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ARRET N°
N° RG 21/00367
N°Portalis DBWA-V-B7F-CHWJ
M. [T] [J]
C/
Mme [V] [W] veuve [J]
M. [T] [J]
M. [P] [B] [J]
COUR D’APPEL DE FORT DE FRANCE
CHAMBRE CIVILE
ARRET DU 30 MAI 2023
Décision déférée à la cour : Jugement du Tribunal Judiciaire de Fort de France, en date du 02 Mars 2021, enregistré sous le n° 20/01492.
APPELANTS :
Monsieur [T] [X] [J]
[Adresse 5]
[Localité 2] ETATS UNIS
Représenté par Me Gisèle POGNON, avocat au barreau de MARTINIQUE
INTIMES :
Madame [V] [W] veuve [J], représentée par son fils en qualité de tuteur légal, Monsieur [G] [J]
[Adresse 6]
[Adresse 6]
[Localité 9]
Représentée par Me Alexandra CHALVIN, avocat au barreau de MARTINIQUE
Monsieur [G] [F] [J]
[Adresse 4]
[Localité 8]
Représenté par Me Alexandra CHALVIN, avocat au barreau de MARTINIQUE
Monsieur [P] [B] [J]
[Adresse 3]
[Localité 7]
Représenté par Me Alexandra CHALVIN, avocat au barreau de MARTINIQUE
COMPOSITION DE LA COUR :
L’affaire a été débattue à l’audience publique du 24 Mars 2023 sur le rapport de Mme Nathalie RAMAGE, devant la cour composée de :
Présidente : Mme Nathalie RAMAGE, Présidente de Chambre
Assesseur : Mme Claire DONNIZAUX,Consellère
Assesseur : M. Thierry PLUMENAIL, Conseiller
qui en ont délibéré.
Greffière, lors des débats : Mme Béatrice PIERRE-GABRIEL,
Les parties ont été avisées, dans les conditions prévues à l’article 450 du code de procédure civile, de la date du prononcé de l’arrêt fixée au 30 Mai 2023 ;
ARRÊT : Contradictoire
Prononcé publiquement par mise à disposition au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues à l’alinéa 2 de l’article 450 du code de procédure civile.
EXPOSÉ DU LITIGE
Par acte notarié du 11 juin 2014 auprès de la SCP Catherine Schin-Oua-Siron et [R] [A], Mme [V] [W] veuve [J] a vendu à l’un de ses fils, M. [T] [X] [J], un terrain construit au prix de 72.000 euros.
Par jugement du 3 janvier 2020, M. [G] [J] et M. [P] [J] sont devenus les tuteurs de leur mère Mme [V] [W] veuve [J].
Par actes d’huissier en date des 02 et 13 octobre 2020, Mme [V] [W] veuve [J] représentée par son tuteur légal M. [G] [J] , ainsi que ce dernier et M. [P] [J] agissant en leurs noms personnels, ont fait citer M. [T] [X] [J] et la SCP Schin-Oua-Siron-Schapira-[A]-Zaire-Bellemare, représentée par Me [R] [A], devant le tribunal judiciaire de Fort-de-France aux fins de voir , notamment :
– prononcer la résolution de la vente du 11 juin 2014 au bénéfice de M. [T] [X] [J] et l’acte dressé et de replacer le bien immobilier dans sa situation antérieure,
– replacer les parties dans leurs droits antérieurs à la vente du 11 juin 2014,
– condamner M. [T] [X] [J] et la SCP SCP Schin-Oua-Siron-Schapira-[A]-Zaire-Bellemare, représentée par Me [R] [A] à verser, chacun, à Mme [V] [W] veuve [J] représentée par son tuteur légal M. [G] [J], à M. [P] [J] et à M. [G] [J], ensemble, une somme de 100.000 euros à titre de dommages- intérêts, toutes causes de préjudices confondues avec intérêts au taux légal à compter du 11 juin 2014.
Par jugement réputé contradictoire du 02 mars 2021, le tribunal a :
– prononcé la nullité de l’acte de vente en date du 11 juin 2014 à Fort-de-France par acte authentique passé par-devant la SCP Schin-Oua-Siron-Schapira-[A]-Zaire-Bellemare représentée par Me [R] [A], entre Mme [V] [W] veuve [J] et M. [T] [X] [J] et à ce titre représentée par ses fils M. [P] [J] et M. [G] [J], ladite vente portant sur une maison d’habitation située à [Localité 11] section W n[Cadastre 1] d’une surface de 03a 24 ca, avec toutes conséquences de droit,
– replacé les parties dans leurs droits antérieurs à la vente du 11 juin 2014 et ordonné la restitution des sommes effectivement perçues par Mme [V] [W] veuve [J],
– dit que la SCP Schin-Oua-Siron-Schapira-[A]-Zaire-Bellemare représentée par Me [R] [A] serait chargée dans les 3 mois suivant la signification de la décision de procéder aux nouvelles modalités d’enregistrement et de publicité foncière en s’acquittant des taxes liées,
– condamné la SCP Schin-Oua-Siron-Schapira-[A]-Zaire-Bellemare, représentée par Me [R] [A], à payer à Mme [V] [W] veuve [J] la somme de 5.000 euros,
– condamné M. [T] [X] [J] à payer à Mme [V] [W] veuve [J] la somme de 10.000 euros,
– débouté M. [G] [J] et M. [P] [J] de leurs demandes au titre du préjudice subi,
– condamné solidairement la SCP Schin-Oua-Siron-Schapira-[A]-Zaire-Bellemare, représentée par Me [R] [A], et M. [T] [X] [J] à payer à Mme [V] [W] veuve [J], à M. [G] [J] et à M. [P] [J] la somme de 1.500 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile,
– condamné in solidum la SCP Schin-Oua-Siron-Schapira [A] Zaire-Bellemare, représentée par Me [R] [A] et M. [T] [X] [J] aux entiers dépens.
Par déclaration reçue le 24 juin 2021, M. [T] [J] a interjeté appel de cette décision, limité aux chefs de jugement expressément critiqués à l’encontre de Mme [V] [W], de M. [G] [J] et de M. [P] [J].
Aux termes de ses premières et dernières conclusions du 23 août 2021, l’appelant demande de :
– le recevoir en son appel,
– dire nul le jugement au motif de la nullité de l’assignation, et ordonner le remboursement de la somme de 11 663,60 € indûment saisie sur son compte,
– dire qu’il n’a commis aucun dol au préjudice de Mme [V] [W] veuve [J],
– infirmer le jugement du 2 mars 2021 en ce qu’il a :
*prononcé la nullité de l’acte de vente en date du 11 juin 2014 entre Mme [V] [W] veuve [J] et M. [T] [J],
*replacé les parties dans leurs droits antérieurs à la vente et ordonné la restitution des sommes effectivement perçues par Mme [W] (alors qu’elles ne sont pas chiffrées donc impossible à exécuter),
*condamné M. [T] [J] à payer à Mme [V] [W] veuve [J] la somme de 10000 €,
*condamné solidairement la SCP Schin-Oua-Siron-Schapira-[A]-Zaire-Bellemare représentée par Me [A] et M. [T] [J] à payer à Mme [V] [W], à M [G] [J] et à M. [P] [J] 1 500 € au titre de l’article 700 du code de procédure civile et aux entiers dépens ;
En tout état de cause,
– ordonner le remboursement de la somme de 11 663,60 € indûment saisie sur le compte de l’appelant et toute autre somme saisie en exécution du jugement querellé, et condamner solidairement les intimés à la payer ;
Subsidiairement, si la cour devait considérer que la vente devait être annulée,
– ordonner le remboursement de tous versements faits par [T] [J] en paiement du prix dont :
* 16 477 € transférés du compte HSBC de M. [T] [J] sur le compte de sa mère,
* 11 000 € réglés devant notaire,
* toutes sommes payées depuis le compte Banque postale, dont l’appelant attend le justificatif réclamé à la Banque Postale,
* 6 310€ correspondant aux débours et frais,
* 3 604 € correspondant aux impôts réglés depuis 2015,
* 2 366 € correspondant travaux réalisés sur le bien par M. [T] [J] ;
Reconventionnellement,
-condamner solidairement Mme [V] [W] veuve [J] représentée par son tuteur, et MM . [G] [J] et [P] [J] à payer à M. [T] [J] la somme de 10 000 € a titre de dommages et intérêts en réparation du préjudice moral que lui a causé cette procédure intentée à son insu et empreinte d’allégations et soupçons qui l’ont profondément affligés ainsi que du préjudice économique causé par la saisie de son compte en cette période de pandémie qui du fait de son activité d’indépendant l’a sévèrement frappé, outre la somme de 3 255 € au titre de l’article 700 du code de procédure civile ainsi qu’en tous dépens, avec distraction au profit de Me Pognon.
Par conclusions du 15 octobre 2021, Mme [V] [W] représentée par son tuteur M [G] [J], et MM. [G] et [P] [J] demandent de :
– recevoir Mme [V] [W], veuve [J] et MM. [G] et [P] [J], ses fils en qualité de tuteurs légaux, en leurs prétentions d’intimés et leur appel incident,
-débouter l’ensemble des demandes et prétentions de M. [T] [J] ;
Y faisant droit,
– confirmer le jugement rendu le 2 mars 2021 par le tribunal judiciaire de Fort de France en ce qu’il a prononcé la nullité de l’acte de vente en date du 11 juin 2014 passé par-devant la SCP Schin-Oua-Siron-Schapira [A] Zaire-Bellemare, représentée par Me [R] [A], entre Mme [V] [W], veuve [J] et M. [T] [X] [J] et à ce titre représentée par ses fils MM. [G] et [P] [J], ladite vente portant sur une maison d’habitation située au [Localité 11] Section W n°[Cadastre 1] d’une surface de 03a 24ca, avec toutes conséquences de droit,
– confirmer le jugement rendu le 2 mars 2021 par le tribunal judiciaire de Fort de France en ce qu’il a replacé les parties dans leurs droits antérieurs à la vente du 11 juin 2014 et ordonné la restitution des sommes effectivement perçues par Mme [V] [W] veuve [J],
– confirmer le jugement rendu le 2 mars 2021 par le tribunal judiciaire de Fort de France en ce qu’il a dit que la SCP Schin-Oua-Siron-Schapira-[A]-Zaire-Bellemare, représentée par Me [R] [A] sera chargée dans les trois mois suivant la signification de la présente décision de procéder aux modalités d’enregistrement et de publicité foncière en s’acquittant des taxes liées,
– confirmer le jugement rendu le 2 mars 2021 par le tribunal judiciaire de Fort de France en ce qu’il a condamné la SCP Schin-Oua-Siron-Schapira-[A]-Zaire-Bellemare, représentée par Me [R] [A] à payer à Mme [V] [W], veuve [J] la somme de 5.000,00 euros,
– confirmer le jugement rendu le 2 mars 2021 par le tribunal judiciaire de Fort de France en ce qu’il a condamné solidairement la SCP Schin-Oua-Siron-Schapira-[A]-Zaire-Bellemare, représentée par Me [R] [A] et M. [T] [X] [J] à payer à Mme [V] [W], veuve [J] et MM. [G] et [P] [J] la somme de 1.500,00 euros au titre des frais irrépétibles de première instance et ordonné l’exécution provisoire ;
Statuant à nouveau,
– infirmer ledit jugement en ce qu’il a condamné M. [T] [X] [J] à payer à Mme [V] [W], veuve [J] la somme de 10.000,00 euros et débouté MM. [G] et [P] [J] de leurs demandes au titre du préjudice subi,
– condamner M. [T] [X] [J] à payer à Mme [V] [W], veuve [J] la somme de 72.000,00 euros à titre de dommages et intérêts, toutes causes de préjudice confondues, avec intérêts au taux légal à compter du 11 juin 2014,
– juger que M. [T] [J] a commis à l’encontre de Mme [V] [W], veuve [J] diverses fautes de nature à engager sa responsabilité,
-juger que M. [T] [X] [J] ne justifie pas avoir versé à sa mère Mme [V] [W], veuve [J] la somme de 61.000,00 euros, hors comptabilité du notaire pour la vente du 11 juin 2014 et que la somme de 11.000,00 euros n’a pas été versée par le notaire à Mme [V] [W], veuve [J],
– juger que Mme [V] [W], veuve [J] ne devra restituer à son fils M. [T] [X] [J] aucune somme,
– ordonner la restitution du bien immobilier à Mme [V] [W], veuve [J] et partant l’expulsion immédiate de M. [T] [J] ainsi que celle de tous ces occupants de son chef, avec si besoin l’assistance de la force publique, sous astreinte définitive de 1.000,00 euros de retard passé un délai de 15 jours à compter de la signification de la décision à intervenir,
– débouter M. [T] [J] de ses demandes de versements de somme d’argent et de dommages et intérêts (préjudice moral) ;
– ordonner la publication de l’arrêt au service de la publicité foncière de [Localité 10] aux frais de M. [T] [J] et qu’il en soit justifié en temps utile de l’accomplissement de cette formalité, passé un délai d’un mois à compter de la signification de la décision à intervenir ;
En tout état de cause,
– condamner M. [T] [J] à payer à Mme [V] [W] veuve [J] et à MM. [G] et [P] [J], ensemble, la somme de 4.000,00 euros, sur le fondement de l’article 700 du Code de procédure civile ainsi qu’aux entiers dépens.
La clôture de l’instruction est intervenue le 16 juin 2022.
L’affaire a été évoquée à l’audience du 24 mars 2023 et la décision a été mise en délibéré au 30 mai suivant.
Pour un plus ample exposé des faits, de la procédure et des moyens des parties, la cour se réfère aux conclusions sus-visées et au jugement déféré.
MOTIFS :
A titre liminaire, les demandes des intimés dirigées contre la SCP Schin-Oua-Siron-Schapira-[A]-Zaire-Bellemare n’ont pas lieu d’être examinées en l’absence de la dite SCP à la cause.
Par ailleurs, il convient de relever, à la lecture du jugement du tribunal judiciaire de Rouen du 08 janvier 2020, que MM. [P] et [G] [J] sont co-tuteurs de leur mère.
1/ Sur la demande d’annulation du jugement :
L’appelant, qui sollicite l’annulation du jugement, affirme n’avoir jamais reçu l’assignation et que ce n’est qu’à l’occasion de la saisie de son compte bancaire que la procédure a été portée à sa connaissance.
Il soutient que l’assignation est nulle au regard de l’insuffisance des diligences effectuées par l’huissier.
Les intimés répliquent que le domicile réel de l’appelant n’étant pas connu au moment de la signification de l’assignation, celle-ci a été faite en un lieu où il pouvait résider et faire suivre son courrier.
Ils contestent tout préjudice causé par l’assignation qualifiée d’irrégulière par l’appelant, mais aussi toute man’uvre délibérée et malicieuse pour l’assigner à une mauvaise adresse.
Si le tribunal a, dans son jugement, indiqué que M. [T] [J] n’ayant pu être cité à sa personne, un procès-verbal de recherches infructueuses avait été dressé conformément aux dispositions de l’article 659 du code de procédure civile, la cour n’est pas en mesure de vérifier, en l’absence de production de l’assignation, si les diligences de l’huissier accomplies pour rechercher le destinataire ont été suffisantes.
La signification, produite en pièce n° 5, sur laquelle l’appelant fonde sa demande d’annulation n’est pas celle de l’assignation, mais celle du jugement du 02 mars 2021.
L’appelant ne rapportant pas la preuve des irrégularités qu’il allègue, sa demande d’annulation du jugement sera rejetée.
Au demeurant et à titre superfétatoire, l’annulation du jugement ne ferait pas obstacle à la saisie de la cour. En effet, si la dévolution prévue par l’article 562 du code de procédure civile ne s’applique pas lorsque la cour d’appel constate l’irrégularité d’un exploit introductif d’instance, elle est régulièrement saisie dès lors que l’appelant a conclu au fond.
2/ Sur l’annulation de la vente :
Le tribunal a prononcé la nullité de la vente sur le fondement de l’article 414-1 du code civil en retenant l’existence d’un trouble mental de Mme [V] [W] veuve [J] au moment précis où l’acte attaqué a été fait en ce que l’insanité d’esprit existait à la fois dans la période immédiatement antérieure et dans la période immédiatement postérieure à l’acte litigieux, et ce, en l’absence de preuve d’un intervalle lucide au moment où l’acte a été passé.
Il s’est appuyé pour ce faire sur :
– le jugement de maintien de la tutelle du 08 janvier 2020, rappelant que la mesure de tutelle avait été prononcée dès le 30 janvier 2015,
– un certificat médical du 08 septembre 2014,
– des ordonnances de prescription médicamenteuse de février, juillet et septembre 2014.
Il a déduit de l’examen de ces pièces que Mme [V] [W] veuve [J] présentait, avant la signature de l’acte de vente de son bien et avant de faire l’objet d’une mesure de protection, des troubles cognitifs sérieux de nature à l’empêcher d’appréhender le mécanisme de la vente à laquelle elle avait consenti ; qu’elle n’était pas en capacité de consentir en pleine connaissance de cause à une telle vente compte tenu de la complexité des modalités et de la détermination du prix.
L’appelant prétend que si Mme [W] veuve [J] était atteinte de troubles au moment de l’acte, il n’est pas établi que ces troubles étaient suffisants pour l’empêcher de passer le contrat de vente préparé de longue date et qu’ils faisaient obstacle à une lucidité suffisante.
Les intimés soulignent que la vente est intervenue pendant la période suspecte précédant la constatation médicale d’une altération des facultés mentales.
La cour relève que, le 08 septembre 2014, le docteur [D], neurologue, mentionnait dans son certificat médical : « Mme [J] présente une affection chronique évolutive entraînant une altération des facultés mentales. Le début de cette affection est antérieur au 14 septembre 2010… Puis Mme [J] a été suivie par le Dr [N] [E] qui note à la date du 04/10/2013 une aggravation franche des troubles avec une diminution franche des scores (MMS) .
Actuellement, je constate une désorientation surtout temporelle et à un moindre degré spatiale. La mémoire est franchement altérée ‘ Les capacités de calcul sont quasi nulles ‘ Le score mental pratiqué ce jour est évalué à 13/30 ».
Étant rappelé que l’acte de vente litigieux a été signé le 11 juin 2014, il s’en déduit que Mme [J], comme le tribunal l’a retenu, présentait une altération de ses facultés mentales avant et après l’acte ; qu’elle ne disposait pas des facultés mentales nécessaires à la validité de l’acte, l’appelant ne démontrant pas qu’elle jouissait lors de cette signature d’une lucidité passagère suffisante.
3/ Sur les conséquences de l’annulation de la vente :
Le tribunal a précisé que cette nullité entraînait la restitution des sommes effectivement perçues par Mme [W] veuve [J].
L’appelant sollicite le paiement à ce titre des sommes de :
-16 477€ transférés de son compte HSBC au compte de sa mère ;
-11 000€ réglés devant notaire ;
– « toutes sommes payées depuis le compte la Banque postale dont l’appelant attend le justificatif réclamé à la banque » ;
– 6 310€ correspondant aux débours et frais ;
– 3 804€ correspondant aux impôts réglés depuis 2015 ;
– 2 388€ correspondant aux travaux réalisés sur le bien par M. [T] [J].
Les intimés affirment que leur mère n’a perçu aucune somme au titre de la vente du bien.
La cour relève que l’appelant produit, à l’appui de sa demande de paiement :
– des extraits de compte HSBC laissant apparaître des transferts depuis son compte, sans que l’identité du destinataire de ces transferts ne soit précisée ;
– la copie du compte notarié n° 123253/ vente [J], mentionnant un « solde de prix de vente de M. [J] [T] » de 11 000€ versé le 11 juin 2014 ;
– un certificat de prise en compte de l’ordre de paiement portant référence d’un avis d’imposition au titre de « taxes foncières » du 15/10/2010 pour une somme de 666€, sans précision du bien au titre duquel la taxe foncière était réclamée ;
– une facture pro forma de la « Plomberie Dom » adressée à M. [K] [H] ;
– des tickets de caisse de magasins de bricolage, sans qu’il puisse être vérifié que les matériaux achetés ont effectivement servi à l’entretien ou l’amélioration du bien dont la vente est annulée.
Il apparaît ainsi que la somme qui doit être restituée à M. [J] est de 11 000€, à défaut de preuve de paiement du surplus du prix de vente et de la destination des autres somme sus-mentionnées.
La nullité de la vente entraîne également, comme le tribunal l’avait indiqué, la restitution du bien à Mme [V] [W] veuve [J].
L’expulsion de M. [T] [J] sera donc ordonnée et ce, dans le délai de deux mois à compter de la signification du présent arrêt, sous astreinte provisoire de 500€ par jour de retard passé ce délai, dans la limite de trois mois.
Enfin, la publication du présent arrêt au service de la publicité foncière sera ordonnée aux frais de M. [T] [J].
4/ Sur la demande de dommages et intérêts de Mme [V] [W] veuve [J] :
Le tribunal, à la lecture d’une lettre du 10 avril 2013 envoyée par l’appelant à sa mère démontrant qu’il avait connaissance de ces troubles cognitifs et d’un courriel du 26 juin 2013 adressé au notaire aux termes duquel il indiquait avoir versé à celle-ci la somme de 24 000€ et faisait état du souhait de sa mère de baisser le prix de vente de 12 000€, a retenu que M. [T] [J] connaissait l’état de santé de Mme [W] veuve [J] et l’altération de ses facultés mentales ne lui permettant pas de consentir librement à la vente.
Il a retenu l’existence d’un dol et dédommagé Mme [W] veuve [J] du préjudice causé par celui-ci par l’allocation d’une somme de 10 000€.
L’appelant conteste toute man’uvre dolosive de sa part.
Le seul fait de contracter avec une personne dont l’absence de facultés mentales nécessaires à la validité de l’acte est manifeste ne permet pas de caractériser un dol s’il n’est pas relevé en outre l’existence de man’uvres destinées à la tromper.
Non seulement, en l’espèce, les man’uvres nécessaires pour caractériser le dol imputé à l’appelant ne sont pas décrites par les intimés, ni a fortiori établies, mais encore n’est-il pas démontré que ces man’uvres aient déterminé le consentement de Mme [W] veuve [J].
Le jugement doit donc être infirmé sur ce point.
L’intimée n’étaye par ailleurs aucunement dans ses conclusions sa demande de « dommages et intérêts toutes causes de préjudices confondues ».
En effet, si les intimés rappellent qu’ont valeur constitutionnelle les droits et libertés des personnes vulnérables , soit :
– la liberté et le droit au respect de la vie privée,
– le droit de choisir sa résidence,
– l’interdiction de toute discrimination et de traitements cruels,
force est de constater qu’ils ne démontrent pas en quoi l’appelant serait précisément à l’origine de leur violation.
Il s’en déduit que la demande de dommages et intérêts de Mme [V] [W] veuve [J] à hauteur de 72 000€ ne peut être accueillie.
5/ Sur la demande de l’appelant de remboursement de la somme de 11 883,60€ :
M. [T] [J] ne verse, à l’appui de cette prétention, qu’un commandement aux fins de saisie vente du 16 mars 2021 .
Faute de justificatif de la saisie effective de la somme visée, la demande doit être rejetée, étant observé que l’infirmation du jugement sur cette condamnation rendrait en tout état de cause ladite saisie sans objet.
6/ Sur la demande de dommages et intérêts pour préjudice moral de l’appelant :
M. [T] [J] sollicite la condamnation solidaire des intimés à lui payer la somme de 100 00€ à titre de dommages et intérêts « en réparation du préjudice moral que lui a causé cette procédure intentée à son insu et empreinte d’allégations et soupçons qui l’ont profondément affligés ».
Les intimés n’ont pas répliqué sur ce chef de demande.
Il résulte de ce qui précède que les intimés ont sollicité à juste titre l’annulation de la vente et que les allégations relatives à la connaissance par l’appelant de l’altération des facultés mentales de sa mère au moment de la vente étaient fondées à la lecture de la lettre du 10 avril 2013 et du courriel du 26 juin 2013 précités.
Aucune faute ne pouvant être imputée aux intimés, cette demande doit être rejetée.
7/ Sur la demande de dommages et intérêts de MM. [G] [J] et [P] [J] :
Le tribunal a débouté les sus-nommés de cette demande en l’absence de toute pièce démontrant l’existence d’un préjudice.
Les intimés, qui sollicitent l’infirmation du jugement sur ce point, ne motivent pas leur prétention.
Le jugement sera donc confirmé.
8/ Sur les demandes accessoires :
En l’absence de la SCP Schin-Oua-Siron-Schapira-[A]-Zaire-Bellemare à la cause, il n’y a pas lieu de modifier les dispositions du jugement relatives aux dépens et frais irrépétibles exposés en première instance.
Le sens de la décision et l’équité justifient la condamnation de l’appelant aux dépens d’appel et à verser aux intimés la somme de
3 000€ au titre des frais irrépétibles exposés en cause d’appel.
PAR CES MOTIFS,
La cour,
Par arrêt contradictoire, en dernier ressort et mis à disposition par le greffe,
DIT n’y avoir lieu à annulation du jugement du tribunal judiciaire de Fort de France du 02 mars 2021 ;
CONFIRME le jugement du tribunal judiciaire de Fort de France du 02 mars 2021 en ce qu’il a : -prononcé la nullité de l’acte de vente en date du 11 juin 2014 à Fort-de-France par acte authentique passé par-devant la SCP Schin-Oua-Siron-Schapira-[A]-Zaire-Bellemare représentée par Me [R] [A], entre Mme [V] [W] veuve [J] et M. [T] [X] [J] et à ce titre représentée par ses fils M. [P] [J] et M. [G] [J], ladite vente portant sur une maison d’habitation située à [Localité 11] section W n[Cadastre 1] d°une surface de 03a 24 ca, avec toutes conséquences que de droit :
– replacé les parties dans leurs droits antérieurs à la vente du 11 juin 2014 et ordonné la restitution des sommes effectivement perçues par Mme [V] [W] veuve [J] ;
– débouté M. [G] [J] et M. [P] [J] de leurs demandes au titre du préjudice subi ;
L’INFIRME pour le surplus, sauf en ce qu’il a :
– condamné la SCP Schin-Oua-Siron-Schapira-[A]-Zaire-Bellemare, représentée par Me [R] [A], à payer à Mme [V] [W] veuve [J] la somme de 5.000 euros ;
– condamné solidairement la SCP Schin-Oua-Siron-Schapira-[A]-Zaire-Bellemare, représentée par Me [R] [A], et M. [T] [X] [J] à payer à Mme [V] [W] veuve [J], à M. [G] [J] et à M. [P] [J] la somme de 1.500 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile,
-condamné in solidum la SCP Schin-Oua-Siron-Schapira [A] Zaire-Bellemare, représentée par Me [R] [A] et M. [T] [X] [J] aux entiers dépens ;
Statuant à nouveau,
DÉBOUTE Mme [V] [W] veuve [J] représentée par son tuteur M. [G] [J] de sa demande de dommages et intérêts « toutes causes de préjudice confondues » ;
ORDONNE la publication du présent arrêt au service de la publicité foncière de [Localité 10] aux frais de M. [T] [J] qui devra en justifier dans le délai de trois mois à compter de la signification dudit arrêt ;
Et y ajoutant,
ORDONNE le remboursement à M. [T] [J] de la somme de 11 000€ (onze mille euros) versés en la comptabilité de la SCP Schin-Oua-Siron-Schapira-[A]-Zaire-Bellemare le 11 juin 2014 ;
DÉBOUTE M. [T] [J] du surplus de sa demande de remboursement ;
ORDONNE la restitution du bien immobilier à Mme [V] [W] veuve [J] et, en conséquence, l’expulsion de M. [T] [J] et celle de tous occupants de son chef, avec si besoin l’assistance de la force publique, dans le délai de deux mois à compter de la signification du présent arrêt et sous astreinte provisoire de 500€ (cinq cents euros ) par jour de retard passé ce délai, dans la limite de trois mois ;
DÉBOUTE M. [T] [J] de sa demande de dommages et intérêts pour préjudice moral ;
CONDAMNE M. [T] [J] aux dépens d’appel ;
CONDAMNE M. [T] [J] à payer à Mme [V] [W] veuve [J] représentée par son tuteur M. [G] [J], et à MM. [P] [J] et [G] [J] es noms, la somme de 3 000€ (trois euros) au titre des frais irrépétibles exposés en cause d’appel, en application de l’article 700 du code de procédure civile.
Signé par Mme Nathalie RAMAGE, Présidente de Chambre et Mme Béatrice PIERRE-GABRIEL, Greffière, lors du prononcé à laquelle la minute a été remise.
LA GREFFIERE, LA PRESIDENTE,