Mise à pied disciplinaire : 30 juin 2023 Cour d’appel de Toulouse RG n° 19/03195

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Mise à pied disciplinaire : 30 juin 2023 Cour d’appel de Toulouse RG n° 19/03195
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30/06/2023

ARRÊT N°2023/298

N° RG 19/03195 – N° Portalis DBVI-V-B7D-NCRA

AB/AR

Décision déférée du 06 Juin 2019 – Conseil de Prud’hommes – Formation paritaire de TOULOUSE ( 16/01855)

INDUSTRIE – MONNET DE LORBEAU

[V] [N]

C/

GIE ATR

CONFIRMATION

Grosse délivrée

le 30 06 23

à Me Véronique L’HOTE

Me Nathalie CLAIR

REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

***

COUR D’APPEL DE TOULOUSE

4eme Chambre Section 2

***

ARRÊT DU TRENTE JUIN DEUX MILLE VINGT TROIS

***

APPELANTE

Madame [V] [N]

[Adresse 3]

[Localité 2]

Représentée par Me Véronique L’HOTE de la SCP CABINET SABATTE ET ASSOCIEES, avocat au barreau de TOULOUSE (postulant) et par Me Nathalie CREUZILLET, avocat au barreau de PARIS (plaidant)

INTIMEE

GIE ATR

Prise en la personne de son représentant légal domicilié en cette qualité audit siège [Adresse 1]

Représentée par Me Nathalie CLAIR de la SCP ACTEIS, avocat au barreau de TOULOUSE

COMPOSITION DE LA COUR

En application des dispositions des articles 786 et 907 du Code de procédure civile, l’affaire a été débattue le 26 Mai 2023, en audience publique, les avocats ne s’y étant pas opposés, devant A. PIERRE-BLANCHARD, conseillère, chargée du rapport. Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :

C. BRISSET, présidente

A. PIERRE-BLANCHARD, conseillère

F. CROISILLE-CABROL, conseillère

Greffier, lors des débats : A. RAVEANE

ARRET :

– CONTRADICTOIRE

– prononcé publiquement par mise à disposition au greffe après avis aux parties

– signé par C. BRISSET, présidente, et par A. RAVEANE, greffière de chambre

EXPOSÉ DU LITIGE :

Mme [V] [N] a été embauchée suivant contrat de travail à durée indéterminée à compter du 1er avril 2005 avec reprise d’ancienneté au 1er octobre 2004 par le GIE Avion de Transport Régional (ATR), en qualité d’infirmière.

Le 14 octobre 2013, Mme [N] a fait l’objet d’une mise à pied disciplinaire, l’employeur lui reprochant son comportement vis-à-vis de la discipline générale de l’entreprise et son insubordination vis-à-vis du médecin du travail qui est son supérieur hiérarchique.

Mme [N] a été placé en arrêt de travail pendant deux mois.

Par lettre du 27 juin 2014, Mme [N] a été convoquée à un entretien préalable à un éventuel licenciement le 7 juillet 2014.

Par lettre du 10 juillet 2014, Mme [N] a été licenciée pour cause réelle et sérieuse et dispensée d’exécuter son préavis.

Par requête en date du 7 juillet 2016, Mme [N] a saisi le conseil de prud’hommes de Toulouse aux fins de contester son licenciement et obtenir des indemnités.

Par jugement du 6 juin 2019, le conseil de prud’hommes de Toulouse a :

– jugé le licenciement de Mme [V] [N] fondé sur un motif réel et sérieux,

– débouté Mme [N] de la totalité de ses demandes,

– débouté le GIE Avion de transport régional de sa demande formulée sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile,

– débouté les parties du surplus,

– condamné Mme [N] aux dépens.

Mme [N] a relevé appel de ce jugement le 9 juillet 2019, dans des conditions de forme et de délai non discutées, en énonçant dans sa déclaration d’appel les chefs critiqués.

Par conclusions d’incident du 19 décembre 2019, le GIE ATR a demandé au conseiller chargé de la mise en état de prononcer la caducité de l’appel en faisant valoir que les conclusions de l’appelant du 9 octobre 2019 n’avaient pas été notifiées dans le délai de 3 mois de l’article 908 du code de procédure civile.

Par une ordonnance en date du 19 juin 2020, le conseiller chargé de la mise en état a rejeté la demande de prononcé de caducité de la déclaration d’appel de Mme [N] du 9 juillet 2019 et condamné le GIE ATR à payer à Mme [N] la somme de 500 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile.

Par conclusions d’incident, le GIE ATR a saisi le conseiller chargé de la mise en état aux fins de constater une péremption d’instance, pour défaut de diligences entre le 20 décembre 2019 et le 20 décembre 2020.

Par ordonnance en date du 13 décembre 2022, le conseiller chargé de la mise en état a rejeté l’exception de péremption de l’instance.

Par conclusions notifiées par voie électronique le 12 janvier 2023, auxquelles il est expressément fait référence, Mme [N] demande à la cour de :

– de débouter le GIE ATR de ses demandes,

– de recevoir Madame [V] [N] en ses demandes et l’en déclarer bien fondée,

– de rabattre l’ordonnance de clôture du 10 janvier 2023 et la fixer à une date ultérieure,

– de renvoyer à une date ultérieure l’audience des plaidoiries,

En tout état de cause,

– de ne pas rejeter des débats les dernières conclusions au fond N°4 ou suivantes, ni les dernières pièces communiquées à partir des pièces 49-1 par Madame [V] [N] ;

Sur le fond,

Vu l’article L 1235-1 du code du travail,

– déclarer l’appel de Mme [V] [N] recevable et bien fondé,

– infirmer le jugement entrepris,

– juger que le licenciement du 10 juillet 2014 de Mme [N] par le GIE ATR est sans cause réelle et sérieuse,

– condamner le GIE ATR à payer à Mme [N] :

* la somme de 39 600 euros à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse ;

* la somme de 5 000 euros HT, soit 6 000 euros TTC, à titre d’indemnité sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile.

Par conclusions notifiées par voie électronique le 9 mai 2023, auxquelles il est expressément fait référence, le GIE ATR demande à la cour de :

– confirmer le jugement attaqué dans toutes ses dispositions,

– débouter Mme [V] [N] de l’intégralité de ses demandes,

– condamner Mme [N] à régler au GIE ATR la somme de 4 000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile.

MOTIFS :

L’affaire a été appelée à une première audience de plaidoirie du 13 janvier 2023, date à laquelle il a été fait droit à la demande de l’appelante tendant à voir révoquer l’ordonnance de clôture intervenue le 10 janvier 2023 pour pouvoir communiquer de nouvelles pièces et permettre aux parties de conclure sur celles-ci ; un calendrier de procédure a été fixé et des pièces complémentaires ont été communiquées par l’appelante qui n’a pas fait parvenir de nouvelles conclusions ; l’intimée a conclu au vu de ces nouvelles pièces le 9 mai 2023 et l’ordonnance de clôture est intervenue au 12 mai 2023.

A l’audience du 26 mai 2023 et avant ouverture des débats, l’appelante a sollicité un renvoi de l’audience de plaidoirie, auquel s’est opposée l’intimée ; la demande de renvoi a été rejetée et l’affaire a été retenue à plaider.

Les demandes de révocation de l’ordonnance de clôture du 10 janvier 2023 et d’admission des dernières pièces et conclusions de Mme [N] sont donc devenues sans objet.

Sur le licenciement :

Il résulte des articles L. 1232-1 et L. 1232-6 du code du travail que le licenciement pour motif personnel est justifié par une cause réelle et sérieuse et résulte d’une lettre de licenciement qui en énonce les motifs.

En vertu de son pouvoir de direction, l’employeur peut décider de licencier un salarié pour des faits relevant d’une insuffisance professionnelle, c’est-à-dire pour une inaptitude non fautive du salarié à exercer de façon satisfaisante, conformément aux prévisions contractuelles, les fonctions qui lui ont été confiées. Si l’employeur est juge des aptitudes professionnelles de son salarié et de son adaptation à l’emploi et si l’insuffisance professionnelle peut constituer une cause réelle et sérieuse de licenciement, elle doit cependant être caractérisée par des faits objectifs et matériellement vérifiables.

En cas de litige reposant sur un licenciement notifié pour cause réelle et sérieuse en raison d’un motif personnel, telle que l’insuffisance professionnelle, les limites en sont fixées par la lettre de licenciement. Le juge forme sa conviction au vu des éléments fournis par les parties. Si un doute subsiste, il profite au salarié.

En l’espèce, Mme [N] a été licenciée par courrier du 10 juillet 2014 et dispensée d’exécuter son préavis de deux mois.

Ce courrier est rédigé dans les termes suivants :

‘Madame,

Nous avons le regret de vous informer que nous prenons la décision de vous licencier. Cette décision fait suite à notre entretien du 7 juillet 2014 au cours duquel nous avons recueilli vos explications après vous avoir exposé les motifs du licenciement envisagé.

Nous vous confirmons aujourd’hui que notre décision a été prise pour les motifs décrits ci-après.

Embauchée comme infirmière le 1er avril 2005, votre poste implique notamment les tâches suivantes (rappelées dans vos entretien annuels) :

-Organisation des visites médicales : d’embauche, de reprise, périodique, à la demande du salarié, à la demande du médecin.

-Planification des visites médicales.

-Réalisation et organisation des examens et explorations fonctionnelles.

-Gestion et mise à jour des dossiers médicaux.

-Transmission des fiches d’aptitude.

-Validation des habilitations dans Eléo.

-Recueil des données sur l’environnement travail/santé (questionnaires EVREST, hypovigilance).

-Accueil des salariés en difficulté pour des problèmes de santé, professionnels ou autres,

-Identification de leurs besoins.

-Prise en charge des soins d’urgences, accident du travail, soins d’urgence,

-Gestion et organisation du service médical : gestion de la pharmacie, gestion des registres accident bénin du travail, recueil de ces données à l’infirmerie de [Localité 4].

Depuis plusieurs années est régulièrement constaté votre manque d’organisation et de rigueur qui nuisent à l’intérêt d’ATR.

Lors de votre entretien annuel de décembre 2009, il vous était déjà demandé de reprendre confiance afin de répondre aux exigences de l’entreprise sur l’organisation et la gestion de l’infirmerie.

L’année suivante en août 2010, s’il a été établi dans votre entretien annuel que vous aviez repris confiance sur le poste, il vous était demandé une plus grande rigueur et une plus grande autonomie.

En 2011, votre entretien annuel reflétait les mêmes problématiques, soit un manque de rigueur et d’organisation.

Illustrant ces manquements, vous n’avez jamais rendu cet entretien à Mme [I] [J] (qui était votre supérieure hiérarchique sur cette période, soit de janvier 2009 à fin janvier 2012), évoquant une perte du document.

Depuis février 2012, votre hiérarchie a changé avec la création d’un service médical autonome, il s’agit du Dr [F] [O] (médecin du travail ATR depuis février 2012), mais votre absence d’organisation dans votre travail et votre manque de rigueur vous sont encore trop régulièrement rappelés. Cela implique une désorganisation du service et des retards inacceptables dans les obligations du service médical (notamment les visites médicales) :

Ainsi :

-Dossiers médicaux des salariés absents ou excédents : le 14 mars 2014 à l’occasion d’une demande du médecin du travail de vérifier les dossiers médicaux des salariés à une infirmière qui vous a remplacé pendant vos congés : une liste de dossiers de salarié manquants ou en excédent a été établie.

Par email du 17 mars 2014 le Dr [F] [O] vous a été demandé des explications au plus vite.

En effet :

-Concernant les dossiers en excédent : il vous appartient de faire le suivi des dossiers médicaux des salariés ATR, et dans ce cadre vous recevez des mails d’informations liées au départ des salariés. De plus un suivi régulier vous aurait permis de vous rendre compte chaque année des dossiers concernant des personnes n’étant plus salarié d’ATR.

-Concernant les dossiers manquants : il s’avère que 19 salariés ATR ont été identifiés comme n’ayant pas de dossier médical, et donc n’ont potentiellement pas été reçus pour une visite médicale après embauche. Ceci implique des conséquences graves pour ATR. En effet, cette visite est légalement obligatoire afin de vérifier notamment l’aptitude physique du salarié au poste pour lequel il a été recruté. Votre manque de rigueur quant au suivi des arrivées (vous êtes en copie des emails d’information relatifs aux arrivées de salariés) met donc en défaut l’employeur (ATR) qui est alors susceptible d’être mis en cause par les salariés concernés.

Vous n’avez pas répondu à l’email du 17 mars 2014 précité. Le médecin du travail vous a alors demandé lors de votre réunion du 28 mars 2014 de lui apporter des réponses et de traiter ces dossiers pour le 18 avril 2014.

Sans éléments de réponse de votre part à cette date, le médecin a renouvelé sa demande pour le 25 avril. A cette date vous n’avez toujours pas apporté d’éléments, alors que vous avez passé la matinée du 23 avril 2014 à faire signer les registres de soin à St Martin alors que cela vous était demandé pour le 28 mai 2014.

Ce dossier a été avancé par l’infirmière qui vous a remplacé pendant vos congés du 28 avril 2014 au 11 mai 2014.

Lors de votre réunion de service du 18 mai 2014 il vous a été demandé de finaliser le dossier avancé par votre remplaçante. Vous avez indiqué au médecin du travail que vous aviez pu retrouver dans les archives que certaines visites avaient été réalisées et commencé à organiser les visites nécessaires qui n’avaient pas été réalisées (soit plus de 2 mois après la visite initiale).

Il est inacceptable que vous n’assuriez pas un suivi méticuleux des visites médicales d’embauche (certains travaillant sur la chaîne d’assemblage, sur des postes avec des contraintes physiques particulières tels que les ports de charges ou mouvements répétés), avec toutes les conséquences précitées relative à la responsabilité de l’employeur (ATR).

Lors de notre entretien du 7 juillet 2014 vous avez affirmé avoir convoqué au moins 2 salariés à la fin du mois de mars 2014 pour des visites non-réalisées au moment de l’embauche, et avoir Identifié plusieurs personnes comme n’étant plus salarié : sachant le caractère prioritaire de ce dossier, il est inacceptable que vous n’ayez pas tenu régulièrement informé votre hiérarchie comme demandé à plusieurs reprises, et que tous les salariés concernés ne soient pas encore convoqués à une visite médicale.

-Il vous a été demandé depuis le 31 janvier 2014 de mettre en place une procédure écrite de visite médicale pour le site de St Martin pour le 14 février 2014, or ce n’est que le 28 février que vous avez remis un premier document papier au Dr [F] [O]. Il vous a alors demandé un format informatique (« word ») pour te 18 avril 2014, reporté à défaut de réalisation de la tâche au 25 avril 2014. Ce n’est que le 6 juin 2014 que vous avez remis un premier document de travail au Dr [F] [O].

Lors de notre entretien du 7 juillet 2014 vous avez expliqué n’avoir pu préparer cette présentation qu’après avoir bénéficié d’une formation adaptée (le 20 mai 2014), c’est-à-dire à l’outil « power point ».

Cette justification n’est pas acceptable car cet outil n’était pas un support imposé pour la présentation de votre travail au Dr [F] [O], vous avez d’ailleurs utilisé le format « word » pour le document rendu le 6 juin 2014. Il vous a été demandé d’utiliser « power point » pour préparer la présentation ultérieure au personnel concerné de St Martin, pour laquelle vous deviez faire un point le 27 juin 2014.

Ces retards engendrent un défaut dans la mise en place d’un suivi optimal des salariés de St Martin, particulièrement exposés à des risques en termes de santé et de sécurité du fait de leur environnement professionnel.

-Depuis le 28 mars, le Dr [F] [O] vous demande régulièrement de valider les dossiers ELEO (il s’agit de validation d’habilitations médicales, notamment pour des postes de pontiers, caristes, etc.) sur l’outil informatique. Bien que le nombre de dossiers soit important (256 au 28 mars 2014), il n’est pas acceptable que ce dossier ne soit pas clos au bout de plus de 2 mois. La mise à disposition de ces habilitations est nécessaire dans les plus brefs délais car il s’agit d’un pré-requis obligatoire à l’exercice de certaines activités (manoeuvre de pont cabine, de plateformes élévatrices par exemple) indispensables au bon fonctionnement de la chaîne d’assemblage.

Au travers de ces différents exemples il est évident que vous n’arrivez pas à vous organiser afin de réaliser les tâches de fond aussi bien que vos tâches quotidiennes (organisation des visites comme vous l’avez-vous-même cité lors de notre entretien du 7 juillet 2014), portant ainsi atteinte au bon fonctionnement du service médical.

-Afin de vous accompagner dans l’amélioration qui vous est demandée, le Dr [F] [O] vous a demandé d’effectuer des rapports d’activités depuis le début de l’année 2014.

L’objectif de ces rapports était de quantifier le temps passé aux différentes activités récurrentes (comme l’organisation des visites médicales d’embauche), ainsi que celui dédié aux activités ponctuelles (gestion d’imprévu, préparation d’une procédure de visite médicale à St Martin), afin de vous aider ensuite à mieux organiser votre activité.

Malgré cette consigne claire, rappelée à chaque réunion de service (tous les 15 jours), vous ne remettez pas ces rapports toutes les semaines travaillées (ces rapports sont manquants pour plus de la moitié de vos semaines de présences).

Le Dr [F] [O] a également mis en place des réunions de service plus fréquentes (une à deux par mois, donnant lieu à compte-rendu. Ceux-ci contenaient un point sur l’activité en cours mais également un plan de travail pour les semaines suivantes (avec des délais à respecter).

-Lors de votre entretien annuel du 7 juin 2013, finalisé le 18 février 2014 (malgré de nombreuses relances de la part du Dr [F] [O]), il vous a à nouveau été rappelé l’absolue nécessité d’améliorer rapidement votre organisation et vos méthodes de travail car vos activités n’était pas assurées correctement Il vous a également été indiqué que votre niveau d’autonomie n’était pas suffisant.

Afin de vous accompagner une fois de plus dans l’amélioration de vos activités/compétences professionnelles, il vous a été fixé des objectifs opérationnels clairs, et notamment de remplir vos rapports d’activité hebdomadaire.

Le médecin du travail vous a à nouveau signifié qu’une amélioration notable était indispensable.

-Suite à la finalisation de cet entretien, vous avez demandé une formalisation (écrite) plus importante à votre hiérarchie, entraînant des retards dans l’avancée des tâches qui vous sont confiées.

Par exemple, alors que depuis des années il vous est demandé de mettre la hiérarchie des salariés concernés en copie des convocations aux visites médicales d’embauche, de reprise, périodique et à la demande de l’employeur, vous avez demandé par email au médecin du travail de vous le reconfirmer à deux reprises dans un échange d’email. La première réponse du médecin était pourtant claire :

« Pour les visites médicales obligatoires : visites d’embauche, visites périodiques, visites de reprise et visite à la demande de l’employeur, l’organisateur de la visite est l’employeur conformément au code du travail, il est donc normal qu’il soit averti de la date et de l’heure de la convocation, ce qui peut lui permettre de le justifier auprès de l’inspection du travail en cas de contrôle.

Cette convocation permet aussi au salarié de justifier de son absence de son travail pendant la visite médicale. Vous pouvez transférer ce mail si nécessaire. »

Au vu de votre ancienneté dans l’entreprise (vous avez été embauchée le 1″ avril 2005), il est inacceptable que vous ne maîtrisiez pas ces processus. Il est clair que la hiérarchie des salariés doit âtre informée des absences des salariés au titre de visite à la charge de l’employeur (par demande de l’employeur ou obligation légale). Il vous est d’ailleurs régulièrement rappelé depuis quelques années que vous devez approfondir vos connaissances du cadre juridique lié au fonctionnement du service médical.

Ceci est d’autant plus inacceptable que vous avez fait l’objet d’une sanction en octobre 2013 notamment pour avoir signalé, à l’inverse, une visite à l’initiative d’un salarié à sa hiérarchie alors que celle-ci doit rester confidentielle.

La non-connaissance de ces processus avec vos années d’expérience au sein de l’entreprise sont préjudiciable au bon fonctionnement du service médical.

-En suivant, lors de votre remplacement pour vos congés en mars 2014 (deux semaines), vous n’aviez pas organisé le maintien du service de l’infirmerie notamment en préparant les accès nécessaires à votre remplaçante. Elle n’avait pas les accès utiles aux logiciels à utiliser dans le cadre des fonctions d’infirmière, notamment pour les visites médicales.

Vous n’aviez pas non plus mis en place un message automatique d’absence sur votre boite email, pour les informer de votre absence et du moyen de contacter l’infirmière remplaçante. Votre remplaçante en arrivant s’est donc trouvée dans l’impossibilité d’être contactée par email par les salariés.

Ceci a impacté de manière importante le fonctionnement du service médical, d’autant que le médecin du travail ne travaillant pas le lundi, ne pouvait pas être en support. Il a fallu quelques jours pour mettre en place des solutions permettant au service de bien fonctionner.

Avec une ancienneté de presque 10 ans, il est totalement inacceptable que vous n’ayez pas anticipé votre absence pour assurer la continuité du service de l’infirmerie.

Lors de notre entretien du 7 juillet 2014, vous nous avez signalé que l’organisation de votre remplacement était différente, car auparavant vos remplaçants utilisaient vos accès. Il vous appartenait d’autant plus de vous assurer de lister les accès nécessaire à la tenue de votre poste en votre absence.

-Lors de votre nouvel entretien annuel réalisé en deux rendez-vous les 22 mai et 6 juin 2014, il n’y a toujours pas d’amélioration notable.

Vous ne remplissez pas vos rapports d’activité régulièrement comme demandé et les mêmes retards voire non-réalisation des tâches demandées sont constatées.

D’ailleurs, suite à cet entretien, le Dr [F] [O] vous a demandé le 13 juin 2014 de le lui rendre complété de votre projet professionnel (qui aurait dû être préparé en amont de l’entretien annuel), de vos conclusions et de vos commentaires pour le 18 juin 2014. Vous ne l’avez pas remis à la date demandé et avez déclaré au Dr [F] [O] avoir seulement commencé à te lire car cela ne faisait pas partie de vos priorités.

Il vous appartient de vous organiser pour respecter les tâches et priorités fixées par votre hiérarchie.

Par email du 20 juin 2014, le Dr [F] [O] vous a alors mise en demeure de lui rendre ce document complété le 26 juin à midi au plus tard.

Le 23 juin 2014 vous avez demandé un report de ce délai en expliquant que votre activité et vos absences prévues les 24 et 25 juin ne vous permettaient pas de tenir ce délai, d’autant que vous n’étiez pas d’accord avec le contenu (pourtant préparé ensemble lors de votre entretien annuel réalisé le 23 mai et le 6 juin 2014).

Le médecin vous a alors rappelé que la demande initiale remontait au 13 juin, et que vous aviez disposé d’un délai raisonnable pour finaliser ce document, toutefois afin de tenir compte de l’organisation de la semaine 26, il a décidé d’annuler votre réunion de service du 27 juin 2014 afin que vous consacriez ce temps à la rédaction de votre projet professionnel, vos conclusions et vos commentaires, et que vous lui remettiez le support de votre entretien annuel impérativement vendredi 27 juin 2014 en fin de matinée. De 10h à 12h vous étiez donc libérée de toutes activité afin de vous consacrer à cette demande.

Malgré cela, ce n’est que le 7 juillet 2014 que vous avez transmis par email au Dr [F] [O] ce document.

-Illustrant une fois de plus votre manque de rigueur, le vendredi 13 juin 2014 le Dr [F] [O] a constaté en se rendant à l’infirmerie, que vous aviez quitté votre poste en laissant ouverte la boîte à clés dans votre bureau, ce qui aurait pu avoir de graves répercussions. En effet, cette boîte contient les clés des armoires des dossiers médicaux individuels du personnel.

Lors de notre entretien du 7 juillet 2014, vous nous avez signalé que le médecin était encore présent dans les locaux : cela ne justifie pas de laisser cette boîte ouverte en votre absence, d’autant que le médecin ne traverse pas nécessairement votre bureau pour quitter l’infirmerie.

Ceci fait suite à plusieurs oublis de votre part de fermer la porte de l’infirmerie donnant sur l’extérieur. Or votre poste au sein du service médical induit une attention particulière au respect du secret professionnel.

Malgré votre email du 27 mai 2014 signalant des absences liées à des impératifs familiaux, formations ou congés, vos absences ne justifient pas les retards trop importants et voire la non-réalisation des tâches qui vous sont demandées par le Dr [F] [O], ni le non-respect des priorités qui vous sont fixées, et encore moins les manquements tels que la non-organisation de la continuité du service en votre absence prévisible ou la non-fermeture de l’infirmerie ou de la boîte à clés.

Au cours des dernières années, vous avez bénéficié de nombreuses formations complémentaires à votre formation initiale afin de vous accompagner pour améliorer votre tenue du poste, et malgré cela nous sommes au regret de ne pas constater d’amélioration dans l’exercice de vos fonctions d’infirmière.

Votre préavis commencera donc à courir à la date de première présentation de la présente, et ce pour une durée de 2 mois.

Nous vous dispensons de l’effectuer, toutefois il vous sera indemnisé.

A la fin de votre préavis, vous recevrez en sus du salaire correspondant au temps de préavis effectué, les différentes indemnités auxquelles vous pouvez prétendre.

A cette date, votre reçu pour solde de tout compte, votre attestation POLE EMPLOI et votre certificat de travail, vous serons adressés par lettre recommandée avec accusé de réception.

Nous vous informons que vous avez acquis 120 heures au titre du droit individuel à la formation. Vous pouvez demander, pendant votre préavis, à utiliser ces heures pour bénéficier notamment d’une action de formation, de bilan de compétences ou de validation des acquis de l’expérience.

Veuillez agréer, Madame, l’expression de nos salutations distinguées.’

Il résulte des termes de cette lettre de licenciement que, contrairement à ce que soutient Mme [N], il ne s’agit pas d’un licenciement disciplinaire dont certains motifs seraient prescrits, mais bien d’un licenciement pour insuffisance professionnelle, caractérisé par l’impossibilité pour la salariée de remplir correctement ses fonctions malgré les formations prodiguées et les demandes d’améliorations formulées par sa hiérarchie ; en effet il est reproché à Mme [N] :

-un manque de rigueur dans la gestion des dossiers des salariés absents ou excédants,

-l’absence de mise en place d’une procédure écrite de visite médicale pour l’ensemble des salariés du site de [Localité 4], un premier travail ayant été remis au médecin six mois après la demande initiale,

-un retard dans la validation des dossiers d’habilitation médicale (dossiers ELEO),

-une réalisation incomplète des rapports d’activité hebdomadaires demandés,

-une absence de rigueur dans la transmission en copie des convocations médicales à la hiérarchie du salarié concerné pour éviter la comptabilisation d’absences injustifiées,

-une continuité du service mal assurée lors des absences de Mme [N],

-un retard systématique dans la délivrance de documents,

-des erreurs d’inattention multiples,

ce qui caractérise bien des griefs relatifs à une insuffisance professionnelle et non à un comportement fautif de la salariée puisqu’il ne lui est nullement reproché l’intention délibérée de commettre des erreurs ou négligences, pas plus qu’il ne lui est reproché un quelconque manquement à la discipline dans l’entreprise.

Il est rappelé que la salariée était l’infirmière de l’entreprise, et devait notamment organiser le service de santé au sein de celle-ci, sous la supervision du médecin employé à temps partiel sur la structure.

Le GIE ATR fait la démonstration par les pièces produites que Mme [N] était en insuffisance depuis de nombreuses années, comme le montraient déjà les entretiens annuels d’évaluation de 2009 et 2010 ; après l’arrivée du nouveau médecin en 2012, l’insuffisance s’est confirmée dans les entretiens d’évaluation de 2013 et 2014 dont les comptes rendus sont versés aux débats.

Des problèmes de rigueur dans l’organisation, de manque d’intiative, et de nécessaire remise en question de la pratique professionnelle sont annuellement relevés à l’encontre de la salariée ; l’entretien annuel de 2014 développe encore davantage les attendus de l’employeur en termes d’organisation, de respect des délais, et pointe de nouveau le manque d’autonomie et d’initiative de la salariée.

S’agissant plus particulièrement des griefs listés dans la lettre de licenciement, la cour observe qu’ils sont documentés de manière précise par l’employeur, lequel produit les échanges de mails entre la salariée et le médecin formulant des demandes précises non satisfaites, les comptes rendus de réunion des 28 février 2014, 28 mars 2014, 18 avril 2914, 26 mai 2014 et 6 juin 2014 pointant également les carences et erreurs commises dans l’organisation du service tenu par Mme [N] et les axes d’amélioration à privilégier ; compte tenu des carences le médecin a sollicité de Mme [N] des rapports d’activités hebdomadaires dans un souci d’accompagnement, mais il n’est pas discuté que ces comptes rendus n’ont été que partiellement remis.

Les erreurs d’inattention reprochées à Mme [N] sont également mises en évidence par les fiches d’anomalies produites pour les 11 et 14 mars 2014.

Sur le fond, Mme [N] ne conteste pas véritablement la matérialité des constats faits par l’employeur tout en niant en bloc qu’ils lui soient imputables, et explique qu’en tout état de cause elle était surchargée, mal formée, et qu’il existait une désorganisation des services.

Or, le GIE ATR qui conteste avoir manqué à son obligation d’adaptation de la salariée, justifie que celle-ci a suivi pas moins de 45 formations en 8 ans ; la liste de ces formations montre qu’il s’agit de thèmes pertinents, diversifiés et adaptés aux fonctions de la salariée.

Il conteste également la surcharge de travail de la salariée et justifie par les rapports annuels d’activité produits que, malgré le nombre d’embauches important au sein de l’entreprise, le nombre d’examens médicaux est resté sensiblement identique de 2007 à 2014. Au demeurant Mme [N] n’a jamais fait part d’une surcharge de travail à l’employeur.

Enfin, la prétendue désorganisation du service invoqué par la salariée n’est pas démontrée par les pièces qu’elle produit ; l’employeur justifie au contraire du recadrage méthodologique systématique effectué par le supérieur hiérarchique de Mme [N], et de la bonne transmission par mail des informations à Mme [N] concernant les mouvements de personnel générant des visites médicales.

Dans ces conditions, la cour confirmera le jugement entrepris ayant considéré que le licenciement de Mme [N] était justifié, et débouté la salariée de l’ensemble de ses demandes afférentes à la rupture.

Sur le surplus des demandes :

Mme [N], échouant en son procès, sera condamnée aux dépens de première instance par confirmation du jugement entrepris ainsi qu’aux dépens d’appel.

Il n’y a pas lieu de faire application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile devant la présente cour, ni en première instance, le jugement étant également confirmé sur ce point.

PAR CES MOTIFS

Confirme le jugement entrepris en toutes ses dispositions,

y ajoutant,

Rejette les demandes fondées sur l’article 700 du code de procédure civile,

Condamne Mme [V] [N] aux dépens d’appel.

Le présent arrêt a été signé par Catherine Brisset, présidente, et par Arielle Raveane, greffière.

La greffière La présidente

A. Raveane C. Brisset

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