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N° RG 22/06443 – N° Portalis DBVX-V-B7G-OQZD
Décision du juge de la mise en état du TJ de LYON
du 13 septembre 2022
RG : 19/00454
Chambre 9 Cab 09 F
S.C.I. DES BEAUX ARTS
S.C.I. COLBERT
C/
S.A.S. SOCIETE HOTELIERE LYONNAIS D’INVESTISSEMENTS
S.A.S. [I] [W] & ASSOCIÉS
RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
COUR D’APPEL DE LYON
6ème Chambre
ARRET DU 15 Juin 2023
APPELANTES :
LA S.C.I. DES BEAUX ARTS
[Adresse 2]
[Localité 7]
Représentée par Me Gilles PIOT-MOUNY de la SELARL PIOT-MOUNY, ROY & MACHADO, avocat au barreau de LYON, toque : 2271
assisté de Me Philippe REZEAU de l’AARPI DDP AVOCATS, avocat au barreau de PARIS, toque : R167
LA S.C.I. COLBERT
[Adresse 1]
[Localité 9]
Représentée par Me Jacques AGUIRAUD de la SCP JACQUES AGUIRAUD ET PHILIPPE NOUVELLET, avocat au barreau de LYON, toque : 475
assisté de Me Christophe DENIZOT du CABINET NICOLAS, DENIZOT & ASSOCIES, avocat au barreau de PARIS
INTIMEES :
S.A.S. SOCIETE HOTELIERE LYONNAIS D’INVESTISSEMENTS
[Adresse 5] et [Adresse 6]
[Localité 4]
Représentée par Me Amaury PLUMERAULT de la SELEURL MUSE AVOCATS, avocat au barreau de LYON, toque : 2760
assisté de Me Aline MC GOWAN de la SCP DESFILIS & McGOWAN, avocat au barreau de PARIS, toque : P0367
S.A.S. [I] [W] & ASSOCIÉS
[Adresse 3]
[Localité 8]
Représentée par Me Bertrand DE BELVAL de la SELARL DE BELVAL, avocat au barreau de LYON, toque : 654
assisté de Me Michel RONZEAU de la SCP INTERBARREAUX RONZEAU & ASSOCIES, avocat au barreau de PARIS
* * * * * *
Date de clôture de l’instruction : 02 Mai 2023
Date des plaidoiries tenues en audience publique : 09 Mai 2023
Date de mise à disposition : 15 Juin 2023
Composition de la Cour lors des débats et du délibéré :
– Evelyne ALLAIS, faisant fonction de président
– Raphaële FAIVRE, vice-présidente placée en application d’une ordonnance de la première présidente de la cour d’appel de Lyon du 30 Mars 2023
– Stéphanie ROBIN, conseiller
assistés pendant les débats de Fabienne BEZAULT-CACAUT, greffier
A l’audience, un membre de la cour a fait le rapport, conformément à l’article 804 du code de procédure civile.
Arrêt contradictoire rendu publiquement par mise à disposition au greffe de la cour d’appel, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues à l’article 450 alinéa 2 du code de procédure civile,
Signé par Evelyne ALLAIS, conseiller faisant fonction de président, et par Fabienne BEZAULT-CACAUT, greffier, auquel la minute a été remise par le magistrat signataire.
* * * *
Faits, procédure et demandes des parties
Par acte sous seing privé du 16 janvier 2009, le bail consenti par la SCI des beaux arts à la société Finexhor pour des locaux commerciaux à usage d’hôtel, situés [Adresse 6], a été renouvelé pour une durée de douze ans à compter du 1er janvier 2007 jusqu’au 31 décembre 2018.
Ce renouvellement de bail prévoyait un pacte de préférence au profit de la société Finexhor en cas :
– de cession par la SCI des beaux arts de l’intégralité de l’immeuble,
– de cession de l’intégralité des locaux loués à la société preneuse,
– de division de l’immeuble,
– de cession de la totalité des parts de la SCI des beaux arts ou au moins de deux tiers d’entre elles.
Parallèlement, la société Finexhor, exploitant également un fond de commerce d’hôtellerie au [Adresse 5], dans l’immeuble contigû à celui appartenant à la SCI des beaux arts, a consenti à cette dernière un pacte de préférence en cas de vente de l’immeuble du [Adresse 5].
Le 29 mai 2009, la société Finexhor a été absorbée par la société Mercure international Hôtel, elle même absorbée par la société des hôtels Novotel et Mercure le 30 mai 2012.
La société des Hôtels Novotel et Mercure a cédé son fonds de commerce le 31 octobre 2012, à la société hotelière lyonnaise d’investissement (ci-après dénommée la SHLI).
La SCI des beaux arts a souhaité vendre en totalité l’immeuble situé au [Adresse 6].
La SCI Colbert a acquis l’immeuble, situé [Adresse 6], par acte authentique du 16 novembre 2017, l’acte stipulant que l’acquéreur, parfaitement informé de la situation, avait demandé au vendeur et au notaire de ne pas purger le droit de préférence, et ce, sans aucun recours contre le vendeur.
Par acte d’huissier du 21 décembre 2018, la SHLI a fait assigner la SCI des beaux arts, la SCI Colbert et le notaire la SCP [I] [W] et associés, afin principalement de voir juger que les pactes de préférence stipulés dans les baux ne sont pas caducs, d’annuler la vente de l’immeuble situé [Adresse 6] conclu le 16 novembre 2017 entre la SCI des beaux arts et la SCI Colbert, en violation du pacte de préférence et de condamner in solidum les défenderesses à indemniser son préjudice à hauteur de dix millions d’euros.
Par des conclusions d’incident du 4 novembre 2021, la SCI des beaux arts a saisi le juge de la mise en état, et demande aux termes de ses dernières conclusions notifiées par voie électronique le 11 avril 2022 de :
– déclarer la SCI des beaux arts recevable et bien fondée en son incident,
– constater que l’assignation du 21 décembre 2018 est nulle, pour avoir été signifiée par la société hôtelière lyonnaise d’investissement, immatriculée au registre du commerce et des sociétés (ci-après le RCS) sous le n° 532789 559 alors qu’à cette date, cette société n’avait plus la personnalité juridique, pour avoir été absorbée par la société hôtelière des beaux arts investissement en juin 2018 et avoir été radiée du RCS le 23 novembre 2018.
Elle estime que le numéro d’immatriculation visé ne peut constituer une erreur matérielle et qu’il ne peut être admis que la société Hôtelière lyonnaise d’investissement, nouvelle dénomination de la SHBAI crée sous le numéro RCS 833747033 a valablement introduit l’instance.
Elle estime que les précisions apportées au sein de l’assignation, l’extrait Kbis et les tentatives de régularisation ultérieures dans les conclusions du 16 mars 2020 et du 5 juin 2021, révèlent que la société ayant fait délivrer l’assignation est bien la SHLI immatriculée au RCS sous le n°532 789 559.
Elle estime que l’immatriculation au RCS est un élément d’identification essentiel, même s’il ne s’agit pas d’une mention obligatoire de l’assignation.
La SCI Colbert sollicite également aux termes de ses conclusions d’incident la nullité de l’assignation, faisant valoir que la société hôtelière lyonnaise d’investissement immatriculée sous le n°532 789 669 avait perdu la personnalité morale, lors de son absorption le 25 juin par la SHBAI et qu’il s’agit d’une irrégularité de fond, ne pouvant faire l’objet d’une régularisation et ne nécessitant pas la preuve d’un grief.
La personne morale n’est pas identifiable et dans ce contexte, il importe peu que le numéro de RCS ne constitue pas une mention obligatoire dans l’assignation.
La SCP [I] [W] et associés a également demandé au juge de la mise en état de déclarer nulle l’assignation qui lui a été délivrée, reprenant l’argumentation de la SCI des beaux Arts et de la SCI Colbert.
La société hôtelière lyonnaise d’investissement a demandé le débouté des demandes, tendant à l’annulation de l’assignation délivrée le 21 décembre 2018 par la société hôtelière lyonnaise d’investissement.
Elle invoque les dispositions de l’article 54 du code de procédure civile et énonce que l’assignation doit comporter à peine de nullité seulement sa dénomination, le siège et l’organe qui la représente, mais pas le numéro de RCS. En outre, l’erreur de RCS constitue une simple erreur matérielle, résultant de la fusion de la SHLI avec la SHBAI s’accompagnant d’un changement de dénomination sociale de celle-ci.
Par ordonnance du 13 septembre 2022, le juge de la mise en état du tribunal judiciaire de Lyon a :
– rejeté l’exception de nullité de l’assignation délivrée à la SCI des beaux Arts, à la SCI Colbert et à la SCP [I] [W] et associés par la société hotelière lyonnaise d’investissements,
– réservé les dépens
– rejeté les demandes formées en application de l’article 700 du code de procédure civile dans le cadre de l’incident,
– renvoyé l’affaire à l’audience de la mise en état électronique du 17 novembre 2022, pour conclusions au fond de la SCI des beaux arts et de la SCI Colbert,
– rappelé que les conclusions et messages devront être adressés au plus tard trois jours avant cette date, à peine de rejet,
– rejeté le surplus des demandes.
Par déclarations du 26 septembre 2022 et du 4 octobre 2022, la SCI Colbert et la SCI des beaux arts ont interjeté appel de l’ordonnance précitée.
Par ordonnance du 10 octobre 2022, les procédures ont été jointes sous le numéro 22/6443.
Par des conclusions régulièrement notifiées par voie électronique le 21 décembre 2022, la SCI des beaux arts demande à la cour de :
– déclarer la SCI des beaux arts recevable et bien fondée en son appel,
en conséquence,
– infirmer l’ordonnance du juge de la mise état, en ce qu’elle a rejeté l’exception de nullité de l’assignation délivrée à la SCI des beaux Arts, à la SCI Colbert et à la SCP [I] [W] et associés par la société hotelière lyonnaise d’investissement,
et statuant à nouveau :
– constater que l’assignation du 21 décembre 2018 a été signifiée postérieurement à la disparition de la personnalité morale de la société SHLI, par suite de sa fusion avec la société SHBAI,
– dire et juger l’assignation délivrée le 21 décembre 2018 par la société SHLI immatriculée au registre du commerce et des sociétés de Lyon sous le n° 532 789 559 nulle et de nul effet,
– condamner la société hôtelière d’investissement à verser à la SCI des beaux arts une indemnité de 3.000 euros, en application de l’article 700 du code de procédure civile,
– statuer ce que de droit sur les dépens.
A l’appui de ses prétentions, elle fait valoir que :
– la société SHLI, immatriculée au RCS de Lyon sous le numéro 532 789 559, et la société SHLI immatriculée au RCS de Lyon sous le n° 833 747 033 sont deux personnes morales distinctes. La première a été absorbée par la SHBAI qui a ensuite changé de dénomination sociale pour s’appeler SHLI, le numéro d’immatriculation étant le n° 833 747 033.
La société SHLI immatriculée sous le numéro 532 789 559 a été radiée le 23 novembre 2018, de sorte qu’elle ne pouvait valablement assigner.
– l’extrait K bis joint à l’assignation et aux premières conclusions concerne la société radiée et il ne peut être argué d’une simple erreur matérielle, d’autant que la société SHLI a délivré une assignation pour se voir substituer à la SCI Colbert visant bien le n° 833 747 033 et a opportunément, mais discrètement modifié dans son troisième jeu de conclusions le K bis transmis.
– il s’agit d’un vice de fond, il ne peut s’agir d’une simple erreur matérielle, car si la société hôtelière beaux arts investissements n’avait pas changé de dénomination, prenant le nom de la société absorbée, le juge de la mise en état aurait nécessairement dû annuler l’assignation.
Par des dernières conclusions notifiées par voie électronique le 21 février 2023, la SCI Colbert demande à la cour de :
– juger recevable et bien fondée la SCI Colbert en son appel,
– infirmer l’ordonnance rendue le 13 septembre 2022 par le juge de la mise en état de la 9ème chambre du tribunal judiciaire de Lyon, en ce qu’elle a rejeté l’exception de nullité de l’assignation délivrée le 21 décembre 2018 par la société lyonnaise d’investissements à la SCI Colbert, à la SCI des beaux-arts et à maître [W] & associés,
Statuant à nouveau :
– juger nulle et de nul effet l’assignation délivrée le 21 décembre 2018 à la requête de la société SHLI immatriculée au RCS de Lyon sous le n° 532 789 559,
– condamner la SHLI au paiement de la somme de 5.000 euros, au titre de l’article 700 du code de procédure civile et aux entiers dépens.
Elle soutient que :
– l’assignation a été délivrée au nom d’une personne morale dépourvue de capacité à ester en justice. Celle-ci a en effet été faite pour le compte de la société SHLI immatriculée au RCS de Lyon sous le numéro 532 789 559, puisque c’est l’extrait Kbis de cette société qui est joint, qu’elle a également sollicité un constat d’huissier, et que c’est dans l’intérêt de cette dernière que le nouvel avocat s’est constitué le 26 janvier 2021, alors même qu’à cette date, elle n’avait plus aucune existence, ayant été absorbée par SHBAI le 14 juin 2018, avec effet rétroactif au 1er janvier 2018, et ayant été radiée du RCS le 23 novembre 2018.
Elle a en tout état de cause perdu la personnalité morale à la date du 25 juin 2018,date du traité de fusion et l’assignation est entâchée d’une irrégularité de fond qui ne peut pas être couverte.
– la mention du numéro 532 789 559 ne peut constituer une simple erreur matérielle et ce n’est qu’ensuite que la société SHLI a signifié des conclusions rectifiant le numéro du RCS.
– le numéro de RCS ne constitue pas une mention nécessaire à peine de nullité, mais ne peut être dépourvue de conséquence sur la validité de l’acte lorsqu’il est mentionné,
– il s’agit d’une irrégularité de fond et non de forme, la preuve d’un grief n’étant pas nécessaire, et l’irrégularité de fond pouvant être soulevée en tout état de cause.
– les moyens soulevés par la société SHLI sont inopérants, celle-ci ne pouvant évoquer que l’identité du requérant était parfaitement connue, alors qu’il s’agit d’un vice de fond et que les jurisprudences produites par cette dernière ne sont pas probantes pour le présent litige.
– la société SHLI a bien conscience de la nullité de l’assignation, puisqu’elle en a fait délivrer une nouvelle le 17 novembre 2022, au nom de la société SHLI avec le numéro d’immatriculation au RCS 833 747 033.
Par des conclusions régulièrement notifiées le 1er décembre 2022, la SHLI demande à la cour de :
– confirmer l’ordonnance entreprise en toutes ses dispositions ;
– débouter les sociétés SCI des beaux arts, SCI Colbert et SCP [I] [W] et associés, de l’ensemble de leurs demandes, fins et conclusions ;
– condamner les sociétés SCI des beaux arts, SCI Colbert et SCP [I] [W] et associés, à verser chacune à la société hôteliere Lyonnaise d’investissements, la somme de 5.000 euros au titre des frais irrépétibles ;
– condamner les sociétés SCI des beaux arts, SCI Colbert et SCP [I] [W] et associés aux entiers dépens.
Elle réplique que :
– le numéro de RCS ne fait pas partie des mentions prévues à peine de nullité dans l’assignation, seule la dénomination, le siège et l’organe qui la représente étant exigés par les textes, la cour de cassation rappelant qu’un numéro de RCS erroné dans l’assignation délivrée par une société exactement désignée par ses forme et dénomination, ainsi que par son siège social constitue un vice de forme qui n’est sanctionné par la nullité que sur justification d’un grief,
– le juge de la mise en état a, à bon droit, relevé que l’erreur sur le numéro du RCS constitutive d’une erreur matérielle, était une irrégularité de forme, impliquant la preuve d’un grief et étant susceptible de régularisation, cette erreur s’expliquant par la fusion absorption de la SHLI immatriculée au RCS sous le n° 532 789 559 par SHBI un mois avant l’assignation, puis par le changement de dénomination sociale de la SHBI en SHLI.
L’erreur constitue un vice de forme et ne peut donner lieu à nullité de l’assignation, la répétition de l’erreur étant sans incidence sur ce point.
La fusion emporte transmission universelle du patrimoine, actif et passif. Ainsi, l’absorbante vient intégralement aux droits de l’absorbée et bénéficie de l’ensemble de ses droits, obligations et actions.
Ainsi, la SHLI n’intervient pas volontairement, n’a pas dissimulé des informations au mépris de l’article 768 du code de procédure civile et a communiqué les deux extraits Kbis dans ses conclusions du 5 juin 2021.
– les appelants avaient parfaitement connaissance de l’identité de la personne morale qui les assignait, soit le preneur des locaux objet du litige.
– elles ont conclu en réponse aux conclusions de SHLI du 16 mars 2020, qui précisaient bien le numéro de RCS 833 747 033, de sorte que le cas échéant la nullité est couverte en application de l’article 112 du code de procédure civile,
– les appelantes font preuve de mauvaise foi, agissant plus de quatre ans après l’introduction de l’instance, aux fins d’échapper à leurs responsabilités.
Par des dernières conclusions notifiées par voie électronique le 3 janvier 2023, la SAS (auparavant SCP) [I] [W] et associés demande à la Cour :
– d’infirmer l’ordonnance du juge de la mise en état en ce qu’elle a rejeté l’exception de nullité de l’assignation délivrée le 21 décembre 2018,
– de condamner la société SHLI à payer à la SAS [I] [W] et associés la somme de 3.000 euros en application de l’article 700 du code de procédure civile,
– de débouter la société SHLI de toutes ses demandes, fins et conclusions dirigées à l’encontre de la SAS [I] [W] et associés,
– de statuer ce que de droit sur les dépens.
Elle fait valoir que :
– une nullité de fond affecte l’assignation, la procédure ayant été engagée par une partie dépourvue de la personnalité juridique, dans la mesure où il est incontestable que la SHLI demanderesse est la société immatriculée au RCS de Lyon sous le numéro 532 789 559,
– il ne peut s’agir d’une erreur matérielle, la société ayant joint l’extrait Kbis de cette société à l’assignation, et aux conclusions signifiées ensuite,
– l’exception d’une nullité de fond est opposable en tout état de cause, en application de l’article 118 du code de procédure civile et ne nécessite pas la preuve d’un grief,
– si le numéro de RCS n’avait aucune incidence, on ne comprend pas pourquoi les conclusions du 5 juin 2021 ont fait apparaître un autre numéro de RCS et pourquoi SHLI avec le numéro d’immatriculation 833 747 033 a depuis fait délivrer une nouvelle assignation.
L’ordonnance de clôture est intervenue le 2 mai 2023.
MOTIFS DE LA DECISION
– Sur la demande de nullité de l’assignation
En application de l’article 789 du code de procédure civile, lorsque la demande est présentée postérieurement à sa désignation, le juge de la mise en état est, jusqu’à son dessaisissement, seul compétent à l’exclusion de toute autre formation du tribunal, pour statuer sur les exceptions de procédure, les demandes formées en application de l’article 47 et les incidents mettant fin à l’instance.
Aux termes de l’article 117 dudit code constituent des irrégularités de fond affectant la validité de l’acte :
– le défaut de capacité d’ester en justice,
– le défaut d’une partie ou d’une personne figurant au procès comme représentant soit d’une personne morale, soit d’une personne atteinte d’une incapacité d’exercice.
– le défaut de capacité ou de pouvoir d’une personne assurant la représentation d’une partie en justice.
L’article 54 du code de procédure civile dispose quant à lui que l’assignation prévoit à peine de nullité l’indication de la juridiction devant laquelle la demande est portée, l’objet de la demande pour les personnes morales, leur forme, leur dénomination, leur siège social et l’organe qui les représente légalement (…)
S’il est constant que l’assignation réalisée par une société ne disposant plus de la personnalité morale par suite d’une fusion absorption est nulle, et qu’il s’agit d’une nullité de fond pouvant être soulevée en tout état de cause et non régularisable, les irrégularités non prévues par l’article précité constituent des irrégularités de forme, nécessitant la preuve d’un grief et pouvant être régularisées.
En l’espèce, il ne fait pas débat que la SHLI société par actions simplifiées, dont le siège social se trouve [Adresse 5] et [Adresse 6] agissant en la personne de ses représentants légaux est à l’origine de l’assignation. A la date de l’assignation, soit le 21 décembre 2018, cette société, immatriculée sous le numéro 833 747 033 a la personnalité juridique.
L’assignation contient en outre les mentions prévues à l’article 56 du code de procédure civile précité et s’il est manifeste que le numéro de RCS mentionné, soit le numéro 532 789 559, correspondant à une société morale, ne disposant pas de la personalité juridique pour avoir été absorbée par la SHBAI en vertu d’un traité de fusion du 14 juin 2018, déposé au greffe le 25 juin 2018 qui a changé de dénomination sociale pour devenir la SHLI, est erroné, il s’agit seulement d’une erreur matérielle et non d’une nullité de fond pour défaut de capacité en justice, étant précisé que le numéro de RCS n’est pas exigé à peine de nullité.
La production de l’extrait Kbis de la société SHLI, immatriculé au RCS sous le numéro 532 789 559 avec l’assignation, l’obtention de la désignation d’un huissier de justice avec la référence de ce numéro de RCS et la constitution d’avocat sous ce numéro révèlent seulement la répétition de cette erreur matérielle, mais ne peut caractériser une nullité de fond, contrairement à ce qui est soutenu par les appelantes. Il ne peut être prétendu comme invoqué dans les écritures de la SCI Colbert que la procédure a été initiée volontairement par la SHLI immatriculée au RCS sous le numéro 532 789 559, alors que cette société a perdu la personnalité juridique.
La SHLI numéro 833747033 était en effet identifiable par sa dénomination, son siège social et sa forme. Les éléments contenus dans l’assignation énonçaient en outre la qualité de preneur des locaux objet du litige.
De plus, il ne peut être déduit de la délivrance d’une nouvelle assignation le 16 novembre 2022, par La SHLI immatriculée au RCS sous le numéro 833 747 033, la reconnaissance de la nullité de fond de la précédente, étant observé que cette assignation mentionne expressément qu’elle est effectuée sans aucune reconnaissance du bien fondé de l’exception de nullité de l’assignation du 21 décembre 2018, soulevée par les défenderesses, mais afin de ne pas s’exposer à une prescription de l’action, dans l’hypothèse d’un arrêt infirmant l’ordonnance du juge de la mise en état du 13 septembre 2022. Cet argument est ainsi inopérant.
Il résulte de l’ensemble de ces éléments que la SHLI a délivré l’assignation, de sorte que le défaut de capacité en justice constitutif d’une nullité de fond ne peut être retenu. Cette mention erronée du numéro de RCS constitue donc un vice de forme. Il doit ainsi être soulevé avant toute défense au fond, la preuve d’un grief doit être rapportée et il est régularisable.
Or, il n’est pas contesté que la SCI des beaux Arts a conclu au fond par des conclusions notifiées le 29 avril 2019 et le 12 octobre 2020, la SCI Colbert par des conclusions notifiées le 12 mars 2021 et la SCP [I] [W] et Associés par des conclusions notifiées le 9 octobre 2020, puis le 10 septembre 2021, soit avant les conclusions d’incident.
Ensuite, la preuve d’un grief n’est pas rapportée, puisque les parties ont pu conclure au fond et répondre aux demandes de la SHLI sans difficulté, l’erreur sur le numéro d’immatriculation n’ayant eu aucune incidence sur l’exercice de leur défense.
Enfin, la SHLI a régularisé l’erreur commise en page 6 des conclusions datées du 13 mars 2020, régulièrement notifiées, l’intitulé des conclusions ‘conclusions récapitulatives en demande’ne dispensant pas les parties d’une lecture attentive de celles-ci et les deux K bis étant communiqués ultérieurement, une volonté de masquer l’erreur initiale et de méconnaître les dispositions de l’article 768 du code de procédure civile n’étant aucunement démontrée.
L’absence d’accès aux deux pièces des K bis invoquée n’est par ailleurs aucunement justifiée.
En conséquence, c’est à bon droit que le juge de la mise en état a rejeté l’exception de nullité de l’assignation, l’ordonnance étant en conséquence confirmée sur ce point.
– Sur les demandes accessoires
Les dispositions de l’ordonnance déférée relatives à l’article 700 du code de procédure civile et aux dépens sont confirmées, le premier juge ayant fait une juste appréciation.
La SCI des beaux arts et la SCI Colbert succombant en appel, elles sont condamnées in solidum aux dépens de la procédure d’appel, conformément aux dispositions de l’article 696 du code de procédure civile.
Enfin, l’équité commande de dire n’y avoir lieu à condamnation au titre de l’article 700 du code de procédure civile en cause d’appel et de débouter les parties de leurs demandes sur ce fondement.
PAR CES MOTIFS
La Cour
Confirme l’ordonnance déférée en toutes ses dispositions,
Condamne in solidum la SCI des beaux arts et la SCI Colbert aux dépens de la procédure d’appel,
Déboute toutes les parties de leurs demandes sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile en cause d’appel.
LE GREFFIER LE PRESIDENT