COUR D’APPEL D’AIX EN PROVENCE
8e Chambre A
ARRÊT AU FOND
DU 10 SEPTEMBRE 2015
N° 2015/ 317
Rôle N° 07/18318
SARL MAREE PHOCEENNE
[N] [X]
C/
SA ICM
SA GODAMAR-PSI
[P] [F]
Grosse délivrée
le :
à :
SCP BADIE
SCP ROUSSEAU
Décision déférée à la Cour :
Jugement du Tribunal de Commerce de Fréjus en date du 05 Novembre 2007 enregistré au répertoire général sous le n° 2006/1063.
APPELANTS
SARL MAREE PHOCEENNE
prise en la personne de son mandataire judiciaire Me [N] [X], demeurant [Adresse 4]
représentée par Me Sébastien BADIE de la SCP BADIE SIMON-THIBAUD JUSTON, avocat au barreau d’AIX-EN-PROVENCE
assistée par Me Cyril KUJAWA de la SELARL SEL LE ROUX- BRIN-KUJAWA, avocat au barreau de MARSEILLE,
Maître [N] [X]
pris en sa qualité de liquidateur judiciaire de la Société MAREE PHOCEENNE,
assigné en intervention forcée
né le [Date naissance 2] 1957 à [Localité 1], demeurant [Adresse 2]
représentée par Me Sébastien BADIE de la SCP BADIE SIMON-THIBAUD JUSTON, avocat au barreau d’AIX-EN-PROVENCE
assistée par Me Cyril KUJAWA de la SELARL SEL LE ROUX- BRIN-KUJAWA, avocat au barreau de MARSEILLE,
INTIMES
SA ICM,
dont le siége social est [Adresse 1]
représentée par Me Ludovic ROUSSEAU de la SCP ROUSSEAU & ASSOCIES, avocat au barreau d’AIX-EN-PROVENCE,
assistée par Me Gilles OBADIA, avocat au barreau de PARIS
SA GODAMAR-PSI,
dont le siége social est [Adresse 5]
représentée par Me Ludovic ROUSSEAU de la SCP ROUSSEAU & ASSOCIES, avocat au barreau d’AIX-EN-PROVENCE,
assistée par Me Gilles OBADIA, avocat au barreau de PARIS
Monsieur [P] [F]
né le [Date naissance 1] 1950 à [Localité 2], demeurant [Adresse 3]
représenté par Me Ludovic ROUSSEAU de la SCP ROUSSEAU & ASSOCIES, avocat au barreau D’AIX-EN-PROVENCE,
assisté par Me Gilles OBADIA, avocat au barreau de PARIS
*-*-*-*-*
COMPOSITION DE LA COUR
L’affaire a été débattue le 10 Juin 2015 en audience publique. Conformément à l’article 785 du Code de Procédure Civile, Madame Catherine DURAND, Conseiller a fait un rapport oral de l’affaire à l’audience avant les plaidoiries.
La Cour était composée de :
Monsieur Yves ROUSSEL, Président
Madame Catherine DURAND, Conseiller
Madame Anne CHALBOS, Conseiller
qui en ont délibéré.
Greffier lors des débats : Madame France-Noëlle MASSON.
Les parties ont été avisées que le prononcé public de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le 10 Septembre 2015
ARRÊT
Contradictoire,
Prononcé par mise à disposition au greffe le 10 Septembre 2015,
Signé par Monsieur Yves ROUSSEL, Président et Madame France-Noëlle MASSON, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
***
Vu le jugement du tribunal de commerce de Fréjus en date du 5 novembre 2007,
Vu l’appel interjeté le 9 novembre 2007 par la SARL Marée Phocéenne,
Vu l’arrêt mixte de la 8ème chambre A de la cour de céans en date du 21 juin 2012, auquel le présent se réfère expressément pour l’exposé des faits, de la procédure et des prétentions des parties, ayant :
Déclaré l’appel régulier et recevable en la forme,
Au fond,
Confirmé le jugement attaqué en ce qu’il a rejeté la demande dirigée contre [P] [F] et a ordonné la mainlevée des mesures conservatoires prises sur le patrimoine personnel de ce dernier,
L’a infirmé pour le surplus,
Statuant à nouveau,
Débouté Monsieur [P] [F] de sa demande de dommages et intérêts,
Dit que pour 70 % du stock de poissons cédé provenant des alevins des l’écloserie grecque [Établissement 1] de 2001 et 2002 la société Marée Phocéenne a été victime d’un dol par réticence commis par les sociétés cédantes, ICM et Godamar PSI,
Débouté les sociétés ICM et Godamar PSI de leur appel en garantie dirigé contre la société Qualité France,
Débouté la société Qualité France de sa demande de dommages et intérêts pour procédure abusive,
Mis les entiers dépens de première instance et d’appel nés de la mise en cause de [P] [F] et de la demande reconventionnelle de ce dernier à la charge de la procédure collective de la société Marée Phocéenne,
Dit n’y avoir lieu à application de l’article 700 du code de procédure civile au profit de [P] [F],
Condamné les sociétés ICM et Godamar PSI in solidum aux entiers dépens de première instance et d’appel nés de l’appel en garantie dirigé contre la société Qualité France et de la demande de dommages et intérêts de cette dernière,
Les a condamnées in solidum à payer à la société Qualité France une somme de 5.000 euros au titre des frais irrépétibles,
Sursis à statuer sur le surplus,
Avant dire droit sur le préjudice subi par la société Marée Phocéenne,
Ordonné une expertise,
Commis [H] [B] pour y procéder avec mission de déterminer au vu notamment des rapports déjà déposés à la demande des parties et du juge-commissaire, le préjudice subi par la société Marée Phocéenne pour 70 % du stock de poissons cédés provenant des alevins de l’écloserie grecque [Établissement 1] de 2001 à 2002 pour lesquels elle subit un dol par réticence
Vu l’arrêt de la cour de cassation en date du 14 janvier 2014 ayant rejeté le pourvoi formé par les sociétés ICM et Godamar PSI à l’encontre de la décision précitée,
Vu le rapport d’expertise déposé par l’expert [B] le 7 mai 2014,
Vu les conclusions récapitulatives déposées et signifiées le 16 janvier 2015 par la société Marée Phocéenne et Me [X], liquidateur judiciaire de la société, tenues pour intégralement reprises, qui demandent à la cour d’homologuer le rapport de Monsieur [B] en ce qu’il a évalué les postes de préjudice liés à la surévaluation du stock, la perte du chiffre d’affaires liée à la vente de poissons de qualité inférieure et la perte de marge commerciale sur 70 % du stock de poissons cédés à la somme globale de 917.782 euros, de dire que la société Marée Phocéenne est également fondée à obtenir la réparation de préjudices complémentaires liés à la vente de poissons de petite taille, à la reconstitution d’un cheptel Label Rouge, ainsi que la perte de confiance de ses partenaires commerciaux et financiers ayant entrainé sa déconfiture évalués à la somme globale de 3.892.905 euros, de condamner en conséquence solidairement la société ICM et Godamar PSI à payer à Me [X] ès qualités, la somme globale de 4.810.687 euros, de dire que les sociétés ICM et Godamar PSI sont irrecevables en leurs demandes, eu égard à l’autorité de la chose jugée attachée à l’arrêt définitif du 21 juin 2012, les en débouter.
A titre subsidiaire ils demandent de dire que la créance revendiquée au titre du solde de prix de cession doit être inscrite au passif de la liquidation judiciaire de la société Marée Phocéenne et qu’aucune compensation ne saurait s’opérer entre cette créance contractuelle et les dommages intérêts alloués à la société Marée Phocéenne en réparation de son préjudice, de condamner in solidum les cédantes au paiement d’une somme de 50.000 euros en application de l’article 700 du code de procédure civile.
Vu les conclusions récapitulatives déposées et signifiées le 11 mai 2015,tenues pour intégralement reprises, par lesquelles la société ICM, la société Godamar PSI et Monsieur [F], demandent à la cour de dire que le préjudice subi par la société Marée Phocéenne ne saurait excéder un montant de 178.356 euros correspondant à la perte liée à la surévaluation du stock en provenance de l’écloserie grecque [Établissement 1] de 2001 à 2002, dire irrecevable la demande d’indemnisation de la société Marée Phocéenne au titre d’un préjudice lié à la perte du chiffre d’affaires de ses filiales Aquavar et Théoule, subsidiairement dire qu’il ne saurait être supérieur à 62.674,60 euros, débouter la société Marée Phocéenne ses autres demandes, de confirmer le jugement en ce qu’il a condamné la société Marée Phocéenne à payer à la société ICM la somme de 2.376.000 euros et à la société Godamar PSI celle de 1.080.000 euros et a ordonné la mainlevée des mesures conservatoires prises à l’encontre de ces sociétés, et statuant à nouveau, fixer les créances au passif de la société Marée Phocéenne de la société ICM à la somme de 2.376.000 euros et de 500.000 euros à titre de dommages et intérêts pour procédure abusive et de la société Godamar PSI à celle de 1.080.000 euros et de 500.000 euros pour procédure abusive, ainsi que 50.000 euros chacune au titre des frais irrépétibles, dire qu’elles sont bien fondées à soulever l’exception du paiement par compensation, y faire droit en conséquence, ordonner le remboursement par Me [X] ès qualités à Monsieur [F] de la somme de 6273,73 euros montant des dépens qu’il a été contraint d’acquitter du fait de la défaillance de la société Marée Phocéenne,
Vu l’ordonnance de clôture de l’instruction en date du 27 mai 2015,
Attendu que par application des dispositions de l’article 455 du code de procédure civile il est renvoyé aux conclusions visées ci-dessus pour l’exposé des prétentions et moyens des parties ;
MOTIFS
Attendu qu’il sera rappelé que les sociétés Theoule Aquaculture et Aquavar avaient pour activité l’élevage de poissons et plus particulièrement de bar ‘label rouge’ et pour client quasiment exclusif la société Marée Phocéenne mareyeur pratiquant la vente en gros de poissons ; que par acte du 14 octobre 2003 les sociétés ICM et Godamar ont cédé à la société Marée Phocéenne l’intégralité des titres composant le capital social des deux sociétés exploitant les fermes d’élevage, moyennant un prix de cession de 5.184.000 euros, dont 3.896.000 euros correspondant à un stock cédé de 800 tonnes de poisson, payable en 72 mensualités ; que la société Marée Phocéenne s’est plainte d’un différentiel sur la qualité du poisson cédé ne pouvant prétendre au ‘label rouge’ en raison des malformations affectant les alevins éclos dans la ferme grecque [Établissement 1] appartenant à Monsieur [F], dirigeant des sociétés ICM et Godamar PSI et la perte de ce label par l’écloserie depuis 2002 ; qu’elle a soutenu avoir été victime d’un dol incident par réticence et a engagé diverses procédures pénale et commerciale pour obtenir la réparation du préjudice subi ;
Attendu qu’il a été jugé définitivement par la cour de céans par l’arrêt du 21 juin 2012 que les cédantes avaient commis un dol par réticence pour 70 % du stock de poissons cédé provenant des alevins des l’écloserie grecque [Établissement 1] de 2001 et 2002 a ordonné l’expertise confiée à Monsieur [B] pour apprécier le préjudice ainsi subi par la société Marée Phocéenne ;
Attendu qu’une procédure de sauvegarde a été ouverte au bénéfice de la société Marée Phocéenne par jugement du tribunal de commerce de Marseille le 7 mai 2008, convertie en liquidation judiciaire par décision de ce même tribunal le 11 juin 2008 ;
Attendu que par jugement du 2 juillet 2008 la procédure a été étendue à la société HBL, holding de la société Marée Phocéenne, puis par décision du 11 mars 2009 aux sociétés Aquavar et Théoule Aquaculture ;
Attendu que par décision du 15 avril 2009 rectifiée le 22 avril 2009 a été ordonnée la cession des entreprises des quatre sociétés au profit de la société Copemart au prix de 1.266.897 euros ; que le 28 octobre 2009 la liquidation judiciaire de ces mêmes sociétés a été ordonnée et Me [X] désigné en qualité de liquidateur judiciaire .
Sur la réparation du préjudice subi par la société Marée Phocéenne du fait du dol incident commis par les cédantes :
Attendu que les appelants demandent, d’une part, l’homologation du rapport [B] en ce qu’il a retenu, au titre des préjudices subis par la société Marée Phocéenne, celui lié à la surévaluation du stock cédé, à la perte de chiffre d’affaires des fermes aquacoles du fait de la vente de poissons de qualité inférieure et à la perte de marge de commercialisation de la société Marée Phocéenne chiffrés à la somme globale de 917.582 euros ;
Attendu qu’ils sollicitent d’autre part la réparation de préjudices écartés par l’expert, consistant en la perte de chiffre d’affaires lié à la vente de poissons de petite taille, le surcoût de production lié au réensemencement en alevins que qualité ‘label rouge’ et en un préjudice moral ;
Attendu que les sociétés intimées contestent la plupart de ces chefs de préjudices faisant valoir que certains concernent les filiales de la société Marée Phocéenne et non cette société directement, et demandent le rejet des chefs de préjudices non retenus par l’expert [B] ;
Sur la surévaluation du stock cédé :
Attendu que l’expert a chiffré le préjudice lié au stock délabellisé, commercialisé en bar français ou standard à la somme de 178.356 euros (166.688 kg de poissons déclassés x 1, 07 euros (différence de tarif d’achat entre les poissons ‘label rouge’ et ceux standard) ;
Attendu que ce poste de préjudice ainsi évalué, non contesté par les sociétés intimées, sera retenu et les sociétés ICM et Godamar PSI condamnées in solidum au paiement de la somme de 178.356 euros ;
Sur la perte de chiffre d’affaires des fermes aquacoles Théoule Aquaculture et Aquavar :
Attendu que l’expert [B] a chiffré à la somme de 591.573 euros la perte de chiffre d’affaires subi par les fermes aquacoles de 2004 à 2006, dont il considère qu’elle constitue également une perte de marge brute pour ces sociétés, et la société Marée Phocéenne demande qu’elle soit retenue à son bénéfice, exposant que ce préjudice est global au niveau du ‘groupe’ Marée Phocéenne et qu’étant la suite de sa prise de participation dans le capital des deux sociétés exploitant les fermes aquacoles qui étaient ses fournisseurs exclusifs en poissons labellisés, il s’agit pour elle d’un gain manqué ;
Attendu toutefois, comme le font valoir les sociétés intimées, que la société Marée Phocéenne ne peut prétendre qu’à la réparation de son préjudice personnel résultant directement du dol incident commis par les cédantes, la notion de ‘groupe’ ne lui permettant pas de demander la réparation d’une perte de chiffre d’affaires subie par ses deux filiales, personnes morales distinctes ;
Attendu qu’elle sera en conséquence déboutée de sa demande de condamnation des sociétés intimées au paiement de la somme de 591.573 euros ;
Sur la perte de marge commerciale :
Attendu que la société Marée Phocéenne a par ailleurs subi une perte de marge commerciale de 20 % du chiffre d’affaires manqué par les deux fermes aquacoles, correspondant au taux de marge pratiqué par elle dans la revente des poissons provenant des deux fermes aquacoles, étant relevé que si elle n’était pas captive de ses deux filiales elle les a acquises pour s’assurer la totalité de leur production en bar ‘label rouge’, en était la cliente exclusive, ce qui démontre un choix d’approvisionnement de ce produit peu commercialisé ;
Attendu qu’il ne peut lui être valablement reproché de ne pas s’être approvisionnée auprès d’autres fournisseurs ;
Attendu que ce préjudice est personnel à la société Marée Phocéenne et résulte du dol incident imputable aux cédantes ;
Attendu que l’évaluation du préjudice commercial effectuée en appliquant au stock concerné (166.688 kg) le différentiel de prix de vente moyen sur les années 2004 à 2006 entre les prix de vente des poissons ‘label rouge’ et ceux non labellisés, calculé à partir des tableaux de répartition des ventes par catégorie des deux fermes aquacoles annexées au rapport de Monsieur [G], expert désigné par le juge commissaire, non utilement contredit par les sociétés intimées, chiffré par l’expert à 3,55 euros, sera retenue par la cour pour apprécier la perte de marge commerciale de la société Marée Phocéenne ;
Attendu que les sociétés ICM et Godamar PSI seront en conséquence condamnées in solidum au paiement de la somme de 147.853 euros ;
En ce qui concerne la perte du chiffre d’affaires liée à la vente de poissons de petite taille et le surcoût de production lié à la reconstitution d’un cheptel ‘label rouge’ :
Attendu que Monsieur [G] a indiqué que les deux fermes aquacoles ont dû faire face à une réduction de leurs chiffres d’affaires du fait de la nécessité de vendre de poissons de petite taille sans attendre leur arrivée à maturité pour dégager un volant de trésorerie leur permettant de financer les surcoûts de production supportés liés au réensemencement en alevins ‘label rouge’;
Attendu que la société Marée phocéenne sollicite la condamnation des cédantes au paiement des sommes de 1.407.193 euros et 1.485.712 euros, auxquelles Monsieur [G] a chiffré les préjudices des sociétés Aquavar et Théoule Aquaculture considérant qu’ils constituent pour elle des préjudices financiers et commerciaux ;
Attendu toutefois qu’il n’est pas démontré que le choix de procéder à la vente de poissons de petite taille sans attendre leur arrivée à maturité pour compenser les coûts de production supportés par les deux fermes aquacoles liés au réensemencement en alevins ‘label rouge’ soit directement imputable au dol incident commis par les cédantes et non aux problèmes de trésorerie que la société Marée Phocéenne avait dès avant la cession des titres des deux sociétés ICM et Godamar PSI ;
Attendu par ailleurs que la perte des chiffres d’affaires et le surcoût de production liés au réensemencement en alevins tels qu’invoqués ne sont pas subis directement et personnellement par la société Marée Phocéenne mais par ses filiales ; que la société Marée Phocéenne, qui ne caractérise pas ses préjudices personnels éventuels liés à ces pertes et surcoûts supportés par ses filiales sera déboutée de ces deux chefs de préjudices ;
En ce qui concerne le préjudice moral :
Attendu que le dol incident commis par les cédantes sur la qualité de 70 % du stock de poisson cédé a occasionné à la société Marée Phocéenne en sus des préjudices financiers susvisés un préjudice moral que la cour évalue à la somme de 20.000 euros ;
Attendu que les sociétés ICM et Godamar PSI seront condamnées in solidum à payer à la société Marée Phocéenne la somme de 10.000 euros en application de l’article 700 du code de procédure civile ;
Sur les demandes reconventionnelles des sociétés Godamar PSI et ICM et de Monsieur [F] :
Attendu que la société Marée Phocéenne et Me [X] soutiennent que les demandes présentées au titre de la condamnation au paiement du solde du prix de cession, la mainlevée des mesures conservatoires des créances prises à l’encontre des cédantes, de paiement de dommages et intérêts pour procédure abusive et de compensation entre les créances, se heurtent à l’autorité de la chose jugée par l’arrêt mixte définitif du 21 juin 2012 ;
Attendu cependant que cette décision a confirmé le jugement attaqué en ce qu’il a rejeté la demande dirigée contre [P] [F] et a ordonné la mainlevée des mesures conservatoires prises sur le patrimoine personnel de ce dernier et l’a infirmé pour le surplus, donc en ce qui concerne les condamnations prononcées au profit des cédantes, la mainlevée des mesures conservatoires prises à leur encontre, le rejet de leur demande de dommages et intérêts pour procédure abusive, et a par ailleurs sursis à statuer ‘sur le surplus’ sans avoir statué sur ces prétentions des sociétés cédantes ;
Attendu que ces demandes ne se heurtent pas à l’autorité de la chose jugée ; qu’elles sont donc recevables ;
Attendu que la société Marée Phocéenne étant en liquidation judiciaire aucune condamnation ne peut être prononcée à son encontre ;
Attendu que la société Marée Phocéenne n’a pas réglé les échéances convenues du crédit-vendeur ce qui a entrainé la déchéance du terme ;
Attendu les sociétés ICM et Godamar PSI ont déclaré leurs créances au passif de la procédure collective de la société Marée phocéenne ;
Attendu qu’il convient donc de fixer les créances au passif de la société Marée Phocéenne de la société ICM à la somme de 2.376.000 euros et de la société Godamar PSI à celle de 1.080.000 euros, outre intérêts au taux légal à compter du 9 juillet 2007, date de l’audience du tribunal de commerce lors de laquelle ces demandes ont été présentées, jusqu’au jour de l’ouverture de la procédure de sauvegarde soit le 7 mai 2008 ;
Attendu que la procédure initiée par la société Marée Phocéenne, dont il a été définitivement jugé qu’elle avait été victime d’un dol par réticence commis par les sociétés ICM et Godamar PSI, ne revêt aucun caractère abusif ; que ces deux sociétés seront en conséquence chacune déboutée de leur demande de paiement d’une somme de 500.000 euros à titre de dommages et intérêts ;
Attendu enfin qu’en vertu de l’article L 622-7 du code de commerce le jugement ouvrant la procédure emporte, de plein droit, interdiction de payer toute créance née antérieurement au jugement d’ouverture, à l’exception du paiement par compensation de créances connexes ;
Attendu toutefois que les créances réciproques des parties n’ayant pas le même fondement, celle de solde de prix de cession ayant un fondement contractuel et celle de dommages et intérêts réparant le préjudice résultant du dol par réticence étant de nature délictuelle et dépourvue de fondement contractuel, ne sont pas connexes au sens de l’article L 622-7 ;
Attendu que les sociétés ICM et Godamar PSI seront en conséquence déboutées de leur demande de compensation desdites créances ;
Attendu qu’eu égard aux condamnations prononcées à leur égard au bénéfice de la société Marée Phocéenne, les sociétés ICM et Godamar PSI seront déboutées de leur demande de mainlevée des mesures conservatoires des créances prises à leur encontre par la société Marée Phocéenne en 2005 et 2007 ;
Attendu qu’il n’y a pas lieu à faire application à leur bénéfice des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile ;
Attendu que Monsieur [F], qui a déjà un titre lui permettant de recouvrer les dépens de sa mise en cause mis à la charge de la procédure collective de la société Marée Phocéenne par l’arrêt mixte du 21 juin 2012, sera débouté de sa demande de remboursement par Me [X] ès qualités des dépens qu’il dit avoir été contraint d’acquitter du fait de sa défaillance, étant noté que l’arrêt n’a pas fait application des dispositions de l’article 699 du code de procédure civile ;
Attendu qu’il sera fait masse des dépens, comprenant les frais de l’expertise [B], les sociétés ICM et Godamar PSI en supportant in solidum les 3/4 et la société Marée Phocéenne 1/4, ceux mis à la charge de la société Marée Phocéenne étant employés en frais privilégiés de procédure collective ;
PAR CES MOTIFS
La cour statuant par mise à disposition au greffe, publiquement, contradictoirement,
Vu le rapport d’expertise de Monsieur [B],
Sur les demandes de la société Marée Phocéenne et de Me [X], ès-qualités,
Condamne in solidum les sociétés ICM et Godamar PSI à payer à la société Marée Phocéenne les sommes de :
178.356 euros au titre de la surévaluation du stock cédé,
147.853 euros au titre de la perte de marge sur commercialisation,
20.000 euros au titre du préjudice moral,
Déboute la société Marée phocéenne des ses demandes au titre des pertes de chiffres d’affaires du fait de la vente de poissons de qualité inférieure, du chef de l’obligation de vendre des poissons de petite taille et du surcoût de production lié à la reconstitution d’un cheptel ‘label rouge’,
Condamne in solidum les sociétés ICM et Godamar PSI à payer à la société Marée Phocéenne la somme de 10.000 euros en application de l’article 700 du code de procédure civile,
Sur les demandes reconventionnelles des sociétés ICM et Godamar PSI :
Ecarte la fin de non-recevoir tirée de l’autorité de la chose jugée,
Rejette les demandes de confirmation du jugement en ce qu’il a condamné la société Marée Phocéenne à payer à la société ICM la somme de 2.376.000 euros et à la société Godamar PSI celle de 1.080.000 euros et a ordonné la mainlevée des mesures conservatoires prises à l’encontre de ces sociétés,
Fixe au passif de la procédure collective de la société Marée Phocéenne la créance de la société ICM à la somme de 2.376.000 euros et celle de la société Godamar PSI à la somme de 1.080.000 euros, outre intérêts au taux légal à compter du 9 juillet 2007, date de l’audience du tribunal de commerce lors de laquelle ces demandes ont été présentées, jusqu’au jour de l’ouverture de la procédure de sauvegarde soit le 7 mai 2008,
Déboute les sociétés ICM et Godamar PSI de leurs demandes de fixation au passif de la société Marée Phocéenne de créances de dommages et intérêts d’un montant de 500.000 euros chacune pour procédure abusive,
Déboute les sociétés ICM et Godamar PSI de leur demande de compensation des créances réciproques, non connexes,
Déboute les sociétés ICM et Godamar PSI de leurs demandes de mainlevée des mesures conservatoires des créances prises à leur encontre par la société Marée Phocéenne,
Dit n’y avoir lieu à leur bénéfice à application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile,
Déboute Monsieur [P] [F] de sa demande de remboursement par Me [X] ès qualités de la somme de 6273,73 euros montant des dépens acquittés à son avoué du fait de la défaillance de la société Marée Phocéenne,
Fait masse des dépens, qui incluent les frais de l’expertise [B], les sociétés ICM et Godamar PSI en supportant in solidum les 3/4 et la société Marée Phocéenne 1/4, ceux d’appel étant recouvrés conformément aux dispositions de l’article 699 du code de procédure civile, la partie des dépens mis à la charge de la société Marée Phocéenne étant employés en frais privilégiés de procédure collective.
LA GREFFIERE. LE PRESIDENT.