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N° RG 21/02541 – N° Portalis DBV2-V-B7F-IZ3A
COUR D’APPEL DE ROUEN
CHAMBRE SOCIALE ET DES AFFAIRES DE
SECURITE SOCIALE
ARRET DU 29 JUIN 2023
DÉCISION DÉFÉRÉE :
Jugement du CONSEIL DE PRUD’HOMMES DE ROUEN du 21 Mai 2021
APPELANTE :
S.A.S. R.E.M.I REALISATION EQUIPEMENT MAINTENANCE INDUSTRIELLE
[Adresse 9]
[Localité 2]
représentée par Me Emmanuelle DUGUÉ-CHAUVIN de la SCP EMO AVOCATS, avocat au barreau de ROUEN substituée par Me Maxime SENETERRE, avocat au barreau de LYON
INTIME :
Monsieur [W] [K]
[Adresse 1]
[Localité 3]
présent
représenté par Me Karine MAUREY-THOUOT, avocat au barreau de ROUEN substitué par Me Linda MECHANTEL, avocat au barreau de ROUEN
COMPOSITION DE LA COUR :
En application des dispositions de l’article 805 du Code de procédure civile, l’affaire a été plaidée et débattue à l’audience du 24 Mai 2023 sans opposition des parties devant Madame BERGERE, Conseillère, magistrat chargé du rapport.
Le magistrat rapporteur a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour composée de :
Madame LEBAS-LIABEUF, Présidente
Madame BACHELET, Conseillère
Madame BERGERE, Conseillère
GREFFIER LORS DES DEBATS :
M. GUYOT, Greffier
DEBATS :
A l’audience publique du 24 Mai 2023, où l’affaire a été mise en délibéré au 29 Juin 2023
ARRET :
CONTRADICTOIRE
Prononcé le 29 Juin 2023, par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du Code de procédure civile,
signé par Madame LEBAS-LIABEUF, Présidente et par Mme WERNER, Greffière.
EXPOSÉ DU LITIGE
M. [W] [K] a été engagé par la SASU Réalisation Equipement Maintenance Industrielle (ci-après dénommée société REMI) en qualité de tireur de câbles par contrat de travail à durée indéterminée à effet au 1er avril 2011 avec reprise d’ancienneté au 8 novembre 2010.
Le licenciement pour faute grave a été notifié au salarié le 22 novembre 2018.
Par requête du 10 mai 2019, M. [W] [K] a saisi le conseil de prud’hommes de Rouen en contestation de son licenciement, ainsi qu’en paiement de rappels de salaire et d’indemnités.
Par jugement du 21 mai 2021, le conseil de prud’hommes, en sa formation de départage, a dit que le licenciement de M. [K] est dépourvu de cause réelle et sérieuse, condamné la société REMI à lui verser les sommes suivantes :
1 975,13 euros brut de rappel de salaire pour la période de mise à pied, ainsi que 197,15 euros de congés payés y afférents,
3 604 euros brut d’indemnité compensatrice de préavis, ainsi que 360,40 euros de congés payés y afférents,
3 604 euros à titre d’indemnité de licenciement,
10 000 euros à titre d’indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,
dit que les créances de nature salariale porteront intérêts au taux légal à compter du 15 mai 2019, date de réception de la convocation de l’employeur devant le bureau de conciliation du conseil et les créances de nature indemnitaire porteront intérêts au taux légal à compter du jugement, débouté M. [K] de sa demande de rappel de salaire fondée sur l’application de la convention collective locale des industries métallurgiques [Localité 7] [Localité 4], de sa demande de dommages et intérêts pour procédure abusive et vexatoire ainsi que pour la délivrance tardive de ses documents de fin de contrat, condamné la société REMI à rembourser aux organismes intéressés les indemnités chômage versées à du jour de son licenciement jusqu’à la date du présent jugement, dans la limite de six mois d’indemnités chômage, condamné la société REMI à verser M. [K] la somme de 1 500 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile, dit n’y avoir lieu à l’exécution provisoire du jugement pour ses dispositions qui n’en bénéficieraient pas de plein droit, fixé à 1 802 euros brut par mois la moyenne des 3 derniers mois de salaire de M. [K], condamné la société REMI aux entiers dépens de l’instance, débouté les parties de leurs demandes plus amples ou contraires.
La société REMI a interjeté appel de cette décision le 18 juin 2021.
Par conclusions remises le 3 mars 2022, auxquelles il est renvoyé pour plus ample exposé de ses moyens, la société REMI demande à la cour d’infirmer le jugement entrepris sauf en ce qu’il a débouté M. [W] [K] de ses demandes de rappel de salaire à hauteur de la somme de 1 568,18 euros et de sa demande de dommages et intérêts pour procédure abusive, vexatoire et délivrance tardive de l’attestation pôle emploi, statuant à nouveau, débouter M. [W] de toutes ses demandes, et y ajoutant, le condamner au paiement de la somme de 3 500 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile, tant au titre de l’instance prud’homale qu’au titre de l’instance d’appel, ainsi qu’aux entiers dépens.
Par conclusions remises le 6 décembre 2021, auxquelles il est renvoyé pour plus ample exposé de ses moyens, M. [W] [K] demande à la cour, à titre principal, de confirmer le jugement entrepris sauf en ce qu’il a fixé le quantum des dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse à la somme de 10 000 euros et en ce qu’il l’a débouté de sa demande de rappel de salaire pour non application de la convention collective métallurgie de l’arrondissement [Localité 7]-[Localité 4], en conséquence condamner la société REMI à lui payer la somme de 14 106 euros à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse et 1 568,18 euros à titre de rappel de salaire, outre les congés payés afférents, à titre subsidiaire, si la cour considérait le licenciement comme reposant sur une cause réelle et sérieuse, condamner la société REMI à lui verser les sommes suivantes :
indemnité de préavis et congés payés : 3 604 euros,
salaires non perçus sur la période de mise à pied : 2 172,64 euros,
indemnité légale de licenciement : 3 604 euros,
rappels de salaire sur les années 2017 et 2018 et les congés payés y afférents : 1 724,99 euros,
dommages et intérêts pour procédure vexatoire et retard dans la délivrance des attestations pôle emploi : 2 500 euros,
– en tout état de cause, condamner la société REMI à lui verser la somme de 3 500 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile ainsi qu’aux entiers dépens.
L’ordonnance de clôture de la procédure a été rendue le 4 mai 2023.
MOTIFS DE LA DÉCISION
I – Sur la demande de rappel de salaire fondée sur l’application de la convention collective locale des industries métallurgiques [Localité 7]-[Localité 4]
M. [K] reproche à son employeur d’avoir appliqué la grille de salaire fixée par la convention collective locale des industries métallurgiques du [Localité 6] alors qu’il aurait dû appliquer celle de la convention collective locale des industries métallurgiques de [Localité 7]-[Localité 4], ressort dans lequel se trouve l’établissement de [Localité 8] où il était affecté. Il reproche aux premiers juges d’avoir tranché le litige en ayant recours à la notion d’établissement autonome, qui n’est pas une condition d’application prévue par la convention dont il réclame l’application.
Il sollicite donc à titre de rappel de salaire sur les années 2017 et 2018 une somme totale de 1 568, 18 euros.
La société REMI fait valoir que la convention collective locale des industries métallurgiques de [Localité 7]-[Localité 4] ne lui est pas applicable, puisque l’établissement de [Localité 8] n’est pas autonome et est rattaché au siège social de l’entreprise qui se trouve en Isère. En outre, la convention collective qu’elle a choisie d’appliquer, à savoir celle du [Localité 6], étant plus avantageuse que celle de l’Isère et des Hautes Alpes, son choix n’est pas critiquable et ne peut être remis en question par le salarié.
Selon l’article L. 2261-2 du code du travail, la convention collective applicable est celle dont relève l’activité principale exercée par l’employeur. En cas de pluralité d’activité rendant incertaine l’application de ce critère pour le rattachement d’une entreprise à un champ conventionnel, les conventions collectives et les accords professionnels peuvent, par des clauses réciproques et de nature identique, prévoir les conditions dans lesquelles l’entreprise détermine les conventions et accords qui lui sont applicables.
Un employeur doit, en application de cet article, appliquer la même convention collective à tous ses salariés en prenant en considération l’activité principale de l’entreprise, peu important que certains salariés relèvent d’autres activités accessoires. Lorsque se pose la question de l’application d’une convention collective ayant un champ territorial ne couvrant qu’une partie des sites de l’entreprise, en principe, c’est la convention collective applicable à son activité principale et au lieu où se trouve le siège social de l’entreprise qui doit régir la situation conventionnelle des parties. Il n’en va autrement qu’en présence d’établissement autonome, chacun appliquant alors la convention régionale ou départementale ou locale dont il dépend en fonction de sa situation géographique.
Cette notion d’établissement autonome, spécifique à la question juridique du champ d’application d’une convention collective territoire, et qui comme telle ne se confond pas avec la notion d’établissement distinct permettant la mise en place des institutions représentatives du personnel, ni avec celle d’entité économique autonome dégagée par la directive ‘transfert’, est soumise à l’appréciation souveraine des juges du fond, qui, s’agissant d’une exception au principe d’application de la convention collective du siège social de l’entreprise, doivent alors en avoir une approche restrictive. C’est ainsi, par exemple, que le seul fait que la gestion du personnel soit assurée sur le site, au niveau de l’embauche et de la paie, est insuffisant pour caractériser un établissement autonome. De même, en l’absence d’autonomie dans son activité et dans son organisation, un établissement distinct pour le fonctionnement des institutions représentatives du personnel, ne peut constituer qu’une agence de la société et non un établissement autonome pouvant recevoir application de la convention collective de son ressort géographique.
En l’espèce, M. [K] ne contestant pas l’absence de caractère autonome du site de [Localité 8] auquel il était affecté, c’est en vain qu’il sollicite l’application de la convention collective locale des industries métallurgiques [Localité 7]-[Localité 4] et par suite l’application du salaire minimum prévu par ce texte.
En conséquence, le jugement déféré est confirmé sur ce point.
II – Sur le licenciement
II – a) Sur la régularité de la procédure
M. [K] conclut à l’irrégularité de son licenciement en application de la règle ‘non bis in idem’, considérant que la mise à pied conservatoire doit être requalifiée en mise à pied disciplinaire, la première convocation à entretien préalable étant irrégulière et la seconde tardive, de sorte que son employeur avait déjà épuisé son pouvoir de sanction lorsqu’il lui a signifié son licenciement pour faute grave.
La société REMI critique cette analyse soutenant que M. [K] a fait l’objet d’une seule et même procédure disciplinaire qui ne peut être scindée, relevant notamment que la première convocation à entretien préalable visait expressément l’article L. 1232-2 du code du travail, la seconde convocation n’étant intervenue qu’en raison du non-respect du délai de 5 jours, de sorte qu’il s’agissait de reporter l’entretien initial.
Aux termes de l’article L. 1332-3 du code du travail, lorsque les faits reprochés au salarié ont rendu indispensable une mesure conservatoire de mise à pied à effet immédiat, aucune sanction définitive relative à ces faits ne peut être prise sans que la procédure prévue à l’article L. 1332-2 ait été respectée.
Il y a lieu de préciser que pour avoir un caractère conservatoire, la mise à pied doit en principe être concomitante du déclenchement de la procédure de licenciement et faire référence à l’éventualité d’un licenciement.
Lorsque le prononcé de la mesure de mise à pied et l’engagement de la procédure de licenciement ne sont pas concomitants, la mise à pied ne peut être qualifiée de conservatoire, si le délai est justifié par l’employeur. En l’absence de motif valable, ce délai donne à la mise à pied un caractère disciplinaire. L’employeur ne peut dès lors sanctionner une nouvelle fois le salarié pour les mêmes faits en prononçant ultérieurement son licenciement.
En l’espèce, il est constant que M. [K] a été mis à pied à titre conservatoire par courrier du 19 octobre 2018 réceptionné le 20 octobre 2018 et que cette mesure était accompagnée de l’engagement d’une procédure disciplinaire, puisqu’aux termes du même courrier, le salarié était convoqué à ‘un entretien préalable à une mesure disciplinaire’ fixé au 26 octobre 2018. Certes, l’intitulé utilisé ne mentionne pas expressément ‘entretien préalable à licenciement’. Toutefois, en visant l’article L. 1232-2 du code du travail relatif à la procédure de licenciement, l’employeur a, par ce courrier, manifesté de manière explicite et sans aucune équivoque possible, sa volonté d’engager, concomitamment à la mise à pied conservatoire, une procédure disciplinaire reposant sur des faits graves puisque pouvant aller jusqu’au licenciement du salarié.
En outre, il est exact qu’à la suite du premier entretien préalable qui s’est tenu le 26 octobre 2018, la société REMI a, par lettre recommandée du 2 novembre 2018 réceptionnée le 3 novembre 2018, convoqué M. [K] à un nouvel entretien préalable de licenciement prévu le 13 novembre 2018.
Néanmoins, il convient de relever que cette nouvelle convocation est intervenue après que M. [K] ait adressé, le 26 octobre 2018 à l’issue de l’entretien préalable initial, un mail au responsable de la société aux termes duquel il lui reprochait son absence à l’entretien et se vantait de pouvoir faire annuler la procédure eu égard aux irrégularités de la convocation (sans autre précision), la société REMI l’interprétant comme étant une critique du non respect du délai de 5 jours ouvrables imposés par l’article L. 1232-2 du code du travail, le 20 octobre étant un samedi. C’est au demeurant cette situation qui est expressément rappelée dans la nouvelle convocation, le courrier indiquant expressément qu’il intervient ‘pour régulariser la situation’, le courrier recommandé du 19 octobre 2018 ayant été réceptionné le 20 octobre, ‘de sorte que le délai de 5 jours ouvrables exigé par l’article L. 1232-2 du code du travail n’a pas été respecté’.
Dans ces conditions, cette nouvelle convocation, suivie d’un nouvel entretien préalable, alors qu’aucune sanction n’a été par ailleurs prononcée à l’issue du premier entretien préalable, ne peut avoir pour conséquence d’annuler les effets de l’engagement initial de la procédure concomitamment au prononcé de la mise à pied conservatoire.
C’est donc à tort que M. [K] soutient qu’un délai de quatorze jours, sans motif valable invoqué par l’employeur, existe entre la mise à pied conservatoire et l’engagement de la procédure de licenciement, justifiant la requalification de la mesure en sanction disciplinaire.
Par ailleurs, le licenciement pour faute grave ayant été notifié au salarié le 22 novembre 2018, soit dans le délai d’un mois à compter de l’entretien préalable imposé par les dispositions de l’article L. 1332-2 du code du travail, cette sanction n’est pas tardive.
Enfin, le moyen fondé sur le défaut de pouvoir de la personne ayant conduit l’entretien du 13 novembre 2018 est inopérant, puisque seul le défaut de pouvoir du signataire de la lettre de licenciement est susceptible de rendre le licenciement sans cause réelle et sérieuse.
S’agissant des conditions de représentation de l’employeur à l’entretien préalable, cette faculté n’est pas réservée au seul délégataire du pouvoir de prononcer le licenciement mais peut être exercée par tout salarié de l’entreprise ayant reçu mandat à cet effet, étant précisé qu’il n’est pas nécessaire qu’une telle délégation soit donnée par écrit. Or, en l’espèce, il n’est pas contesté que M. [H], salarié de l’entreprise, avait reçu mandat pour tenir l’entretien préalable et ré-écouter M. [K] sur les griefs qui lui était reprochés, à charge pour lui d’en faire rapport à M. [L], président de la société REMI, ainsi au demeurant qu’en atteste le pouvoir régularisé le 19 octobre 2018 par M. [L] produit aux débats par l’employeur.
II- b) Sur la faute grave
Conformément aux dispositions de l’article L.1232-1 du code du travail, le licenciement pour motif personnel doit être justifié par une cause réelle et sérieuse, laquelle implique qu’elle soit objective, établie, exacte et suffisamment pertinente pour justifier la rupture du contrat de travail.
L’article L. 1235-1 du même code précise qu’à défaut d’accord, le juge, à qui il appartient d’apprécier la régularité de la procédure suivie et le caractère réel et sérieux des motifs invoqués par l’employeur, forme sa conviction au vu des éléments fournis par les parties après avoir ordonné, au besoin, toutes les mesures d’instruction qu’il estime utiles.
La faute grave est celle qui résulte d’un fait ou d’un ensemble de faits imputables au salarié qui constitue une violation des obligations résultant du contrat de travail ou des relations de travail d’une importance telle qu’elle rend impossible le maintien du salarié dans l’entreprise.
Il appartient à l’employeur qui l’invoque d’en rapporter la preuve.
En l’espèce, la lettre de licenciement pour faute grave du 22 novembre 2018, qui fixe les limites du litige, est rédigée comme suit :
‘Le 18 octobre dernier, alors que vous vous trouviez sur le chantier de MANGIN à [Localité 5], vous avez expressément refusé de vous conformer aux règles de sécurité applicables au sein de l’entreprise et consistant, notamment, à porter le casque de sécurité que nous vous avons fourni. Or, il s’agit d’une obligation impérative et indiscutable, nos casques faisant l’objet d’un contrôle strict annuel, tel que cela a été le cas pour l’année 2018. Cela est d’autant plus nécessaire au regard de la sensibilité des sites sur lesquels nous intervenons.
Vous avez au demeurant manifesté cette attitude en présence de l’auditeur ‘mase’.
En décidant de porter votre casque personnel, et non celui mis à votre disposition par nos soins, vous avez non seulement fait preuve d’insubordination (malgré différents rappels à l’ordre préalables), mais surtout, vous avez enfreint les consignes de sécurité tant internes, qu’imposées par l’article L. 422-1 du code du travail disposant que ‘…conformément aux instructions qui lui sont données par l’employeur, dans les conditions prévues au règlement intérieur pour les entreprises tenues d’en élaborer un, il incombe à chaque travailleur de prendre soin, en fonction de sa formation et selon ses possibilités , de sa santé et de sa sécurité ainsi que de celles des autres personnes concernées par ses actes ou ses omissions au travail….’.
Chaque salarié est ainsi tenu de respecter et faire respecter les dispositions mises en place par l’entreprise, en matière de prévention de la santé et de la sécurité au travail. C’est d’ailleurs la raison pour laquelle notre règlement intérieur est très précis et complet sur la question, notamment lorsqu’il indique, en son article 3, que : … les salariés sont tenus d’utiliser tous les moyens de protection individuelle ou collective mis à leur disposition et de respecter strictement les consignes particulières au lieu de travail. Notamment le porte du casque est obligatoire pour tout salarié travaillant sur un chantier.
Vous n’avez également pas respecté vos obligation en la matière s’agissant des réunions sécurité, refusant de les animer, malgré votre statut de chef de chantier, au motif que vous n’étiez pas animateurs QHS et au risque de nous préjudicier s’agissant de nos certifications.
En outre, vous manifestez une attitude d’hostilité répétée à l’encontre tant de votre hiérarchie que de vos collègues de travail notamment, à titre non exhaustif :
– en refusant d’utiliser les moyens matériels mis à votre disposition par notre société pour l’exercice des missions (tel qu’un téléphone portable professionnel)et en exigeant de vos interlocuteurs qu’ils ne communiquent avec vous que par courriels ;
– en refusant de travailler avec certains clients (vous avez ainsi indiqué ne plus vouloir travailler ‘pour siemens’ l’un de nos clients les plus importants)
– en refusant de vous déplacer sur certains chantiers (par exemple en indiquant à votre hiérarchie ‘je ne veux pas aller sur le chantier de [Localité 5] donc je reste sur ma position)
– en refusant de travailler les jours qui ne vous conviennent pas (tel que le vendredi matin indiquant à votre hiérarchie que votre semaine de travail se finirait le ‘jeudi soir’)
– en adoptant un management inadapté vous conduisant à refuser de travailler avec certains collaborateurs, mais également à tenir des propos à leur encontre parfaitement inacceptables (tel que ‘fenian’); cela a d’ailleurs eu pour effet de créer des tensions inévitables, voire irrémédiables.
La répétition des faits fautifs précités ne nous laisse malheureusement entrevoir aucune prise de conscience de votre part et aucune amélioration possible de la situation. Vous n’en avez d’ailleurs pas formulé le souhait tout au long de cette procédure, bien au contraire.
Ces situations répétées ne sont plus admissibles et il n’est pas envisageable qu’elles puissent se renouveler, sans compter qu’elles sont susceptibles de ternir l’image de marque de notre société auprès de nos clients.
L’ensemble de ces éléments et la répétitivité de votre comportement constituent des faits graves et ne permettent plus le maintien de notre relation contractuelle.
Aussi, nous vous notifions votre licenciement pour faute grave sans préavis, ni indemnité de rupture, sachant que votre période de mise à pied à titre conservatoire ne vous sera pas rémunérée.’
M. [K] ne conteste pas la matérialité des faits qui lui sont reprochés, mais leur gravité, soutenant que son comportement est justifié par les manquements de son employeur. Ainsi, concernant le port du casque de sécurité, il soutient qu’il ne portait pas le casque de la société mais le casque du client Siemens en raison de la défectuosité de celui fourni par son employeur qui avait été alerté sur la situation à plusieurs reprises en vain, son casque n’ayant pas été vérifié depuis 2017. En outre, il fait observer qu’il s’agit d’un fait isolé et non répété. Sur le refus d’animer les réunions sécurité, il fait observer qu’il n’était pas habilité à le faire, que s’il a refusé d’utiliser le téléphone portable de l’entreprise, c’est en raison d’une utilisation abusive de ce dernier par son employeur qui l’appelait en dehors des heures de travail. Quant au refus de travailler pour Siemens, sa présence sur le chantier Mangin le 18 octobre 2018 démontre le contraire.
Concernant le port du casque de sécurité, alors que la matérialité des faits du 18 octobre 2018 n’est pas contestée, que l’employeur verse aux débats l’attestation de conformité du casque de M. [K] établie le 23 janvier 2018 par M. [S], salarié de la société APIC titulaire d’une certification à ce titre, pour une durée de validité d’un an et que les photographies produites par M. [K] n’ont aucune valeur probante en ce que la présence d’un auto-collant ‘2017″ sur un casque qui porte à la fois une étiquette ‘Société REMI’ et ‘Siemens’ ne permet pas d’établir que le casque fourni par l’employeur était défectueux et non vérifié, c’est de manière fondée que la société REMI reproche à son salarié un acte d’insubordination en ce qu’il a refusé de porter le casque mis à sa disposition par son employeur, préférant porter celui du client, acte d’autant plus grave qu’il s’est déroulé le jour du contrôle qualité ‘Mase’ opéré par M. [B].
Toutefois, il convient de relever que cette situation n’a aucunement porté préjudice à la société REMI, puisque le responsable présent lors du contrôle a immédiatement repris M. [K], de sorte que cet incident a été relevé comme un point fort de la société, au titre du sérieux du contrôle dans le port des EPI. En outre, contrairement à ce qui est indiqué dans la lettre de licenciement, la société REMI n’établit aucunement le caractère répété de ce comportement, aucun autre incident du même ordre n’étant évoqué dans les pièces produites aux débats.
Par ailleurs, il ressort des pièces communiquées qu’à la suite de l’ordre de mission adressé à M. [K] le 2 octobre 2018 l’affectant sur le chantier ‘Mangin’ à [Localité 5], le salarié a, notamment par mail du 4 octobre 2018, indiqué à son employeur qu’il refusait de s’y rendre et qu’il refusait également de travailler le vendredi matin, en contravention avec ses obligations contractuelles, le contrat de travail prévoyant une affectation sur tous les chantiers de la société située en France, et des horaires de travail du lundi au jeudi de 7h30 à 12h et de 13h à 16h15, le vendredi de 7h30 à 11h30. Cependant, ces protestations et revendications n’ont pas été suivies d’effet, puisqu’il est constant que finalement, M. [K] s’est rendu à [Localité 5] sur le chantier en cause et il n’est pas établi qu’il n’a pas respecté ses horaires de travail.
En revanche, c’est à juste titre que la société REMI reproche à M. [K] un acte d’insubordination quant à l’utilisation du téléphone portable mis à sa disposition pour pouvoir être joignable sur les chantiers. En effet, contrairement à ce que soutient le salarié, les échanges de mails produits aux débats, notamment ceux du 28 juin 2018, montrent que M. [K] a toujours refusé l’utilisation du téléphone professionnel mis à sa disposition par l’employeur à compter du mois d’avril 2018, qu’il préférait utiliser son téléphone personnel et que, rappelé à l’ordre sur ce point, l’utilisation du téléphone personnel sur les chantiers étant interdit par le règlement intérieur, il a indiqué que dans ces conditions, il serait joignable uniquement par mail, Mme [Y], assistante chargée d’affaire, lui faisant remarquer qu’un tel moyen de communication rendait les échanges plus compliqués et moins fluides.
De même, alors que l’employeur rapporte la preuve qu’au titre de l’évolution de carrière de M. [K], celui-ci a, en 2018, demandé à devenir chef de chantier, que l’employeur a accédé positivement à cette demande et qu’à ce titre, M. [K] était tenu d’organiser régulièrement des réunions QHSE avec son équipe, c’est en vain que M. [K] conteste la gravité de ce refus, faisant valoir qu’il n’était pas habilité à ce titre, et ce d’autant que la société REMI démontre qu’elle a fait accomplir à son salarié de très nombreuses formations qualité, de sorte qu’il disposait de toutes les connaissances nécessaires à l’organisation de telles réunions, étant précisé qu’il s’agissait uniquement de sensibilisation et non de formations qualifiantes nécessitant une habilitation ou un diplôme spécifique.
Enfin, s’agissant des qualités relationnelles de M. [K], si la société REMI verse aux débats quatre attestations de salariés qui évoquent leurs difficultés à travailler avec lui, faisant tous référence au fait qu’il était ‘ingérable’ et qu’il ‘faisait ce qu’il voulait’, en l’absence de déclarations circonstanciées et précises, ce grief ne peut être retenu.
Au vu de l’ensemble de ces éléments qui font ressortir que l’insubordination reprochée à M. [K] n’est caractérisée que par le refus d’utilisation du téléphone portable professionnel et le refus d’organisation de réunions QHSE, le licenciement prononcé à son encontre apparaît, en l’absence de tout antécédent et toute sanction préalable alors qu’il était présent dans l’entreprise depuis huit années, disproportionné, la gravité de son comportement n’empêchant aucunement son maintien dans l’entreprise et ne pouvant pas plus être assimilé à une cause réelle et sérieuse.
En conséquence, il convient de confirmer le jugement entrepris en ce qu’il a dit que le licenciement de M. [K] était sans cause réelle et sérieuse, ainsi que sur les sommes allouées à titre de rappel de salaire pour la période de mise à pied, d’indemnité compensatrice de préavis et d’indemnité de licenciement, dont les montants ne sont pas contestés.
Sur les dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, M. [K] ayant plus de deux ans d’ancienneté dans une entreprise employant de manière habituelle plus de onze salariés, il est fondé à obtenir réparation du préjudice résultant de son licenciement sans cause réelle et sérieuse, conformément aux dispositions de l’article L.1235-3 du code du travail dans sa rédaction issue de l’ordonnance 2017-1387 du 22 septembre 2017 applicable au présent litige.
En considération de son ancienneté de huit années qui fixe le montant de l’indemnité entre trois et huit mois de salaire, de son âge au moment de la rupture du contrat de travail (33 ans), des circonstances de la rupture, et de ce qu’il justifie avoir perçu des indemnités Pôle emploi jusqu’au 30 avril 2020, date à laquelle il a retrouvé un emploi précaire en intérim, les premiers juges ont justement apprécié son préjudice en lui allouant la somme de 10 000 euros.
III- Sur les dépens et frais irrépétibles
En qualité de partie succombante, il y a lieu de condamner la société REMI aux entiers dépens, y compris ceux de première instance, de la débouter de sa demande formulée en application de l’article 700 du code de procédure civile et de la condamner à payer à M. [K] la somme de 1 500 euros sur ce même fondement pour les frais générés en cause d’appel non compris dans les dépens.
PAR CES MOTIFS
LA COUR
Statuant dans les limites de sa saisine, publiquement par arrêt contradictoire rendu par mise à disposition au greffe,
Confirme le jugement entrepris en toutes ses dispositions ;
Y ajoutant,
Condamne la société Réalisation Equipement Maintenance Industrielle aux entiers dépens de la présente instance ;
Déboute la société Réalisation Equipement Maintenance Industrielle de sa demande au titre des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile ;
Condamne la société Réalisation Equipement Maintenance Industrielle à payer à M. [W] [K] la somme de 1 500 euros au titre des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile pour les frais exposés en cause d’appel.
La greffière La présidente