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N° RG 22/03543 – N° Portalis DBVM-V-B7G-LRAA
N° Minute :
C3
Copie exécutoire délivrée
le :
à
Me Laëtitia BARRILE
la SELARL DEJEAN-PRESTAIL
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
COUR D’APPEL DE GRENOBLE
2ÈME CHAMBRE CIVILE
ARRÊT DU MARDI 23 MAI 2023
Appel d’une ordonnance (N° R.G. 22/01287) rendue par le Juge des contentieux de la protection de GRENOBLE en date du 22 septembre 2022, suivant déclaration d’appel du 30 Septembre 2022
APPELANTE :
Mme [D] [X]
née le [Date naissance 5] 1989 à [Localité 14]
de nationalité Française
[Adresse 4]
[Localité 10]
représentée par Me Laëtitia BARRILE, avocat au barreau de GRENOBLE
INTIM ÉS :
M. [F] [M]
né le [Date naissance 3] 1939 à [Localité 12]
de nationalité Française
[Adresse 7]
[Localité 10]
M. [Z] [M]
né le [Date naissance 2] 1965 à [Localité 13]
de nationalité Française
[Adresse 11]
[Localité 6] (SUISSE)
Mme [B] [M] épouse [U]
née le [Date naissance 1] 1969 à [Localité 12]
de nationalité Française
[Adresse 8]
[Localité 10]
représentés et plaidant par Me Pierre-Marie DEJEAN de la SELARL DEJEAN-PRESTAIL, avocat au barreau de GRENOBLE
COMPOSITION DE LA COUR : LORS DU DÉLIBÉRÉ :
Mme Emmanuèle Cardona, présidente
M. Laurent Grava, conseiller,
Mme Anne-Laure Pliskine, conseillère
DÉBATS :
A l’audience publique du 14 mars 2023, Anne-Laure Pliskine, conseillère, qui a fait son rapport, assistée de Caroline Bertolo, greffière, a entendu seule les avocats en leurs conclusions et Me Dejean en sa plaidoirie, les parties ne s’y étant pas opposées conformément aux dispositions des articles 805 et 905 du code de procédure civile.
Il en a rendu compte à la Cour dans son délibéré et l’arrêt a été rendu à l’audience de ce jour.
EXPOSÉ DU LITIGE
Par acte sous seing privé du 19 février 2019 signé avec [R] [M], et prenant effet au 1er mars 2019, Madame [D] [X] a pris à bail une maison d’habitation non meublée située [Adresse 4] à [Localité 10], pour un loyer mensuel de 1 250 euros.
[R] [M] est décédée le [Date décès 9] 2020.
Par lettre LRAR adressée à Madame [X] en avril 2021, ses ayants droit, Monsieur [F] [M], Monsieur [Z] [M] et Madame [B] [M], lui ont donné congé pour le 28 février 2022 au motif qu’ils souhaitaient mettre le bien en vente.
Le bien était offert à Madame [X] moyennant un prix de 380.000 euros.
Par acte d’huissier du 17 juin 2022, les consorts [M] ont fait assigner Mme [X] en référé devant le juge du contentieux de la protection près le tribunal judiciaire de Grenoble aux fins de :
– Dire et juger que Madame [X] est occupante sans droit ni titre par l’effet du congé pour reprise délivré le 2 avril 2021 pour le 28 février 2022 ;
– Ordonner son expulsion sous astreinte de 30 euros par jour de retard 24h après la signification du commandement d’avoir à quitter les lieux,
– Condamner Madame [X] au paiement d’une indemnité d’occupation égale au montant du loyer jusqu’à libération effective des lieux,
– Condamner Madame [X] à leur payer une indemnité de 1.500 euros en application de l’article 700 du code de procédure civile.
Par ordonnance du 22 septembre 2022, le juge des référés a:
-dit que Mme [X] est occupante sans droit ni titre ;
-ordonné son expulsion sous astreinte de 30 euros par jour de retard 24 heures après la fin du délai prévu par l’article L412-1 du code des procédures civiles d’exécution,
-condamné Mme [D] [X] à payer une indemnité d’occupation égale au montant du loyer jusqu’à libération effective des lieux,
-l’a condamnée à payer aux consorts [M] une indemnité de 1.000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile
-l’a condamnée aux dépens.
Par déclaration en date du 30 septembre 2022, Mme [X] a interjeté appel de cette ordonnance.
Dans ses conclusions notifiées le 21 février 2023, Mme [X] demande à la cour de:
Vu les articles 514-3 et suivants du code de procédure civile,
Vu l’article 15 de la loi du 6 juillet 1989,
Vu les articles l 412-3 et suivant du code des procédures civiles d’exécution,
Vu l’article 700 du code de procédure civile,
Vu l’ordonnance du 22 septembre 2022,
Vu la jurisprudence et les pièces versées aux débats :
-juger recevable et bien fondé l’appel interjeté par Madame [D] [X] à l’encontre de l’ordonnance rendue par le juge du contentieux de la protection près le tribunal judiciaire de Grenoble le 22 septembre 2022 ordonnant son expulsion sous astreinte,
-infirmer ladite ordonnance en toutes ses dispositions en ce qu’elle :
o Dit que Madame [X] est occupante sans droit ni titre par l’effet du congé signifié le 2 avril 2021 pour le 28 février 2022 ;
o Ordonne l’expulsion de Madame [X] sous astreinte de 30 euros par jour de retard 24 heures après la fin du délai prévu à l’article L412-1 du code des procédures civiles d’exécution,
o Condamne Madame [X] à payer une indemnité d’occupation égale au montant du loyer jusqu’à libération effective des lieux,
o La condamne à payer aux consorts [M] la somme de 1.000 euros en application de l’article 700 du code de procédure civile, outre les entiers dépens de l’instance.
Et statuant à nouveau,
-juger nul et de nul effet le congé délivré à Madame [D] [X] le 2 avril 2021 pour le 28 février 2022,
-juger que le bail signé le 19 février 2019 se trouve automatiquement prorogé du fait de l’annulation du congé,
Subsidiairement, dans l’hypothèse où la Cour confirmerait l’ordonnance et validerait le congé,
-accorder à Madame [X] un délai pour se reloger de 24 mois à compter de la décision à intervenir conformément aux dispositions des articles L 412-3 et suivants du code des procédures civiles d’exécution, et à défaut, à tout le moins jusqu’en juillet 2023 afin de permettre aux enfants de Madame [X] de terminer leur année scolaire,
-juger n’y avoir lieu d’assortir la décision d’une quelconque astreinte.
En tout état de cause,
-débouter Monsieur [F] [M], Monsieur [Z] [M], Madame [B] [M] épouse [U], de toutes demandes, fins et prétentions à l’encontre de Mme [X],
-condamner Monsieur [F] [M], Monsieur [Z] [M], Madame [B] [M] épouse [U] à payer à Madame [D] [X] la somme de 3.000 euros en application de l’article 700 du code de procédure civile, dont distraction au profit de Maître Laetitia Barrile,
-condamner les mêmes aux dépens de l’instance.
Au soutien de ses demandes, Mme [X] énonce qu’elle n’a jamais eu communication des pièces adverses et qu’en outre, l’ordonnance a été rendue lors du premier appel, alors qu’elle n’avait disposé que de quinze jours entre la signification de l’assignation le 17 juin 2022 et l’audience du 4 juillet 2022.
Sur le fond, elle énonce que le congé qui lui a été délivré est irrégulier donc entaché de nullité. Elle déclare que les consorts [M] ne pouvaient lui donner congé pour vendre le logement qu’au terme de la première reconduction tacite ou du premier renouvellement du bail, à savoir le 28 février 2025.
Elle soulève également la nullité du congé du fait de l’absence de reproduction de l’article 15 II de la loi du 6 juillet 1989. Elle réfute que les intimés aient réellement eu l’intention de vendre le bien.
Elle indique avoir rencontré des difficultés financières suite à la séparation d’avec son conjoint, qui l’a notamment conduite à devoir changer d’emploi.
Subsidiairement, elle sollicite l’octroi de délais, de par sa situation familiale et financière.
Dans leurs conclusions notifiées le 25 novembre 2022, les consorts [M] demandent à la cour de:
Vu l’article 15 de la loi n° 89-462 du 06 juillet 1989,
Vu l’article 835 du code de procédure civile,
Vu les articles 564 à 566 du code de procédure civile
Vu les pièces versées aux débats,
-débouter Madame [D] [X] de l’ensemble des ses demandes fins et prétentions ;
-confirmer en toutes ses dispositions l’ordonnance de référé du juge des contentieux de la protection de Grenoble en date du 22 septembre 2022 ;
-dire et juger que Madame [D] [X] est occupante sans droit ni titre par l’effet du congé pour reprise délivré le 02 avril 2021 pour le 28 février 2022 ;
-ordonner l’expulsion de Madame [D] [X] sous astreinte de 30 euros par jour de retard vingt quatre heures après la signification du commandement d’avoir à quitter les lieux, si besoin avec le concours de la force publique ;
-condamner Madame [D] [X], à titre de provision, au paiement de la somme de 2862,28 euros représentant les loyers et charges à payer arrêtés au 25/11/2022 en vertu de l’article 7 de la loi du 06 juillet 1989, outre intérêts au taux légal au visa de l’article 1155 du code civil et à parfaire au jour où le juge statuera ;
-condamner Madame [D] [X], à compter de la résiliation du bail jusqu’au jour de son départ effectif des lieux, au paiement d’une indemnité d’occupation mensuelle égale au montant du loyer, outre charges au visa de l’article 1560 du code civil et outre intérêts de droit à compter de chaque terme du loyer (article 1153-1 du code civil) ;
-condamner Madame [D] [X] au paiement de la somme de 3 000 euros en application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile ainsi qu’aux entiers dépens en ce compris les frais afférents à la délivrance du congé pour reprendre.
Les consorts [M] énoncent que le congé pouvait être délivré pour le 28 février 2022, le transfert de propriété du bien ne résultant que des effets de la dévolution successorale consécutif au décès de Mme [R] [M].
Ils déclarent que la reproduction de l’article 15 était bien jointe au congé, et que Madame [X] disposait donc d’un délai de quatre mois à compter de l’envoi de son acceptation de l’offre par courrier réceptionné le 16 avril 2021 pour concrétiser la vente.
Ils indiquent que c’est Mme [X] qui a tout fait pour retarder les échéances et son départ des lieux.
Ils s’opposent à l’octroi de délais, soulignant que les retards de paiement des loyers ont débuté à compter de décembre 2019, et que Mme [X] a déjà disposé du temps nécessaire pour trouver un nouveau logement.
La clôture a été prononcée le 14 mars 2023.
MOTIFS
Sur la nullité de l’assignation
Aux termes de l’article 16 du code de procédure civile, le juge doit, en toutes circonstances, faire observer et observer lui-même le principe de la contradiction.
Il ne peut retenir, dans sa décision, les moyens, les explications et les documents invoqués ou produits par les parties que si celles-ci ont été à même d’en débattre contradictoirement.
Il ne peut fonder sa décision sur les moyens de droit qu’il a relevés d’office sans avoir au préalable invité les parties à présenter leurs observations.
Selon l’article 56 de ce même code, l’assignation contient à peine de nullité, outre les mentions prescrites pour les actes d’huissier de justice et celles énoncées à l’article 54 :
1° Les lieu, jour et heure de l’audience à laquelle l’affaire sera appelée ;
2° Un exposé des moyens en fait et en droit ;
3° La liste des pièces sur lesquelles la demande est fondée dans un bordereau qui lui est annexé ;
4° L’indication des modalités de comparution devant la juridiction et la précision que, faute pour le défendeur de comparaître, il s’expose à ce qu’un jugement soit rendu contre lui sur les seuls éléments fournis par son adversaire.
L’assignation précise également, le cas échéant, la chambre désignée.
Elle vaut conclusions.
Selon l’article 114 de ce même code, aucun acte de procédure ne peut être déclaré nul pour vice de forme si la nullité n’en est pas expressément prévue par la loi, sauf en cas d’inobservation d’une formalité substantielle ou d’ordre public.
La nullité ne peut être prononcée qu’à charge pour l’adversaire qui l’invoque de prouver le grief que lui cause l’irrégularité, même lorsqu’il s’agit d’une formalité substantielle ou d’ordre public.
En l’espèce, l’assignation a été délivrée à Mme [X] en personne le 17 juin 2022 pour une audience le 4 juillet 2022. Mme [X] disposait donc de plus de 15 jours, sachant qu’il s’agissait d’une audience devant le juge des référés, pour préparer le cas échéant sa défense ou solliciter un délai pour ce faire.
Par ailleurs, Mme [X] déclare que les pièces figurant dans le bordereau ne lui ont pas été communiquées, ce qui n’est pas contesté par les intimés dont le Conseil indiquait au juge des référés qu’aucune disposition n’impose la signification des pièces visées à l’assignation devant le JCP, propos repris dans les conclusions des intimés.
S’agissant d’une nullité de forme, elle doit prouver que cette absence de pièces lui a causé grief.
En l’espèce, le bordereau correspondait à des pièces en possession de Mme [X] ou qu’elle avait elle-même envoyées. Elle en avait donc connaissance et ne rapporte donc pas la preuve d’un grief.
Sur la nullité de la délivrance du congé
Selon l’article 115 de la loi du 6 juillet 1989, I. ‘ Lorsque le bailleur donne congé à son locataire, ce congé doit être justifié soit par sa décision de reprendre ou de vendre le logement, soit par un motif légitime et sérieux, notamment l’inexécution par le locataire de l’une des obligations lui incombant. A peine de nullité, le congé donné par le bailleur doit indiquer le motif allégué et, en cas de reprise, les nom et adresse du bénéficiaire de la reprise ainsi que la nature du lien existant entre le bailleur et le bénéficiaire de la reprise qui ne peut être que le bailleur, son conjoint, le partenaire auquel il est lié par un pacte civil de solidarité enregistré à la date du congé, son concubin notoire depuis au moins un an à la date du congé, ses ascendants, ses descendants ou ceux de son conjoint, de son partenaire ou de son concubin notoire. Lorsqu’il donne congé à son locataire pour reprendre le logement, le bailleur justifie du caractère réel et sérieux de sa décision de reprise. Le délai de préavis applicable au congé est de six mois lorsqu’il émane du bailleur.
En cas d’acquisition d’un bien occupé :
– lorsque le terme du contrat de location en cours intervient plus de trois ans après la date d’acquisition, le bailleur peut donner congé à son locataire pour vendre le logement au terme du contrat de location en cours ;
– lorsque le terme du contrat de location en cours intervient moins de trois ans après la date d’acquisition, le bailleur ne peut donner congé à son locataire pour vendre le logement qu’au terme de la première reconduction tacite ou du premier renouvellement du contrat de location en cours ;
– lorsque le terme du contrat en cours intervient moins de deux ans après l’acquisition, le congé pour reprise donné par le bailleur au terme du contrat de location en cours ne prend effet qu’à l’expiration d’une durée de deux ans à compter de la date d’acquisition.
En cas de contestation, le juge peut, même d’office, vérifier la réalité du motif du congé et le respect des obligations prévues au présent article. Il peut notamment déclarer non valide le congé si la non-reconduction du bail n’apparaît pas justifiée par des éléments sérieux et légitimes.
Toutefois, la possibilité pour un bailleur de donner congé à un locataire et la durée du bail sont suspendues à compter de l’engagement de la procédure contradictoire prévue à l’article L. 511-10 du code de la construction et de l’habitation, relative à la sécurité et à la salubrité des immeubles bâtis.
Cette suspension est levée à l’expiration d’un délai maximal de six mois à compter de la réception du courrier de l’autorité administrative compétente engageant l’une des procédures mentionnées aux a et b, faute de notification d’un des arrêtés prévus à leur issue ou de leur abandon.
Lorsque l’autorité administrative compétente a notifié l’arrêté prévu à l’article L.511-11 du code de la construction et de l’habitation, il est fait application des articles L. 521-1 et L. 521-2 du même code.
Une notice d’information relative aux obligations du bailleur et aux voies de recours et d’indemnisation du locataire est jointe au congé délivré par le bailleur en raison de sa décision de reprendre ou de vendre le logement. Un arrêté du ministre chargé du logement, pris après avis de la Commission nationale de concertation, détermine le contenu de cette notice.
[‘]
Le congé doit être notifié par lettre recommandée avec demande d’avis de réception, signifié par acte d’huissier ou remis en main propre contre récépissé ou émargement. Ce délai court à compter du jour de la réception de la lettre recommandée, de la signification de l’acte d’huissier ou de la remise en main propre.
Pendant le délai de préavis, le locataire n’est redevable du loyer et des charges que pour le temps où il a occupé réellement les lieux si le congé a été notifié par le bailleur. Il est redevable du loyer et des charges concernant tout le délai de préavis si c’est lui qui a notifié le congé, sauf si le logement se trouve occupé avant la fin du préavis par un autre locataire en accord avec le bailleur.
A l’expiration du délai de préavis, le locataire est déchu de tout titre d’occupation des locaux loués.
II. ‘ Lorsqu’il est fondé sur la décision de vendre le logement, le congé doit, à peine de nullité, indiquer le prix et les conditions de la vente projetée. Le congé vaut offre de vente au profit du locataire : l’offre est valable pendant les deux premiers mois du délai de préavis. Les dispositions de l’article 46 de la loi n° 65-557 du 10 juillet 1965 fixant le statut de la copropriété des immeubles bâtis ne sont pas applicables au congé fondé sur la décision de vendre le logement.
A l’expiration du délai de préavis, le locataire qui n’a pas accepté l’offre de vente est déchu de plein droit de tout titre d’occupation sur le local.
Le locataire qui accepte l’offre dispose, à compter de la date d’envoi de sa réponse au bailleur, d’un délai de deux mois pour la réalisation de l’acte de vente. Si, dans sa réponse, il notifie son intention de recourir à un prêt, l’acceptation par le locataire de l’offre de vente est subordonnée à l’obtention du prêt et le délai de réalisation de la vente est porté à quatre mois. Le contrat de location est prorogé jusqu’à l’expiration du délai de réalisation de la vente. Si, à l’expiration de ce délai, la vente n’a pas été réalisée, l’acceptation de l’offre de vente est nulle de plein droit et le locataire est déchu de plein droit de tout titre d’occupation.
Dans le cas où le propriétaire décide de vendre à des conditions ou à un prix plus avantageux pour l’acquéreur, le notaire doit, lorsque le bailleur n’y a pas préalablement procédé, notifier au locataire ces conditions et prix à peine de nullité de la vente. Cette notification est effectuée à l’adresse indiquée à cet effet par le locataire au bailleur ; si le locataire n’a pas fait connaître cette adresse au bailleur, la notification est effectuée à l’adresse des locaux dont la location avait été consentie. Elle vaut offre de vente au profit du locataire. Cette offre est valable pendant une durée d’un mois à compter de sa réception. L’offre qui n’a pas été acceptée dans le délai d’un mois est caduque.
Le locataire qui accepte l’offre ainsi notifiée dispose, à compter de la date d’envoi de sa réponse au bailleur ou au notaire, d’un délai de deux mois pour la réalisation de l’acte de vente. Si, dans sa réponse, il notifie son intention de recourir à un prêt, l’acceptation par le locataire de l’offre de vente est subordonnée à l’obtention du prêt et le délai de réalisation de la vente est porté à quatre mois. Si, à l’expiration de ce délai, la vente n’a pas été réalisée, l’acceptation de l’offre de vente est nulle de plein droit.
Les termes des cinq alinéas précédents sont reproduits à peine de nullité dans chaque notification.
A titre liminaire, il sera rappelé que la reproduction des termes des cinq premiers alinéas de l’article 15, II de la loi du 6 juillet 1989 dans une annexe du congé, et non pas dans le congé lui-même, est valable (Cass. 3e civ., 18 févr. 2009, n°08-11.114).
Les pièces versées aux débats ne permettent pas de savoir si la reproduction des cinq alinéas précités a bien été envoyée ou non, en même temps que le congé, qui s’y réfère, sans plus de précisions.
Toutefois, il appartient à Mme [X] de démontrer, à supposer qu’elle n’ait pas eu connaissance de cet article comme elle l’allègue, l’existence d’un grief, l’empêchant d’acheter.
Or, si par courrier non daté mais présenté le 13 avril 2021 aux consorts [M], elle fait état de son souhait d’acquérir le bien, force est de constater qu’aucun document attestant des démarches entreprises n’est versé aux débats. Mme [X] allègue que les consorts [M] lui ont indiqué que la succession prenait du temps et qu’il ne s’est rien passé avant qu’ils ne lui adressent un courrier le 17 février 2022.
Cependant, ce courrier auquel elle se réfère énonce que le notaire des vendeurs est entré en contact avec son propre notaire à plusieurs reprises mais qu’il ne semble pas obtenir les documents nécessaires, dont la simulation bancaire et l’acompte sur le prix de vente. Les consorts [M] communiquent ces échanges de mails qui attestent de cette situation, des rendez-vous aux fins de signer le compromis ayant été proposés à Mme [X] avant le mois de février.
Mme [X] ne démontre pas avoir effectué une quelconque démarche aux fins d’obtenir un prêt bancaire. En outre, elle verse aux débats son bulletin de salaire de décembre 2018 d’où il résulte qu’elle percevait un cumul net imposable sur 11 mois de 22 079 euros, soit une moyenne mensuelle de 2 007 euros, et à défaut d’apport personnel, qu’elle n’évoque pas, il n’était pas plausible qu’elle obtienne un prêt de 380 000 euros, auquel il convient d’ajouter les frais de notaire. De surcroît, elle ajoute que sa situation financière s’est dégradée au cours de l’année 2021, ce qui rendait encore moins possible l’octroi d’un prêt.
Dès lors, Mme [X] ne rapporte pas la preuve qu’elle avait effectivement l’intention d’acquérir le bien, aucune nullité n’est encourue à défaut de grief.
Pour ces mêmes motifs, aucune nullité n’est encourue du fait de l’absence, avérée, de précisions quant aux conditions de la vente.
Sur la date de délivrance du congé
Mme [X] a loué le bien à compter du 1er mars 2019 à [R] [M] qui est décédée en [Date décès 9] 2020. Mme [X] énonce qu’aux termes de l’article 15 I de la loi du 6 juillet 1989, lorsque le terme du contrat de location en cours intervient moins de trois ans après la date d’acquisition, le bailleur ne peut donner congé à son locataire pour vendre le logement qu’au terme de la première reconduction tacite ou du premier renouvellement du contrat de location en cours et en conclut que les consorts [M] n’ayant fait l’acquisition du bien que courant 2020, dans le cadre de la succession, le congé ne pouvait être délivré avant le 28 février 2025.
S’il est exact que la date d’acquisition dans ce texte ne distingue pas entre acquisition par contrat et acquisition par succession, il convient de prendre en compte l’esprit du texte qui vise à éviter des ventes à caractère spéculatif, mais qui ne doit pas conduire à empêcher des héritiers de vendre le bien, ladite vente servant au demeurant souvent à payer les droits de succession.
Aucune nullité ne peut dès lors être encourue de ce chef.
Sur le défaut de qualité à agir
Les consorts [M] ont produit leur acte de notoriété en date du 17 septembre 2020, aucune nullité n’est encourue de ce chef.
Sur le caractère frauduleux du congé
Mme [X] ne démontre pas que les consorts [M] n’avaient pas pour intention de vendre le bien, les échanges de mails entre notaires attestant du contraire.
Sur l’octroi de délais
Selon l’article L.412-3 du code des procédures civiles d’exécution, le juge peut accorder des délais renouvelables aux occupants de lieux habités ou de locaux à usage professionnel, dont l’expulsion a été ordonnée judiciairement, chaque fois que le relogement des intéressés ne peut avoir lieu dans des conditions normales, sans que ces occupants aient à justifier d’un titre à l’origine de l’occupation.
Le juge qui ordonne l’expulsion peut accorder les mêmes délais, dans les mêmes conditions.
Cette disposition n’est pas applicable lorsque le propriétaire exerce son droit de reprise dans les conditions prévues à l’article 19 de la loi n° 48-1360 du 1er septembre 1948 portant modification et codification de la législation relative aux rapports des bailleurs et locataires ou occupants de locaux d’habitation ou à usage professionnel et instituant des allocations de logement ainsi que lorsque la procédure de relogement effectuée en application de l’article L.442-4-1 du code de la construction et de l’habitation n’a pas été suivie d’effet du fait du locataire.
Toutefois, cet article s’applique au juge de l’exécution dont la compétence est d’ordre public.
A titre superfétatoire, il sera relevé que Mme [X] savait depuis avril 2021 qu’elle devrait quitter les lieux et ne communique comme démarche qu’un rendez-vous avec une assistante sociale en novembre 2022, ce qui n’est pas de nature à témoigner de sa bonne foi.
Pour ce motif, il y a lieu de confirmer l’ordonnance en ce qu’elle a assorti l’expulsion d’une mesure d’astreinte, afin d’assurer l’effectivité de celle-ci. Il sera précisé que ladite expulsion pourra si besoin être effectuée avec le concours de la force publique.
Sur la demande reconventionnelle en paiement des loyers et indemnités d’occupation
Les consorts [M] communiquent un décompte des sommes restant dues, il appartient à Mme [M] en application de l’article 1353 du code civil de rapporter la preuve des paiements, ce qu’elle ne fait pas. Elle sera donc condamnée à titre provisionnel à payer aux consorts [M] la somme de 7 919,84 euros, outre les sommes dues postérieurement au 25 novembre 2022.
Mme [X] qui succombe à l’instance sera condamnée aux dépens d’appel. En revanche, il n’y a pas lieu de la condamner au paiement des frais afférents à la délivrance du congé pour reprise, qui doit rester à la charge des intimés.
PAR CES MOTIFS
La cour, statuant publiquement et contradictoirement, après en avoir délibéré conformément à la loi ;
Confirme l’ordonnance déférée ;
Y ajoutant ;
Condamne Mme [X] à payer aux consorts [M] la somme de 7 919,84 euros au titre des loyers et indemnités d’occupation restant dues à la date du 25 novembre 2022, outre intérêts de droit à compter de chaque terme du loyer ;
Condamne Mme [X], à compter de la résiliation du bail jusqu’au jour de son départ effectif des lieux, au paiement d’une indemnité d’occupation mensuelle égale au montant du loyer, outre charges au visa de l’article 1560 du code civil et outre intérêts de droit à compter de chaque terme du loyer ;
Précise que l’expulsion pourra si besoin être effectuée avec le concours de la force publique ;
Déboute les parties de leurs demandes plus amples ou contraires ;
Condamne Mme [X] à verser aux consorts [M] la somme de 2 000 euros en application de l’article 700 du code de procédure civile en cause d’appel ;
Condamne Mme [X] aux dépens d’appel.
Prononcé par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile.
Arrêt signé par Mme Emmanuèle Cardona, Présidente de la deuxième chambre civile et par la Greffière,Caroline Bertolo, à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
LA GREFFIERE LA PRESIDENTE