Nullité d’Assignation : 15 juin 2023 Cour d’appel de Douai RG n° 22/01146

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Nullité d’Assignation : 15 juin 2023 Cour d’appel de Douai RG n° 22/01146
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République Française

Au nom du Peuple Français

COUR D’APPEL DE DOUAI

TROISIEME CHAMBRE

ARRÊT DU 15/06/2023

****

N° de MINUTE : 23/205

N° RG 22/01146 – N° Portalis DBVT-V-B7G-UEW3

Jugement (N° 21/00057) rendu le 20 Janvier 2022 par le Tribunal de proximité de Roubaix

APPELANTS

Monsieur [M] [O]

né le [Date naissance 2] 1960 à [Localité 3]

de nationalité Française

[Adresse 5]

[Localité 3]

Association Nationale Pour la Sauvegarde de L’arbre En Milieu Urbain (AN SAMU) représentée par son président en exercie M. [M] [O]

[Adresse 7]

[Localité 3]

Représentés par Me Marie Hélène Laurent, avocat au barreau de Douai, avocat constitué, assistée de Me Lou Deldique, avocat au barreau de Lille

INTIMÉES

EURL [V] Espaces et Jardins prise en la personne de son gérant M. [D] [V]

[Adresse 1]

[Localité 4]

Représentée par Me Gildas Brochen, avocat au barreau de Lille, avocat constitué

Association Syndicale Libre des Riverains de [Adresse 6] représentée par son président demeurant en cette qualité audit siège

[Adresse 6]

[Localité 3]

Représentée par Me Christophe Everaere, avocat au barreau de Lille, avocat constitué

DÉBATS à l’audience publique du 30 mars 2023 tenue par Claire Bertin magistrat chargé d’instruire le dossier qui, après rapport oral de l’affaire, a entendu seul(e) les plaidoiries, les conseils des parties ne s’y étant pas opposés et qui en a rendu compte à la cour dans son délibéré (article 805 du code de procédure civile).

Les parties ont été avisées à l’issue des débats que l’arrêt serait prononcé par sa mise à disposition au greffe

GREFFIER LORS DES DÉBATS :Fabienne Dufossé

COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DÉLIBÉRÉ

Guillaume Salomon, président de chambre

Claire Bertin, conseiller

Yasmina Belkaid, conseiller

ARRÊT CONTRADICTOIRE prononcé publiquement par mise à disposition au greffe le 15 juin 2023 (date indiquée à l’issue des débats) et signé par Guillaume Salomon, président et Fabienne Dufossé, greffier, auquel la minute a été remise par le magistrat signataire.

ORDONNANCE DE CLÔTURE DU : 27 février 2023

****

EXPOSE DU LITIGE

1. Les faits et la procédure antérieure :

M. [M] [O], président de l’Association nationale pour la sauvegarde de l’arbre en milieu urbain (l’ANSAMU), a constaté en mars 2019 l’élagage des platanes situés le long de la partie privée de [Adresse 6].

Estimant que les travaux avaient été exécutés au mépris des règles de conformité de l’élagage et lui avaient causé un préjudice personnel ainsi qu’à l’ANSAMU, M. [O] a mis en demeure la société [V] espaces et jardins (la société [V]), qui les avait réalisés, et l’Association syndicale libre des riverains de [Adresse 6] (l’ASL), qui les avait, selon eux, commandés, aux fins d’indemnisation.

Après une tentative de règlement amiable restée infructueuse, M. [O] et l’ANSAMU ont fait assigner, par acte du 27 janvier 2021, la société [V] et l’ASL devant le tribunal de proximité de Roubaix notamment afin d’obtenir leur condamnation à réparer le préjudice moral et écologique subi.

2. Le jugement dont appel :

Par jugement du 20 janvier 2022, le tribunal de proximité de Roubaix a :

rejeté l’exception de nullité de l’assignation délivrée le 27 janvier 2021 à l’ASL et à la société [V] ;

déclaré M. [O] irrecevable en ses demandes formulées à l’encontre de l’ASL et de la société [V] ;

déclaré l’ANSAMU irrecevable en ses demandes formulées à l’encontre de l’ASL ;

débouté l’ANSAMU de ses demandes formulées à l’encontre de la société [V] ;

débouté l’ASL de ses demandes de dommages et intérêts pour procédure abusive et préjudice moral ;

condamné in solidum l’ANSAMU et M. [O] à verser à l’ASL et à la société [V] une somme de 800 euros chacune au titre de l’article 700 du code de procédure civile ;

débouté l’ANSAMU et M. [O] de leurs demandes au titre de l’article 700 du code de procédure civile ;

condamné l’ANSAMU et M. [O] aux dépens.

3. Les déclarations d’appel :

Par déclaration du 8 mars 2022, l’ANSAMU et M. [O] ont interjeté appel de ce jugement en toutes ses dispositions, sauf en ce qu’il a rejeté l’exception de nullité de l’assignation délivrée à l’ASL et à la société [V], et débouté l’ASL de ses demandes de dommages-intérêts pour procédure abusive et préjudice moral.

4. Les prétentions et moyens des parties :

Aux termes de leurs dernières conclusions notifiées le 3 juin 2022, M. [O] et l’ANSAMU, appelants, demandent à la cour, au visa des articles 1240 et 1246 et suivants code civil, L. 350-3 du code de l’environnement et L. 621-32 du code du patrimoine, de :

=> confirmer le jugement querellé seulement en ce qu’il a constaté la validité de l’assignation qu’ils ont délivrée, et débouté l’ASL de sa demande de dommages et intérêts pour procédure abusive et préjudice moral ;

=> infirmer le jugement querellé en ce qu’il a :

déclaré irrecevables les demandes de M. [O] ;

déclaré irrecevables les demandes de l’ANSAMU formulées à l’encontre de l’ASL ;

dit que l’allée de platanes, objet de l’élagage litigieux, n’entrait pas dans le champ de l’article L. 350-3 du code de l’environnement, dès lors qu’elle était située dans la partie privée de [Adresse 6] ;

dit qu’il n’était pas démontré que l’allée de platanes, objet de l’élagage litigieux, entrait dans le champ d’application des articles L. 621-30 et suivants du code du patrimoine ;

débouté l’ANSAMU de ses demandes formulées sur le fondement de l’article L. 350-3 du code de l’environnement ;

débouté l’ANSAMU de ses demandes formulées sur le fondement de l’article L. 621-32 du code du patrimoine ;

les a déboutés de leurs demandes ;

les a condamnés à payer à l’ASL et à la société [V] la somme de 800 euros chacune sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile ;

statuant à nouveau et y ajoutant,

juger et déclarer que leurs demandes sont recevables ;

juger que les dispositions de l’article L. 350-3 du code de l’environnement en vigueur au moment où le tribunal de proximité s’est prononcé étaient applicables aux travaux d’élagage litigieux, indépendamment du caractère privé de [Adresse 6] ;

juger que les travaux d’élagage litigieux avaient méconnu les dispositions de l’article L. 350-3 du code de l’environnement ;

juger que les dispositions des articles L. 621-30 et suivants du code du patrimoine étaient applicables aux travaux d’élagage litigieux, [Adresse 6] se situant dans le périmètre de protection des abords de la villa Cavrois ;

juger que les travaux d’élagage litigieux avaient méconnu les dispositions de l’article L. 621-32 du code du patrimoine ;

juger que la responsabilité civile délictuelle de l’ASL et de la société [V] est engagée pour manquement aux dispositions l’article L. 350-3 du code de l’environnement ;

juger que la responsabilité délictuelle de l’ASL et de la société [V] est engagée pour manquement aux dispositions de l’article L. 621-32 du code du patrimoine ;

en conséquence,

condamner solidairement l’ASL et la société [V] à verser à l’ANSAMU la somme de 4 000 euros en réparation du préjudice moral subi du fait des atteintes portées aux intérêts collectifs qu’elle défend ;

condamner solidairement l’ASL et la société [V] à verser à M. [O] la somme de 2 000 euros en réparation du préjudice moral subi du fait des atteintes portées à son cadre de vie ;

condamner solidairement l’ASL et la société [V] à mettre en ‘uvre les mesures en nature adaptées en vue de réparer le préjudice écologique commis du fait de l’élagage radical des platanes de la partie privée de [Adresse 6] à [Localité 3] ;

à titre subsidiaire, en cas d’impossibilité de droit ou de fait de condamner les défendeurs à la réparation en nature du préjudice écologique subi,

condamner solidairement l’ASL et la société [V] à verser à l’ANSAMU la somme de 2 000 euros qui devra être affectée à des actions de protection et de valorisation des arbres ;

en tout état de cause,

enjoindre à l’ASL et à la société [V] de mettre en ‘uvre les mesures compensatoires appropriées à la suite de l’élagage brutal réalisé, comme le prévoit l’article L. 350-1 du code de l’environnement ;

condamner solidairement l’ASL et la société [V] à leur verser les sommes de 1 000 euros pour les frais irrépétibles de première instance et de 1 000 euros pour les frais irrépétibles d’appel en application de l’article 700 du code de procédure civile.

A l’appui de leurs prétentions, M. [O] et l’ANSAMU font valoir que :

M. [O] est recevable en ce qu’il dispose d’un intérêt légitime à agir au motif qu’il réside à [Localité 3], non loin de la voie privée sur laquelle sont situés les arbres concernés, et qu’il est un passionné d’arboristerie et qu’il mène depuis plus de 25 ans un combat pour la préservation des arbres en milieu urbain de sorte que les atteintes aux arbres de cette avenue nuisent indiscutablement à son cadre de vie et à son engagement ;

les demandes formulées à l’encontre de l’ASL sont recevables dès lors que celle-ci a commandé l’élagage litigieux. En effet, il s’agit d’une demande unique effectuée au nom du collectif des propriétaires, soit par l’ASL. Les pièces démontrent clairement que l’ASL est le donneur d’ordre, plus précisément M. [Y] [X], qui exerçait des fonctions dirigeantes au sein de l’ASL et résidait à l’adresse à laquelle l’ASL a établi son siège. De plus, la facture des travaux a été réceptionnée par le Cabinet Cornil, gestionnaire de l’ASL. Ainsi, l’ASL est de facto maître d’ouvrage des travaux d’élagage litigieux ;

l’ASL et la société [V] ont méconnu les dispositions des articles L. 350-3 du code de l’environnement et de l’article L. 621-32 du code du patrimoine et ont ainsi engagé leur responsabilité délictuelle ;

tout d’abord, les dispositions de l’article L. 350-3 du code de l’environnement s’appliquaient, dans leur version en vigueur aux faits d’espèce, indistinctement aux voies de communication publiques et privées ;

il ressort par ailleurs de ces dispositions que le fait de porter atteinte, de compromettre la conservation ou de modifier radicalement l’aspect d’un ou de plusieurs arbres d’une allée ou d’un alignement d’arbre est interdit ; qu’il existe trois exceptions à cette interdiction mais l’élagage radical effectué en l’espèce revêt un caractère drastique et a manifestement méconnu ce texte et les règles de l’art en matière horticole ;

en effet, l’élagage réalisé ne correspond pas à une taille « sur tête de chat » mais correspond en réalité à des opérations de « rapprochement », soit des tailles drastiques, et quand bien même il s’agirait d’une taille « sur tête de chat », celle-ci est inadaptée aux arbres en cause. Pour cause, la taille « sur tête de chat » doit être pratiquée sur un arbre dès son jeune âge, reconduite pour entretien tous les 1 à 3 ans maximum et ne pas être réalisée au printemps ; le fait de transformer un arbre en port libre en un arbre taillé « sur tête de chat » porte atteinte à sa santé dès lors que les grosses plaies dues à la taille ne pourront pas cicatriser ;

or, en l’espèce, les tailles litigieuses ont été effectuées en mars sur des arbres qui n’ont pas été préparés dès leur jeune âge, puisqu’il s’agit d’arbres adultes de 70 ans pour lesquels une telle taille est particulièrement inappropriée ; de plus, aucun motif de sécurité ne pouvait justifier ces travaux qui ont compromis la conservation des arbres, et durablement modifié leur aspect ;

la précédente taille radicale réalisée en 2001 a abouti à de graves nécroses sur certains des platanes et dans ces conditions, le renouvellement d’une taille radicale sur des arbres fragilisés ne fait qu’accélérer leur dépérissement. Il était ainsi nécessaire de procéder plutôt à des coupes de soin légères afin de limiter le dépérissement ;

sur le non-respect des articles L. 621-30 et L. 621-32 du code du patrimoine, la suppression du houppier dans [Adresse 6], qui débute devant la villa Cavrois, classée monument historique par décret du 12 décembre 1990 et arrêt du 2 août 2013, impacte directement la cohérence paysagère du quartier et des abords du monument historique.

Aux termes de ses conclusions notifiées le 31 août 2022, l’ASL, intimée, demande à la cour, au visa des articles 31, 32 et 122 du code de procédure civile, de :

=> confirmer le jugement critiqué et en conséquence,

in limine litis,

déclarer irrecevable l’action formée par M. [O] et l’ANSAMU à son encontre pour défaut de qualité à agir ;

à titre subsidiaire,

débouter M. [O] et l’ANSAMU de l’ensemble de leurs demandes, fins et conclusions ;

à titre infiniment subsidiaire,

condamner, le cas échéant, la société [V] à la garantir et la relever indemne de toute condamnation mise à sa charge, tant en principal qu’en intérêts, dépens ou accessoires ;

en tout état de cause, et en infirmant le jugement entrepris sur le premier chef,

condamner solidairement M. [O] et l’ANSAMU à lui verser une somme de 3 000 euros de dommages et intérêts pour procédure abusive, outre une autre somme de 3 000 euros pour préjudice moral ;

condamner solidairement M. [O] et l’ANSAMU à lui payer la somme de 3 000 euros au titre des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile en cause d’appel, ainsi qu’aux entiers frais et dépens dont distraction au profit de Maître Everaere, avocat aux offres de droit.

A l’appui de ses prétentions, l’ASL fait valoir que :

elle n’a jamais ordonné l’élagage des arbres qui appartiennent aux riverains, et n’a pas la qualité à défendre à cette action, alors même qu’elle n’est pas propriétaire des arbres et que l’entretien de ceux-ci est exclu de ses statuts ; ainsi, les demandes formées à son encontre sont irrecevables comme l’a justement retenu le jugement ;

les pièces produites ne permettent pas d’établir qu’elle a commandé l’élagage litigieux et il n’est pas démontré que le cabinet Cornil ait agi pour son compte ; contrairement à ce qui est exposé, l’adresse de son siège n’est pas au numéro 7, adresse personnelle de M. [X], mais au numéro 7/3 ;

sa responsabilité ne peut être engagée en raison de l’initiative prise par M. [X] d’autant que certains propriétaires des arbres concernés ne sont pas ses membres ;

aucune faute n’est démontrée, les attestations versées aux débats émanent d’auteurs, dont aucun ne s’est rendu sur les lieux ;

l’élagage est pratiqué tous les 5 à 6 ans sur recommandations de professionnels et il avait été constaté un début de pourrissement des troncs supérieurs justifiant d’enlever les branches partiellement pourries qui pouvaient présenter un danger ;

depuis l’élagage de 2019, les arbres ont une feuillure dense et très verte démontrant qu’aucune atteinte ne leur a été portée, ainsi que l’a constaté l’huissier de justice ;

les photographies produites par M. [O] et l’ANSAMU sont impossibles à dater, et ils ne s’appuient sur aucune expertise judiciaire ;

les arbres sont situés sur la partie privative de [Adresse 6], laquelle se situe en dehors de la zone protégée par le code du patrimoine ;

M. [O] s’est introduit illégalement dans une zone privée afin de faire des photographies, il y a lieu de condamner son association et lui pour le préjudice moral causé et pour procédure abusive.

Aux termes de ses conclusions notifiées le 1er août 2022, la société

[V], intimée, demande à la cour, au visa des articles 9, 31, 32, 117, 118, 119, 122 et 123 du code de procédure civile, L. 350-2 du code de l’environnement, L. 621-30 et L. 621-32 du code du patrimoine, et 1240 et suivants du code civil, de :

=> confirmer en toutes ses dispositions le jugement dont appel ;

à titre principal,

déclarer M. [O], agissant en son nom personnel, irrecevable à agir à son encontre faute d’intérêt à agir ;

à titre subsidiaire,

débouter l’ANSAMU et M. [O] de leurs demandes ;

en tout état de cause,

débouter l’ANSAMU et M. [O] de l’ensemble de leurs demandes ;

débouter l’ASL de sa demande de garantie dirigée contre elle ;

condamner solidairement l’ANSAMU et M. [O] à lui verser une somme de 2 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile ;

les condamner aux entiers frais et dépens.

A l’appui de ses prétentions, la société [V] fait valoir que :

le tribunal a justement considéré que M. [O], bien qu’habitant à [Localité 3] où sont implantés les platanes concernés, ne justifiait pas d’intérêt légitime à agir s’agissant d’arbres situés sur une voie privée non accessible au public et ce, quand bien même il serait passionné des arbres et mènerait un combat depuis 25 ans pour assurer leur protection en zone urbaine ;

il ne démontre aucun intérêt légitime, né, actuel, direct et personnel ;

la seule circonstance qu’il réside à [Localité 3] ne saurait justifier son intérêt à agir alors même qu’il ne réside pas à proximité immédiate du site litigieux ;

l’article L. 350-3 du code de l’environnement ne concerne que les voies de communication publiques et ouvertes au public ;

les photographies produites démontrent que l’élagage n’a pas été radical, a été effectué en « tête de chat », ce qui explique d’ailleurs leur repousse moins de deux ans plus tard, cette pratique n’ étant pas contraire aux règles de l’art ;

de plus, certains arbres présentaient un danger et l’élagage pratiqué ne méconnaît pas les dispositions de l’article L. 350-3 du code de l’environnement ;

il n’est pas indiqué dans quelles conditions ont été rendus les avis de personnes présentées comme des experts ; en tout état de cause, ceux-ci ont une valeur très relative, dès lors que leurs auteurs ne se sont pas déplacés sur le site, et que l’un d’eux est en réalité l’un de ses concurrents ;

il incombe à M. [O] et à l’ANSAMU de rapporter la preuve des faits nécessaires au succès de leurs prétentions, la charge de la preuve ne devant pas être inversée ;

ils produisent en réalité des pièces énonçant des considérations générales, lesquelles sont en l’espèce dépourvues de valeur probante, et les photographies versées au débat démontrent même au contraire que l’aspect des arbres n’a pas été modifié dans le temps.

Pour un plus ample exposé des moyens de chacune des parties, il y a lieu de se référer aux conclusions précitées en application des dispositions de l’article 455 du code de procédure civile.

L’instruction du dossier a été clôturée par ordonnance du 27 février 2023.

MOTIFS DE LA DECISION

L’article 1240 du code civil dispose que tout fait quelconque de l’homme, qui cause à autrui un dommage, oblige celui par la faute duquel il est arrivé à le réparer.

L’article 9 du code de procédure civile dispose qu’il incombe à chaque partie de prouver conformément à la loi les faits nécessaires au succès de sa prétention.

I. Sur l’intérêt à agir de M. [O] et la recevabilité des demandes formées à l’encontre de l’ASL

Les moyens soutenus par les parties ne font que réitérer, sans justification complémentaire utile, ceux dont les premiers juges ont connu et auxquels ils ont répondu par des motifs pertinents et exacts que la cour adopte, sans qu’il soit nécessaire de suivre les parties dans le détail d’une discussion se situant au niveau d’une simple argumentation.

Il convient seulement de souligner et d’ajouter les points suivants :

le fait de résider dans la commune où sont implantés les arbres, objets de l’élagage litigieux, ne suffit à caractériser un intérêt légitime à agir, y compris pour un particulier passionné d’arbres et menant des actions militantes depuis de nombreuses années et ce, d’autant moins que M. [O] ne réside pas à proximité du lieu d’implantation des platanes et que ceux-ci sont situés dans une zone privée ;

les statuts de l’ASL ne prévoient pas à la charge des propriétaires une obligation d’entretien des arbres implantés sur leurs parcelles, étant observé que tous ne sont pas membres de l’ASL et il n’est pas établi que le cabinet Cornil et M. [X] aient effectivement agi pour le compte de l’ASL, la cour constatant par ailleurs que, contrairement à ce que soutiennent les appelants, l’adresse de M. [X], signataire du devis, ne correspond pas à l’adresse du siège social de l’ASL.

Le jugement dont appel est confirmé en ce qu’il a déclaré M. [O] irrecevable en ses demandes formulées à l’encontre de l’ASL et de la société [V] faute d’intérêt légitime à agir, et l’ANSAMU irrecevable en ses demandes formulées à l’encontre de l’ASL.

II. Sur la faute de la société [V] et le lien de causalité avec le préjudice allégué

Dès lors que l’ANSAMU soutient que l’élagage pratiqué est inadapté, il convient de contrôler dans un premier temps l’état antérieur des arbres pour pouvoir apprécier les conséquences de l’intervention de la société [V] et l’éventuel lien de causalité avec le préjudice allégué.

Sur ce,

La cour observe que de nombreuses photographies sont produites. Néanmoins, s’agissant de l’état antérieur des arbres, une seule photographie produite par l’ANSAMU est datée et permet de connaître la localisation des arbres figurant sur cette photographie. Il s’agit d’une photographie de 2017 montrant l’état des arbres au niveau de l’entrée privée de [Adresse 6], les arbres se trouvant derrière le portail. La cour constate que ces arbres présentent dès cette époque une taille semblant correspondre à une taille nommée « rapprochement », soit un élagage radical, et non à une taille sur « tête de chat ».

Concernant les photographies versées aux débats qui sont postérieures à l’intervention de la société [V], aucune des photographies produites par l’ANSAMU n’est localisée et datée à la fois. La cour constate par ailleurs qu’elle ne produit aucun procès-verbal de constat d’huissier ou de commissaire de justice, ni aucun rapport d’expertise.

A l’inverse, l’ASL produit un procès-verbal de constat d’huissier de justice du 8 juin 2021, lequel est établi postérieurement à l’élagage contesté. Les photographies y figurant montrent que les arbres y apparaissant sont les mêmes que ceux photographiés en 2017. Or, la cour constate que ces arbres verdoyants sont demeurés inchangés, et présentent un aspect similaire à celui observé en 2017. Par ailleurs, leur alignement et leur coupe présentent une cohérence d’aspect tout au long de l’allée, ainsi que le relève l’huissier.

Des seuls éléments de comparaison dont dispose la cour, il ne ressort aucune différence visible entre l’état des arbres avant travaux, et leur état après intervention de l’arboriste.

En outre, il ne peut sérieusement être reproché à l’élagueur de ne pas avoir taillé les platanes sur « tête de chat » dès lors qu’il est intervenu sur des arbres ayant précédemment fait l’objet d’une taille radicale. En effet, si l’ANSAMU soutient qu’une taille radicale, encore appelée opération de « rapprochement », empêche l’arbre de repousser, il reste que l’arboriste n’a pas pu procéder à une taille sur « tête de chat », puisque l’élagage a été effectué sur des arbres dont les branches n’avaient plus une longueur suffisante pour être taillées de la sorte.

Si l’ANSAMU affirme que seule une coupe d’entretien s’avérait possible, il lui appartient à tout le moins de démontrer le lien de causalité entre l’élagage pratiqué et les dégâts en résultant pour les platanes.

Or, force est de constater que l’appelante échoue à démontrer l’existence de dégâts actuels causés aux arbres, de sorte que les désordres et, par voie de conséquence, le préjudice allégués par l’ANSAMU revêtent en l’espèce un caractère hypothétique.

En effet, les pièces qu’elle produit n’ont pas une valeur probante suffisante, les seuls avis théoriques d’experts, ainsi qu’elle les qualifie, ne pouvant emporter la conviction de la cour. En effet, ceux-ci ne font pas suite à des constats effectués in situ, de sorte que leur valeur est toute relative, faute de caractériser les conséquences certaines et exclusivement imputables aux seuls travaux exécutés en 2019 par la société [V].

L’exposé de considérations générales sur l’entretien des arbres ne peut suffire à établir une faute de l’arboriste en l’absence de constatations précises relatives aux dommages actuels et certains présentés par les platanes, objets du litige.

Par conséquent, l’ANSAMU sera déboutée de toutes ses demandes sans qu’il y ait lieu de statuer sur le non-respect des dispositions des articles L. 350-3 du code de l’environnement, et L. 621-30 et L. 621-32 du code du patrimoine.

Le jugement querellé sera confirmé.

III. Sur le préjudice moral de l’ASL et la procédure abusive

En application de l’article 1240 du code civil dans sa rédaction postérieure à l’entrée en vigueur de l’ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016, l’exercice d’une action en justice, de même que la défense à une telle action, constitue en principe un droit et ne dégénère en abus pouvant donner naissance à une dette de dommages et intérêts que dans le cas de malice, de mauvaise foi, d’erreur grossière équipollente au dol, de faute, même non grossière ou dolosive, ou encore de légèreté blâmable, dès lors qu’un préjudice en résulte.

En l’espèce, l’ASL ne démontre pas que M. [O] et l’ANSAMU aient agi par malice, mauvaise foi, erreur grossière, ni qu’ils aient commis de faute et ainsi abusé de leur droit d’agir en justice.

Elle ne démontre pas plus le préjudice moral allégué, et le fait d’avoir photographié une avenue privée et interdite d’accès au public ne suffit pas à caractériser une procédure abusive, rien n’établissant au demeurant que M. [O] soit lui-même l’auteur de ces clichés.

Le jugement sera ainsi confirmé en ce qu’il a débouté l’ASL de ses demandes de ces chefs.

IV. Sur les dépens et les frais irrépétibles de l’article 700 du code de procédure civile

Le sens du présent arrêt conduit à :

confirmer le jugement attaqué sur ses dispositions relatives aux dépens et à l’article 700 du code de procédure civile ;

condamner in solidum M. [O] et l’ANSAMU aux dépens d’appel et à payer à l’ASL et à la société [V] une indemnité de 1 600 euros respectivement au titre de l’article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS

La cour,

Confirme le jugement du 20 janvier 2022 rendu par le tribunal de proximité de Roubaix en toutes ses dispositions ;

Y ajoutant,

Déboute les parties de leurs plus amples prétentions ;

Condamne in solidum M. [M] [O] et l’Association nationale pour la sauvegarde de l’arbre en milieu urbain aux dépens d’appel ;

Condamne in solidum M. [M] [O] et l’Association nationale pour la sauvegarde de l’arbre en milieu urbain à payer respectivement à la société [V] espaces et jardins et à l’Association syndicale libre des riverains de [Adresse 6], à titre d’indemnité de procédure d’appel, la somme de 1 600 euros chacune sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile.

Le Greffier

Fabienne Dufossé

Le Président

Guillaume Salomon

 


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