Nullité d’Assignation : 11 mai 2023 Cour d’appel de Nancy RG n° 22/01867

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Nullité d’Assignation : 11 mai 2023 Cour d’appel de Nancy RG n° 22/01867
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RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

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COUR D’APPEL DE NANCY

Chambre de l’Exécution – JEX

ARRÊT N° /23 DU 11 MAI 2023

Numéro d’inscription au répertoire général :

N° RG 22/01867 – N° Portalis DBVR-V-B7G-FA2Z

Jonction par ordonnance du président de la chambre en date du 11 août 2022 avec les procédures référencées N° RG 22/1868 N° Portalis DBVR-V-B7G-FA23 et RG 22/1869 N° Portalis DBVR-V-B7G-FA25

Décision déférée à la Cour :

Jugement du juge de l’exécution du tribunal judiciaire d’EPINAL, R.G.n° 21/00012, en date du 22 juillet 2022,

APPELANTE dans les procédures RG 22/1867, RG 22/1868 et RG 22/1869 :

La CCM MOSELLE & MADON

société coopérative de crédit à capital variable et responsabilité statutairement limitée, immatriculée au RCS d’ EPINAL sous le n° 306 950 551, dont le siège social est [Adresse 9], prise en la personne de son représentant légal domicilié en cette qualité audit siège

Représentée par Me Francis KIHL de la SELARL LORRAINE DEFENSE & CONSEIL, avocat au barreau d’EPINAL

INTIMES dans les procédures RG 22/1867, RG 22/1868 et RG 22/1869 :

Monsieur [V] [Z]

né le [Date naissance 5] 1969 à [Localité 16] domicilié [Adresse 2]

Représenté par Me Julien FOURAY de la SELARL KNITTEL – FOURAY ET ASSOCIES, avocat au barreau D’EPINAL

Madame [N] [I] [B] [P]

née le [Date naissance 7] 1977 à [Localité 12] (88), domiciliée [Adresse 6]

Représentée par Me Aurélie SAMPIETRO de la SELARL CHOPIN AVOCATS, avocat au barreau D’EPINAL

EN PRESENCE DE – dans la procédure RG 22/1869 :

S.A.R.L. TOUTIMMO PROMOTION,

dont le siège est au [Adresse 4]

Non représentée bien que les déclarations d’appel et la date d’audience lui aient été régulièrement signifiées à personne par acte de Me [J] [E], commissaire de justice associé à [Localité 13] (88) en date du 22 août 2022 – autorisation d’assigner à jour fixe par ordonnance du 11 août 2022

URSSAF DE LORRAINE,

ayant élu domicile au cabinet de Me [T], huissier de – justice – [Adresse 8]

Non représentée bien que les déclarations d’appel et la date d’audience lui aient été régulièrement signifiées à domicile élu par acte de Me [J] [E], commissaire de justice associé à [Localité 13] (88) en date du 22 août 2022 – autorisation d’assigner à jour fixe par ordonnance du 11 août 2022

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions des articles 786 et 905 du Code de Procédure Civile, l’affaire a été débattue le 30 Mars 2023, en audience publique, les avocats ne s’y étant pas opposés, devant Monsieur Francis MARTIN et Madame Fabienne GIRARDOT, conseiller, chargée du rapport.

Ces magistrats ont rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :

Monsieur Francis MARTIN, président de chambre,

Madame Fabienne GIRARDOT, conseillère

Madame Marie HIRIBARREN, conseillère, désignée par ordonnance de Monsieur le premier président de la cour d’appel de NANCY en date du 02 février 2023, en remplacement de Madame Nathalie ABEL, conseillère, régulièrement empêchée.

Greffier, lors des débats : Monsieur Ali ADJAL ;

ARRÊT : réputé contradictoire, prononcé publiquement le 11 mai 2023, date indiquée à l’issue des débats, par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du Code de Procédure Civile ;

signé par Monsieur Francis MARTIN, président de chambre, et par Madame Christelle CLABAUX-DUWIQUET, greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire ;

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Copie exécutoire délivrée le à

Copie délivrée le à

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EXPOSE DU LITIGE

Par acte notarié reçu le 25 septembre 2009, la Caisse de Crédit Mutuel Moselle et Madon (ci-après la CCM), venant aux droits de la Caisse de Crédit Mutuel de [Localité 15] [Localité 11], a consenti à M. [V] [Z] et Mme [N] [P] un prêt d’un montant de 256 700 euros portant intérêt au taux de 4,30% l’an, hors assurance, et au TEG de 4,697%, ayant pour objet l’acquisition d’un immeuble sis à [Adresse 1], garanti par deux hypothèques conventionnelles.

Par acte notarié reçu le 13 juillet 2011, la CCM, venant aux droits de la Caisse de Crédit Mutuel de [Localité 15] [Localité 11], a consenti à M. [V] [Z] et Mme [N] [P] un prêt d’un montant de 118 700 euros portant intérêt au taux de 4% l’an, hors assurance, et au TEG de 4,64%, garanti par une hypothèque conventionnelle.

Par ordonnance en date du 13 juillet 2018, le juge du tribunal d’instance d’Epinal a ordonné la suspension de l’exécution des obligations de remboursement des crédits consentis par la CCM au bénéfice de Mme [N] [P] pour une durée de deux ans à compter de sa date.

Par courriers recommandés avec demande d’avis de réception des 21 janvier 2019 et 7 juin 2019, la CCM a mis M. [V] [Z] en demeure de régulariser les échéances impayées au titre des prêts dans un délai de huit jours, sous peine de résiliation des contrats.

Par courriers recommandés avec demande d’avis de réception en date du 20 août 2019, comportant en annexe un décompte des sommes dues à cette date, la CCM a notifié à M. [V] [Z] la déchéance du terme des prêts consentis et a informé Mme [N] [P] de la résiliation des prêts à défaut de paiement des échéances par M. [V] [Z], ayant pour effet de rendre exigible la totalité des sommes dues.

Par courrier recommandé avec demande d’avis de réception en date du 17 juillet 2020, la CCM a rappelé à Mme [N] [P] qu’il lui appartenait de reprendre le paiement des échéances des prêts selon les conditions contractuelles au jour de l’ordonnance du 13 juillet 2018.

Par courriers recommandés avec demande d’avis de réception en date du 16 septembre 2020, la CCM a notifié à Mme [N] [P] la déchéance du terme des prêts consentis.

Par un actes d’huissier en date du 6 janvier 2021, la CCM a fait délivrer à M. [V] [Z] et Mme [N] [P] un commandement de payer valant saisie immobilière des biens et droits immobiliers dépendant de l’ensemble immobilier en copropriété sis à [Adresse 1], cadastrés section ZK n°[Cadastre 3] pour avoir paiement de la somme de 201 944,76 euros au titre du prêt accordé à hauteur de 256 700 euros et de la somme de 100 738,54 euros au titre du prêt accordé à hauteur de 118 700 euros, suivant décomptes arrêtés au 20 novembre 2020. Ce commandement a été publié au service de la publicité foncière d'[Localité 12] le 15 février 2021, volume 2021S n°4.

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Par actes d’huissier en date du 26 mars 2021, la CCM a fait assigner M. [V] [Z] et Mme [N] [P] à une audience d’orientation du juge de l’exécution du tribunal judiciaire d’Epinal afin de voir ordonner la vente forcée de l’immeuble saisi sur la mise à prix de 90 000 euros, en les sommant de prendre connaissance du cahier des conditions de vente.

La dénonciation du commandement valant assignation à comparaître a été délivrée le 29 mars 2021, soit dans le délai de cinq jours, à la SARL TOUTIMMO PROMOTION et à l’URSSAF de Lorraine, créanciers inscrits. Le cahier des conditions de vente a été déposé au greffe le 30 mars 2021, soit dans le délai légal.

La SARL TOUTIMMO PROMOTION a déclaré sa créance le 20 mai 2021, soit dans le délai légal, pour un montant de 253 259,20 euros, suivant un décompte arrêté au 31 mars 2021, en vertu d’un jugement du tribunal de grande instance d’Epinal du 31 janvier 2017, garantie par une hypothèque judiciaire publiée le 30 mai 2017 volume 2017 V n°1151 ayant fait l’objet d’un bordereau rectificatif publié le 7 juillet 2021, volume 2017 V n°1452.

L’URSSAF de Lorraine n’a pas déclaré de créance.

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La CCM a demandé au juge de l’exécution de fixer le montant de la créance du poursuivant en principal, accessoires, frais et intérêts à la somme de 201 944,76 euros au titre du prêt de 256 700 euros et de 100 738,54 euros au titre du prêt de 118 700 euros conformément aux décomptes arrêtés au 20 novembre 2020, de voir ordonner la vente judiciaire des biens immobiliers saisis à défaut de vente amiable, et de taxer le montant des frais de poursuite et de vente du créancier poursuivant en l’état de la procédure à la somme de 1 041,54 euros.

Mme [N] [P] a conclu à l’irrégularité de la déchéance du terme, et a sollicité subsidiairement l’autorisation de vendre le bien saisi amiablement pour un prix ne pouvant être inférieur à 250 000 euros. Elle a fait état du caractère illisible de l’historique de compte ne permettant pas de vérifier l’acquisition de la prescription.

M. [V] [Z] a conclu à la nullité de l’assignation qui lui a été délivrée (à défaut de contenir l’exposé des moyens de fait et de droit) et à l’irrégularité de la déchéance du terme (en l’absence de détail des mensualités impayées), et subsidiairement, s’est prévalu de la prescription de l’action de la CCM, sollicitant à titre infiniment subsidiaire l’autorisation de vendre le bien saisi amiablement. Il a fait état de l’inexactitude du TEG et de l’annulation de la clause de stipulation des intérêts conventionnels.

Par jugement d’orientation en date du 22 juillet 2022, le juge de l’exécution du tribunal judiciaire d’Epinal statuant en matière de saisie immobilière a :

– débouté M. [V] [Z] de sa demande visant à voir prononcer l’annulation de l’assignation délivrée le 26 mars 2021,

– débouté M. [V] [Z] et Mme [N] [P] de leur demande visant à voir constater l’irrecevabilité de l’action de la CCM du fait de la prescription,

– débouté la CCM de sa demande visant à voir ordonner la poursuite de la procédure de saisie immobilière,

– ordonné la radiation du commandement de payer valant saisie immobilière délivré le 6 janvier 2021 par la SELAS Angle Droit Vosges, huissiers de justice à [Localité 12], publié au Service de la Publicité Foncière d'[Localité 12] le 15 février 2021, volume 2021 S n°4,

– condamné la CCM aux dépens.

Le juge de l’exécution a retenu que M. [V] [Z] ne faisait état d’aucun grief consécutif à l’irrégularité de l’assignation dans la mesure où il avait été représenté à l’instance. Il a fixé la date du premier incident de paiement non régularisé au 6 novembre 2018 concernant le prêt de 118 700 euros et au 5 octobre 2018 concernant le prêt de 256 700 euros, et a jugé que le délai biennal de forclusion avait été interrompu par la délivrance à M. [V] [Z] d’un commandement de payer aux fins de saisie vente le 27 mai 2020, de sorte que l’action de la CCM n’était pas prescrite à la date de délivrance du commandement de payer valant saisie. Il a retenu que M. [V] [Z] avait connaissance dès la date de signature des contrats de prêt des informations sur lesquels il se fonde pour affirmer que le calcul du TEG est erroné.

Il a jugé que la déchéance du terme envers Mme [N] [P] ne pouvait être acquise à la CCM à défaut de délivrance d’une mise en demeure restée sans effet précisant le délai dont dispose le débiteur pour y faire obstacle. Il a précisé que le principe de solidarité ne permettait pas de conclure à l’opposabilité de la déchéance du terme à Mme [N] [P] dont le paiement des échéances avait été suspendu, et qu’autoriser la poursuite de la saisie immobilière en retenant l’exigibilité de la créance du fait du prononcé de la déchéance du terme à l’encontre de M. [V] [Z] reviendrait à priver de tout effet l’ordonnance du 13 juillet 2018 suspendant les obligations de l’emprunteuse à l’égard de la banque.

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Par déclations reçues au greffe le 5 août 2022 à 14 heures 22 et 14 heures 24, la CCM a interjeté appel du jugement du 22 juillet 2022 à l’encontre de M. [V] [Z] et Mme [N] [P], tendant à son infirmation en ce qu’il l’a déboutée de sa demande visant à voir ordonner la poursuite de la procédure de saisie immobilière et ordonné la radiation du commandement de payer valant saisie immobilière délivré le 6 janvier 2021 et l’a condamnée aux dépens. Les procédures ont été respectivement enregistrée sous les numéros 22/1867 et 22/1868.

Par déclaration reçue au greffe le 5 août 2022 à 16 heures, la CCM a interjeté appel du jugement du 22 juillet 2022 à l’encontre de M. [V] [Z] et Mme [N] [P], en présence de la SARL TOUTIMMO PROMOTION et de l’URSSAF de Lorraine, tendant à son infirmation en ce qu’il l’a déboutée de sa demande visant à voir ordonner la poursuite de la procédure de saisie immobilière et ordonné la radiation du commandement de payer valant saisie immobilière délivré le 6 janvier 2021 et l’a condamnée aux dépens. La procédure a été enregistrée sous le numéro 22/1869.

La jonction des procédures a été ordonnée sous le numéro 22/1867 par ordonnance du 11 août 2022.

Par ordonnance en date du 11 août 2022, le président de la chambre de l’exécution a autorisé la CCM à assigner à jour fixe M. [V] [Z], Mme [N] [P], la SARL TOUTIMMO PROMOTION et l’URSSAF de Lorraine, à l’audience de plaidoiries de la chambre de l’exécution de la cour d’appel du 13 octobre 2022.

Dans ses dernières conclusions transmises le 1er février 2023, auxquelles il convient de se reporter pour l’exposé détaillé de ses prétentions et moyens, la CCM, appelante, demande à la cour :

– de confirmer la décision entreprise en ce qu’elle a :

* débouté M. [V] [Z] de sa demande visant à voir prononcer l’annulation de l’assignation délivrée le 26 mars 2021,

* débouté M. [V] [Z] et Mme [N] [P] de leur demande visant à voir constater l’irrecevabilité de son action du fait de la prescription,

* constaté que la déchéance du terme a été régulièrement prononcée à l’égard de M. [V] [Z],

– de réformer la décision entreprise en ce qu’elle a :

* annulé la déchéance du terme prononcée à l’égard de Mme [N] [P],

* débouté la CCM de sa demande visant à voir ordonner la poursuite de la procédure de saisie immobilière,

* ordonné la radiation du commandement de payer valant saisie immobilière délivré le 6 janvier 2021 par la SELAS Angle DroitVosges, huissiers de justice à [Localité 12], publié au service de la publicité foncière d'[Localité 12] le 15 février 2021, volume 2021 S n°4,

* condamné la CCM aux dépens,

Statuant à nouveau,

– de renvoyer le dossier devant le juge de l’exécution d’Epinal afin qu’il fixe une audience d’adjudication et statue sur les conditions de la vente forcée,

Subsidiairement,

– de dire et juger que si la déchéance du terme n’est pas acquise à l’égard de Mme [N] [P], la procédure de saisie immobilière pourra se poursuivre contre M. [V] [Z], débiteur solidaire de la totalité de la dette,

En tout état de cause,

– de condamner M. [V] [Z] et Mme [N] [P] aux dépens de première instance et d’appel.

Au soutien de ses demandes, la CCM fait valoir en substance :

– qu’au soutien de la nullité de l’assignation du 26 mars 2021, M. [V] [Z] n’allègue aucun grief au motif qu’elle ne contiendrait pas l’ensemble des moyens de droit et de fait, compte tenu de sa représentation devant le juge de l’exécution ;

– que le délai biennal de prescription courant à compter des 6 novembre 2018 et 5 octobre 2018, dates des premiers incident de paiement non régularisés, a été interrompu par la délivrance à M. [V] [Z] d’un commandement de payer aux fins de saisie vente le 27 mai 2020 ;

– que le point de départ de la prescription de l’action en nullité de la clause de stipulation d’intérêts résultant du caractère erroné du TEG est la date de la convention, comportant les informations permettant de l’exercer ;

– que la déchéance du terme a été régulièrement prononcée à l’égard de M. [V] [Z] et que le surendettement d’un débiteur n’empêche aucunement la poursuite de la saisie du bien acquis en commun par des débiteurs coindivisaires ; que M. [V] [Z] est solidairement débiteur de la totalité de la dette garantie par les inscriptions prises sur la totalité de l’immeuble ; que le recouvrement de la créance peut, en conséquence, être poursuivi pour sa totalité à l’encontre de M. [V] [Z] à charge pour lui, le cas échéant, de se retourner contre son débiteur solidaire pour qui il aurait payé ;

– que Mme [N] [P] n’a pas contesté la réalité du prononcé de la déchéance du terme mais a soutenu qu’elle avait été prononcée deux fois à son égard et que la créance ne serait pas certaine, liquide et exigible parce les décomptes de la banque seraient différents entre le 20 août 2019 (jour de la déchéance du terme prononcée à l’égard de M. [V] [Z]) et le 16 septembre 2020 ; que la lettre du 20 août 2019 vaut mise en demeure préalable à la déchéance du terme à l’égard de Mme [N] [P], faute de régularisation de la situation à l’issue de la suspension ; que la déchéance du terme a été régulièrement constatée à l’égard de Mme [N] [P] par courrier du 16 septembre 2020 dans la mesure où le courrier du 17 juillet 2020 lui a rappelé son obligation de reprendre les remboursements puisque la période de suspension était échue ;

– que subsidiairement, s’il ressort des dispositions combinées des articles L. 722-2 du code de la consommation applicable à la procédure similaire de surendettement et L. 311-7 du code des procédures civiles d’exécution, qu’il n’est pas possible de saisir un bien de communauté si un des époux a bénéficié d’une suspension des poursuites, en revanche, dans le cas d’espèce, les consorts [Z]/[P] sont uniquement propriétaires indivis du bien financé ; que la dette dont le recouvrement est recherché est une dette solidaire qui engage les biens acquis en commun par les débiteurs coindivisaires, de sorte que M. [V] [Z] n’ayant pas bénéficié d’une mesure de suspension de ses obligations, la procédure de saisie immobilière du bien indivis est toujours possible contre le seul débiteur tenu du tout ; que la procédure de suspension de ses obligations dont a bénéficié Mme [N] [P] jusqu’au 13 juillet 2020 ne peut s’étendre à son coindivisaire et que la procédure de saisie a été engagée postérieurement au 13 juillet 2020 ;

– qu’une autorisation de vente amiable est illusoire à défaut d’accord entre M. [V] [Z] et Mme [N] [P] témoignant de l’impossibilité de sortie de l’indivision par une mise en vente volontaire de l’immeuble ;

– que la mise en demeure avant résiliation des contrats de crédit adressée à titre conservatoire à Mme [N] [P], en cours d’instance, ne vaut pas acceptation du jugement déféré tel qu’indiqué au courrier.

Dans ses dernières conclusions transmises le 30 décembre 2022, auxquelles il convient de se reporter pour l’exposé détaillé de ses prétentions et moyens, Mme [N] [P], intimée, demande à la cour sur le fondement des articles L. 311-2 du code de procédure civile et 2233 du code civil,

A titre principal,

– de confirmer purement et simplement le jugement rendu le 22 juillet 2022 par le juge de l’exécution près le tribunal judiciaire d’Epinal en ce qu’il a :

* annulé la déchéance du terme prononcée à son égard,

* débouté la CCM de sa demande visant à voir ordonner la poursuite de la procédure de saisie immobilière,

* ordonné la radiation du commandement de payer valant saisie immobilière

délivré le 6 janvier 2021 par la SELAS Angle DroitVosges, huissiers de justice à [Localité 12], publié au service de la publicité foncière d'[Localité 12] le 15 février 2021, volume 2021 S n°4,

* condamné la CCM aux dépens,

Y ajoutant,

– de condamner la CCM à lui verser une somme de 3 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile,

– de condamner la CCM aux entiers dépens en ce compris ceux de la procédure d’appel,

A titre subsidiaire, si par extraordinaire la cour de céans infirmait le jugement querellé et validait la procédure de saisie immobilière diligentée par la la CCM,

– de l’autoriser à vendre amiablement le bien saisi étant précisé que le prix en deçà duquel le bien ne pourra pas être vendu est de 250 000 euros,

Encore plus subsidiairement, si la vente forcée était ordonnée,

– de fixer la mise en prix à 250 000 euros,

– de statuer ce que de droit quant aux dépens.

Au soutien de ses demandes, Mme [N] [P] fait valoir en substance :

– qu’aucune mise en demeure préalable à la déchéance du terme des prêts ne lui a été adressée ; que la déchéance du terme prononcée le 20 août 2019 est irrégulière bénéficiant au surplus d’une suspension de remboursement des prêts de deux ans ; que le courrier du 17 juillet 2020 précédant la déchéance du terme prononcée le 16 septembre 2020 ne faisait état d’aucun impayé, reprenant le règlement des échéances à courir à compter du 5 août 2020, après la période de suspension ; qu’une mise en demeure préalable à la déchéance du terme lui a été signifiée le 31 octobre 2022 ; que la banque ne justifie d’aucune créance certaine, liquide et exigible au regard de l’incohérence des décomptes figurant aux mises en demeure et au commandement de payer, qui mentionne la date de déchéance du terme au 20 août 2019, date à laquelle elle bénéficiait d’une décision de suspension ; que les historiques de compte des deux prêts sont illisibles et ne permettent pas de vérifier la recevabilité de l’action de la CCM au regard des règles de prescription ;

– que la procédure de saisie a été initiée sur la base d’un commandement de payer valant saisie portant décompte arrêté au 20 août 2019, date à laquelle l’exigibilité ne pouvait être acquise à son égard ; qu’il n’était pas permis à la CCM de poursuivre la procédure de saisie immobilière sur cette base ;

– que subsidiairement, la CCM a fixé la mise à prix à 90 000 euros alors que l’immeuble saisi est en parfait état selon l’état descriptif ; qu’une vente amiable permettrait d’obtenir un juste prix du bien ; que M. [V] [Z] a argué en première instance de deux mandats de vente datant de 2017 pour un montant de 305 000 euros nets vendeurs ; qu’elle se heurte à l’inertie de M. [V] [Z] qui se maintient dans les lieux mais prend acte en dernier état de l’accord de ce dernier pour régulariser un mandat de vente ; qu’elle ne s’est pas opposée au principe de vente amiable du bien indivis proposé par M. [V] [Z] selon courrier reçu du notaire en date du 12 octobre 2022, mentionnant avoir trouvé un acquéreur pour un montant de 268 000 euros, tout en indiquant que le prix proposé était inférieur à la valeur réelle du bien et ne couvrirait qu’un des deux prêts ;

– que plus subsidiairement, le montant de la mise à prix est insuffisant eu égard à la valeur de l’immeuble.

Dans ses dernières conclusions transmises le 21 février 2023, auxquelles il convient de se reporter pour l’exposé détaillé de ses prétentions et moyens, M. [V] [Z], intimé et appelant à titre incident, demande à la cour sur le fondement des dispositions de l’article 56 du code de procédure civile in limine litis :

A titre d’appel incident,

– de réformer le jugement entrepris en ce qu’il a jugé valable l’assignation qui lui a été délivrée le 26 mars 2021,

Statuant à nouveau,

– d’annuler ladite assignation,

S’il échet,

– de réformer encore le jugement entrepris en ce qu’il a jugé valable la déchéance du terme prononcée à son égard le 20 août 2019,

Statuant à nouveau,

– de juger nulle la lettre de déchéance du terme adressée par la CCM le 20 août 2019,

Subsidiairement,

– de réformer le jugement entrepris en ce qu’il a jugé recevable l’action engagée par la CCM,

Statuant à nouveau,

– de juger irrecevable l’action engagée car prescrite,

Très subsidiairement, vu l’article L. 311-2 du code des procédures civiles d’exécution, vu la jurisprudence applicable,

– de réformer le jugement entrepris en ce qu’il a jugé prescrite sa demande formée au titre du caractère erroné des taux effectifs globaux,

Statuant à nouveau,

– de juger erronés les taux effectifs globaux stipulés dans chacun des actes de prêt,

– de juger que la créance de la banque n’est ni liquide, ni exigible,

– d’annuler la procédure de saisie immobilière entreprise à son encontre,

En tant que de besoin,

– de confirmer le jugement entrepris en toutes ses dispositions,

En tout état de cause,

– de condamner la CCM à lui payer une somme de 1 500 euros en application de l’article 700 du code de procédure civile,

– de condamner la CCM aux entiers dépens,

A titre infiniment subsidiaire, vu l’article R. 322-17 du code des procédures civiles d’exécution,

– de l’autoriser à vendre amiablement l’immeuble objet de la saisie,

– de fixer le prix de réserve minimum de vente à un montant supérieur à 250 000 euros,

– de statuer ce que de droit quant aux dépens.

Au soutien de ses demandes, M. [V] [Z] fait valoir en substance :

– que son assignation à comparaître à l’audience d’orientation est nulle à défaut d’exposer des moyens de fait et de droit, déterminant plus précisément la mesure prise et ses raisons, et de contenir en annexe le commandement de payer aux fins de saisie, en violation des droits de la défense ; que le grief s’apprécie au jour de la délivrance de l’acte, date à laquelle il ne pouvait connaître avec précision les réclamations présentées par la banque ;

– que la lettre de déchéance du terme du 20 août 2019 est manifestement irrégulière en ce qu’elle ne mentionne pas les échéances non honorées et que le décompte annexé fait uniquement état du capital restant dû ; que la CCM n’établit pas l’exigibilité des créances litigieuses ;

– que subsidiairement, la CCM ne justifie pas de l’absence de prescription des créances ; les historiques des prêts versés en procédure sont illisibles et ne permettent pas d’identifier la date de défaillance des emprunteurs, a priori largement antérieure à l’année 2018 ;

– que très subsidiairement, la saisie immobilière entreprise sur la base d’un taux effectif global erroné encourt la nullité, faute pour la banque de justifier d’une créance liquide et exigible, résultant de l’annulation de la clause de stipulation d’intérêts conventionnels ; que les TEG réels s’élèvent à 4,91% et 4,71% ; que l’erreur affectant le TEG lui a été révélée dans le cadre de la procédure de saisie immobilière entreprise par la banque ; que les contrats sont antérieurs au 19 juillet 2019, date à laquelle la sanction de la déchéance du droit aux intérêts s’est substituée à la nullité de la clause de stipulation d’intérêts ;

– que la solidarité passive suppose que le droit de poursuite soit valablement et préalablement reconnu à l’égard de l’ensemble des coindivisaires, s’agissant du bien indivis objet de la saisie ; que dans la mesure où la CCM ne bénéficie pas d’une déchéance du terme régulière prononcée à l’encontre d’un des coindivisaires, le bien soumis au régime de l’indivision ne peut faire l’objet d’une saisie immobilière, dans la mesure où la banque ne dispose pas d’un droit de poursuite isolé contre l’un d’entre eux ; qu’en tout état de cause, la solidarité entre coemprunteurs n’autorise pas un créancier à poursuivre une procédure de saisie immobilière d’un bien indivis, dès lors que la déchéance du terme prononcée contre un des indivisaires est intervenue pendant la période où le second bénéficiait d’un moratoire, rendant le créancier dans l’impossibilité d’agir à son encontre ; qu’à la supposer régulière, la déchéance du terme prononcée à son encontre lui était inopposable ;

– qu’à titre infiniment subsidiaire, il produit deux mandats de vente pour un prix de 305 000 euros.

-o0o-

La SARL TOUTIMMO PROMOTION et à l’URSSAF de Lorraine, régulièrement assignées par actes d’huissier délivrés le 22 août 2022, respectivement à son gérant et à domicile élu, n’ont pas constitué avocat.

La clôture de la procédure a été prononcée le 15 mars 2023.

MOTIFS DE LA DECISION

Sur la nullité de l’assignation de M. [V] [Z]

Au préalable, il y a lieu de constater que M. [V] [Z] se prévaut d’une irrégularité affectant l’acte introductif d’instance devant le juge de l’exécution du tribunal judiciaire d’Epinal, sans solliciter l’annulation du jugement déféré.

L’article 56 du code de procédure civile dispose que ‘ l’assignation contient à peine de nullité, outre les mentions prescrites pour les actes d’huissier de justice et celles énoncées à l’article 54, (…) 2° un exposé des moyens en fait et en droit ‘, tel que prévu à l’article R. 322-5 du code des procédures civiles d’exécution.

En l’espèce, il ressort de l’acte d’assignation délivré à M. [V] [Z] que la convocation à comparaître à l’audience d’orientation a pour objet d’examiner la validité de la saisie fondée sur le commandement de payer valant saisie signifié suivant acte en date du 6 janvier 2021 et publié au service de la Publicité Foncière d'[Localité 12] le 15 février 2021 volume 2021 S n°4, de statuer sur les contestations et demandes incidentes liées à celle-ci et de déterminer les modalités selon lesquelles la procédure sera poursuivie.

L’assignation mentionne en outre que la mise à prix de l’immeuble saisi sis à [Localité 10], maison d’habitation sise [Adresse 1], cadastrée section ZK n°[Cadastre 3], d’une contenance de 4 ares et 46 centiares, sera fixée dans le cahier des conditions de vente qui sera déposé dans les cinq jours à la somme de 90 000 euros, rappelant que M. [V] [Z] peut contester le montant de la mise à prix pour insuffisance manifeste, demander au juge à vendre le bien saisi à l’amiable en justifiant de la conclusion d’une vente dans des conditions satisfaisantes et qu’il peut bénéficier de l’aide juridictionnelle s’il remplit les conditions de ressources.

De même, il est indiqué que la CCM demande au juge de fixer le montant de créance en principal, accessoires, frais et intérêts à la somme de 201 944,76 euros au titre du prêt de 256 700 euros, et de 100 738,54 euros au titre du prêt de 118 700 euros conformément aux décomptes arrêtés au 20 novembre 2020.

Dans ces conditions, M. [V] [Z] ne peut utilement soutenir que l’irrégularité alléguée de l’assignation concernant l’exposé des moyens en fait et en droit l’a privé de faire valoir ses droits malgré le rappel du commandement délivré et de l’objet de la saisie.

Dès lors, le jugement déféré sera confirmé sur ce point.

Sur le caractère exigible des créances de la CCM à l’égard de M. [V] [Z]

– Sur la régularité de la déchéance du terme

Il résulte des dispositions combinées des articles 1124, 1225 et 1226 du code civil, que, si le contrat de prêt d’une somme d’argent peut prévoir que la défaillance de l’emprunteur non commerçant entraînera la déchéance du terme , celle-ci ne peut être déclarée acquise au créancier sans la délivrance d’une mise en demeure restée sans effet, et précisant le délai dont dispose le débiteur pour y faire obstacle. Toutefois, il peut être dérogé à l’exigence d’une mise en demeure par une disposition expresse et non équivoque du contrat, dès lors que le consommateur est ainsi informé des conséquences de la méconnaissance de ses obligations.

En l’espèce, conformément aux conditions prévues aux contrats de prêt, la CCM a adressé à M. [V] [Z], par courrier recommandé avec avis de réception du 21 janvier 2019, une mise en demeure de régulariser sa situation, comprenant les références des prêts consentis ainsi que les relevés des échéances impayées à hauteur de 7 962,92 euros, lui impartissant un délai de huit jours, sous peine de résiliation des contrats.

Aussi, il en résulte que cette mise en demeure indique expressément le montant des impayés à régulariser dans un délai précis, ainsi que la sanction encourue à défaut.

Par ailleurs, M. [V] [Z] ne fait pas état du paiement des sommes à payer dans le délai imparti.

Dans ces conditions, la déchéance du terme à l’égard de M. [V] [Z] était acquise à l’expiration du délai de huit jours, sans obligation pour la CCM de procéder à une nouvelle notification.

Dès lors, le jugement sera confirmé sur ce point.

– Sur la prescription des créances à la date du commandement valant saisie

M. [V] [Z] soutient que l’historique des prêts est illisible et ne permet pas de déterminer la date des premiers impayés non régularisés.

En l’espèce, le premier juge a retenu à juste titre qu’il résulte des historiques de compte versés aux débats que les premiers incidents de paiement non régularisés au titre des prêts consentis à hauteur de 118 700 euros et 256 700 euros sont fixés respectivement les 6 novembre 2018 et 5 octobre 2018.

Par suite, le délai biennal de prescription courant à la date de chacune des échéances impayées et à compter de l’exigibilité du capital restant dû a été régulièrement interrompu par la délivrance d’un commandement de payer aux fins de saisie vente le 27 mai 2020, faisant courir un nouveau délai de prescription de deux ans.

Aussi, il en résulte qu’à la date de délivrance à M. [V] [Z] du commandement de payer valant saisie du 6 janvier 2021, la CCM justifie de créances non prescrites.

Dès lors, le jugement déféré sera confirmé sur ce point.

– Sur le caractère erroné du TEG figurant aux contrats de prêt

M. [V] [Z] soutient que l’erreur affectant le TEG lui a été révélée dans le cadre de la procédure de saisie immobilière entreprise par la banque, et que la sanction appliquée aux contrats consentis antérieurement au 19 juillet 2019 correspond à la nullité de la clause de stipulation d’intérêts, de sorte que la saisie immobilière entreprise sur la base d’un taux effectif global erroné encourt la nullité, faute pour la banque de justifier d’une créance liquide et exigible, résultant de l’annulation de la clause de stipulation d’intérêts conventionnels.

Cependant, pour les contrats souscrits postérieurement à l’entrée en vigueur de l’ordonnance n° 2019-740 du 17 juillet 2019, en cas de défaut de mention ou de mention erronée du taux effectif global dans un écrit constatant un contrat de prêt, le prêteur n’encourt pas l’annulation de la stipulation de l’intérêt conventionnel, mais peut être déchu de son droit aux intérêts dans la proportion fixée par le juge, au regard notamment du préjudice subi par l’emprunteur.

Or, pour permettre au juge de prendre en considération, dans les contrats souscrits antérieurement à l’entrée en vigueur de l’ordonnance précitée, la gravité du manquement commis par le prêteur et le préjudice subi par l’emprunteur, le régime des sanctions a été uniformisé, de sorte qu’en cas d’omission du taux effectif global dans l’écrit constatant un contrat de prêt, comme en cas d’erreur affectant la mention de ce taux dans un tel écrit, le prêteur peut être déchu de son droit aux intérêts dans la proportion fixée par le juge.

Aussi, la seule sanction encourue en cas de TEG erroné (supérieur à la décimale) est la déchéance totale ou partielle du droit aux intérêts appréciée en fonction de la gravité du manquement commis par le prêteur et du préjudice subi par l’emprunteur.

Or, cette sanction ne saurait avoir pour effet, tel que soutenu par M. [V] [Z], de priver les créances de la CCM de leur caractère liquide et exigible.

Au surplus, il y a lieu de constater que M. [V] [Z] n’a émis aucune contestation liée au montant des créances tel que sollicité par la CCM.

Dès lors, le jugement déféré sera confirmé en ce qu’il a débouté M. [V] [Z] de sa demande visant à voir constater l’irrecevabilité de l’action de la CCM.

Sur la régularité de la déchéance du terme prononcée à l’égard de Mme [N] [P]

Il y a lieu de constater au préalable, que la CCM ne pouvait utilement se prévaloir jusqu’au 13 juillet 2020 du défaut de paiement par Mme [N] [P] des échéances des prêts consentis afin de prononcer leur déchéance du terme à son égard, par l’effet de l’ordonnance du 13 juillet 2018 l’ayant autorisée à suspendre l’exécution des obligations de remboursement des crédits consentis.

En l’espèce, le courrier recommandé avec demande d’avis de réception en date du 17 juillet 2020 adressé par la CCM à Mme [N] [P] ne saurait valoir mise en demeure de payer préalable à la déchéance du terme des prêts consentis, en ce que le prêteur lui demande uniquement de reprendre le paiement des échéances des prêts selon les conditions contractuelles en cours au jour de l’ordonnance du 13 juillet 2018.

Aussi, la déchéance du terme des prêts à l’égard de Mme [N] [P] notifiée par courrier recommandé avec avis de réception du 16 septembre 2020 est irrégulière, tel que retenu par le premier juge dans les motifs du jugement déféré.

En effet, le dispositif du jugement déféré n’a pas mentionné l’irrecevabilité de l’action engagée par la CCM à l’égard de Mme [N] [P].

Dès lors, il convient de compléter le dispositif du jugement déféré sur ce point.

Sur la poursuite de la procédure de saisie immobilière au regard de la solidarité des emprunteurs

L’article 1305-5 du code civil dispose que la déchéance du terme encourue par un débiteur est inopposable à ses coobligés, même solidaires, et à ses cautions.

Néanmoins, il résulte de l’engagement solidaire de M. [V] [Z] au titre des prêts litigieux que la CCM peut réclamer le paiement de la totalité de ses créances à l’un quelconque des débiteurs solidaires, sans que l’on puisse lui opposer une circonstance propre à Mme [N] [P], ayant été autorisée à suspendre l’exécution de son obligation de remboursement du 13 juillet 2018 au 13 juillet 2020, et contre laquelle la déchéance du terme n’a pas été régulièrement prononcée.

En outre, il y a lieu de constater que l’engagement solidaire de M. [V] [Z] est garanti par une hypothèque conventionnelle consentie par l’ensemble des coindivisaires, dont Mme [N] [P].

Dans ces circonstances, la suspension des obligations autorisée à l’égard de Mme [N] [P] et l’absence de déchéance du terme à son égard ne sont pas un obstacle à l’exercice par la CCM du droit de vente du bien indivis.

Dès lors, le jugement déféré sera infirmé sur ce point.

Sur le montant des créances de la CCM

Il y a lieu de constater que les emprunteurs ne forment aucune contestation relative au montant des créances, tel que détaillé par la CCM.

En outre, le montant des créances retenu par la CCM est conforme aux énonciations des titres exécutoires notariés fondant les poursuites.

Aussi, conformément aux décomptes arrêtés au 20 novembre 2020, il convient de retenir les montants suivants :

– au titre du prêt de 256 700 euros :

* principal : 171 934,28 euros,

* intérêts au 20 novembre 2020 : 16 087,49 euros,

* accessoires : 1 887,59 euros,

* indemnité conventionnelle : 12 035,40 euros,

soit un total de 201 944,76 euros,

– au titre du prêt de 118 700 euros :

* principal : 86 199,09 euros,

* intérêts au 20 novembre 2020 : 7 491,84 euros,

* accessoires : 1 013,67 euros,

* indemnité conventionnelle : 6 033,94 euros,

soit un total de 100 738,54 euros.

Sur l’orientation de la procédure

L’article R. 322-15 alinéa 2 du code des procédures civiles d’exécution dispose que lorsqu’il autorise la vente amiable, le juge s’assure qu’elle peut être conclue dans des conditions satisfaisantes compte tenu de la situation du bien, des conditions économiques du marché et des diligences éventuelles du débiteur.

En l’espèce, il ressort d’un courrier du 26 février 2019 adressé par Mme [N] [P] à M. [V] [Z] que celui-ci n’a ‘ donné aucune suite réelle aux demandes amiables formulées ‘ pour vendre le bien immobilier indivis.

En outre, Mme [N] [P] verse en procédure un courrier adressé à M. [V] [Z] le 26 octobre 2022, dans lequel elle répond à Me [U], notaire à [Localité 14] mandaté par M. [V] [Z], qu’elle ne peut accepter la vente de cette maison pour 268 000 euros (faisant état d’une estimation réalisée en 2017 à hauteur de 305 000 euros), tel que proposé par un acquéreur auprès de M. [V] [Z], ‘ qui plus est à un acquéreur dont [elle] ignore les conditions dans lesquelles il s’est trouvé en relation avec M. [V] [Z] ‘.

Or, M. [V] [Z] ne verse en procédure qu’un feuillet d’un mandat de vente sans date et un autre mandat de vente du bien saisi datant de 2017, moyennant le prix identique de 305 000 euros.

Par ailleurs, il y a lieu de tenir compte du refus opposé par Mme [N] [P] aux conditions proposées à la vente amiable, en sa qualité de coindivisaire, s’agissant du prix, ainsi que de sa volonté d’être ‘ désintéressée avant tout autre créancier de M. [Z], plusieurs inscriptions grevant le bien ‘.

Aussi, M. [V] [Z] ne démontre pas que la vente amiable puisse être conclue dans des conditions satisfaisantes au vu du délai maximum de quatre mois imparti à l’article R. 322-21 du code des procédures civiles d’exécution.

Dans ces conditions, il y a lieu de débouter M. [V] [Z] de ses demandes et d’ordonner l’adjudication de l’immeuble saisi.

La SCP GASSMANN-PEPE-GILLES, commissaires de justice à Epinal, sera désignée afin de procéder à la visite des lieux.

Sur le montant de la mise à prix

L’article L. 322-6 du code des procédures civiles d’exécution dispose que le montant de la mise à prix est fixé par le créancier poursuivant. A défaut d’enchère, celui-ci est déclaré adjudicataire d’office à ce montant. Le débiteur peut, en cas d’insuffisance manifeste du montant de la mise à prix, saisir le juge afin de voir fixer une mise à prix en rapport avec la valeur vénale de l’immeuble et les conditions du marché. Toutefois, à défaut d’enchère, le poursuivant ne peut être déclaré adjudicataire que pour la mise à prix initiale.

Il convient de rappeler que la mise à prix ne doit pas être fixée à la valeur vénale du bien saisi, mais qu’elle doit être suffisamment attractive pour attirer le plus grand nombre d’enchérisseurs possibles, sous réserve cependant de ne pas être manifestement insuffisante au regard de cette valeur vénale.

En l’espèce, le créancier poursuivant a fixé la mise à prix à 90 000 euros.

Or, [V] [Z] et Mme [N] [P] ne versent en procédure aucune estimation actualisée du bien indivis, ce qui ne permet pas de déterminer la valeur vénale du bien saisi et les conditions du marché, et par suite le caractère manifestement insuffisant de la mise à prix figurant au cahier des conditions de vente.

En outre, l’offre d’achat du bien saisi à hauteur de 268 000 euros évoquée par Me [U], notaire à [Localité 14], en octobre 2022, n’est pas produite.

Aussi, M. [V] [Z] et Mme [N] [P] ne justifient pas de l’insuffisance manifeste du montant de la mise à prix.

Dans ces conditions, il n’y a pas lieu de fixer le montant de la mise à prix à un montant supérieur à celui retenu aux cahier des conditions de vente à hauteur de 90 000 euros.

Sur la fixation de la date d’audience d’adjudication

L’article R. 322-26 du code des procédures civiles d’exécution dispose que lorsque le juge de l’exécution ordonne la vente forcée, il fixe la date de l’audience à laquelle il y sera procédé dans un délai compris entre deux et quatre mois à compter du prononcé de sa décision.

Le juge détermine les modalités de visite de l’immeuble à la demande du créancier poursuivant.

Dans ces conditions, il y a lieu de fixer la date de l’audience d’adjudication tenue par le juge de l’exécution du tribunal judiciaire d’Epinal, statuant en matière de saisie immobilière, afin de poursuivre la procédure de saisie immobilière selon les dispositions de l’article R. 322-26 du code des procédures civiles d’exécution.

Au surplus, il y a lieu de rappeler que le juge de l’exécution a le pouvoir de modifier cette date en cas de besoin.

Sur les demandes accessoires

Le jugement déféré sera infirmé en ses dispositions relatives aux dépens.

Conformément à l’article R. 322-42 du code des procédures civiles d’exécution, les frais de poursuite seront taxés avant l’ouverture des enchères, le sort du surplus des dépens devant être réservé en l’état.

Aussi, les dépens de première instance seront compris dans les frais de saisie immobilière.

M. [V] [Z] qui succombe à hauteur de cour sera condamné aux dépens d’appel.

PAR CES MOTIFS :

LA COUR, statuant publiquement, par arrêt réputé contradictoire prononcé par mise à disposition au greffe, conformément aux dispositions de l’article 450 alinéa 2 du code de procédure civile,

INFIRME partiellement le jugement déféré et, statuant à nouveau,

CONSTATE que les conditions des articles L. 311-2, L. 311-4 et L. 311-6 du code des procédures civiles d’exécution sont réunies à l’égard de M. [V] [Z],

CONSTATE que les conditions des articles L. 311-2, L. 311-4 et L. 311-6 du code des procédures civiles d’exécution ne sont pas réunies à l’égard de Mme [N] [P],

DIT que la suspension des obligations autorisée à l’égard de Mme [N] [P] et l’absence de déchéance du terme à son égard ne sont pas un obstacle à l’exercice par la CCM du droit de vente du bien indivis saisi,

ORDONNE la poursuite de la procédure de saisie immobilière,

RETIENT que le montant des créances de la CCM, créancier poursuivant, s’élève à la somme totale de 302 683,30 euros qui se décompose comme suit selon décomptes arrêtés au 20 novembre 2020 :

– au titre du prêt de 256 700 euros :

* principal : 171 934,28 euros,

* intérêts au 20 novembre 2020 : 16 087,49 euros,

* accessoires : 1 887,59 euros,

* indemnité conventionnelle : 12 035,40 euros,

soit un total de 201 944,76 euros,

– au titre du prêt de 118 700 euros :

* principal : 86 199,09 euros,

* intérêts au 20 novembre 2020 : 7 491,84 euros,

* accessoires : 1 013,67 euros,

* indemnité conventionnelle : 6 033,94 euros,

soit un total de 100 738,54 euros,

VALIDE le commandement de payer valant saisie immobilière à hauteur de la somme de 201 944,76 euros au titre du prêt accordé à hauteur de 256 700 euros et de la somme de 100 738,54 euros au titre du prêt accordé à hauteur de 118 700 euros,

CONSTATE que l’URSSAF de Lorraine n’a pas déclaré de créance,

CONSTATE que la SARL TOUTIMMO PROMOTION a déclaré sa créance le 20 mai 2021 pour un montant total de 253 259,20 euros, suivant un décompte arrêté au 31 mars 2021,

DIT que les intérêts continueront à courir jusqu’à la distribution du prix de la vente,

ORDONNE la vente forcée des biens et droits immobiliers dépendant de l’ensemble immobilier en copropriété sis à [Adresse 1], cadastrés section ZK n°[Cadastre 3], aux clauses du cahier des conditions de vente,

RAPPELLE qu’à défaut d’enchères, le poursuivant ne peut être déclaré adjudicataire que pour la mise à prix initiale de 90 000 euros fixée au cahier des conditions de vente,

DIT qu’il sera procédé à ladite vente forcée à la première audience utile devant le juge de l’exécution du tribunal judiciaire d’Epinal, à charge pour le greffe dudit juge de préciser par voie de convocation les date et lieu de l’audience,

DESIGNE la SCP GASSE-PEPE-GILLES, commissaires de justice à Epinal, pour assurer la visite des lieux, en se faisant assister, si besoin est, d’un serrurier et de la force publique, selon les modalités qu’il lui appartiendra de déterminer en accord avec le créancier poursuivant,

DIT que le commissaire de justice instrumentaire pourra se faire assister lors de la visite d’un ou plusieurs professionnels agrées chargés d’établir et de réactualiser les différents diagnostics immobiliers prévus par les réglementations en vigueur,

DIT que la présente décision désignant le commissaire de justice pour assurer la visite devra être signifiée, trois jours au moins avant la visite, aux occupants des biens et droits immobiliers saisis,

ORDONNE la publicité de la vente à intervenir conformément aux dispositions des articles R. 322-31 et suivants du code des procédures civiles d’exécution,

RAPPELLE qu’en vertu des articles :

– R. 322-27 du code des procédures civiles d’exécution : si la vente n’est pas requise au jour indiqué, le commandement sera déclaré caduc sauf à reporter la vente selon les conditions de l’article R. 322-28 du même code,

– R. 322-42 du code des procédures civiles d’exécution : les frais de poursuite dûment justifiés seront taxés avant l’ouverture des enchères,

DIT que cet état devra être déposé huit jours avant l’audience d’adjudication,

DIT que les frais de poursuite seront taxés avant l’ouverture des enchères,

RESERVE les dépens,

CONFIRME le jugement déféré pour le surplus,

Y ajoutant,

CONDAMNE M. [V] [Z] aux dépens d’appel.

Le présent arrêt a été signé par Monsieur Francis MARTIN, président de chambre à la Cour d’Appel de NANCY, et par Madame Christelle CLABAUX-DUWIQUET, greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

LE GREFFIER, LE PRESIDENT,

Minute en quinze pages.

 


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