Nullité d’Assignation : 31 mai 2023 Cour d’appel de Nîmes RG n° 23/00393

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Nullité d’Assignation : 31 mai 2023 Cour d’appel de Nîmes RG n° 23/00393
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RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

ARRÊT N°

N° RG 23/00393 – N° Portalis DBVH-V-B7H-IWNL

CO

TRIBUNAL DE COMMERCE DE NIMES

17 janvier 2023

RG:2020F1226

[T]

C/

[D]

S.E.L.A.R.L. BRMJ (30)

Grosse délivrée

le 31 MAI 2023

à Me Nicolas DOUCENDE

Me Christophe MOURIER

COUR D’APPEL DE NÎMES

CHAMBRE CIVILE

4ème chambre commerciale

ARRÊT DU 31 MAI 2023

Décision déférée à la Cour : Jugement du Tribunal de Commerce de NIMES en date du 17 Janvier 2023, N°2020F1226

COMPOSITION DE LA COUR LORS DES DÉBATS ET DU DÉLIBÉRÉ :

Mme Christine CODOL, Présidente de Chambre,

Madame Claire OUGIER, Conseillère,

Madame Agnès VAREILLES, Conseillère,

GREFFIER :

Madame Isabelle DELOR, Greffière, lors des débats et du prononcé de la décision

MINISTERE PUBLIC :

Auquel l’affaire a été régulièrement communiquée.

DÉBATS :

A l’audience publique du 04 Mai 2023, où l’affaire a été mise en délibéré au 31 Mai 2023.

Les parties ont été avisées que l’arrêt sera prononcé par sa mise à disposition au greffe de la cour d’appel.

APPELANT :

Monsieur [Y] [T]

né le [Date naissance 4] 1943 à [Localité 7]

[Adresse 2]

[Adresse 2]

Représenté par Me Christophe MOURIER, Plaidant/Postulant, avocat au barreau D’ALES

INTIMÉS :

Monsieur [E] [D]

né le [Date naissance 1] 1968 à [Localité 6] (TURQUIE)

[Adresse 3]

[Adresse 3]

Représenté par Me Jean françois TRAMONI VENERANDI, Plaidant/Postulant, avocat au barreau de NIMES

S.E.L.A.R.L. BRMJ (30), représentée par Me Bernard ROUSSEL, désignée aux fonctions de Liquidateur Judiciaire de la SARL LES VILLAS [D] suivant Jugement rendu le 22 mai 2019 par le Tribunal de Commerce de NIMES,

[Adresse 5]

[Adresse 5]

Représentée par Me Jean-marie CHABAUD de la SELARL SARLIN-CHABAUD-MARCHAL & ASSOCIES, Plaidant/Postulant, avocat au barreau de NIMES substitué par Me Nicolas DOUCENDE, avocat au barreau de NIMES,

Affaire fixée en application des dispositions de l’article 905 du code de procédure civile avec ORDONNANCE DE CLÔTURE rendue le 27 Avril 2023

ARRÊT :

Arrêt contradictoire, prononcé publiquement et signé par Mme Christine CODOL, Présidente de Chambre, le 31 Mai 2023,par mise à disposition au greffe de la Cour

EXPOSÉ

Vu l’appel interjeté le 1erfévrier 2023 par Monsieur [Y] [T] à l’encontre du jugement prononcé le 17 janvier 2023 par le tribunal de commerce de Nîmes dans l’instance n°2020F01226 ;

Vu l’avis de fixation de l’affaire à bref délai du 7 février 2023 ;

Vu les dernières conclusions remises par la voie électronique le 6 mars 2023 par l’appelant, et le bordereau de pièces qui y est annexé ;

Vu les dernières conclusions remises par la voie électronique le 4 avril 2023 par la SELARL BRMJ ès-qualités de liquidateur judiciaire de la SARL Les villas [D], intimée et appelante incidente, et le bordereau de pièces qui y est annexé ;

Vu les dernières conclusions remises par la voie électronique le 5 avril 2023 par Monsieur [E] [D], intimé et appelant incident, et le bordereau de pièces qui y est annexé ;

Vu les conclusions transmises par voie électronique le 17 avril 2023 par le ministère public ;

Vu l’ordonnance de clôture de la procédure du 7 février 2023 à effet différé au 27 avril 2023 ;

***

La SARL Les villas [D], immatriculée le 11 octobre 2013 et gérée par Monsieur [Y] [T] qui en est également associé pour moitié du capital social, exerce une activité de maçonnerie générale.

Le 23 octobre 2015, Monsieur [E] [D] a acquis l’autre moitié des parts sociales de cette société.

La société Les villas [D] a été placée en liquidation judiciaire par jugement du tribunal de commerce de Nîmes du 22 mai 2019, la date de cessation des paiements fixée au 1er janvier 2019, et la SELARL BRMJ désignée en qualité de liquidateur judiciaire.

Par exploit du 12 novembre 2020, la SELARL BRMJ, ès-qualités, a fait assigner Monsieur [Y] [T] en qualité de gérant de droit et Monsieur [E] [D] en qualité de gérant de fait devant le tribunal de commerce de Nîmes en comblement de l’insuffisance d’actif et en prononcé de sanctions personnelles.

Par jugement du 17 janvier 2023, le tribunal de commerce de Nîmes a, au visa des articles L651-2 et suivants et R651-1 et suivants, ainsi que des article L653-8 et R653-1 et suivants du code de commerce:

condamné Monsieur [T] [Y] à supporter l’insuffisance d’actifs de la SARL Les villas [D],

et à ce titre, l’a condamné au paiement de la somme de 105.037 euros ainsi qu’aux entiers dépens,

prononcé à son encontre une mesure d’interdiction de diriger, gérer, administrer ou contrôler, directement ou indirectement, soit toute entreprise commerciale ou artisanale, toute exploitation agricole et toute personne morale, soit une ou plusieurs de celles-ci, pendant une durée de 7 ans,

dit qu’en application des articles L. 128-1 et suivants et R. 128-1 et suivants du code de commerce, cette sanction fera l’objet d’une inscription au Fichier national des interdits de gérer, dont la tenue est assurée par le Conseil national des greffiers des tribunaux de commerce,

condamné Monsieur [T] [Y] à payer à la SELARL BRMJ ès-qualités de liquidateur judiciaire de la SARL Les villas [D] la somme de 1.500 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile,

débouté la SELARL BRMJ ès-qualités de liquidateur judiciaire de la SARL Les villas [D] de l’ensemble de ses demandes formulées à l’encontre de Monsieur [D] [E], fins et conclusions,

condamné la SELARL BRMJ ès-qualités de liquidateur judiciaire de la SARL Les villas [D] à payer à Monsieur [D] [E], la somme de 1.500 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile,

ordonné l’exécution provisoire de la décision,

et condamné Monsieur [T] [Y] aux dépens.

Ce dernier a interjeté appel de cette décision aux fins de la voir réformer en toutes ses dispositions.

***

Dans ses dernières conclusions, Monsieur [Y] [T], appelant, demande à la cour :

d’accueillir son appel, le dire juste et bien fondé,

de réformer le jugement attaqué,

Statuant à nouveau,

A titre principal,

de prononcer l’annulation de l’assignation délivrée le 12 décembre 2020 à l’encontre de Monsieur [Y] [T] à la requête de la SELARL BRMJ, et de débouter celle-ci de l’ensemble de ses demandes,

A titre subsidiaire et au fond,

de débouter la SELARL BRMJ de l’ensemble de ses demandes,

de condamner Monsieur [E] [D] au comblement de l’insuffisance d’actif de la SARL Les villas [D] et, à ce titre, de le condamner à payer à la SELARL BRMJ ès-qualités de liquidateur judiciaire de la SARL Villas [T], la somme de 220.000 euros,

de condamner la SELARL BRMJ à lui payer une somme de 10.000 euros par application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile, et aux entiers dépens.

Il soutient tout d’abord que les premiers juges ont rejeté à tort sa demande en nullité de l’assignation délivrée le 12 décembre 2020.

En effet, cet acte mentionne que les débats auront lieu en chambre du conseil en matière de procédures collectives alors qu’aux termes de l’article L662-3 du code de commerce, ils doivent avoir lieu en audience publique lorsqu’ils sont relatifs aux mesures prises en application des chapitres 1er et III du titre V.

Subsidiairement et sur le fond, sa condamnation doit être réformée puisque :

– la SELARL BRMJ ne démontre pas une insuffisance d’actif certaine en ce qu’elle ne fait pas de distinction entre le passif admis et le passif contesté et en ce qu’elle inclut une créance qui est l’objet d’une procédure en cours ;

– la SELARL BRMJ opère une confusion entre l’insuffisance d’actif et la cessation des paiements ;

– pour chaque faute de gestion reprochée, la SELARL BRM s’abstient de déterminer l’augmentation de l’insuffisance d’actif entre la date à laquelle il aurait commis la faute et l’insuffisance d’actif finale, ainsi que l’insuffisance d’actif existant au jour de la faute ;

– les fautes de gestion alléguées sont inexistantes : le retard dans la déclaration de cessation de paiement ne résulte que d’une simple négligence, la date ayant été justement appréciée dans la déclaration déposée et le gérant ayant eu des difficultés pour réunir les pièces nécessaires en raison du vol de l’ordinateur de l’entreprise survenu durant cette période ; la poursuite abusive d’une activité déficitaire n’est pas caractérisée ; les honoraires de l’expert comptable ont été réglés jusqu’en mars 2019 ; des tentatives de redressement ont été effectuées par le gérant en payant la TVA, en déclarant les cotisations sociales, en versant des sommes à l’URSSAF et en signant un protocole transactionnel avec l’entreprise SAMSE ; la création de la société Les villas [T] ne caractérise ni un détournement d’actif, ni une banqueroute, aucun client ou bien de la société Les villas [D] n’ayant été détourné au profit de la première.

En revanche, plusieurs fautes de gestion à l’origine des difficultés de l’entreprise, ont été commises par Monsieur [D] : il a fait réaliser par la société Les villas [D] des travaux de construction d’une villa au bénéfice de sa fille pour un montant de 19.000 euros ; il a détourné des fonds revenant à la société pour un montant de 13.344 euros ; il a dérobé des actifs appartenant à la société.

***

Dans ses dernières conclusions, Monsieur [E] [D], intimé, forme appel incident et demande à la cour, au visa des articles 122 et 446 du code de procédure civile, et des articles L651-3 et L662-3 du code de commerce, de :

Avant toute défense au fond,

A titre principal,

juger irrecevable la demande nouvelle de l’appelant portant sur sa condamnation à combler le passif,

A titre incident, prononcer la nullité de l’acte introductif d’instance en date du 1er novembre 2020 et celle du jugement du tribunal de commerce de Nîmes sans possibilité d’évocation,

Sur le fond,

A titre principal,

le mettre hors de cause,

A titre subsidiaire, confirmer le jugement entrepris à son égard,

débouter Monsieur [Y] [T] de ses demandes à son encontre,

Y ajoutant, condamner Monsieur [Y] [T] à lui payer une somme de 2.500 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile, ainsi qu’aux entiers dépens de l’instance.

Il fait tout d’abord valoir que l’appelant n’a pas qualité pour demander sa condamnation au comblement de l’insuffisance d’actif de la société et que cette prétention, nouvelle devant la cour, est à ce titre irrecevable.

A titre incident, il observe que la cause ayant été finalement retenue en chambre du conseil en première instance, la nullité est acquise et s’étend à l’ensemble de la procédure.

Sur le fond, il déduit de l’absence d’appel du liquidateur de la décision rendue à son égard qu’il doit être mis hors de cause, et, subsidiairement, soutient que c’est à juste titre qu’il n’a pas été retenu comme gérant de fait de la société Les villas [D].

***

Dans ses dernières conclusions, la SELARL BRMJ ès-qualités de liquidateur judiciaire de la SARL Les villas [D], intimée, forme appel incident et demande à la cour de :

réformer le jugement déféré en ce qu’il a limité la condamnation de Monsieur [Y] [T] au paiement de la somme de 105.037 euros,

Et statuant à nouveau, condamner Monsieur [Y] [T] à payer à la SELARL BRMJ ès-qualités de liquidateur judiciaire de la SARL Les villas [D], une somme provisionnelle de 180.000 euros,

confirmer pour le surplus la décision déférée,

rejeter l’ensemble des demandes adverses plus amples ou contraires,

condamner Monsieur [Y] [T] au paiement de la somme de 10.000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile et des dépens.

Il conteste les moyens de nullité de l’assignation et du jugement soutenus par Monsieur [T] et Monsieur [D] en retenant que l’affaire a fait l’objet de nombreux renvois devant le tribunal de commerce de Nîmes, sans aucune demande d’évocation en audience publique, et qu’ils ne démontrent avoir subi aucun grief pouvant résulter de la nullité de forme qui affecterait la convocation délivrée.

Il fait état de multiples fautes de gestion commises par le gérant de droit Monsieur [T] : l’absence de déclaration de l’état de cessation des paiements dans le délai imparti malgré sa parfaite connaissance de la situation dégradée de la société et qui constitue une inertie fautive, la poursuite d’une activité déficitaire, le défaut de paiement des charges sociales, taxes, redevances et impositions sur plusieurs exercices, le défaut de tenue d’une comptabilité complète, sincère, et régulière qui ne peut être justifié par la carence de l’expert comptable.

Ces fautes ont toutes contribué à l’insuffisance d’actif de la société Les villas [D].

Cette insuffisance d’actif est établie de façon certaine à la différence entre le passif non contesté et l’actif de la liquidation judiciaire, soit 243.341,74 euros. C’est à tort que les premiers juges ont cru pouvoir écarter la demande en paiement d’une somme provisionnelle de 180.000 euros du liquidateur pour déduire notamment le montant des dettes comptables de la société, de sorte qu’il est relevé appel incident sur le quantum de la condamnation prononcée.

En l’état des fautes commises par la poursuite d’une activité déficitaire, les manquements comptables et l’omission de déclarer la cessation des paiements, c’est à juste titre que les premiers juges ont ordonné une interdiction de gérer d’une durée de sept ans à l’encontre de Monsieur [T].

***

Enfin, le ministère public conclut :

1° “au rejet de la demande de nullité de l’assignation et du jugement de première instance, au visa des motifs pertinents des premiers juges d’une part, et en l’absence totale de grief en application des dispositions de l’article 114 du code de procédure civile d’autre part,

2° à la confirmation par la Cour de la décision entreprise au vu des motifs pertinents des premiers juges, en l’état du caractère avéré et incontestable de manière sérieuse de fautes de gestion ayant contribué de manière directe à la totalité de l’insuffisance d’actifs de la société SARL Les villas [D], ayant pour gérant [T] [Y], et notamment :

– le non-respect des obligations de règlement en matière fiscale et sociale, notamment le non-paiemeént de la TVA dès mars 2018 et le non-paiement des cotisations URSSAF à partir d’août 2018,

– la tenue d’une comptabilité volontairement imparfaite, incomplète et donc non sincère et irrégulière à partir de l’exercice clos au 30 septembre 2017, sans pouvoir se réfugier derrière la carence prétendue de l’expert-comptable, non réglé de ses honoraires,

– l’absence de déclaration de cessation des paiements dans les 45 jours de son occurence, en l’état d’une déclaration de cessation des paiements du 24 avril 2019 et d’une cessation des paiements fixée par jugement du 22 mai 2019 au 1er janvier 2019 (en réalité bien antérieure, du fait d’inscription de privilège du trésor pour une dette de mars 2018, d’impayés de loyers dès mai 2015…),

– la poursuite d’une activité déficitaire avérée depuis de longue date en regard de déclarations de créances fiscales et sociales exigibles dès 2018 en regard de la création en parallèle d’une nouvelle société Villas [T],

3° à la confirmation de la décision entreprise en ce qu’elle a condamné [Y] [T], gérant de droit de la société SARL Les villas [D] à une mesure d’interdiction de gérer de 7 ans, tenant la gravité des faits en regard de la poursuite de l’activité déficitaire, des manquements en matière d’obligations comptables et de l’omission de déclaration de cessation des paiements dans les 45 jours de la dite cessation des paiements, ainsi que le montant conséquent de l’insuffisance d’actifs qui en a résulté,

4° à la confirmation de la décision entreprise en ce qu’elle a condamné [Y] [T] à supporter la dite insuffisance d’actifs, le lien de causalité entre les fautes de gestion avérées et l’insuffisance d’actifs étant parfaitement caractérisé,

5° à la réformation de la décision entreprise sur le quantum de l’insuffisance d’actifs mis à la charge de [Y] [T], le dit quantum devant être porté à son intégralité, soit 243.341,74 euros, eu égard la gravité des manquements sus-évoquée et l’absence de toute déduction opérante.’

***

Pour un plus ample exposé, il convient de se référer à la décision déférée et aux conclusions visées supra.

DISCUSSION

Sur la procédure :

sur les moyens de nullité soulevés :

En vertu de l’article 433 du code de procédure civile, par principe général commun à toutes les juridictions, “les débats sont publics sauf les cas où la loi exige qu’ils aient lieu en chambre du conseil”.

L’article L662-3 du code de commerce, inséré dans le Livre VI relatif aux difficultés des entreprises, dispose que “les débats devant le tribunal de commerce (…) ont lieu en chambre du conseil. Néanmoins la publicité des débats est de droit après l’ouverture de la procédure si le débiteur, le mandataire judiciaire, l’administrateur, le liquidateur, le représentant des salariés ou le ministère public en font la demande. Le président du tribunal peut décider qu’ils auront lieu ou se poursuivront en chambre du conseil s’il survient des désordres de nature à troubler la sérénité de la justice.

Par dérogation aux dispositions du premier alinéa, les débats relatifs aux mesures prises en application des chapitres Ier (“de la responsabilité pour insuffisance d’actif”) et III (“de la faillite personnelle et des autres mesures d’interdiction”) du titre V ont lieu en audience publique. Le président du tribunal peut décider qu’ils auront lieu en chambre du conseil si l’une des personnes mises en cause le demande avant leur ouverture”.

Les débats de l’audience du tribunal de commerce à l’issue de laquelle a été rendue la décision déférée devaient donc, en vertu de ce texte, se tenir en audience publique, sauf demande et décision dérogatoires, contrairement à ce qui est retenu par les premiers juges.

Or, comme mentionné en pages 3 et 5 du jugement attaqué, les débats ont manifestement eu lieu en chambre du conseil sans qu’aucune demande n’ait été formulée par quelque partie en ce sens. Les assignations et convocations adressées pour l’audience mentionnaient d’ailleurs qu’elle se tiendrait en chambre du conseil comme il résulte du dossier de première instance communiqué à la cour en application de l’article 968 du code de procédure civile.

Toutefois, l’article 437 du code de procédure civile prévoit que “s’il apparaît ou s’il est prétendu soit que les débats doivent avoir lieu en chambre du conseil alors qu’ils se déroulent en audience publique, soit l’inverse, le président se prononce sur le champ et il est passé outre à l’incident. Si l’audience s’est poursuivie sous sa forme régulière, aucune nullité fondée sur son déroulement antérieur ne pourra être ultérieurement prononcée, même d’office”.

Et l’article 446 suivant ajoute que “ce qui est prescrit par les articles 432 (alinéa 2), 433, 434, 435 et 444 (alinéa 2) doit être observé à peine de nullité. Toutefois, aucune nullité ne pourra être ultérieurement soulevée pour inobservation de ces dispositions si elle n’a pas été invoquée avant la clôture des débats. La nullité ne peut pas être relevée d’office”.

En l’espèce, il ressort de la motivation du jugement rendu le 17 janvier 2023 par le tribunal de commerce de Nîmes qu’aucun incident relatif à la publicité des débats n’a été soulevé au cours de l’audience, Monsieur [T] soutenant seulement la nullité de la convocation en ce qu’elle mentionnait que les débats auraient lieu en chambre du conseil.

Il n’est pas davantage justifié par Messieurs [T] ou [D] de ce qu’ils auraient formulé de telles observations quant à la publicité de l’audience en cours devant le tribunal de commerce de Nîmes.

A défaut d’avoir soulevé un tel incident avant la clôture des débats, et le président n’ayant donc pas été amené à le trancher sur le siège, Messieurs [T] et [D] sont irrecevables à se prévaloir de la nullité pour inobservation de cette règle de publicité. Com 23 mars 1999 n°97-30.319 notamment.

Et ils sont tout aussi irrecevables à se prévaloir de la nullité des assignations délivrées au motif qu’elles feraient état d’une audience se tenant en chambre du conseil que cette nullité -de forme au regard des dispositions des articles 114 et 117 du code de procédure civile- n’a pu leur causer aucun grief puisqu’ils étaient en mesure de soulever un incident quant à la publicité des débats en cours mais qu’ils s’en sont abstenus.

sur l’appel incident interjeté par Monsieur [T] et sa demande en condamnation de Monsieur [D] :

Aux termes de l’article L651-3 du code de commerce et sauf exception prévue à son deuxième alinéa, seul le liquidateur judiciaire et le ministère public ont la capacité de saisir le tribunal à l’encontre d’un dirigeant en comblement de l’insuffisance d’actif.

Les associés ou les autres dirigeants ne sont pas recevables à le faire.

Or, si la société BRMJ ès-qualités de liquidateur judiciaire avait assigné non seulement Monsieur [T] mais également Monsieur [D] devant le tribunal de commerce de Nîmes en comblement de passif -le ministère public s’associant à ses demandes, le jugement rendu le 17 janvier 2023 a rejeté l’ensemble des demandes formulées à l’encontre de Monsieur [D] et, ni le ministère public ni la SELARL BRMJ ès-qualités n’ont relevé appel incident de cette disposition.

Dès lors l’appel incident de Monsieur [T] tendant à voir condamner Monsieur [D] au comblement de l’insuffisance d’actif de la SARL Les villas [D] et au paiement à ce titre d’une somme de 220.000 euros, est irrecevable et la disposition du jugement déféré qui rejette l’ensemble des demandes formulées à l’encontre de Monsieur [D] est définitive.

Sur le fond :

Monsieur [Y] [T] ne conteste pas avoir été le seul gérant de la société Les villas [D] depuis son immatriculation le 11 octobre 2013 et jusqu’à sa liquidation comme il ressort de l’extrait Kbis au dossier.

1.sur l’action en comblement du passif :

Selon l’article L651-2 du code de commerce, « Lorsque la liquidation judiciaire d’une personne morale fait apparaître une insuffisance d’actif, le tribunal peut, en cas de faute de gestion ayant contribué à cette insuffisance d’actif, décider que le montant de cette insuffisance d’actif sera supporté, en tout ou en partie, par tous les dirigeants de droit ou de fait, ou par certains d’entre eux, ayant contribué à la faute de gestion. (…) Toutefois, en cas de simple négligence du dirigeant de droit ou de fait dans la gestion de la personne morale, sa responsabilité au titre de l’insuffisance d’actif ne peut être engagée. »

L’action en comblement de passif est une action en responsabilité délictuelle qui suppose l’existence d’un préjudice pour la société : une insuffisance d’actif, la caractérisation de la commission de fautes de gestion -excédant la simple négligence- à la charge de la personne dont la responsabilité est recherchée, et la démonstration d’un lien de causalité entre la ou les fautes commises et l’insuffisance d’actif constatée.

l’existence d’une insuffisance d’actif :

L’insuffisance d’actif s’établit à la différence entre le montant du passif admis et correspondant à des créances antérieures au jugement d’ouverture et le montant de l’actif de la personne morale débitrice tel qu’il résulte des réalisations effectuées en liquidation judiciaire (Com. 26 juin 2001, n°98-16.520).

Elle s’apprécie au jour où la juridiction statue dans le cadre de l’action engagée à l’encontre du dirigeant en exercice et non pas, comme le soutient Monsieur [T] au jour de la commission de chaque faute de gestion -l’arrêt cité (Com 16 juin 2021 n°19-16.359) exigeant seulement l’appréciation de l’insuffisance d’actif au jour de cessation des fonctions de l’ancien dirigeant recherché en comblement de passif.

S’agissant de l’actif, il ressort des pièces produites par le mandataire liquidateur -procès-verbal d’inventaire dressé le 11 juillet 2019 et relevé de compte bancaire, qu’il est composé d’un véhicule d’une valeur de 500 euros et d’un solde bancaire de 1.589,42 euros (pièces 30 et 31), pour un total de 2.089,42 euros.

S’agissant du passif, l’état définitif des créances déposé le 9 juin 2020 retient un montant total échu et admis de 244.931,16 euros (pièce 33).

Il y a donc une insuffisance d’actif certaine à ce jour de 242.841,74 euros.

la caractérisation de fautes de gestion et leur lien de causalité avec l’insuffisance d’actif :

L’action en comblement du passif a pour objet de sanctionner le comportement antérieur au jugement d’ouverture du ou des dirigeants et qui y aurait contribué. Il en résulte que seules des fautes de gestion antérieures au jugement d’ouverture de la procédure collective ayant donné lieu à liquidation judiciaire -qui autorise l’action en responsabilité d’insuffisance d’actif- peuvent être prises en compte. Com 22 janvier 2020 n°18-17.030 ; 8 mars 2023 n°21-24.650

En l’occurrence, la procédure collective a été ouverte et la liquidation judiciaire prononcée le 22 mai 2019. Seules peuvent donc être retenues comme fautes de gestion engageant sa responsabilité, celles commises par Monsieur [T] avant cette date.

Un lien de causalité doit également être établi entre la faute de gestion et l’insuffisance d’actif (Com. 3 juillet 2012, n° 10-17.624 notamment).

La faute peut avoir seulement “contribué” à l’insuffisance d’actif et il n’est pas nécessaire que la faute soit la cause directe et exclusive du dommage (Com. 21 juin 2005, n° 04-12.087). Le juge n’a ainsi pas à déterminer avec précision la part d’insuffisance d’actif imputable à telle faute du dirigeant.

Le jugement déféré a retenu la responsabilité de Monsieur [T] au titre de quatre fautes de gestion :

l’absence de déclaration de cessation des paiements dans le délai de 45 jours,

les irrégularités comptables,

le non-paiement des charges sociales et fiscales,

la poursuite abusive de l’activité déficitaire,

tandis qu’il a estimé que le détournement d’actifs reproché par le liquidateur judiciaire à Monsieur [T] n’était pas démontré.

Le ministère public et la SELARL BRMJ ès-qualités ne relevant appel incident que sur le quantum de la condamnation, la cour est donc uniquement saisie des quatre fautes retenues en première instance et contestées par l’appelant principal, Monsieur [T].

L’absence de déclaration de l’état de cessation de paiement dans le délai prescrit

L’article L640-4 du code de commerce dispose que « l’ouverture de cette procédure (de liquidation judiciaire) doit être demandée par le débiteur au plus tard dans les quarante-cinq jours qui suivent la cessation des paiements, s’il n’a pas dans ce délai demandé l’ouverture d’une procédure de conciliation ».

La tardiveté de la déclaration de cessation de paiement s’apprécie au regard de la seule date de cessation fixée dans le jugement ouvrant la procédure collective, date en l’espèce fixée au 1er janvier 2019 par le jugement du 22 mai 2019 (Com 18 mai 2016 n°14-21.133 notamment).

L’ouverture de la procédure aurait donc dû être demandée au plus tard le 15 février 2019 par Monsieur [T].

Or la demande d’ouverture de liquidation judiciaire a été rédigée le 19 avril 2019 (pièce 4 du liquidateur) et il n’est pas contesté qu’elle a été déposée le 24 avril 2019 (conclusions de Monsieur [T] en page 9), soit avec plus de deux mois de retard.

Et contrairement à ce que soutient Monsieur [T] dans ses dernières écritures, cela ne ressort pas d’une simple négligence puisque, dans ladite déclaration, il admet lui-même que la société est en état de cessation de paiement depuis le 1er février 2019, et décrit l’état du passif en ajoutant que “les dettes sont trop importantes pour envisager un redressement”.

Etant observé que la société a alors six salariés, des dettes fiscales et sociales, il ne pouvait qu’avoir conscience en sa qualité de gérant de l’urgence de procéder à la déclaration de cessation des paiements au plus vite et en tout cas dans le délai légal.

Enfin, c’est tout aussi vainement qu’il soutient avoir été retardé par le vol de l’ordinateur de la société alors, d’une part, que sa seule plainte -produite en pièce 3- ne suffit à en établir la matérialité, et, d’autre part, que ce vol serait intervenu selon ses dires le 28 février 2019, et donc à une date où la déclaration de cessation des paiements aurait d’ores et déjà dû être formalisée.

Le lien de causalité entre cette inertie fautive et l’insuffisance d’actif résulte de la situation même de la société et des dettes décrites dans la demande d’ouverture de liquidation judiciaire : le passif social et fiscal (“URSSAF, ProBTP, CiBTP, TVA, CFE”) ne pouvait que croitre avec le retard de déclaration, et les mois de février et mars 2019 impayés s’y ajouter encore.

Les irrégularités comptables :

Le mandataire liquidateur fait valoir que Monsieur [T] “n’assume plus aucune de ses obligations comptables postérieurement à l’exercice clos au 30 septembre 2017”.

C’est en effet le bilan simplifié de cet exercice qu’il joint à la demande d’ouverture de liquidation judiciaire déposée le 24 avril 2019. Il manque alors a minima les éléments comptables de l’exercice clos au 30 septembre 2018.

Bien plus, est produit aux débats par la SELARL BRMJ, un courrier de “fin de mission” adressé par le cabinet d’expertise comptable à la société Les villas [D] le 15 mars 2019, aux termes desquels il est fait état du non paiement des honoraires dus “malgré (de) nombreuses relances”, mais également de l’absence de communication de certains éléments susceptibles d’affecter les résultats ou la situation patrimoniale (pièce 19).

Et le paiement au 23 novembre 2018 d’une note d’honoraires du 2 novembre 2018 d’un montant de 267,79 euros dont justifie l’appelant (sa pièce 12), n’est pas de nature à contredire le précédent courrier puisqu’elle correspond seulement à un acompte mensuel sur mission comptable de présentation au 30 septembre 2019 pour 88,16 euros et aux frais de la mission sociale d’établissement des bulletins de salaire d’octobre 2018.

Il est ainsi patent qu’aucune comptabilité n’a été établie pour l’exercice clos au 30 septembre 2018, et aucune comptabilité provisoire pour les mois suivants, ce qui constitue un manquement du dirigeant à ses devoirs essentiels et ne peut relever d’une simple négligence.

Ce manquement empêche nécessairement ce dirigeant d’avoir une analyse fiable de la situation réelle de sa société et le prive donc de tout moyen de réaction en temps utile quant aux problématiques qui seraient ainsi observées, contribuant par cet aveuglement à l’insuffisance d’actif finale.

Le non paiement des charges sociales et fiscales :

De l’état définitif des créances déposé au 9 juin 2020, il ressort que :

le Trésor public bénéficie notamment d’une créance échue admise de 48.460 euros au titre de la TVA, de 2.316 euros pour le CFE de 2018 à laquelle s’ajoute 2.328 euros pour celui de 2019, de 261 euros pour le CVAE de 2017 et de 258 euros pour celui de 2018.

Le détail de la déclaration de la Direction générale des finances publiques révèle que les sommes dues au titre de la TVA commencent à courir en mars 2018, quasiment chaque mois, pour continuer encore en février (311 euros) et mars (3,00 euros) 2019.

la Caisse Pro-BTP dispose également d’une créance échue admise totale de 16.807 euros.

Et le détail de la déclaration de créance de la caisse permet de retenir que les déclarations de salaire (ouvrier) n’ont pas été déposées pour les mois de janvier à avril 2018 -ce que confirme encore Monsieur [T] en communiquant les suivantes.

l’URSSAF est également admise à hauteur de 22.437,82 euros -dont part salariale.

Cf Pièces 33, 8, 10 et 11 de la SELARL BRMJ et pièces 5 et 6 de l’appelant.

Monsieur [T] oppose contestation à ces observations -alors qu’il s’agit de créances définitivement admises, en produisant une pièce 4 qui selon lui justifierait de l’acquittement des sommes au titre de la TVA, et d’autres pièces attestant de déclarations de cotisations sociales et du versement de sommes à l’URSSAF, concluant qu’il a ainsi “tenté de redresser la situation de la SARL Les villas [D]”.

Pour autant, le premier document a été établi par l’huissier des finances publiques pour récapituler les créances de TVA en précisant les quanta et les dates de commandement ou de mise en demeure respectifs, en vue d’une saisie des meubles de la société. S’il mentionne effectivement certains paiements, il permet aussi d’observer qu’aucune des sommes dues n’est intégralement réglée et que de décembre 2017 à novembre 2018, il reste un solde débiteur de 30.069 euros.

Le paiement ponctuel et partiel de certaines dettes fiscales ou sociales ne constitue ainsi pas un effort du dirigeant en faveur de la société mais bien au contraire un manquement de celui-ci à ses obligations de les régler à échéance intégralement.

La persistance de ce manquement sur une longue période, malgré des rappels, et sur des sommes aussi conséquentes ne ressort pas d’une simple négligence mais d’un choix stratégique du dirigeant qui se crée ainsi de la trésorerie fictive pour poursuivre artificiellement l’exploitation.

La faute de gestion ainsi caractérisée à la charge de Monsieur [T] a immanquablement contribué à l’insuffisance d’actif dès lors que les dettes sociales et fiscales se sont accumulées au fil des mois au cours d’une poursuite d’activité de la société artificiellement maintenue en vie par la trésorerie fictive ainsi créée, et s’y ajoutant encore des pénalités et majorations (pièce 11 du liquidateur).

La poursuite d’une activité déficitaire :

Monsieur [T] conteste avoir poursuivi une activité déficitaire en soutenant que la fixation de la date de cessation de paiement au 1er janvier 2019 apporte la démonstration contraire.

Ce raisonnement procède d’une confusion manifeste puisque la poursuite d’une activité déficitaire ne suppose pas nécessairement la constatation préalable ni concomittant d’un état de cessation des paiements de la société. Com 27 avril 1993 n°91-14.204

En l’espèce, Monsieur [T] a cessé de régler les cotisations URSSAF de la société Les villas [D] à compter de juillet 2018 (pièce 11), la TVA aux Finances publiques à compter de mars 2018.

Les comptes de l’exercice clos au 30 septembre 2018 ne sont pas déposés parce qu’il n’a pas été en mesure de payer l’expert comptable de la société.

Si l’exercice clos au 30 septembre 2017 était à peine bénéficiaire -comme il le déclare lui même dans sa demande d’ouverture de liquidation judiciaire, avec un résultat net de 6.655 euros, ces défaillances multiples qui surviennent en 2018 alors qu’elles n’existaient pas auparavant concordent pour permettre de retenir que l’exercice clos au 30 septembre 2018 était nécessairement déficitaire.

Le quantum des dettes notamment fiscales et sociales de la société sur la période relativement courte ayant couru jusqu’à la déclaration de cessation de paiements comme l’absence de tout matériel en possession de la société -qui a une activité de maçonnerie- lors de l’inventaire effectué en juillet 2019, avec des faits de vols dénoncés à ce sujet à la date du 28 février 2019 par le gérant, confirment encore que l’activité déficitaire sur l’exercice clos au 30 septembre 2018 a été poursuivie jusqu’à la fin du mois d’avril 2019, alors que les dettes ne cessaient de s’accumuler et qu’aucun crédit ni amélioration ne pouvaient être espérés.

La faute de gestion est ainsi qualifiée de ce chef et sa persistance sur plus d’une année, ajoutée à l’absence de toute tenue de comptabilité, démontre qu’elle excède la simple négligence, mais aussi qu’elle est à l’origine directe de l’accumulation des dettes de la société mois après mois, tenant notamment son nombre de salariés.

sur le quantum de la condamnation :

Monsieur [T] n’appoprte aucun élément d’information sur sa situation personnelle. Des pièces aux débats, il apparait qu’il est âgé de 79 ans et était gérant salarié de la société Les villas [D].

Il est en outre justifié par la SELARL BRMJ qu’il a fait immatriculer une société -SASU- dénommée “Les villas [T]” le 26 mars 2019 avec la même activité de maçonnerie générale et dont il est le président et seul associé.

Ainsi, prenant en compte le quantum de l’insuffisance d’actif qui peut lui être opposée, les fautes retenues, et sa persistance à vouloir diriger des sociétés dans ce secteur d’activité malgré le sort dévolu à la société Les villas [D], la Cour estime que c’est à juste titre et par une bonne application du principe de proportionnalité, que le ministère public demande la condamnation de Monsieur [T] à supporter l’intégralité de l’insuffisance d’actif et que le mandataire liquidateur demande paiement provisionnel d’une somme de 180.000 euros. Le jugement déféré sera donc infirmé en ce sens.

Sur l’interdiction de gérer :

En vertu des articles L653-1 à L653-8 du code de commerce, une mesure d’interdiction de gérer peut être prononcée à l’encontre du dirigeant d’une personne morale qui a poursuivi abusivement, dans un intérêt personnel, une exploitation déficitaire qui ne pouvait conduire qu’à la cessation des paiements de la personne morale (1°), ou encore de toute personne physique dirigeante de droit d’une personne morale qui n’a pas tenu de comptabilité lorsque les textes applicables en font obligation ou a tenu une comptabilité fictive, manifestement incomplète ou irrégulière au regard des dispositions applicables (2°), ou qui a omis sciemment de demander l’ouverture d’une procédure de redressement ou de liquidation judiciaire dans le délai de 45 jours à compter de la cessation des paiements, sans avoir, par ailleurs, demandé l’ouverture d’une procédure de conciliation (3°).

S’agissant de la poursuite d’une activité déficitaire, si sa matérialité est établie, rien ne permet de retenir qu’elle ait été menée dans un intérêt personnel -condition exigée pour le prononcé d’une telle interdiction.

En revanche, l’incurie de l’appelant en matière comptable telle que caractérisée et retenue, justifie et nécessite le prononcé d’une mesure d’interdiction de gérer.

En effet, l’interdiction de diriger, gérer, administrer ou contrôler, directement ou indirectement, toute entreprise, prévue à l’article L653-8 du code de commerce, est une mesure facultative qui peut être prise « à la place de la faillite personnelle », et dont le prononcé est laissé à l’appréciation souveraine des juges du fond. Elle a pour objet d’assainir le tissu économique en écartant les personnes qui, par incompétence ou malhonnêteté, peuvent y présenter un danger pour les autres.

En l’espèce, l’appelant est né en 1943 et était donc âgé de soixante dix ans lors de la création de la société et de soixante-seize ans au moment de l’ouverture de la liquidation judiciaire. Avant même de procéder à la déclaration de cessation de paiements avec demande d’ouverture d’une liquidation judiciaire pour la société Les villas [D], il a créé une autre société ayant la même activité et une dénomination proche.

Pourtant, l’ancienneté des dettes, leur importance et leur nature, comme la carence qui a été la sienne à préserver les intérêts de la société Les villas [D] en tenant une comptabilité sincère, régulière et complète lui permettant une saine gestion, révèle une incompétence en la matière qui est dangereuse pour le tissu économique et social, et ce d’autant plus qu’il n’y apporte aucune explication mais se contente d’en reporter la faute sur son associé par des accusations de vol qui n’ont manifestement fait l’objet d’aucune suite pénale.

C’est donc à juste titre que les premiers juges ont fixé à sept ans la durée de l’interdiction prononcée et le prononcé de cette mesure est parfaitement proportionnel aux fautes de gestion retenues comme aux circonstances rappelées.

Sur les frais de l’instance :

Monsieur [T], qui succombe, devra supporter les dépens de l’instance et payer à Monsieur [D] et à la SELARL BRMJ ès-qualités une somme de 2.000 euros chacun en application de l’article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS :

La Cour, statuant par arrêt contradictoire et en dernier ressort,

Déclare Monsieur [Y] [T] et Monsieur [E] [D] irrecevables à se prévaloir de la nullité pour inobservation de la règle de publicité des débats ;

Rejette leur demande en nullité de l’assignation introductive d’instance ;

Déclare Monsieur [Y] [T] irrecevable en son appel incident tendant à voir condamner Monsieur [E] [D] au comblement de l’insuffisance d’actif de la société Les villas [D] ;

Dit qu’en conséquence la Cour n’est pas saisie des dispositions du jugement du tribunal de commerce de Nîmes du 17 janvier 2023 prononcées à l’égard de Monsieur [E] [D] ;

Confirme le jugement déféré en toutes ses dispositions prononcées à l’encontre de Monsieur [Y] [T], sauf en ce qu’il l’a condamné à supporter l’insuffisance d’actifs de la SARL Les villas [D] et à payer à ce titre la somme de 105.037 euros ;

Statuant de nouveau de ce chef,

Condamne Monsieur [Y] [T] à supporter l’intégralité de l’insuffisance d’actif de la SARL Les villas [D] ;

Condamne à ce titre Monsieur [Y] [T] à payer à la SELARL BRMJ ès-qualités de liquidateur judiciaire de la SARL Les villas [D] la somme provisionnelle de 180.000 euros ;

Dit que Monsieur [Y] [T] supportera les dépens d’appel et payera à Monsieur [E] [D] et à la SELARL BRMJ ès-qualités de liquidateur judiciaire de la SARL Les villas [D] une somme de 2.000 euros chacun par application de l’article 700 du code de procédure civile ;

Dit qu’en application de l’article R653-3 alinéa 2 du code du commerce, la présente décision sera signifiée à Monsieur [Y] [T] dans les 15 jours de sa date à la diligence du greffe de la cour d’appel ;

Dit qu’une copie de la présente décision sera adressée à la SELARL BRMJ ès-qualités de liquidateur judiciaire de la société Les villas [D], au ministère public, et au directeur départemental des Finances Publiques, conformément aux dispositions de l’article R.621-7 du code de commerce ;

Dit qu’une copie de la présente décision sera transmise dans les huit jours de son prononcé au greffier du tribunal pour l’accomplissement des mesures de publicité prévues aux articles R621-8 et R.123-124 du code du commerce.

Arrêt signé par la présidente et par la greffiere.

LA GREFFIÈRE, LA PRÉSIDENTE,

 


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