Your cart is currently empty!
04/11/2022
ARRÊT N° 2022/474
N° RG 21/00724 – N° Portalis DBVI-V-B7F-N7LV
MD/KS
Décision déférée du 14 Janvier 2021 – Conseil de Prud’hommes – Formation de départage de TOULOUSE ( F18/01426)
JC BARDOUT
SECTION ENCADREMENT
S.A.S. SUD RADIO
C/
[W] [U]
INFIRMATION
Grosse délivrée
le4/11/2022
à
Me Jean-louis JEUSSET
Me Stéphan LOPEZ-BERNADOU
CCC
le4/11/2022
à
Me Jean-louis JEUSSET
Me Stéphan LOPEZ-BERNADOU
Pôle Emploi
REPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
***
COUR D’APPEL DE TOULOUSE
4eme Chambre Section 1
***
ARRÊT DU QUATRE NOVEMBRE DEUX MILLE VINGT DEUX
***
APPELANTE
S.A.S. SUD RADIO
[Adresse 3]
[Localité 4]
Représentée par Me Jean-louis JEUSSET de la SELARL CABINET JEUSSET AVOCATS, avocat au barreau de TOULOUSE
Représentée par Me Claudine THOMAS de la SELAFA SOFIRAL, avocat au barreau D’ANGERS
INTIMÉE
Madame [W] [U]
[Adresse 1]
[Localité 2]
Représentée par Me Stéphan LOPEZ-BERNADOU, avocat au barreau de TOULOUSE
COMPOSITION DE LA COUR
En application des dispositions des articles 786 et 907 du Code de procédure civile, l’affaire a été débattue le 07 Septembre 2022, en audience publique, les avocats ne s’y étant pas opposés, devant S.BLUMÉ et M.DARIES chargées du rapport. Ces magistrats ont rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour,
composée de :
S. BLUME, présidente
M. DARIES, conseillère
N. BERGOUNIOU, magistrat honoraire exerçant des fonctions juridictionnelles
Greffier, lors des débats : A. RAVEANE
lors du prononcé : C. DELVER
ARRET :
– CONTRADICTOIRE
– prononcé publiquement par mise à disposition au greffe après avis aux parties
– signé par S. BLUME, président, et par C. DELVER, greffier de chambre
FAITS ET PROCÉDURE:
Mme [W] [U] a été embauchée le 1er juillet 2014 par la SAS Sud Radio en qualité de journaliste reporter rédactrice présentatrice, coefficient 185, statut cadre, suivant contrat de travail à durée indéterminée dit ‘de collaboration’ régi par la convention collective nationale des journalistes.
En octobre 2013, le groupe Fiducial Médias a racheté la société Sud Radio.
Confrontée à des difficultés financières , la société Sud Radio a engagé à compter du troisième trimestre 2016, une restructuration avec le transfert des activités de la Matinale sur [Localité 6] au motif d’une sauvegarde de la compétitivité de l’entreprise.
La mutation du rédacteur en chef de la Matinale est intervenue sur [Localité 6] et il a été proposé à sept salariés directement liés à la Matinale, dont Mme [U], une mobilité sur [Localité 6], que ceux-ci ont refusée.
Suite à ces refus et face aux difficultés financières persistantes, par application des critères d’ordre définis dans la note de consultation soumise à la Délégation Unique du Personnel lors de sa réunion du 7 novembre 2016, Madame [U] a été convoquée à un entretien préalable par courrier en date du 10 novembre 2016.
A cette convocation, était joint un questionnaire de positionnement individuel dans le cadre des recherches de reclassement à entreprendre, que Mme [U] n’a pas retourné.
Lors de l’entretien préalable au licenciement du 30 novembre 2016, il lui a été proposé 3 postes de reclassement sur [Localité 6] en contrat à durée indéterminée aux postes de Rédacteur Reporteur Présentateur, Journaliste Community Manager, Journaliste Rédacteur Web, au sein de la société Sud Radio, avec un délai de réflexion jusqu’au 15 décembre 2016.
Par courrier du 5 décembre 2016, la société lui adressait une lettre d’information sur les motifs économiques de la procédure de licenciement engagée.
Le 12 décembre 2016, Madame [U] refusait toutes les offres de reclassement.
Le 21 décembre 2016, Madame [U] informait la société de son adhésion au CSP.
Par courrier recommandé avec accusé de réception daté du 21 décembre 2016, la société Sud Radio prenait acte de l’adhésion de Madame [U] au contrat de sécurisation professionnelle et l’informait, par conséquent, que son contrat était rompu le 21 décembre 2016 au terme du délai de réflexion pour adhérer au dispositif. Elle lui rappelait les motifs économiques à l’origine de la procédure engagée à son encontre.
Par courrier recommandé avec accusé de réception daté du 20 janvier 2017, Madame [U] demandait des précisions sur les critères d’ordre de son licenciement pour motif économique.
La société lui répondait par courrier du 24 janvier 2017.
Mme [U] a saisi le conseil de prud’hommes de Toulouse le 21 septembre 2017 pour contester son licenciement et demander le versement de diverses sommes.
Le conseil de prud’hommes de Toulouse, section encadrement, par jugement de départage du 14 janvier 2021, a :
– requalifié le licenciement pour motif économique en licenciement sans cause réelle et sérieuse,
– condamné la société Sud Radio, prise en la personne de son représentant légal, à payer à [W] [U] les sommes suivantes :
*7 989,75 euros brut et 798,97 euros brut au titre des congés payés y afférents,
*12 000 euros à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,
*1 200 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile,
-débouté [W] [U] et la société Sud Radio pour le surplus de leurs demandes,
-rappelé que les condamnations à paiement de créances salariales porterons intérêt au taux légal à compter de la saisine du conseil et que la condamnation à paiement d’une créance indemnitaire portera intérêts au taux légal à compter du prononcé du jugement,
-dit n’y avoir lieu à exécution provisoire autre que de droit,
-condamné la société Sud Radio aux dépens.
Par déclaration du 16 février 2021, la société a interjeté appel de ce jugement qui lui avait été notifié le 21 janvier 2021, dans des conditions de délai et de forme qui ne sont pas contestées.
PRÉTENTIONS DES PARTIES
Par ses dernières conclusions communiquées au greffe par voie électronique le 26 octobre 2021, la SAS Sud Radio demande à la cour de :
-infirmer le jugement en ce qu’il a :
*requalifié le licenciement pour motif économique en licenciement sans cause réelle et sérieuse,
*condamné la société à payer à Mme [U] les sommes suivantes :
7 989,75 euros brut au titre de l’indemnité de préavis et 798,97 euros brut au titre des congés payés afférents,
12 000 euros à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,
1 200 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile,
-confirmer le jugement en ce qu’il a débouté Mme [U] de sa demande
de 10 000 euros au titre d’un préjudice distinct,
-en conséquence, et statuant à nouveau :
*débouter Mme [U] de l’ensemble de ses demandes,
*condamner Mme [U] aux entiers dépens et à verser à la société la somme
de 1 500 euros, pour la première instance, et 1 500 euros pour la procédure d’appel, au titre de l’article 700 du code de procédure
civile.
Par ses dernières conclusions communiquées au greffe par voie électronique
le 30 juillet 2021, Mme [W] [U] demande à la cour de :
-confirmer le jugement sauf en ce qui concerne le montant des sommes allouées au titre des dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse et la demande de dommages et intérêts pour préjudice distinct, le réformer sur ces points,
-condamner la société à verser à Mme [U] la somme de 40 000 euros net à titre de dommages et intérêts,
-condamner la société à verser à Mme [U] la somme de 10 000 euros à titre de dommages et intérêts pour préjudice distinct,
-condamner la société à verser à Mme [U] la somme de 2 500 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile,
-condamner la société aux dépens.
La clôture de l’instruction a été prononcée par ordonnance en date du 28 août 2022.
Il est fait renvoi aux écritures pour un plus ample exposé des éléments de la cause, des moyens et prétentions des parties, conformément aux dispositions de l’article 455 du code de procédure civile.
MOTIVATION:
Sur le licenciement économique:
Aux termes de l’article L 1233-3 du code du travail ( modifié par la Loi n°2016-1088 du 8 août 2016, dans sa version applicable au litige du 01 décembre 2016 au 24 septembre 2017, le licenciement ayant engagé et notifié après le 01 décembre 2017),
Constitue un licenciement pour motif économique le licenciement effectué par un employeur pour un ou plusieurs motifs non inhérents à la personne du salarié résultant d’une suppression ou transformation d’emploi ou d’une modification, refusée par le salarié, d’un élément essentiel du contrat de travail, consécutives notamment :
1° A des difficultés économiques caractérisées soit par l’évolution significative d’au moins un indicateur économique tel qu’une baisse des commandes ou du chiffre d’affaires, des pertes d’exploitation ou une dégradation de la trésorerie ou de l’excédent brut d’exploitation, soit par tout autre élément de nature à justifier de ces difficultés.
Une baisse significative des commandes ou du chiffre d’affaires est constituée dès lors que la durée de cette baisse est, en comparaison avec la même période de l’année précédente, au moins égale à :
a) Un trimestre pour une entreprise de moins de onze salariés ;
b) Deux trimestres consécutifs pour une entreprise d’au moins onze salariés et de moins de cinquante salariés ;
c) Trois trimestres consécutifs pour une entreprise d’au moins cinquante salariés et de moins de trois cents salariés ;
d) Quatre trimestres consécutifs pour une entreprise de trois cents salariés et plus ;
2° A des mutations technologiques ;
3° A une réorganisation de l’entreprise nécessaire à la sauvegarde de sa
compétitivité ;
4° A la cessation d’activité de l’entreprise.
La matérialité de la suppression, de la transformation d’emploi ou de la modification d’un élément essentiel du contrat de travail s’apprécie au niveau de l’entreprise.
Les dispositions du présent chapitre sont applicables à toute rupture du contrat de travail à l’exclusion de la rupture conventionnelle visée aux articles L. 1237-11 et suivants, résultant de l’une des causes énoncées au présent article.
La lettre du 21 décembre 2016 est ainsi libellée:
‘ Par lettre en date du 10 novembre 2016, vous avez été convoquée à un entretien préalable qui s’est tenu le mercredi 30 novembre 2016, au cours duquel vous vous êtes présentée assistée de M. [E] [S], salarié de la société.
Au cours de cet entretien, vous avez été reçue par Monsieur [N] [G] [D], chargé de mission RH, qui vous a exposé les motifs qui nous ont contraints à engager à votre égard une procédure de licenciement pour motif économique.
Les membres de la délégation unique du personnel de la société ont été consultés sur le projet de ce licenciement lors de la réunion qui s’est tenue le 7 novembre 2016.
La réorganisation de la société Sud Radio est sous tendue par les importantes difficultés économiques qu’elle rencontre et l’absolue nécessité de sauvegarde de sa compétitivité qui en découle.
Bien qu’elle ait conservé une vocation régionale forte, attachée au quart sud ouest du pays, la couverture de Sud Radio s’est étendue à compter de 2011, avec l’obtention de fréquences en catégorie E, de nature à doubler son bassin théorique d’audience.
Pour autant, compte tenu de la nature historique de ses programmes, centrés sur les régions Midi Pyrénées et Aquitaine, le développement de ces nouvelles zones d’audience de catégorie E est resté à l’état embryonnaire, la station fonctionnant encore aujourd’hui essentiellement comme une radio régionale, de catégorie B.
En parallèle, les grilles annuelles ont été victimes d’un appauvrissement très significatif, avec une part d’audience qui a fortement diminué sur les 10 dernières années, passant de 1% (511 000 auditeurs) au 31/12/2007, à environ 0,3% au 30/06/2016 (170 000 auditeurs).
Dans un objectif de sauvegarde de sa compétitivité, il est aujourd’hui indispensable pour la société Sud Radio d’asseoir son positionnement en tant que ‘radio généraliste à vocation nationale, tout en s’appuyant sur les cultures du Sud’ et du rugby. Ce positionnement est non seulement celui acté par le CSA, mais aussi celui reconnu par le Conseil d’Etat.
Sud Radio fait également face à un outil de production inadapté, tant sur le plan géographique que sur le plan technique.
Enfin, depuis sa reprise par Fiducial Médias, la situation financière de l’entreprise reste structurellement déficitaire, avec notamment une dégradation du résultat courant avant impôts (avant abandon de créances), celui-ci passant de -3 804 k euros au titre de l’exercice 2013/2014, à -5 304 k euros au titre de l’exercice 2014/2015, puis -5 476 k euros lors de la situation intermédiaire au 30/06/2016.
L’ensemble de ces motifs tenant aux difficultés économiques et à la nécessité de sauvegarder sa compétitivité a conduit la société à proposer à sept salariés la modification de leur lieu de travail pour motif économique par courrier
du 9 septembre 2016.
Face à leurs refus d’accepter cette modification du contrat de travail, et par application des critères d’ordre tels que définis dans la note de consultation soumise à la délégation unique du personnel lors de sa réunion du 7 novembre 2016, nous vous avons convoquée à un entretien préalable par courrier du 10 novembre 2016.
Ladite convocation était accompagnée d’un questionnaire de positionnement individuel vous permettant de nous faire part de vos souhaits en vue des éventuelles propositions de reclassement qui pouvaient vous être faites dans le cadre du projet de licenciement économique qui était mis en oeuvre.
Vous ne nous avez pas retourné ce formulaire.
Au cours de l’entretien préalable, nous vous avons expliqué les motifs économiques qui nous ont conduits à envisager à votre encontre une procédure de licenciement économique, motifs rappelés dans notre courrier du 5 décembre 2016.
Nous vous avons également proposé par courrier remis en main propre lors de l’entretien préalable trois postes disponibles au sein de Sud Radio susceptibles de correspondre à votre qualification et votre expérience, et résultant des recherches de reclassement que nous avons engagées vous concernant.
Par courrier du 12 décembre 2016, vous nous avez fait part de votre refus d’accepter les postes de reclassement proposés.
Toujours dans le cadre de cette procédure, il vous a été proposé lors de l’entretien préalable d’adhérer à un contrat de sécurisation professionnelle. Vous avez accepté d’adhérer à ce contrat dans le délai de réflexion de 21 jours qui vous était imparti.
En conséquence, et conformément aux dispositions de l’article L 1233-67 du code du travail, votre contrat de travail est rompu depuis la date d’expiration de ce délai, soit le 21 décembre 2016. (..)’.
Mme [U] allègue que le licenciement est sans cause réelle et sérieuse au motif qu’il n’est pas démontré par l’employeur l’existence de difficultés économiques au niveau du Groupe Fiducial Medias et de ses filiales et que l’obligation de reclassement n’a été effectuée de manière loyale.
1/ Sur le motif économique:
Mme [U] considère que la société avait seulement une volonté de rationalisation et d’augmentation de bénéfices.
Elle énonce que:
– l’employeur compare le chiffre d’affaires de la publicité nationale de la radio Sud Radio à TF1, première chaîne européenne de télévision et elle se réfère au procès-verbal de réunion de la DUP ( délégation unique du personnel) du 30 mai 2016 aux termes duquel:
‘D. [A] indique que les pertes financières sur les 5 premiers mois de l’année 2016 s ‘élèvent à 3. 600. 000 €. Les nouveaux investissements prévus vont encore plus creuser ces pertes. ll précise aux membres de la DUP que le chiffres d’affaires de la publicité nationale généré par TF1 est quant à lui à peu près le même que celui de l’année dernière’.
– la radio reste dans les prévisions de budget déficitaire et il y a une absence totale de volonté de la part de l’employeur d’associer les salariés au devenir de la station, tel qu’il ressort du procès-verbal de réunion de la DUP du 6 septembre 2016,
– les difficultés rencontrées en matière d’audience ne sont pas un élément nouveau pour justifier un licenciement, étant connues de l’acquéreur depuis 2013,
– la société Sud Radio a généré des bénéfices en 2015 et 2016, ces derniers ayant augmenté,
– selon les comptes annuels au 30 septembre 2016, la société Fiducial Médias, détenant l’ensemble du capital social de 7 sociétés, a généré des bénéfices pour 9091,00 euros.
La société se prévaut d’une aggravation de ses difficultés économiques et d’une réorganisation nécessaire à la sauvegarde de la compétitivité de l’entreprise.
L’entreprise appartenant à un groupe, elle se place au niveau du même secteur d’activité du Groupe Fiducial Médias, composé de sept sociétés, dont Sud Radio, pour l’appréciation des difficultés économiques.
Elle expose que:
. lors du rachat de Sud Radio par le Groupe Fiducial Médias en octobre 2013, l’entreprise faisait l’objet d’une procédure de sauvegarde judiciaire depuis 2010 qui s’est prolongée jusqu’au 5 août 2020,
. la situation financière s’est dégradée de manière significative entre le rachat et le licenciement, malgré les mesures de réorganisation mises en place entre 2013 et 2016 ( nouveaux partenariats, nouvelles fréquences, renforcement de la ligne éditorial, politique de communication), les pertes annuelles postérieures ayant largement augmenté entre 2015 et 2017 passant de 1 million d’euros à 8 puis 10 millions d’euros,
. pour enrayer la double problématique de la baisse de l’audience et des résultats, elle a procédé au transfert de la Matinale sur [Localité 6], la radio étant devenue nationale et généraliste avec sa grille d’émissions variées.
Sur ce:
Les difficultés économiques s’apprécient dans un temps contemporain du licenciement et par rapport à des éléments postérieurs.
Les exercices comptables sont arrêtés au 30 septembre de chaque année.
Il ressort des pièces comptables de la société Sud Radio que s’il existait un
bénéfice ( total des produits – total des charges) en 2015 de 28191 euros et
de 33596 euros en 2016, les produits d’exploitation ont diminué de 2.544.251 € à 1.864.468 € et les charges d’exploitation ont nettement augmenté ce qui a conduit à un résultat d’exploitation grandement déficitaire en passant de – 5.285.398 € en 2015 à
– 7.990.315 € en 2016.
En septembre 2017, le déficit d’exploitation s’était encore aggravé, étant
de -10.104.643 €, ce qui corrobore une dégradation significative.
Parallèlement le chiffre d’affaires a baissé entre 2015 et 2016 passant de 2450 K€ à 1801 K€ pour augmenter légèrement en septembre 2017 à 1936 K€.
Au 30 septembre 2016, le résultat courant avant impôts était de -8.016.760 € en aggravation de près de 3 millions au regard de la situation arrêtée
au 30 septembre 2015 et au 30 septembre 2017, de -10.183.456 €.
L’appelante précise que doit être pris en considération le résultat courant avant impôts et non le résultat net, artificiel comme étant la conséquence « mécanique » de l’abandon de créances effectué par l’actionnaire majoritaire afin de déposer un résultat équilibré.
La société Expérial, commissaire aux comptes a attesté le 20 février 2019 que la société Sud Radio n’aurait pu poursuivre son exploitation sans le soutien financier de la société Sas Fiducial Médias pour les exercices du 30 septembre 2014
au 30 septembre 2016, étant systématiquement en perte.
Les difficultés économiques existantes s’étaient donc aggravées de manière significative.
Une réorganisation a pour but de sauvegarder la compétitivité de l’entreprise ce qui suppose que cette compétitivité est menacée et de prévenir l’arrivée de difficultés économiques plus importantes et leurs conséquences sur l’emploi.
La société Sud Radio, qui invoque une baisse constante du niveau d’audience depuis dix ans ( étant de 511000 auditeurs en décembre 2017), communique à cet effet un document (pièce 22) issu de la source Indès Radios, corroborant celle-ci, étant passée à 271500 en juin 2014, puis à 177500 en juin 2015, à 181300 en juin 2016 et à 182200 en 2017.
Le choix de réorganisation par un transfert de la Matinale, émission généraliste, sur [Localité 6], après diverses autres mesures et discussion avec la Délégation unique du personnel ( réunion du 06 septembre 2016) faisant état de la prévision de déficit budgétaire, relève du pouvoir de direction de l’employeur, sans qu’il soit démontré un comportement frauduleux ou fautif de sa part.
Selon note de synthèse intermédiaire de février 2014 d’un rapport d’audit établi à la demande de l’employeur, il est notamment souligné une inadéquation des outils de production pour la réalisation du programme d’une radio généraliste et l’utilisation de moyens de production et de diffusion des programmes qui ne sont plus pérennes pour les prochaines années et dont la technologie est dépassée ou plus maintenue.
Lors de la réunion de la DUP de la société Sud Radio le 7 novembre 2016, les élus du Comité d’entreprise ont été informés et consultés sur le projet de licenciement économique collectif envisagé. Il était fait mention de l’obsolescence des moyens de production, constatée depuis un audit de février 2014 et d’un taux d’auditeurs et de résultats en baisse, ce qui corrobore les éléments invoqués dans la lettre de licenciement.
S’agissant du groupe, l’appelante énonce que si la société Sud Radio ayant une activité radiophonique relève du secteur d’activité des médias de la Firme Fiducial, il faut se positionner au niveau du Groupe Fiducial Médias et non de la Firme Fiducial dans son ensemble comprenant de nombreux secteurs d’activités très différents (activités d’expertise comptable, bureautique, informatique, sécurité’) ne permettant pas la permutabilité du personnel, ce qui n’est pas contesté par l’intimé, lequel considère que les difficultés économiques n’existent pas au sein du Groupe Fiducial Médias.
Mme [U] fait valoir qu’au 30 septembre 2016, à l’exception de la Sas Orial Editions, les comptes annuels des Sas Orial Publicité, [Localité 5] Capitale TV, Fiducial Urbavista, [Localité 5] Capitale, Fiducial TV ont enregistré des bénéfices allant de 1367 euros à 55 715 euros, de même que la Sas Fiducial Medias détenant l’ensemble du capital des 7 sociétés a généré des bénéfices à hauteur de 9.091 euros.
Il ressort des éléments comptables que comme pour la société Sud Radio, les résultats d’exploitation sont déficitaires pour toutes les sociétés de même que les résultats courants avant impôts, l’employeur indiquant que les sociétés ont bénéficié d’un abandon de créances de l’actionnaire majoritaire.
Le résultat courant avant impôt est un indicateur de gestion sur la rentabilité économique d’une société prenant en compte les conséquences de l’endettement.
Au regard de l’ensemble de ces éléments, les difficultés économiques de la société Sud Radio et du groupe Fiducial Médias et la nécessité de sauvegarder la compétitivité sont avérées. Un autre licenciement pour motif économique collectif et pour difficultés économiques a été en outre mis en oeuvre en août 2017 au sein de la société Sud Radio.
Mme [U] invoque en outre que son poste n’a pas été supprimé mais déplacé à [Localité 6] jusqu’au 10 mars 2017 avant un retour à [Localité 7], ce qui invalide la nécessité d’un licenciement en novembre et décembre 2016.
La société oppose que la pièce adverse 8 produite est falsifiée, comportant des annotations (flèches, mention « retour poste [Localité 7] »).
Celle-ci communique aux débats une pièce 39 ‘planning rédaction du 06 au 12 mars 2017 sur deux pages, et un mail du 1er mars 2017 de M. [D], chargé de missions RH Fiducial Médias de diffusion générale de ce planning.
Comme le rappelle la société, dans le cadre d’un licenciement pour motif économique, un poste peut être supprimé ou les tâches du salarié licencié peuvent être réparties sur d’autres collaborateurs.
Mme [U] produit des plannings rédaction postérieurs au12 mars 2017 jusqu’au 07 mai 2017, avec une annotation manuscrite [O] en marge de la tranche
horaire 12H-14H ‘Sud Radio Service Compris’ info Olivier [V], sans expliciter la corrélation avec ses missions, son nom n’apparaissant pas sur les plannings.
L’appelante réplique que le poste de Mme [U], suite à son licenciement, a été réparti sur d’autres salariés, principalement sur Mme [J] exerçant à [Localité 6] et réalisant notamment les flashs.
Le poste de M. [V] à [O] n’a pas été supprimé en 2016, car non concerné par le licenciement en application des critères d’ordre et a été maintenu à [O] jusqu’à août 2017. Il a été licencié dans le cadre du Plan de Sauvegarde de l’Emploi, homologué le 25 juillet 2017 par la DIRECCTE, suite à de nouvelles mesures de réorganisation ayant abouti à la suppression de son poste.
La réorganisation de la société a donc entraîné la suppression du poste de Mme [U].
* Sur le reclassement :
Aux termes de l’article L 1233-4 du code du travail applicable à la date du litige, le licenciement pour motif économique d’un salarié ne peut intervenir que lorsque tous les efforts de formation et d’adaptation ont été réalisés et que le reclassement de l’intéressé ne peut être opéré sur les emplois disponibles, situés sur le territoire national dans l’entreprise ou les autres entreprises du groupe dont l’entreprise fait partie.
Le reclassement du salarié s’effectue sur un emploi relevant de la même catégorie que celui qu’il occupe ou sur un emploi équivalent assorti d’une rémunération équivalente. A défaut, et sous réserve de l’accord exprès du salarié, le reclassement s’effectue sur un emploi d’une catégorie inférieure.
Les offres de reclassement proposées au salarié sont écrites et précises.
Mme [U] conteste que l’employeur ait procédé à une recherche sérieuse de reclassement. Elle allègue que:
– il ressort du registre du personnel de la société Sud Radio, que celle-ci a procédé à l’embauche régulière de pigistes en 2017 alors même qu’un PSE a eu lieu en début d’année 2017, ce qui démontre la volonté de la société de ne pas conserver ses salariés en CDI de manière à bénéficier d’une flexibilité importante de ses salariés,
– les annonces parues sur le site de la société Fiducial mentionnent, outre les postes proposés lors de la procédure de licenciement, d’autres emplois non offerts: de technicien réalisateur pour Sud Radio, standardiste Emission Sud Radio, journalistes pigistes pour investigation et pigiste pour Lyon Capitale, société pour laquelle, selon le registre du personnel, neuf pigistes ont été engagés le ler décembre 2016.
La société Sud Radio rétorque qu’elle a recherché en interne et a proposé à Mme [U], présentateur-reporter un poste de Rédacteur Reporter Présentateur à Sud Radio [Localité 6], avec une rémunération équivalente et deux autres postes disponibles sur [Localité 6], correspondant à ses compétences: un poste de Journaliste Community Manager et un poste de Journaliste Rédacteur Web, que la salariée a refusés.
L’appelante considère que les postes non proposés ne sont pas
équivalents ( standardiste) ou sont sans rapport avec sa formation, comme celui de technicien tel qu’il s’évince de la fiche métier, impliquant notamment de capter le son, de traiter les signaux.
Elle expose qu’une cellule emploi/reclassement a été créée et que des démarches ont été effectuées auprès
de l’APEC, de Pôle Emploi et d’autres entreprises, telles qu’Airbus, dont M. [D] , chargé de mission RH Groupe Fiducial Médias, connaissait les DRH et elle verse des échanges de correspondances à cet effet. Elle rappelle que cinq salariés de [O] ont été embauchés à [Localité 6].
L’appelante indique qu’au sein du groupe Fiducial Médias, aucune des sociétés ne disposaient de postes disponibles. Les sociétés Fiducial TV, Orial Editions (devenue Sud Editions) et [Localité 5] Capitale TV n’avaient pas d’effectif salarié en 2016.
Les annonces de pigistes, pour [Localité 5] Capitale sont des annonces récurrentes concernant [Localité 6] ( lieu d’affectation que ne souhaitait pas M.[C]) qui relèvent d’une politique de recrutement pour avoir toujours à disposition un pigiste pour une mission ponctuelle ou remplacer un salarié permanent en congé ou en arrêt de travail, ce qui ne caractérise pas un poste de travail de journaliste à Sud Radio.
Les effectifs ont baissé au sein de [Localité 5] Capitale entre octobre 2016 et avril 2017, selon tableau versé à la procédure.
Sur ce:
Il est constant que l’employeur a proposé à Mme [U] trois postes situés à [Localité 6] compatibles avec sa formation.
Les postes de reclassement doivent être de la même catégorie que celui occupé ou être accessibles avec le cursus parcouru, tel n’est pas le cas des postes de standardiste et technicien ou être assortis d’une rémunération équivalente, or du fait de leur intervention ponctuelle, les pigistes engagés dans un temps contemporain du licenciement en décembre 2016, l’ont été pour une durée d’un mois, ce qui implique un poste précaire et une rémunération inférieure à celle perçue par Mme [U].
La société a donc procédé à des recherches sérieuses de reclassement.
Le licenciement est fondé.
Le jugement du conseil de prud’hommes sera infirmé sur ce chef et celui des demandes afférentes à un licenciement sans cause réelle et sérieuse.
Sur les demandes annexes:
Mmme [U], partie perdante, sera condamnée aux dépens de première instance et d’appel.
Le jugement du conseil de prud’hommes sera infirmé sur la condamnation de la société au paiement d’un article 700 et aux dépens.
L’équité commande de ne pas faire application de l’article 700 du code de procédure civile.
PAR CES MOTIFS:
La cour statuant publiquement, par arrêt contradictoire et en dernier ressort,
Infirme le jugement déféré en toutes ses dispositions,
Y ajoutant:
Déboute Mme [U] de l’ensemble de ses demandes
Dit n’y avoir lieu à application de l’article 700 du code de procédure civile,
Déboute la Sas Sud Radio de sa demande au titre de l’article 700 du code de procédure civile.
Condamne Madame [W] [U] aux dépens de première instance et d’appel .
Le présent arrêt a été signé par S.BLUMÉ, présidente et par C.DELVER, greffière.
LA GREFFIÈRE LA PRÉSIDENTE
C.DELVER S.BLUMÉ
.