Nullité d’Assignation : 31 mai 2023 Cour d’appel de Rennes RG n° 22/01632

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Nullité d’Assignation : 31 mai 2023 Cour d’appel de Rennes RG n° 22/01632
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1ère Chambre

ARRÊT N°157/2023

N° RG 22/01632 – N° Portalis DBVL-V-B7G-SRP7

S.A.S. SALAUN HOLIDAYS

C/

M. [L] [T]

Copie exécutoire délivrée

le :

à :

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D’APPEL DE RENNES

ARRÊT DU 31 MAI 2023

COMPOSITION DE LA COUR LORS DES DÉBATS ET DU DÉLIBÉRÉ :

Président : Madame Aline DELIÈRE, Présidente de chambre,

Assesseur : Madame Véronique VEILLARD, Présidente de chambre entendue en son rapport,

Assesseur : Madame Caroline BRISSIAUD, Conseillère,

GREFFIER :

Madame Patricia IBARA, lors des débats et Madame Marie-Claude COURQUIN, lors du prononcé

DÉBATS :

A l’audience publique du 11 octobre 2022

ARRÊT :

Contradictoire, prononcé publiquement le 31 mai 2023 par mise à disposition au greffe après prorogation du délibéré annoncé au 6 décembre 2022 à l’issue des débats

****

APPELANTE :

La société SALAUN HOLIDAYS, Société par Actions Simplifiée à associé Unique, immatriculée au registre du commerce et des sociétés de Quimper sous le n°B319.394.797, agissant poursuites et diligences de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité au siège

[Adresse 3]

[Localité 2]

Représentée par Me Tiphaine LE BERRE BOIVIN, Postulant, avocat au barreau de RENNES

Représentée par Me Hervé JAN de la SELARL AVOCATS OUEST CONSEILS, Plaidant, avocat au barreau de QUIMPER

INTIMÉ :

Monsieur [L] [T]

né le 18 Septembre 1948 à [Localité 5] (29)

[Adresse 4]

[Localité 1]

Représenté par Me Jean-François MOALIC, avocat au barreau de QUIMPER

FAITS ET PROCÉDURE

La sas Salaün Holidays, spécialisée dans le secteur des activités de voyagiste (tour opérateur), a embauché M. [T] en contrat de travail à durée indéterminée à compter du 2 février 2009 en qualité de ‘chargé de mission, promotion / communication’ avec pour mission de participer, en lien avec la direction marketing, à la communication et à la promotion des activités de voyages commercialisés par l’entreprise.

Après cessation de ce contrat le 30 septembre 2020, M. [T] a, par courrier du 9 décembre 2020, mis en demeure la sas Salaün Holidays ‘branche Edition’ de lui régler la somme de 50.560 € au titre de ses droits d’auteurs sur 5 ouvrages édités par elle. Sans effet.

Par assignation du 8 février 2021, M. [T] a fait convoquer la sas Salaün Holidays ‘Branche Editions’ devant le tribunal judiciaire de Rennes aux fins de voir constater les manquements par cette dernière à ses obligations légales de reddition des comptes et paiement des droits d’auteurs relatifs aux éditions et ventes d’ouvrages dont il est l’auteur et de la voir condamnée à lui payer les sommes de 50.560 € au titre desdits droits d’auteurs et de 10.000 € pour résistance abusive et à lui adresser les redditions de comptes actualisées, outre les frais irrépétibles et la charge des dépens.

Par conclusions notifiées par voie électronique les 16 avril et 7 septembre 2021, la sas Salaün Holidays a saisi le juge de la mise en état d’une demande de nullité de l’assignation et d’une demande d’irrecevabilité à agir faute de caractère original des oeuvres et de qualité d’auteur de M. [T].

Par ordonnance du 6 janvier 2022, le juge de la mise en état a :

– rejeté la fin de non-recevoir tirée de l’absence de démonstration de l’originalité des oeuvres litigieuses par M. [T],

– déclaré son action recevable,

– rejeté l’exception de nullité de l’acte d’assignation délivré le 8 février 2021 par M. [T] à l’encontre de la sas Salaün Holidays,

– enjoint à la sas Salaün Holidays de conclure au fond avant le 29 mars 2022,

– renvoyé l’affaire à l’audience de mise en état du 31 mars 2022,

– réservé les frais et dépens.

La sas Salaün Holidays a interjeté appel le 8 mars 2022.

PRÉTENTIONS ET MOYENS

La sas Salaün Holidays expose ses demandes et moyens dans ses dernières conclusions remises au greffe et notifiées le 15 avril 2022 auxquelles il est renvoyé.

Elle demande à la cour de :

– à titre principal,

– constater que M. [T] ne démontre pas sa qualité d’auteur dans son acte introductif d’instance,

– déclarer qu’il ne justifie pas de sa qualité à agir au titre du droit d’auteur dans son acte introductif d’instance,

– vu l’impossibilité pour elle de faire valoir utilement ses droits et sa défense,

– prononcer, sur le fondement de l’article 56 2° du code de procédure civile, la nullité de l’assignation introductive d’instance,

– à titre subsidiaire,

– constater que M. [T] ne démontre pas sa qualité d’auteur dans son acte introductif d’instance,

– déclarer que M. [T] ne justifie pas de sa qualité à agir au titre du droit d’auteur dans son acte introductif d’instance,

– le déclarer irrecevable par application de l’article 122 du code de procédure civile en son action et ses demandes dirigées contre elle sur le fondement du droit d’auteur,

– en tout état de cause,

– condamner M. [T] à lui payer la somme de 4.500 € au titre de l’article 700 du code de procédure civile,

– le condamner aux dépens d’instance et d’appel recouvrés conformément à l’article 699 du code de procédure civile.

Elle soutient que la condition d’originalité doit être démontrée dès l’assignation à peine de nullité, que tel n’est pas le cas, que M. [T] échoue donc à démontrer sa qualité à agir faute de démontrer sa qualité d’auteur.

M. [T] expose ses demandes et moyens dans ses dernières conclusions remises au greffe et notifiées le 24 mai 2022 auxquelles il est renvoyé.

Il demande à la cour de :

– confirmer l’ordonnance du juge de la mise en état,

– juger que ses ‘uvres sont des ‘uvres originales dont il est l’auteur,

– débouter la sas Salaün Holidays de ses demandes,

– juger motivée en droit et en fait l’assignation délivrée par lui,

– débouter la sas Salaün Holidays de sa demande de nullité de l’assignation qui lui a été délivrée,

– le condamner à lui payer la somme de 3.000 € sur le fondement de l’article 700 € du code de procédure civile, outre la charge des dépens de l’incident.

Il soutient qu’il est l’auteur des ouvrages litigieux qui sont des carnets de route retraçant ses voyages, utilisés par l’agence pour la promotion de l’activité touristique, qui refuse d’en acquitter les droits d’auteur, que le débat sur l’originalité relève du fond, que ses conclusions ultérieures en incident et au fond ont régularisé le débat sur le caractère original des oeuvres.

MOTIFS DE L’ARRÊT

À titre liminaire, il convient de rappeler que l’office de la cour d’appel est de trancher le litige et non de donner suite à des demandes de ‘constater’, ‘dire’ ou ‘dire et juger’ qui ne constituent pas, hors les cas prévus par la loi, des prétentions au sens des articles 4, 5 et 954 du code de procédure civile mais la reprise des moyens censés les fonder.

1) Sur la nullité de l’assignation fondée sur l’article 56 2° du code de procédure civile

L’article 56 2° du code de procédure civile prévoit :

« L’assignation contient à peine de nullité, outre les mentions prescrites pour les actes d’huissier de justice et celles énoncées à l’article 54 :

(‘)

2° Un exposé des moyens en fait et en droit :

(‘)

En l’espèce, l’assignation délivrée le 8 février 2021 porte réclamation par M. [T] du paiement de droits d’auteur pour les 5 ouvrages litigieux dont il soutient qu’il les a écrits, qu’en conséquence, ils lui appartiennent et doivent donner lieu au versement de droits d’auteur dès lors qu’ils sont commercialisés par la société Salaün Editions. L’assignation détaille les cinq ouvrages, le contexte de leur réalisation et celui de leur commercialisation ainsi que celui de la réclamation du paiement des droits d’auteur. Elle est articulée sur les articles 131-4 et suivants du code de la propriété intellectuelle. Elle rappelle qu’elle fait suite à une mise en demeure du 9 décembre 2020 restée sans effet.

Ces éléments suffisent à définir l’objet de la demande et le fondement juridique de l’action. Ainsi, l’assignation est motivée en fait comme en droit conformément aux exigences de l’article 56 2° du code de procédure civile, et a du reste permis à la sas Salaün Holidays de conclure utilement en défense, aucun grief n’étant démontré.

L’ordonnance du juge de la mise en état, qui a écarté le moyen tiré de sa nullité, sera confirmée.

2) Sur le défaut de qualité à agir

L’article L. 111-1 alinéa 1 et 2 du code de la propriété intellectuelle dispose que ‘l’auteur d’une ‘uvre de l’esprit jouit sur cette ‘uvre, du seul fait de sa création, d’un droit de propriété incorporelle exclusif et opposable à tous. Ce droit comporte des attributs d’ordre intellectuel et moral ainsi que des attributs d’ordre patrimonial, qui sont déterminés par les livres I et III du présent code’.

L’article L. 112-1 du même code prévoit quant à lui que ‘les dispositions du présent code protègent les droits des auteurs sur toutes les oeuvres de l’esprit, quels qu’en soient le genre, la forme d’expression, le mérite ou la destination’.

Une oeuvre peut dès lors bénéficier d’une protection au titre du droit d’auteur quelque soit le genre auquel elle appartient, sa forme d’expression ou sa destination, dès lors qu’elle présente un caractère original, fruit de l’effort créateur de son auteur, expression de ses choix libres et créatifs et empreinte de sa personnalité.

La sas Salaün soutient que l’originalité d’une ‘uvre est la condition nécessaire à l’existence même de la qualité d’auteur et que c’est la qualité d’auteur qui justifie à elle seule la qualité à agir.

En l’espèce, la qualité d’auteur de M. [T] n’est pas contestée, ce qui suffit à lui donner la qualité pour agir.

C’est le caractère original des ouvrages qui l’est. Or, ainsi que l’a retenu le juge de la mise en état, l’originalité relève du débat au fond.

L’ordonnance du juge de la mise en état, qui a écarté la fin de non-recevoir tirée du défaut de qualité à agir, sera confirmée.

3) Sur les dépens et les frais irrépétibles

Succombant, la sas Salaün Holidays supportera la charge des dépens d’appel. L’ordonnance du juge de la mise en état sera confirmée s’agissant des dépens de première instance.

Enfin, il n’est pas inéquitable de condamner la sas Salaün Holidays à payer à M. [T] la somme de 3.000 € au titre des frais irrépétibles exposés par lui en cause d’appel et qui ne sont pas compris dans les dépens.

L’ordonnance de première instance sera confirmée s’agissant des dépens de première instance.

La demande de la sas Salaün Holidays au titre des frais irrépétibles sera rejetée.

PAR CES MOTIFS

La cour,

Confirme en toutes ses dispositions l’ordonnance du 6 janvier 2022 du juge de la mise en état du tribunal judiciaire de Rennes,

Condamne la sas Salaün Holidays aux dépens d’appel,

Condamne la sas Salaün Holidays à payer à M. [L] [T] la somme de 3.000 € au titre des frais irrépétibles d’appel,

Rejette le surplus des demandes.

LA GREFFIÈRE LA PRÉSIDENTE

 


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