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COUR D’APPEL D’AIX-EN-PROVENCE
Chambre 4-6
ARRÊT AU FOND
DU 30 JUIN 2023
N° 2023/ 190
Rôle N° RG 19/11591 – N° Portalis DBVB-V-B7D-BETZS
[T] [N]
C/
SAS PAS DE MENC
Copie exécutoire délivrée
le :30/06/2023
à :
Me Marjorie MEUNIER, avocat au barreau de TOULON
Me Roselyne SIMON-THIBAUD de la SCP BADIE, SIMON-THIBAUD, JUSTON, avocat au barreau d’AIX-EN-PROVENCE
Décision déférée à la Cour :
Jugement du Conseil de Prud’hommes – Formation paritaire de DRAGUIGNAN en date du 04 Juillet 2019 enregistré(e) au répertoire général sous le n° 17/00144.
APPELANTE
Madame [T] [N], demeurant [Adresse 1]
représentée par Me Marjorie MEUNIER, avocat au barreau de TOULON
INTIMEE
SAS PAS DE MENC, demeurant [Adresse 2]
représentée par Me Roselyne SIMON-THIBAUD de la SCP BADIE, SIMON-THIBAUD, JUSTON, avocat au barreau d’AIX-EN-PROVENCE et par Me Lucien SIMON, avocat au barreau d’AIX-EN-PROVENCE substitué à l’audience par Me Pauline GALLIANO, avocat au barreau d’AIX-EN-PROVENCE
*-*-*-*-*
COMPOSITION DE LA COUR
En application des dispositions des articles 804 et 805 du code de procédure civile, l’affaire a été débattue le 04 Mai 2023, en audience publique, les avocats ne s’y étant pas opposés, devant M. Philippe SILVAN, Président de chambre, chargé du rapport.
Ce magistrat a rendu compte des demandes des parties dans le délibéré de la cour, composée de :
M. Philippe SILVAN, Président de chambre
Madame Dominique PODEVIN, Présidente de chambre
Madame Estelle de REVEL, Conseiller
Greffier lors des débats : Mme Suzie BRETER.
Les parties ont été avisées que le prononcé de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le 30 Juin 2023.
ARRÊT
contradictoire,
Prononcé par mise à disposition au greffe le 30 Juin 2023
Signé par M. Philippe SILVAN, Président de chambre et Mme Suzie BRETER, Greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
***
Selon contrat à durée indéterminée à temps partiel du 18 mars 2013, Mme [N] a été recrutée en qualité d’employée commerciale par la SAS Pas de Menc, qui exploite un supermarché sous l’enseigne «’Carrefour market’» à [Localité 3]. Le 17 novembre 2016, le syndicat CFDT services et commerce l’a désignée en qualité de déléguée syndicale. Par jugement du 15 décembre 2016, le tribunal d’instance de Brignoles, saisi d’une contestation par la SAS Pas de Menc, a confirmé cette désignation.
Mme [N] a fait l’objet des mesures suivantes’:
– une lettre de mise en garde le 1er février 2017,
– une lettre de mise en garde du 19 avril 2017,
– une mise à pied disciplinaire le 5 mai 2017,
– une mise à pied disciplinaire le 30 juin 2017.
Le 29 juin 2017, Mme [N] a saisi le conseil de prud’hommes de Draguignan d’une demande en annulation d’avertissement et de mise à pied et en dommages-intérêts pour harcèlement moral.
Par jugement du 4 juillet 2019, le conseil de prud’hommes de Draguignan a’:
– condamné la SAS Pas de Menc à annuler la mise en garde adressée le 19 avril 2017 à Mme [N],
– débouté Mme [N] du surplus de ses demandes,
– débouté la SAS Pas de Menc de sa demande reconventionnelle,
– condamné la SAS Pas de Menc aux dépens.
Mme [N] a fait appel de ce jugement le 17 juillet 2019.
A l’issue de ses conclusions du 29 mars 2023, auxquelles il est expressément référé pour un plus ample exposé des prétentions, Mme [N] demande de’:
à titre principal’;
– réformer le jugement entrepris et statuant à nouveau,’;
– dire et juger la lettre de mise en garde du 1er février 2017 s’analysait en un avertissement’;
– annuler cet avertissement’;
– dire et juger la lettre de mise en garde du 19 avril 2017 s’analysait en un avertissement’;
– annuler cet avertissement’;
– annuler la mise à pied disciplinaire du 5 mai 2017′;
– dire et juger qu’elle a été victime de harcèlement moral’;
– condamner la SAS Pas de Menc à lui payer la soMme de 50’000’€ à titre de dommages et intérêts du fait du harcèlement subi’;
à titre subsidiaire, confirmer le jugement entrepris dans toutes dispositions’;
et en tout état de cause’;
– condamner la SAS Pas de Menc à lui payer la soMme de 2’500’€ au titre de l’article 700 du code de procédure civile ainsi qu’aux entiers dépens.
Mme [N] soutient que, depuis sa désignation en qualité de déléguée syndicale, elle a fait l’objet de faits de harcèlement moral caractérisés par’:
– la contestation devant le tribunal d’instance de sa désignation comme déléguée syndicale et la remise en cause ultérieure de son mandat,
– la notification, le 1er février 2017, d’une lettre de mise en garde lui reprochant, d’une part, des faits qui auraient débuté courant novembre 2016 soit au moment de sa nomination et, d’autre part, l’enregistrement de propos tenus par la direction de la société lors d’un discours au personnel alors qu’elle conteste l’intégralité des faits reprochés,
– le refus de lui permettre de bénéficier du congés de formation économique, sociale et syndical prévu par l’article L.’2145-5 du code du travail,
– l’agression verbale dont elle a fait l’objet de la part d’une salariée lors d’une réunion de la délégation unique du personnel du 22 février 2017,
– le refus injustifié, en violation de l’article 6.2.2.a de la convention collective nationale du commerce de détail et de gros à prédominance alimentaire du 12 juillet 2001 de faire droit à sa demande en passage à temps complet,
– une mise à pied disciplinaire le 5 mai 2017 pour des faits du 21 avril 2017 dont la SAS Pas de Menc ne rapporte la preuve,
– une mise à pied à titre disciplinaire du 30 juin 2017 pour des faits dont la SAS Pas de Menc ne rapporte pas la preuve et qui sont contestés,
– la dégradation de son état de santé,
”des congés payés fixés tardivement,
”son affectation à un nouveau poste de travail à son retour d’arrêt maladie.
Selon ses conclusions du 6 avril 2023, auxquelles il est expressément référé pour un plus ample exposé des prétentions, la SAS Pas de Menc demande de’:
– dire et juger que les demandes de Mme [N] sont infondées’;
– constater que les sanctions disciplinaires notifiées à Mme [N] les 1er février 2017, 19 avril 2017 et 5 mai 2017 sont justifiées’;
– constater que Mme [N] n’a pas fait l’objet de harcèlement moral’;
en conséquence’;
– infirmer le jugement du conseil de prud’hommes de Draguignan en qu’il l’a condamnée à annuler la mise en garde du 19 avril 2017,
– confirmer le jugement du conseil de prud’hommes de Draguignan en ce qu’il a débouté madame [N] du surplus de ses demandes’;
en tout état de cause’;
– condamner Mme [N] à lui payer la soMme de 4.000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile,
– condamner Mme [N] aux entiers dépens distraits au profit de maître Sophie Alexander, avocat associée postulant aux offres de droit.
La SAS Pas de Menc dit en premier lieu que les sanctions disciplinaires prononcées à l’encontre de Mme [N] étaient justifiées.
Elle conteste les faits de harcèlement moral invoqués par Mme [N] aux motifs’:
– que celle-ci ne présente aucun élément de faits de nature à laisser supposer l’existence d’un harcèlement,
– que les sanctions disciplinaires qui lui ont été notifiées étaient justifiées,
– que l’attitude de Mme [N] a contribué à l’instauration d’un contexte conflictuel au sein de l’entreprise à la fois perturbant et à l’origine de nombreux dysfonctionnements,
– que la société, estimant que la désignation de Mme [N] en qualité de déléguée syndicale ne pouvait intervenir avant la fin d’un processus électoral, l’a contestée à titre légitime devant le tribunal d’instance et que Mme [N] a toujours été en mesure d’exercer son mandat,
– qu’il a été retenu que la mise en garde du 1er février 2017 était justifiée, que Mme [N] ne peut évoquer la proximité temporelle entre les sanctions prononcées à son égard et sa nomination en qualité de déléguée syndicale pour faire croire que ces sanctions trouvaient leur cause dans sa désignation,
– qu’en réalité, Mme [N] a totalement changé d’attitude vis-à-vis de la direction à compter de sa désignation,
– que la demande de congé de formation sollicité par Mme [N] a été rejetée pour la seule raison que l’organisme de formation visé dans sa demande ne figurait pas dans l’arrêté du 19 janvier 2017 fixant la liste des organismes dont les stages ou sessions sont consacrés à la formation économique, sociale et syndicale,
– qu’il est exact que, lors de la réunion de la délégation unique du personnel du 22 février 2017, de vifs échanges ont eu lieu entre Mme [N] et Madame [S], la secrétaire de la délégation unique du personnel mais qu’il ne peut être reproché à l’employeur d’avoir manqué à son obligation de sécurité dès lors que, lors de cette réunion, il a tout mis en ‘uvre pour apaiser la situation,
– que Mme [N] n’a jamais demandé à passer à temps complet,
– que les pièces médicales produites par Mme [N] ne permettent pas de présumer l’existence d’un harcèlement moral de la part de l’employeur et que Mme [N] a toujours été déclarée apte par la médecine du travail, y compris après son arrêt maladie, preuve que le médecin du travail n’a constaté aucune situation de harcèlement moral la concernant,
– qu’il est de jurisprudence constante que le salarié n’ayant pu prendre son congé annuel à raison de la suspension de son contrat de travail à la date des départs en congé, l’employeur, à qui il incombe de fixer la date de prise des congés, est fondé à lui imposer de le prendre à son retour d’arrêt de travail,
– que l’employeur n’a donc commis aucune faute,
– que Mme [N] n’a subi aucun préjudice et que Mme [N], à l’issue de son arrêt de travail, a repris ses fonctions d’employée commerciale et qu’elle a été affectée à un autre poste afin de lui éviter de travailler à nouveau avec madame [S], avec laquelle elle entretenait des relations conflictuelles avant son arrêt maladie.
Elle précise enfin que l’attitude de Mme [N] a contribué à l’instauration d’un contexte conflictuel au sein de la société, que plusieurs salariés de la société se sont plaints de son comportement, qu’une grande majorité d’entre eux ont signé une pétition sollicitant la révocation et la destitution immédiate de Mme [N] de ses fonctions de déléguée syndicale, que le CHSCT a été saisi, qu’une mesure d’enquête a été confiée à un expert extérieur à la société qui a conclu a la mise en ‘uvre de deux mesures de médiations et que la délégation unique du personnel avait émis un avis favorable au licenciement pour faute grave de Mme [N].
La clôture de l’instruction a été prononcée le 2 mai 2023. Pour un plus ample exposé de la procédure et des moyens des parties, la cour se réfère expressément à la décision déférée et aux dernières conclusions déposées par les parties.
SUR CE’:
L’article L.’1152-1 du code du travail prévoit qu’aucun salarié ne doit subir les agissements répétés de harcèlement moral qui ont pour objet ou pour effet une dégradation de ses conditions de travail susceptible de porter atteinte à ses droits et à sa dignité, d’altérer sa santé physique ou mentale ou de compromettre son avenir professionnel.
L’article L.1154-1 du même code précise que lorsque survient un litige relatif à l’application des articles L.’1152-1 à L.1152-3 et L.1153-1 à L.’1153-4, le candidat à un emploi, à un stage ou à une période de formation en entreprise ou le salarié présente des éléments de fait laissant supposer l’existence d’un harcèlement, qu’au vu de ces éléments, pris dans leur ensemble, il incombe à la partie défenderesse de prouver que ces agissements ne sont pas constitutifs d’un tel harcèlement et que sa décision est justifiée par des éléments objectifs étrangers à tout harcèlement et que le juge forme sa conviction après avoir ordonné, en cas de besoin, toutes les mesures d’instruction qu’il estime utiles.
En l’espèce, le 17 novembre 2016, Mme [N] a été désignée déléguée syndicale par le syndicat CFDT. La SAS Pas de Menc a contesté cette désignation devant le tribunal d’instance de Brignoles lequel, par jugement du 15 décembre 2016, non-produit aux débats, a rejeté cette contestation. Par ailleurs, le 31 janvier 2017, la SAS Pas de Menc a écrit au syndicat CFDT pour lui faire connaître qu’il estimait que le mandat de Mme [N] avait nécessairement pris fin au 30 novembre 2016, date de proclamation des résultats de l’élection de la délégation unique du personnel et qu’il sollicitait une nouvelle désignation en bonne et due forme de Mme [N].
Le 30 janvier 2017, la SAS Pas de Menc, répondant à un courrier de Mme [N] du 19 janvier 2017, lui a indiqué que sa demande de passage à temps complet était totalement infondée et qu’elle ne saurait y accéder.
Le 1er février 2017, la SAS Pas de Menc a adressé une lettre de mise en garde à Mme [N].
Le 13 février 2017, la SAS Pas de Menc a opposé un refus à la demande de congé pour formation économique et sociale déposée par Mme [N].
Il n’est pas contesté que, le 21 février 2017, une altercation est survenue entre Mme [N] et une autre salariée à l’occasion d’une réunion de la délégation unique du personnel.
En revanche, Mme [N] ne démontre pas que concernant les faits du 21 février 2017 elle avait vainement informé la SAS Pas de Menc de l’existence d’un litige existant entre elle et ladite salariée.
Le 5 mai 2017, Mme [N] a été sanctionnée d’une mise à pied disciplinaire de trois jours.
Le 30 juin 2017, Mme [N] a été sanctionnée d’une mise à pied disciplinaire de deux jours.
Le 10 janvier 2018, la SAS Pas de Menc a informé Mme [N] qu’elle serait en congés payés du 11 janvier au 7 février 2018 alors que, selon l’article D.’3141-6 du code du travail, l’ordre des départs en congé est communiqué, par tout moyen, à chaque salarié un mois avant son départ, et que, en application de l’article L.’3141-16 du même code, à défaut de stipulation dans la convention ou l’accord conclus en application de l’article L. 3141-15, l’employeur ne peut, sauf en cas de circonstances exceptionnelles, modifier l’ordre et les dates de départ moins d’un mois avant la date de départ prévue.
Le 9 février 2018, Mme [N], dont le contrat de travail avait été suspendu en raison d’un arrêt de travail, a repris ses fonctions. Elle a été affectée au rayon chiens et chats alors que, auparavant, elle exerçait ses fonctions à la station-service.
Par ailleurs, Mme [N] verse aux débats une attestation de son médecin traitant du 13 juin 2017 exposant que l’état de santé de Mme [N] s’était détérioré depuis le mois de décembre 2016, période coïncidant avec un contexte de tension alléguée dans son environnement professionnel.
Le 28 avril 2017, Mme [N] s’est vue prescrire des anxiolytiques (Lexomil et Bromazepam).
Elle a été placée en arrêt de travail à compter du 11 juillet 2017.
Il ressort de ce qui précède que, entre le 17 novembre 2016 et le 9 février 2018, la désignation en qualité de déléguée syndicale de Mme [N] a été contestée par l’employeur, qu’elle a fait l’objet de deux mises en garde et de deux mises à pied disciplinaires, que l’employeur lui a refusé une demande de congés pour formation économique et sociale, qu’une altercation l’a opposée à une autre salariée au cours d’une réunion de la délégation unique du personnel, que la SAS Pas de Menc a refusé une demande de passage à temps complet formée par Mme [N], que les dates de congés de Mme [N] ont été fixées par l’employeur sans respect du délai d’un mois prévu par le code du travail et que, à son retour d’arrêt maladie, Mme [N] a été affectée à un autre service. Il convient en outre de relever que la majeure partie de ces faits sont survenus entre le 17 novembre 2016 et le 30 juin 2017 et que, concomittament, l’état de santé de Mme [N] s’est dégradé.
Ces élements sont de nature à laisser supposer l’existence d’un harcèlement moral.
sur la contestation de la désignation de Mme [N] en qualité de déléguée syndicale’:
La SAS Pas de Menc soutient que sa contestation de la désignation de Mme [N] en qualité de déléguée syndicale était légitime, puisqu’elle avait considéré à juste titre que cette désignation ne pouvait intervenir avant la fin du processus électoral. Cependant, en l’absence de production du jugement du tribunal d’instance de Brignoles ayant rejeté cette contestation et de toute argumentation plus précise de ce chef de la part de la SAS Pas de Menc, il n’apparaît pas qu’il existait à l’époque de ladite contestation un motif de droit permettant à l’employeur de présumer, de manière raisonnable, que sa contestation était fondée. Dès lors, il n’est pas démontré par la SAS Pas de Menc que cette contestation était justifiée par des éléments objectifs étrangers à tout harcèlement.
sur la demande de passage à temps complet de Mme [N]’:
L’article 6.2.4’a de la convention collective nationale du coMme rce de détail et de gros à prédominance alimentaire du 12 juillet 2001 prévoit que les salariés à temps partiel peuvent demander par écrit à se voir proposer en priorité les compléments d’heures temporairement disponibles correspondant à leur qualification et compatibles avec leurs horaires de travail, que dans ce cas, l’employeur est tenu de leur proposer les heures disponibles correspondantes avant de recourir à une embauche externe mais que, toutefois, en dehors des avenants conclus pour le remplacement de salariés absents nommément désignés, le nombre d’avenants temporaires conclus avec un même salarié à temps partiel est légalement limité à 8 par an, quelle que soit la durée de chacun d’entre eux.
Le courrier du 19 janvier 2017, auquel la SAS Pas de Menc a répondu en indiquant à Mme [N] que sa demande en passage à temps complet était infondée n’est pas produit aux débats. Dès lors, il n’est pas justifié par Mme [N] que sa demande s’inscrivait dans le cadre des dispositions conventionnelles précitées, alors que de son côté la SAS Pas de Menc expose que Mme [N] avait demandé à passer à temps complet au motif que compte tenu de ses horaires de travail elle se trouvait à la disposition permanente de son employeur.
En conséquence, il n’apparaît pas que, en violation des dispositions de la convention collective, la SAS Pas de Menc a refusé à Mme [N] le bénéfice d’heures complémentaires. Par ailleurs, Il n’est pas justifié par la salariée que, compte tenu de ses horaires de travail, elle se tenait à la disposition permanente de son employeur, justifiant ainsi son passage à temps complet. Dès lors, le refus opposé à Mme [N] reposait sur des éléments objectifs étrangers à tout harcèlement.
sur la mise en garde et les mises à pied’:
L’article L. 1333-1 du code du travail prévoit qu’en cas de litige en matière de sanction disciplinaire, la juridiction apprécie la régularité de la procédure suivie et si les faits reprochés au salarié sont de nature à justifier une sanction, que l’employeur fournit à la juridiction les éléments retenus pour prendre la sanction, qu’au vu de ces éléments et de ceux qui sont fournis par le salarié à l’appui de ses allégations, la juridiction forme sa conviction après avoir ordonné, en cas de besoin, toutes les mesures d’instruction qu’il estime utiles et que si un doute subsiste, il profite au salarié.
Par ailleurs, en application de l’article 954 alinéa 3 du code de procédure civile, la cour ne statue que sur les prétentions énoncées au dispositif et n’examine les moyens au soutien de ces prétentions que s’ils sont invoqués dans la discussion.
sur la mise en garde du 1er février 2017′:
Il est reproché à Mme [N] par la SAS Pas de Menc une attitude agressive et d’insubordination depuis le mois de novembre 2016 et le refus à plusieurs reprises, d’effectuer le jaugeage des cuves à carburant de la station service.
Pour justifier du bien fondé de cette mise en garde, la SAS Pas de Menc expose que les griefs reprochés à Mme [N] sont amplement démontrés, que le conseil de prud’hommes a validé la régularité de cette mise en garde et que, selon courrier du 13 mai 2017, une autre salariée s’est plainte du comportement de Mme [N] depuis sa désignation comme déléguée du personnel, lui reprochant de perturber le bon fonctionnement de l’entreprise et de faire primer ses propres intérêts au détriment de l’intérêt collectif.
La généralité de ces moyens, ou leur caractère postérieur à la mise en garde litigieuse, et l’absence de visa par la SAS Pas de Menc de tout élément de preuve de nature à établir la réalité des faits reprochés à Mme [N] suscitent un doute sur l’existence des griefs reprochés à Mme [N] qui devra lui profiter. Il conviendra en conséquence de prononcer l’annulation de cette mise en garde. Dès lors, celle-ci ne peut être justifiée par des éléments objectifs étrangers à tout harcèlement.
sur la mise en garde du 19 avril 2017′:
Dans la partie «’Discussion’» de ses conclusions Mme [N] ne développe aucun argument dont il résulterait la démonstration de requalifier cette mise en garde en avertissement. Dès lors, ce chef de demande sera rejeté.
Il ressort de la mise en garde en question qu’il est reproché à Mme [N] des actes d’insubordination caractérisés par son refus de procéder à l’entretien de la laverie annexée à la station-service. La réalité de ce grief est établie par les témoignages de salariés produits aux débats par Mme [N]. Dès lors, cette mise en garde ne peut être justifiée par des éléments objectifs étrangers à tout harcèlement.
sur la mise à pied disciplinaire du 5 mai 2017′:
La SAS Pas de Menc reproche à Mme [N] une agressivité verbale à l’égard du directeur du magasin et d’une autre salariée.
Elle fait valoir que Mme [N] se contente d’indiquer les faits reprochés sans présenter aucun élément de preuve de nature à étayer ses propos et que les membres de la délégation unique du personnel, au vu des agissements reprochés, avaient voté unaniment en faveur du licenciement de Mme [N] pour faute grave.
Cependant, la SAS Pas de Menc à qui il appartient de fournir à la juridiction les éléments retenus pour prendre la sanction, se borne à se référer à un procès-verbal de réunion de la délégation unique du personnel, dont il ne ressort pas que ses membres ont personnellement assisté aux faits reprochés à Mme [N]. Il existe en conséquence un doute sur la réalité des griefs reprochés à Mme [N] qui devra lui profiter, justifiant ainsi l’annulation de cette mise à pied disciplinaire. Dès lors, cette sanction ne peut être justifiée par des éléments objectifs étrangers à tout harcèlement.
sur la mise à pied disciplinaire du 30 juin 2017′:
Mme [N] développe divers moyens tendant à l’annulation de la mise à pied disciplinaire du 30 juin 2017 mais, dans le dispositif de ses conclusions, ne reprend pas ce chef de demande.
Il est reproché à Mme [N] par la SAS Pas de Menc des faits d’absence injustifiées et son départ en congés payés sans faire valider ceux-ci par la direction de l’entreprise.
Concernant les faits d’absence du 11 mai 2017, il n’est pas contesté par la SAS Pas de Menc que, en violation de l’article 5.2 de la convention collective applicable, prévoyant que les salariés seraient avisés de la programmation du temps de travail au moins 15 jours avant sa date de mise en application, Mme [N] n’a reçu son planning que deux jours avant sa prise de poste. Dès lors, peu important les habitudes prises dans l’entreprise, selon lesquelles les salariés de retour d’arrêt de travail ou de congés appelaient pour connaître leurs horaires, cette carence de l’employeur est de nature à expliquer l’absence du 11 mai 2017.
En revanche, Mme [N] ne fournit aucune explication de nature à justifier son absence injustifiée du 14 mai 2017 et sa prise de congé payés sans autorisation.
La nature de ces faits et l’existence d’une mise en garde le 19 avril 2017 justifiaient le prononcé à l’encontre de Mme [N] d’une mise à pied disciplinaire. Dès lors, cette sanction apparaît justifiée par des éléments objectifs étrangers à tout harcèlement.
sur le refus de la demande de congé pour formation économique et sociale’:
L’article L.’2145-1 du code du travail, dans sa version issue de la loi n°2016-1088 du 85 août 2016, édicte que les salariés appelés à exercer des fonctions syndicales bénéficient du congé de formation économique, sociale et syndicale prévu à l’article L. 2145-5.
L’article L.’2145-2 du même code précise que la formation des salariés appelés à exercer des responsabilités syndicales, notaMme nt au sein d’organismes de caractère économique et social, et des adhérents à une organisation syndicale amenés à intervenir en faveur des salariés peut être assurée’:
1° Soit par des centres spécialisés, directement rattachés aux organisations syndicales représentatives’;
2° Soit par des instituts internes aux universités.
Toutefois, des organismes dont la spécialisation totale ou partielle serait assurée en accord avec des organisations syndicales peuvent participer à la formation des salariés appelés à exercer des responsabilités syndicales et des adhérents à une organisation syndicale amenés à intervenir en faveur des salariés. Pour bénéficier des dispositions de l’article L. 2145-3, ces organismes doivent avoir reçu l’agrément du ministre chargé du travail.
Enfin, l’article R.’2145-3 du code du travail précie que la liste des centres et instituts dont les stages et sessions ouvrent droit aux congés de formation économique, sociale et syndicale est établie par arrêté du ministre chargé du travail pris après avis des organisations syndicales de salariés mentionnées au 3° de l’article’L. 2135-12.
L’organisme de formation AFETE, invoqué par Mme [N] à l’appui de sa demande de congés pour formation économique et sociale n’est pas visé par l’arrêté du 19 janvier 2017 fixant la liste des organismes dont les stages ou sessions sont consacrés à la formation économique, sociale et syndicale. Dès lors, la SAS Pas de Menc était fondée à refuser à Mme [N] cette demande de congé.
Ce refus reposait donc sur des éléments objectifs étrangers à tout harcèlement.
sur l’altercation du 21 février 2017′:
Il ressort des propres termes du courrier de Mme [N] du 22 février 2017, relatant à la SAS Pas de Menc l’altercation du 21 février 2017, qu’elle a été prise à partie par une autre salariée à l’occasion d’une réunion de la délégation unique du personnel et que la SAS Pas de Menc est intervenue pour calmer cette situation. Aucun des éléments de preuve ne permet d’imputer cet incident à un manquement de la SAS Pas de Menc à son obligation de sécurité ni, de manière générale, à son comportement. Dès lors, cette altercation trouve son origine dans des éléments objectifs étrangers à tout harcèlement.
sur la fixation des congés de Mme [N]’:
Mme [N] a été placée en arrêt de travail du 12 juillet 2017 au 11 janvier 2018. Le 10 janvier 2018, la SAS Pas de Menc l’a informée qu’elle serait en congés payés du 11 janvier au 7 février 2018.
Les dispositions de l’article D.’3141-6 du code du travail, selon lesquelles l’ordre des départs en congé est communiqué, par tout moyen, à chaque salarié un mois avant son départ, ne comprennent aucune dérogation lorsque le contrat de travail du salarié est suspendu. Dès lors, il n’est pas établi que la fixation tardive par la SAS Pas de Menc de la date de prise de congés payés de Mme [N] trouve son origine dans des éléments objectifs étrangers à tout harcèlement.
sur les missions confiées à Mme [N] à l’issue de la suspension de son contrat de travail’:
En premier lieu, il convient de relever que l’article L.’1226-8 du code du travail selon lequel, à l’issue de l’arrêt de travail pour maladie professionnelle ou accident du travail, le salarié retrouve son emploi ou un emploi similaire assorti d’une rémunération au moins équivalente n’est pas applicable en l’espèce puisqu’il ne ressort pas des débats que Mme [N] a été placée en arrêt de travail pour l’un de ces motifs.
Par ailleurs, le 9 février 2018, à l’issue de son arrêt de travail, Mme [N] a repris son poste d’employée commercial mais dans un autre rayon. Dès lors, elle a bien repris un emploi similaire.
Enfin, il résulte des pièces produites aux débats par la SAS Pas de Menc, notamment les témoignages de salariés et l’enquête diligentée par le CHSCT qu’une telle mesure était motivée par la volonté d’éviter le retour de Mme [N] au service station-service au sein duquel était employée une salariée avec laquelle elle entretenait des relations conflictuelles et avec laquelle, notamment, elle avait eu une altercation lors de la réunion de la délégation unique du personnel du 21 février 2017. Une telle mesure ressort en conséquence de la mise en ‘uvre par la SAS Pas de Menc de son obligation légale de sécurité et repose en conséquence sur des éléments objectifs étrangers à tout harcèlement.
Il résulte de ce qui précède que la SAS Pas de Menc n’établit pas que la contestation de la qualité de déléguée syndicale de Mme [N], la mise en garde du 1er février 2017, la mise à pied disciplinaire du 5 mai 2017 et la fixation tardive des congés payés de Mme [N] en février 2018 étaient fondées sur des éléments objectifs étrangers à tout harcèlement.
En considération de la nature de ces faits et de la dégradation de l’état de santé de Mme [N], la SAS Pas de Menc devra lui payer la somme de 7 000 € à titre de dommages-intérêts.
sur les mesures accessoires’:
Enfin la SAS Pas de Menc, partie perdante qui sera condamnée aux dépens et déboutée de sa demande au titre de ses frais irrépétibles, devra payer 2 000 € à Mme [N] au titre de l’article 700 du code de procédure civile.
PAR CES MOTIFS’;
LA COUR, Statuant publiquement et contradictoirement’;
DECLARE Mme [N] recevable en son appel’;
INFIRME le jugement du conseil de prud’hommes de Draguignan du 4 juillet 2019′;
STATUANT à nouveau’;
ANNULE la mise en garde du 1er février 2017′;
ANNULE la mise à pied disciplinaire du 5 mai 2017′;
DIT que Mme [N] a été victime de harcèlement moral’;
CONDAMNE la SAS Pas de Menc à payer à Mme [N] les somme s suivantes’:
– 7 000 € à titre de dommages- intérêts pour harcèlement moral,
– 2 000 € au titre de l’article 700 du code de procédure civile’;
DEBOUTE les parties du surplus de leurs demandes’;
CONDAMNE la SAS Pas de Menc aux dépens de première instance et d’appel.
Le Greffier Le Président