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RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
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COUR D’APPEL DE NANCY
Première Chambre Civile
ARRÊT N° /2023 DU 15 MAI 2023
Numéro d’inscription au répertoire général : N° RG 22/02135 – N° Portalis DBVR-V-B7G-FBOQ
Décision déférée à la Cour : ordonnance du juge de la mise en état du tribunal judiciaire de NANCY, R.G.n° 21/02628, en date du 20 juillet 2022 rectifiée le 15 septembre 2022
APPELANTE :
CAISSE D’ALLOCATIONS FAMILIALES DE LA MOSELLE (CAF 57), prise en la personne de son représentant légal, pour ce domicilié au siège social, sis [Adresse 1]
Représentée par Me Hervé MERLINGE de la SCP JOUBERT, DEMAREST & MERLINGE, avocat au barreau de NANCY, avocat postulant
Plaidant par Me Magali ARTIS, avocat au barreau de METZ
INTIMÉE :
S.A.R.L. NORBA LORRAINE, prise en la personne de son représentant légal, pour ce domicilié au siège social, sis [Adresse 2]
Représentée par Me Stéphanie DELFOUR de la SARL CICERON AVOCATS, avocat au barreau de NANCY
COMPOSITION DE LA COUR :
En application des dispositions de l’article 805 du code de procédure civile, l’affaire a été débattue le 13 Mars 2023, en audience publique, les avocats ne s’y étant pas opposés, devant Madame Nathalie CUNIN-WEBER, Présidente, chargée du rapport, et Madame Mélina BUQUANT, Conseiller,
Greffier, lors des débats : Madame Céline PERRIN ;
Ces magistrats ont rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :
Madame Nathalie CUNIN-WEBER, Président de Chambre,
Madame Mélina BUQUANT, Conseiller,
Madame Marie HIRIBARREN, Conseiller,
selon ordonnance de Monsieur le Premier Président en date du 10 Mars 2023
A l’issue des débats, le Président a annoncé que l’arrêt serait rendu par mise à disposition au greffe le 15 Mai 2023, en application de l’article 450 alinéa 2 du code de procédure civile,
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Copie exécutoire délivrée le à
Copie délivrée le à
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ARRÊT : contradictoire, rendu par mise à disposition publique au greffe le 15 Mai 2023, par Madame PERRIN, Greffier, conformément à l’article 450 alinéa 2 du Code de Procédure Civile ;
signé par Madame CUNIN-WEBER, Président, et par Madame PERRIN, Greffier ;
FAITS ET PROCÉDURE
La Caisse d’allocations familiales de Metz a entrepris la réfection des façades de son siège social à Metz. Elle a confié le lot n°3 ‘menuiserie extérieure, stores et serrurerie’ à la société à responsabilité limitée (S.A.R.L.) Norba Lorraine, suivant marché conclu le 30 janvier 2017.
La S.A.R.L. Norba Lorraine a établi son projet de décompte final s’élevant à la somme de 2443857,63 euros (ht) au titre des travaux réalisés, outre la somme de 1659674,21 euros (ht) au titre des réclamations.
Le décompte général signé par la Caisse d’allocations familiales de Moselle relève un solde de 11724,07 euros (ttc).
Le 25 mai 2021, la S.A.R.L. Norba Lorraine a notifié son refus de signer ce décompte général qui maintenait des pénalités de retard et retenues, donnait effet à un avenant n°4 et rejetait ses réclamations.
Par acte d’huissier de justice délivré le 6 octobre 2021, la S.A.R.L. Norba Lorraine a fait assigner la CAF de Moselle devant le tribunal judiciaire de Nancy, aux fins d’obtenir la suppression des pénalités décomptées pour un montant de 288349,32 euros (ttc), d’annuler les retenues pratiquées et de dire que le montant de ses travaux s’élève à 3089035,92 euros (ttc).
Par ordonnance contradictoire du 20 juillet 2022, rectifiée par ordonnance du 15 septembre 2022, le juge de la mise en état du tribunal judiciaire de Nancy a :
– débouté la CAF de Moselle de sa demande de nullité de l’assignation,
– déclaré irrecevable la S.A.R.L. Norba Lorraine en sa demande tendant à percevoir les sommes revenant à ses sous-traitants en raison du paiement direct opéré par la CAF de Moselle,
– dit n’y avoir lieu à condamnation au titre de l’article 700 du code de procédure civile,
– dit que les dépens de l’incident suivront ceux de l’instance principale,
– renvoyé l’examen de l’affaire à l’audience de mise en état du 6 septembre 2022 pour les conclusions au fond de la CAF de Moselle,
– rappelé que l’exécution provisoire de la décision est de droit.
Pour statuer ainsi, le juge de la mise en état a relevé que la CAF de Moselle ne démontrait pas, outre l’absence de motivation en droit de l’assignation, que l’absence de mention spécifique des articles généraux relatifs à la responsabilité contractuelle, lui aurait porté grief dans l’exercice de sa défense, alors que la S.A.R.L. Norba Lorraine cite l’article L.124-4 du code de la sécurité sociale, le marché de travaux et le cahier des clauses administratives générales et particulières.
Il a, en conséquence, débouté la CAF de Moselle de sa demande de nullité de l’assignation.
Sur la fin de non-recevoir soulevée en raison du défaut d’intérêt à agir, le juge de la mise en état a relevé qu’il ressortait du décompte général que la CAF de Moselle avait entendu déduire du solde à payer au titulaire du marché, la somme de 17365,44 euros revenant à ses sous-traitants dont elle avait précisé les noms, souhaitant dès lors exercer un paiement direct auprès de ces derniers. Le juge a dès lors considéré que dans ces conditions, la S.A.R.L. Norba Lorraine était irrecevable à solliciter la perception de ces sommes revenant à ses sous-traitants.
oOo
Par déclaration reçue au greffe de la cour, sous la forme électronique, le 22 septembre 2022, la CAF de Moselle a relevé appel de cette ordonnance.
Au dernier état de la procédure, par conclusions reçues au greffe de la cour d’appel sous la forme électronique le 4 janvier 2023, auxquelles il est renvoyé pour plus ample exposé des prétentions et moyens, la CAF de Moselle demande à la cour, au visa des articles 16, 56, 73, 112, 795 et 789 et suivants du code de procédure civile et des articles 699 et 700 du code de procédure civile, de :
– déclarer ses demandes recevables et bien fondées,
– réformer l’ordonnance sur incident du juge de la mise en état du tribunal judiciaire de Nancy, en date du 20 juillet 2022, rectifiée le 15 septembre 2022,
– prononcer la nullité de l’assignation délivrée dans les intérêts de la société Norba Lorraine, le 6 octobre 2021,
– condamner la société Norba Lorraine au versement de la somme de 2000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile,
– condamner la société Norba Lorraine aux entiers dépens.
Au dernier état de la procédure, par conclusions reçues au greffe de la cour d’appel sous la forme électronique le 20 février 2023, auxquelles il est renvoyé pour plus ample exposé des prétentions et moyens, la S.A.R.L. Norba Lorraine demande à la cour, au visa des articles 56 et 114 du code de procédure civile, de :
– débouter la CAF de Moselle de l’ensemble de ses demandes,
– confirmer l’ordonnance sur incident du juge de la mise en état du tribunal judiciaire de Nancy du 20 juillet 2022 telle que rectifiée par ordonnance du 15 septembre 2022,
– condamner la CAF de Moselle à lui payer la somme de 3000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile,
– condamner la CAF de Moselle aux entiers dépens.
La clôture de l’instruction a été prononcée par ordonnance du 27 février 2023.
Par conclusions aux fins de révocation de l’ordonnance de clôture, reçues au greffe de la cour d’appel sous la forme électronique le 7 mars 2023, la S.A.R.L. Norba Lorraine demande à la cour, au visa des articles 115, 803, 805, 778, 798 et suivants du code de procédure civile, de :
– ordonner la révocation de l’ordonnance de clôture du 27 février 2023 afin de lui permettre de déposer de nouvelles conclusions récapitulatives, invoquant les éléments de droit et de fait relatifs à la régularisation de la nullité de l’assignation soulevée par la CAF 57,
– renvoyer en conséquence l’affaire à telle audience de conférence qu’il plaira pour nouvelle clôture.
L’audience de plaidoirie a été fixée le 13 mars 2023 et le délibéré au 15 mai 2023.
MOTIFS DE LA DÉCISION
Vu les dernières conclusions déposées par la CAF de Moselle le 4 janvier 2023 et par la S.A.R.L. Norba Lorraine le 20 février 2023 et visées par le greffe auxquelles il convient de se référer expressément en application de l’article 455 du code de procédure civile ;
Vu la clôture de l’instruction prononcée par ordonnance du 27 février 2023 ;
Sur la demande de révocation de l’ordonnance de clôture
Il résulte des dispositions combinées des articles 905, 778 et 779 du code de procédure civile, que le conseiller de la mise en état prononce l’ordonnance de clôture.
L’article 802 du même code énonce que ‘ l’ordonnance de clôture ne peut être révoquée que s’il se révèle une cause grave depuis qu’elle a été rendue ; la constitution d’avocat postérieurement à la clôture ne constitue pas, en soi, une cause de révocation (…)
L’ordonnance de clôture peut être révoquée, d’office ou à la demande des parties, soit par ordonnance motivée du juge de la mise en état, soit, après l’ouverture des débats, par décision du tribunal’.
En l’espèce, la société Norba Lorraine sollicite la révocation de l’ordonnance de clôture prononcée le 7 mars 2023, dès lors qu’elle a constitué un nouveau conseil le 3 janvier 2023 aux lieu et place de l’ancien ayant fait valoir ses droits à la retraite ; elle indique souhaiter conclure afin de répondre au moyen soutenu par l’appelante tirée de la nullité de l’assignation, enfin de la couvrir, ce qu’elle n’a pas pu faire avant le prononcé de la clôture compte-tenu de l’importance du dossier et de sa nécessaire étude ;
Cependant il est constant que la société Norba Lorraine a conclu en dernier par des écritures communiquées par voie électronique le 20 février 2023 ; la clôture est ensuite intervenue le 27 février 2023 pour l’audience du 13 mars 2023 sans demande contraire de la part de l’intimée ; de plus les dernières conclusions communiquées par l’appelante sont celles du 4 janvier 2023 à l’exclusion de toutes autres postérieures à l’ordonnance de clôture ;
Dès lors la partie intimée ne justifie pas de l’existence d’une cause grave pour fonder sa demande en révocation de l’ordonnance de clôture laquelle sera écartée ;
Sur les dispositions de l’article 56 du code de procédure civile
A l’appui de son recours, la CAF de Moselle entend obtenir la réformation de la décision de ce chef, au visa de l’article 795 alinéa 2 du code de procédure civile ainsi que le prononcé de la nullité de l’acte introductif d’instance ;
elle indique que l’assignation de la société Norba Lorraine ne respecte pas les dispositions de l’article 56 du code de procédure civile, en ce qu’elle ne comporte pas un exposé des moyens en fait et en droit sur lesquels les prétentions sont formées ; elle affirme que ce faisant elle porte une atteinte grave aux droit de la défense, le juge n’étant pas fondé à apporter lui-même cette qualification qui fait défaut ; aussi, même à considérer que la société Norba Lorraine tente effectivement de rechercher la responsabilité contractuelle de la CAF de Moselle, il est constant que les développements du juge de la mise en état ne peuvent contribuer à couvrir la nullité de l’acte introductif d’instance -visa de l’article L 124-4 du code de la sécurité sociale- et que les carences soulevées lui causent grief dès lors que les difficultés rencontrées pour l’organisation de ses moyens de défense, l’irrégularité de l’assignation telle que soulevée perturbent sérieusement le déroulement du procès à son égard ;
En réponse la société Norba Lorraine considère que la nullité de l’assignation au visa de l’article 56 du code de procédure civile, doit être réservée à des cas rares, dès lors que l’exposé des moyens en fait et en droit rend la demande en justice non compréhensible et ne permet pas à la partie assignée de se défendre ;
En l’espèce, l’assignation délivrée par la société Norba Lorraine à la CAF de Moselle vise à obtenir le paiement de sommes dues au titre de l’exécution d’un contrat de marché de travaux soumis à l’article L.124-4 du code de la sécurité sociale, lequel est reproduit en page 63 ; elle précise que les demandes en paiement sont fondées sur « le comportement fautif » de la CAF de Moselle dans l’exécution du contrat conclu entre les parties ; aussi il n’existe aucun doute quant au fondement juridique des demandes de la société Norba Lorraine, laquelle demande le paiement, sans aucune retenue du montant contractuellement dû au titre de l’exécution du marché, outre le celui des prestations exécutées en supplément, du fait de la faute du maître de l’ouvrage ; elle conclut enfin à l’absence de grief, exclusif de toute nullité ;
L’article 56 du code de procédure civile énonce que ‘ L’assignation contient à peine de nullité, outre les mentions prescrites pour les actes d’huissier de justice et celles énoncées à l’article 54 :
1° Les lieu, jour et heure de l’audience à laquelle l’affaire sera appelée ;
2° Un exposé des moyens en fait et en droit ;
3° La liste des pièces sur lesquelles la demande est fondée dans un bordereau qui lui est annexé ;
4° L’indication des modalités de comparution devant la juridiction et la précision que, faute pour le défendeur de comparaître, il s’expose à ce qu’un jugement soit rendu contre lui sur les seuls éléments fournis par son adversaire.
L’assignation précise également, le cas échéant, la chambre désignée.
Elle vaut conclusions’ ;
L’article 114 du code de procédure civile « aucun acte de procédure ne peut être déclaré nul pour vice de forme si la nullité n’en est pas expressément prévue par la loi, sauf en cas d’inobservation de formalités substantielles ou d’ordre public.
La nullité ne peut être prononcée qu’à charge pour l’adversaire qui l’invoque de prouver le grief que lui cause l’irrégularité, même lorsqu’il s’agit d’une formalité substantielle d’ordre public »;
Il résulte de ce qui précède que les dispositions de l’article 56 du code de procédure civile n’ont pas pour objet de permettre à un défendeur de se soustraire à une instance dans laquelle il est assigné, au seul motif formel que le dispositif de l’assignation ne comporterait pas le visa des fondements légaux des demandes ;
En l’espèce l’assignation délivrée le 6 octobre 2021 par la société Norba Lorraine à la CAF de Moselle, comporte l’indication et la date du marché liant les parties et vise les dispositions du cahier des clauses administratives particulières (CCAP) qui lui sont applicables ; il précise les éléments de fait ayant trait au marché, dont le refus de signature par la demanderesse du décompte général en se prévalant des dispositions de l’article 13.4.3 et 13.4.5 du cahier des clauses administratives générales (CCAG) ;
En outre l’assignation liste de manière exhaustive et claire, les demandes de la société Norba Lorraine en en détaillant les motifs, et en visant les éléments probants , de plus elle renvoie au mémoire de réclamation visé en pièce 3, prévu à l’article 13.4.5 du CCAG ;
In fine, la société vise et cite les dispositions de l’article L. 124-4 du code de la sécurité sociale, qu’elle déclare applicables à ce litige ;
Enfin le dispositif de l’assignation comprend des demandes chiffrées et détaillées, qui notifie à la partie assignée, les montants et causes de la procédure ;
Dès lors c’est à juste titre que le premier juge a rejeté le moyen de nullité de l’assignation avancé par la CAF de Moselle ;
Sur l’article 700 du code de procédure civile et les dépens
La CAF de Moselle, partie perdante, devra supporter les dépens de la procédure ; en outre elle sera condamnée à payer à la société Norba Lorraine la somme de 2000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile ; en revanche la CAF de Moselle sera déboutée de sa propre demande de ce chef.
PAR CES MOTIFS,
LA COUR, statuant publiquement, par arrêt contradictoire prononcé par mise à disposition au greffe,
Rejette la demande en révocation de l’ordonnance de clôture formée par la société Norba Lorraine ;
Confirme l’ordonnance du juge de la mise en état du 20 juillet 2022, rectifiée le 15 septembre 2022 ;
Y ajoutant,
Condamne la CAF de Moselle à payer à la société Norba Lorraine la somme de 2000 euros (DEUX MILLE EUROS) au titre de l’article 700 du code de procédure civile ;
Déboute la CAF de Moselle de sa demande au titre de l’article 700 du code de procédure civile ;
Condamne la CAF de Moselle aux dépens.
Le présent arrêt a été signé par Madame CUNIN-WEBER, Présidente de la première chambre civile de la Cour d’Appel de NANCY, et par Madame PERRIN, Greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
Signé : C. PERRIN.- Signé : N. CUNIN-WEBER.-
Minute en sept pages.