 375 euros,

– condamner la BNP Paribas à lui porter et payer à la somme de :

‘ 8 675 euros au titre de la contre-passation injustifiée,

‘ les frais, agios et pénalités prélevés par la banque par suite du rejet du chèque de 11 375 euros,

‘ 5 000 euros à titre de dommages et intérêts pour exécution déloyale des conventions,

‘ 5 000 euros à titre de dommages et intérêts pour résistance abusive,

‘ 5 000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile.

Elle fait valoir que :

– les conditions de mise en oeuvre de la responsabilité contractuelle de la banque sont réunies, cette dernière ayant manqué à ses obligations contractuelles et notamment à son obligation de mise en garde et de vérification du chèque, cette vigilance étant d’autant plus nécessaire que le montant du chèque était important et constituait une opération inhabituelle au sens de l’article 1984 alinéa 1 du code civil ;

– les manquements de la banque étant à l’origine de son préjudice, elle est fondée à solliciter la condamnation de cette dernière à lui verser la somme de 5 000 euros au regard du préjudice matériel et moral qu’elle a subi ;

– la résistance opposée par la banque revêt un caractère abusif justifiant sa condamnation au paiement de la somme de 5 000 euros à titre de dommages-intérêt pour résistance abusive par application de l’article 1240 du code civil.

Dans ses dernières conclusions notifiées par voie électronique le 25 juin 2021 auxquelles il sera également renvoyé, l’intimée demande à la cour de :

– rejeter l’intégralité des prétentions de Mme [M] [U] dirigées à son encontre comme mal fondées,

– rejeter son appel comme mal fondé,

– confirmer le jugement entrepris en toutes ses dispositions,

Y ajoutant,

– condamner Mme [M] [U] à lui payer la somme de 4 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile et aux entiers dépens de l’appel.

Elle soutient que :

– sa responsabilité ne saurait être retenue dès lors qu’elle n’a commis aucune faute ou négligence, contrairement à l’appelante dont la propre négligence avérée a rendu possible le détournement dont elle se prévaut aujourd’hui, le chèque litigieux présentant une régularité formelle apparente conforme aux dispositions de l’article L131-2 du code monétaire et financier de sorte qu’elle a exécuté son obligation de moyen ;

– l’appelante ne peut se prévaloir de sa propre turpitude et est seule à l’origine de la réalisation du dommage qu’elle allègue ;

– le visa de l’article R.131-46 in fine du code monétaire et financier qu’invoque Mme [M] [U] à l’appui de sa demande de condamnation à restitution sous astreinte est en lui-même inapproprié et en toute hypothèse inopérant puisque ce texte ne vise la restitution du chèque par la banque tirée à la banque présentatrice, accompagnée de l’attestation relative au défaut de paiement ou de constitution d’une provision, que dans la seule et stricte hypothèse où la banque tirée a refusé en tout ou partie le paiement d’un chèque pour défaut de provision suffisante.

Par ordonnance du 17 décembre 2021, la procédure a été clôturée le 28 février 2022 et l’affaire a été fixée à l’audience du 14 mars 2022 et mise en délibéré par mise à disposition au greffe de la décision le 12 mai 2022.

MOTIFS DE LA DÉCISION

Sur la restitution du chèque litigieux :

L’appelante fait grief au premier juge d’avoir rejeté sa demande de restitution du chèque de banque litigieux objet de la contre-passation en invoquant tout à la fois les dispositions de l’article R131-46 du code monétaire et financier et le droit de propriété sur le titre remis à l’encaissement à la banque dans le cadre d’un mandat obligeant le mandataire à la restitution des documents qui lui ont été confiés par sa cliente.

La banque oppose que les dispositions de l’article R131-46 du code monétaire et financier obligeant la banque à restituer un chèque ne concernent que les chèques impayés pour défaut de provision suffisante et soutient qu’elle ne peut procéder à la restitution du chèque litigieux qui n’est plus en sa possession puisqu’il a précisément été conservé par la Caisse régionale de crédit agricole, laquelle a opposé un refus de restitution au regard de la fausseté du titre.

Contrairement à l’argumentation de l’appelante, aucune disposition légale ne prévoit la restitution d’un faux chèque de banque présenté à l’encaissement par un client et c’est ainsi vainement que Mme [M] [U] invoque les règles du mandat et son droit de propriété sur le chèque litigieux pour en solliciter la restitution de l’original sous astreinte.

La banque justifie par ailleurs avoir adressé une lettre à sa cliente le 23 février 2017 dans laquelle elle l’informait de la fausseté du chèque de banque remis à l’encaissement après contrôle du titre par la banque tirée, à savoir le Crédit agricole Ile de France, laquelle s’est opposée à la restitution en raison de la contrefaçon du chèque ne pouvant être remis dans le circuit bancaire.

C’est vainement que l’appelante sollicite l’application des dispositions de l’article R131-46 du code monétaire et financier qu’elle demande d’étendre par analogie au faux chèque de banque alors que ce texte ne vise que la restitution du chèque rejeté pour défaut de provision dont l’objectif est de permettre au présentateur d’exercer son recours contre le tiré.

En l’espèce, la fausseté du chèque tiré sur le Crédit agricole Ile de France est précisément de nature à priver Mme [M] [U] de l’exercice de tout recours contre la banque tirée de sorte que l’argumentation de l’appelante fondée sur l’atteinte portée à son droit de propriété est inopérante.

La décision déférée sera par conséquent confirmée sur ce point.

Sur la responsabilité de la banque :

L’appelante considère que les conditions d’engagement de la responsabilité de la banque à son égard sont réunies au regard de la commission de plusieurs fautes successives tenant à l’absence de vérifications suffisantes lors de l’encaissement du chèque, à l’absence d’information de l’encaissement sous réserve de bonne fin et à la réalisation de l’opération de contre-passation sans remise de l’effet litigieux.

La banque conteste avoir commis une quelconque faute de nature à engager sa responsabilité à l’égard de sa cliente et se prévaut précisément de l’imprudence et de la négligence de cette dernière dans le déroulement des opérations en soutenant que Mme [M] [U] a contribué à la réalisation de son préjudice.

C’est par de justes motifs que la cour adopte que le premier juge a relevé que le banquier chargé de l’encaissement d’un chèque devait procéder à un contrôle de la régularité formelle du titre et de son endossement et que sa responsabilité était engagée en cas d’anomalie apparente, détectable par un banquier normalement diligent, et que tel n’était pas le cas lorsque la falsification ne pouvait être détectée qu’au prix d’un contrôle averti et d’un examen approfondi du chèque.

En l’espèce, c’est vainement que l’appelante prétend que le banquier aurait dû s’apercevoir immédiatement de la fausseté du chèque alors que la copie de l’effet litigieux remis à l’encaissement ne présentait aucune anomalie apparente et que l’ensemble des mentions obligatoires prévues par l’article L131-2 du code monétaire et financier figuraient sur le chèque de banque qui ne comportait aucun élément de suspicion, les mentions y figurant étant dactylographiées, sans rature, ni surcharge et le chèque étant signé.

L’argumentation tendant à mettre en exergue l’anormalité de l’opération par rapport aux habitudes de Mme [M] [U] dans le fonctionnement de son compte est également inopérante au regard du principe de non-immixtion de la banque dans les affaires de ses clients.

En cause d’appel, l’appelante ne conteste pas l’existence de la pratique de l’encaissement immédiat du chèque sous réserve d’un délai de bonne fin mais excipe d’un manquement de la banque à son obligation de conseil lors de la réalisation du virement à défaut d’avoir attiré son attention sur le risque découlant de l’exécution de l’opération tant que la provision n’était pas certaine.

La banque oppose à juste titre qu’il incombe au banquier destinataire d’un ordre de virement de s’assurer que ce dernier émane bien du titulaire du compte et ne comporte pas d’anomalie apparente, ce qui était bien le cas en l’espèce.

Mme [M] [U] ne conteste pas la matérialité de l’ordre de virement sollicité par ses soins et la responsabilité de la banque ne peut dès lors être engagée au titre du virement litigieux, parfaitement régulier en la forme, dont elle a elle-même sollicité la réalisation et il n’appartenait pas au banquier, tenu au devoir de non-ingérence, d’attirer l’attention de sa cliente sur les risques intrinsèques au délai de bonne fin de l’encaissement du chèque crédité à son compte dont elle était clairement informée au regard de la mention spécifique inscrite sur le bordereau de remise de chèque.

Il ne peut par ailleurs être reproché à la banque d’avoir refusé d’annuler le virement international conformément à la demande en ce sens présentée par Mme [M] [U] dès lors que le virement d’un montant de 8 675 euros avait été exécuté sur ordre de la titulaire du compte et qu’en raison du caractère irrévocable de l’opération, l’annulation ne pouvait par conséquent intervenir que sur accord de la banque destinataire qui s’y est précisément opposée.

C’est enfin vainement que l’appelante soutient que la contre-passation effectuée par la banque était en l’espèce impossible en l’absence de l’original du titre litigieux non restitué à sa cliente alors que la banque présentatrice qui justifie d’un motif légitime constitué en l’espèce par la falsification du titre en cause, fût-il un chèque de banque, est fondée à se rembourser de l’avance qu’elle a consentie à son client.

L’appelante est en outre mal fondée à reprocher à la banque de ne pas l’avoir alertée sur la réalisation simultanée des deux opérations litigieuses en arguant du caractère inhabituel de ces opérations alors qu’il lui appartenait précisément de faire preuve de prudence, ce dont elle s’est abstenue en ayant accepté d’adresser un ordre de paiement à un tiers dans les circonstances du présent litige qui auraient dû l’inciter à une vigilance de sa part.

Défaillante dans la preuve d’une faute imputable à la banque, Mme [M] [U] sera déboutée de l’intégralité de ses prétentions par voie de confirmation de la décision déférée.

Sur les autres demandes :

Succombant en son appel, Mme [M] [U] sera condamnée à en régler les entiers dépens en application des dispositions de l’article 696 du code de procédure civile, sans que l’équité commande de faire application des dispositions de l’article 700 au profit de l’intimée en cause d’appel.

Les parties seront ainsi respectivement déboutées de leur prétention de ce chef en cause d’appel.

PAR CES MOTIFS

La cour, statuant par arrêt contradictoire rendu par mise à disposition au greffe et en dernier ressort,

Confirme la décision déférée dans l’intégralité de ses dispositions ;

Déboute les parties de leur prétention respective au titre de l’article 700 du code de procédure civile en cause d’appel ;

Condamne Mme [I] [M] [U] aux entiers dépens de l’appel.

Arrêt signé par Mme FOURNIER, Présidente et par Mme RODRIGUES, Greffière.

LA GREFFIÈRE, LA PRÉSIDENTE,

 


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