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07/07/2023
ARRÊT N°2023/308
N° RG 21/01681 – N° Portalis DBVI-V-B7F-ODCW
SB/CD
Décision déférée du 04 Mars 2021 – Conseil de Prud’hommes – Formation paritaire de TOULOUSE ( F 19/00351)
S. BOST
Section Commerce Chambre 2
[A] [Y] [RB] [W] épouse [S] [N]
C/
S.A.S. ATALIAN PROPRETE SUD OUEST
INFIRMATION PARTIELLE
Grosse délivrée
le 7/7/23
à Me BOULOC,
Me BENOIT-DAIEF
Ccc à Pôle Emploi
Le 7/7/23
REPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
***
COUR D’APPEL DE TOULOUSE
4eme Chambre Section 1
***
ARRÊT DU SEPT JUILLET DEUX MILLE VINGT TROIS
***
APPELANTE
Madame [A] [Y] [RB] [W] épouse [S] [N]
[Adresse 2]
[Localité 4]
Représentée par Me Alexandra BOULOC, avocat au barreau de TOULOUSE
INTIM”E
S.A.S. ATALIAN PROPRETE SUD OUEST
[Adresse 3]
[Localité 1]
Représentée par Me Ophélie BENOIT-DAIEF de la SELARL SELARL LEXAVOUE, avocat au barreau de TOULOUSE
COMPOSITION DE LA COUR
En application des dispositions des articles 786 et 907 du Code de procédure civile, l’affaire a été débattue le 16 Mai 2023, en audience publique, les avocats ne s’y étant pas opposés, devant S. BLUM”, présidente et N. BERGOUNIOU, magistrat honoraire exerçant des fonctions juridictionnelles chargés du rapport. Ces magistrats ont rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :
S. BLUM”, présidente
M. DARIES, conseillère
N. BERGOUNIOU, magistrat honoraire exerçant des fonctions juridictionnelles
Greffier, lors des débats : C. DELVER
ARRET :
– CONTRADICTOIRE
– prononcé publiquement par mise à disposition au greffe après avis aux parties
– signé par S. BLUM”, président, et par C. DELVER, greffière de chambre
FAITS – PROCÉDURE – PRÉTENTIONS DES PARTIES
Mme [A] [Y] [RB] [W], épouse [S] [N] (ci-après dénommée Mme [S] [N]) a été embauchée à compter du 2 mai 2011 par la société Onet Services en qualité d’agent de service, niveau AS, échelon 1A suivant contrat de travail à durée indéterminée à temps partiel régi par la convention collective nationale des entreprises de propreté. A compter du 30 mai 2011, son contrat a été transformé à temps complet.
Mme [S] [N] intervenait sur le site Airbus Saint-Martin, repris par la Sas Atalian Propreté Sud Ouest (également dénommée TFN Propreté) à compter du 1er octobre 2014, date à laquelle le contrat de travail de la salariée lui a été transféré.
Dans le dernier état de la relation contractuelle, son salaire moyen mensuel s’élevait à la somme de 1613, 07euros brut.
Par courrier recommandé du 9 juin 2016, la société employeur a adressé à Mme [S] un blâme, pour avoir déplacé la moto de l’un de ses collègues pour lui faire une farce en faisant croire à un vol.
Par courrier recommandé du 28 novembre 2017, la société TFN Propreté a convoqué Mme [S] à un entretien préalable à une sanction disciplinaire fixé au 8 décembre 2017.
Par courrier recommandé du 8 janvier 2018, Mme [S] s’est vu notifier une mise à pied disciplinaire de deux jours (les 16 et 18 janvier 2018), pour les faits suivants :
‘Le 17 novembre dernier, nous avons eu connaissance par le biais d’un courrier de l’une de vos collègues, assorti de la copie de main courante déposée par cette dernière à votre encontre, que vous aviez proféré des menaces à son égard, allant jusqu’à contacter son époux pour confirmer vos menaces de la ‘déformer’ et de ‘l’attraper à [Localité 4]’ au motif que vous n’apprécieriez pas des salariés de notre entreprise avec lesquels elle entretient des liens.
Par la suite, le 23 novembre dernier, cette même collègue ne constatant aucune amélioration dans l’attitude que vous persistez à adopter à son égard, a déposé une nouvelle main courante contre vous, indiquant que vous alliez jusqu’à la suivre jusqu’à sa voiture dans le parking à la fin de sa prestation de travail pour l’inquiéter et la menacer…’
Mme [S] a contesté cet avertissement par courrier du 22 janvier 2018.
Le comité d’hygiène, de sécurité et des conditions de travail (CHSCT) a remis un procès-verbal d’enquête le 28 mai 2018, suivi de conclusions transmises à la Sas Atalian Propreté Sud Ouest le 26 septembre 2018. Le comité indiquait que Mme [S] [N] exerçait des pressions assimilables à du harcèlement moral et préconisait à la direction de prendre les mesures nécessaires pour faire cesser cette situation génératrice de risques psychosociaux dans les plus brefs délais.
Par courrier remis en main propre contre décharge le 18 septembre 2018, Mme [S] [N] a été convoquée à un entretien préalable au licenciement, envisagé pour un motif disciplinaire et fixé au 28 septembre 2018 ; le même courrier lui notifiait sa mise à pied à titre conservatoire, dans l’attente de la décision à intervenir sur le licenciement.
Par lettre recommandée du 4 octobre 2018, Mme [S] [N] a été licenciée pour faute grave. La lettre de licenciement est ainsi motivée : ‘Suite à plusieurs plaintes de salariés de notre société, nous avons décidé, en concert avec le CHSCT de diligenter une enquête, au cours de laquelle il est apparu que vous adoptez un comportement non professionnel à l’égard de l’ensemble du personnel affecté sur le site AIRBUS sur lequel vous travaillez.
Il a été porté à notre connaissance des éléments d’une gravité importante.
A titre d’exemples non exhaustifs, il a été porté à notre connaissance que : certains salariés ne sont pas sereins en votre présence, voire ont peur, vous adoptez un comportement malveillant à l’égard de vos collègues, vous exercez des pressions sur vos collègues de travail, vous exercez un pouvoir coercitif, voire tyrannique sur certains de vos collègues de travail ne souhaitant pas abonder dans votre sens, vous dénigrez vos collègues de travail, ainsi que la société.
A l’issue de cette enquête, le CHSCT en a conclu que vous exercez un véritable harcèlement sur votre entourage professionnel, et procédez intentionnellement à la dégradation des relations professionnelles au sein de l’équipe dans laquelle vous êtes affectée, et ce pour exercer sur vos collègues un pouvoir autoritaire.
Le CHSCT a également considéré que votre comportement non professionnel entraîne des répercussions désastreuses sur le bon déroulement du chantier et favorise les risques psychosociaux pour vos collègues de travail.
Face à la gravité de vos agissements, nous tenons à vous rappeler les dispositions de notre règlement intérieur que vous auriez dû rigoureusement observer, à savoir :
8.3 : « Il est formellement interdit de manquer de respect à l’égard de ses collègues de travail ou de toute autre personne… »
10 : « Aucun salarié ne doit subir des agissements répétés de harcèlement ayant pour objet ou pour effet une dégradation des conditions de travail susceptibles de porter atteinte à sa dignité, d’altérer sa santé physique ou mentale ou de compromettre son avenir professionnel (article L1152-1 du Code du travail »
Au regard de tout ce qui précède, votre comportement est parfaitement intolérable et constitue un manquement grave et évident aux règles élémentaires de discipline et de sécurité sur votre lieu de travail, et dès lors à vos obligations contractuelles.
Vos agissements empreints de harcèlement à l’égard de vos supérieurs hiérarchiques et collègues sont inacceptables et nuisent gravement tant à l’image de notre société qu’à la santé et à la sécurité de nos collaborateurs, ce qui rend impossible votre maintien dans l’entreprise même le temps d’un préavis.’
Contestant son licenciement, Mme [S] a saisi le conseil de prud’hommes de Toulouse le 11 mars 2019 pour entendre juger qu’elle a été victime de harcèlement moral, prononcer la nullité de son licenciement, et en paiement de dommages et intérêts et d’indemnités de rupture.
Par jugement du 4 mars 2021, le conseil de prud’hommes de Toulouse, section commerce chambre 2, a :
– jugé que Mme [S] [N] ne démontre pas qu’elle a été victime de harcèlement moral de la part de ses collègues de travail sur le lieu de travail,
– débouté Mme [S] [N] de l’intégralité de ses demandes,
– débouté la Sas Atalian Propreté Sud-Ouest de sa demande sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile,
– condamné Mme [S] [N] aux entiers dépens de l’instance.
***
Par déclaration du 13 avril 2021, Mme [S] [N] a interjeté appel de ce jugement qui lui avait été notifié le 17 mars 2021, dans des conditions de délai et de forme qui ne sont pas contestées.
***
Par ses dernières conclusions communiquées au greffe par voie électronique le 29 mars 2022, Mme [A] [Y] [S] [N] demande à la cour de:
– réformer le jugement déféré dans toutes ses dispositions,
– rejeter toutes conclusions contraires comme injustes et mal fondées.
A titre principal sur la nullité du licenciement pour harcèlement moral :
– juger qu’elle est victime de faits de harcèlement moral,
– condamner la Sas Atalian Propreté Sud Ouest à payer les sommes de :
*19.956 euros de dommages et intérêts pour nullité du licenciement
*10.000 euros de dommages et intérêts pour le préjudice résultant des actes de harcèlement moral subi,
*3.499,40 euros au titre de l’indemnité légale de licenciement
* 3.326,14 euros au titre de l’indemnité compensatrice de préavis et la somme de 333 euros au titre de l’indemnité compensatrice de congés payés afférente,
* 324,60 euros au titre des rappels de salaires sur la mise à pied à titre conservatoire et 32,46 euros d’indemnité de congés payés.
* 160,50 euros au titre des rappels de salaires sur la mise à pied disciplinaire et 16,05 euros d’indemnité de congés payés.
A titre subsidiaire sur le licenciement sans cause réelle et sérieuse :
– juger qu’elle n’a commis aucune faute grave,
– juger que l’employeur a manqué à son obligation de sécurité de résultat,
– juger que la lettre de licenciement est insuffisamment motivée, malgré la demande de précision des motifs formulée conformément à l’alinéa 3 de l’article L1235-2 du code du travail,
– en conséquence, juger que son licenciement est dépourvu de cause réelle et sérieuse,
– condamner la Sas Atalian Propreté Sud Ouest à payer les sommes de :
*13.304,56 euros au titre des dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse.
*3.499,40 euros au titre de l’indemnité légale de licenciement,
*3.326,14 euros au titre de l’indemnité compensatrice de préavis et la somme de 333 euros au titre de l’indemnité compensatrice de congés payés afférente,
*324,60 euros au titre des rappels de salaires sur la mise à pied à titre conservatoire et 32,46 euros d’indemnité de congés payés.
*160,50 euros au titre des rappels de salaires sur la mise à pied disciplinaire et 16,05 euros d’indemnité de congés payés.
En tout état de cause,
– condamner la Sas Atalian Propreté Sud Ouest à payer la somme de 3.000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile,
– condamner la Sas Atalian Propreté Sud Ouest à lui remettre tous les documents sociaux rectifiés.
***
Par ses dernières conclusions communiquées au greffe par voie électronique le 6 octobre 2021, la Sas Atalian Propreté Sud Ouest demande à la cour de :
– confirmer le jugement rendu par le conseil de prud’hommes en ce qu’il a :
* jugé que Mme [S] [N] ne démontre pas qu’elle fut victime de harcèlement moral de la part de ses collègues de travail sur le lieu de travail,
* débouté Mme [S] [N] de l’intégralité de ses demandes.
Y ajoutant,
– condamner Mme [S] [N] au paiement de la somme de 1 500 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile.
***
La clôture de l’instruction a été prononcée par ordonnance en date du 15 mai 2023.
***
Il est fait renvoi aux écritures pour un plus ample exposé des éléments de la cause, des moyens et prétentions des parties, conformément aux dispositions de l’article 455 du code de procédure civile.
MOTIFS DE LA DECISION :
– Sur le harcèlement moral :
Aux termes de l’article L. 1152-1 du code du travail, aucun salarié ne doit subir les agissements répétés de harcèlement moral qui ont pour objet ou pour effet une dégradation de ses conditions de travail susceptible de porter atteinte à ses droits et à sa dignité, d’altérer sa santé physique ou mentale ou de compromettre son avenir professionnel.
L’article L. 1154-1 du même code, dans sa rédaction issue de la loi n° 2016-1088 du 8 août 2016, dispose que lorsque survient un litige relatif au harcèlement moral, le salarié présente des éléments de fait laissant supposer l’existence d’un harcèlement et au vu de ces éléments, il incombe à la partie défenderesse de prouver que ces agissements ne sont pas constitutifs d’un tel harcèlement et que sa décision est justifiée par des éléments objectifs étrangers à tout harcèlement.
Mme [S] soutient qu’à compter du mois d’octobre 2017, elle a fait l’objet d’agissements répétés de harcèlement moral de la part de ses collègues ; qu’elle a alerté la société employeur par courrier du 16 octobre 2017, sans que celui ci ne donne suite ; que près de 11 mois après son premier courrier d’alerte, il a au contraire décidé de la licencier.
A l’appui de ses allégations, elle verse aux débats :
– un courrier qu’elle a adressé le 18 octobre 2017 à M. [U] [K], responsable d’exploitation, se plaignant du comportement adopté à son égard cet après midi là par une de ses collègues, Mme [VO] [G] qui lui aurait dit, en portugais : ‘ Toi, tu dégages d’ici, je veux me changer… Elle a ensuite continué par des insultes, auxquelles j’ai rétorqué.
Je tiens à vous informer qu’elle m’a dit : ‘Tu as rien à faire ici, et je vais tout faire pour te dégager d’ici’.
Tout ceci a commencé depuis que M. [R] [KG] m’a dit de faire les remplacements pendant les congés de mon chef [P] [X], les filles ont commencé à prendre sans sérieux car aucune réunion n’a été faite pour leur dire que c’était moi qui ferait les remplacements’ (pièce n° 6),
– un dépôt de plainte de Mme [L] [W] [N](fille de l’appelante) se plaignant d’insultes et de menaces proférées à son encontre par une de ses collègues, Mme [F] [O] (pièce n° 8),
– une attestation de Mme [I] [E], collègue de Mme [S], qui indique avoir vu, le 13 août 2018, cette dernière en attente devant le local à produits ; elle indique avoir été choquée par les propos proférés par Mme [V] à l’encontre de Mme [S], qui disait souhaiter la voir morte (pièce n° 12),
– un dépôt de plainte de la part de Mme [S] en date du 3 octobre 2018 se plaignant de menaces de mort proférées à son encontre par Mme [V] (pièce n° 13),
– un certificat médical établi le 29 janvier 2019 par Mme [Z] [D], médecin généraliste à [Localité 4], qui indique que l’état de Mme [S] a nécessité un arrêt de travail du 18/9/2018 au 12/10/2018 suite à un syndrome anxio-dépressif réactionnel associant de l’anxiété, un état de stress et des troubles du sommeil (pièce n° 18).
Les éléments ci dessus relatés témoignent de tensions entre Mme [S] et d’autres salariées de l’entreprise (Mme [V], Mme [O]). Pour autant, le simple fait que Mme [E] ait entendu dire par Mme [V] qu’elle souhaitait voir Mme [S] morte, dans le contexte ci dessus rappelé, ne suffit pas à établir l’existence d’agissements répétés laissant supposer l’existence d’un harcèlement moral.
Le jugement déféré sera confirmé en ce qu’il a débouté Mme [S] [N] de sa demande en ce sens.
– Sur le licenciement :
La faute grave se définit comme un fait ou un ensemble de faits, personnellement imputables au salarié, constituant une violation d’une obligation contractuelle ou un manquement à la discipline de l’entreprise, d’une gravité telle qu’elle rend impossible son maintien dans l’entreprise.
Lorsque l’employeur retient la qualification de faute grave dans la lettre de licenciement, il lui incombe de rapporter la preuve matérielle des faits reprochés à son salarié. Le contrôle de la matérialité des faits reprochés auquel le juge doit procéder implique une appréciation de leur imputabilité au salarié, de leur caractère objectivement fautif et sérieux justifiant la rupture du contrat de travail, ainsi que de leur gravité rendant impossible le maintien dans l’entreprise.
Mme [S] [N] conteste les faits qui lui sont reprochés, faisant valoir que c’est elle qui a été victime d’insultes de la part de certaines de ses collègues, qui ont pour origine un litige d’ordre familial ; qu’elle a déjà été sanctionnée pour les faits qui lui sont reprochés par une mise à pied disciplinaire de deux jours notifiée en janvier 2018 ; que l’employeur, qui avait connaissance de l’enquête du CHSCT le 28 mai 2018, n’a engagé la procédure de licenciement que le 18 septembre 2018, soit près de trois mois plus tard ; que le rapport complémentaire transmis à la société employeur fait état d’un entretien informel avec une salariée qui se serait tenu le 21 juin 2018, cette salariée étant restée anonyme ; qu’en tout état de cause, les faits qui lui sont reprochés, à supposer qu’ils soient avérés, sont prescrits.
La société Atalian Propreté Sud Ouest soutient en réponse que suite au dépôt du premier rapport d’enquête du CHSCT en mai 2018, Mme [S] [N] n’a jamais cessé ses agissements, et que c’est elle qui est à l’origine de la dégradation du climat social sur le site d’Airbus ; qu’il résulte d’une attestation de M. [R] [VG], responsable de site, qu’il a surpris le 17 septembre 2018 Mme [S] [N] en train de charger du matériel et des produits Atalian dans le véhicule de son mari, ce qui justifie de plus fort son licenciement pour faute grave ; qu’elle a également, en provoquant des disputes sur le site, porté atteinte à l’image de la société Atalian devant le client Airbus.
La lettre de licenciement du 3 octobre 2018, qui fixe les limites du litige, vise un comportement non professionnel de Mme [S] [N] à l’égard de l’ensemble du personnel affecté sur le site Airbus sur lequel elle travaille, révélé par une enquête complémentaire du CHSCT en date du 28 septembre 2018 concluant que la salariée exerce un véritable harcèlement sur son entourage professionnel, et procède intentionnellement à la dégradation des relations professionnelles au sein de l’équipe dans laquelle elle est affectée, et ce pour exercer sur ses collègues un pouvoir autoritaire.
Il convient de préciser que la lettre ne vise pas des faits de vol, de sorte que ce grief doit être écarté.
Mme [S] [N] a demandé à la société employeur, par courrier du 12 octobre 2018, de lui préciser les motifs énoncés dans la lettre de licenciement,
. Ce dernier lui a répondu en faisant référence à l’enquête CHSCT :
‘- vous adoptez un comportement autoritaire envers vos collègues de travail, leur interdisant de parler à leurs homologues au motif que vous ne les aimez pas ;
– vous générez un climat d’angoisse et de peur envers vos collègues qui ont peur de venir travailler,
-certains d’entre eux ont même indiqué aux membres du CHSCT avoir peur de représailles de votre part s’ils ne suivaient pas vos injonctions.
– vous critiquez également ouvertement vos collègues ainsi que notre société, notamment auprès du personnel Airbus occupant les bureaux.
L’ambiance malsaine ainsi générée a ainsi eu un impact sur la qualité de vie au travail de vos collègues, entraînant des risques psychosociaux que nous ne pouvons manifestement pas tolérer.’
La société Atalian Propreté Sud Ouest verse aux débats le rapport d’enquête complémentaire remis le 28 septembre 2018 par les membres du CHSCT(mme [T] [J] et M. [C] [M] [H]) à la société employeur, qui fait état de comportements malveillants de Mme [S] à l’encontre de deux salariées (Mme [T] [B] et Mme [F] [O]).
Ces deux personnes ont déposé des mains courantes auprès des services de gendarmerie (le 19 octobre 2017 pour Mme [B] et le 23 novembre 2017 pour Mme [O]), soit plusieurs mois avant l’engagement de la procédure de licenciement. Ils sont à l’origine de la mise à pied disciplinaire de deux jours infligée à Mme [S] [N] le 8 janvier 2018.
Le rapport remis à la société employeur par le CHSCT le 28 septembre 2018, soit après l’engagement de la procédure de licenciement et plus précisément le jour de l’entretien préalable fait état de faits nouveaux survenus depuis le dépôt de son précédent rapport, et portés à la connaissance du CHSCT le 20 juin 2018 et le 22 août 2018.
Il s’agit d’une part, d’une salariée en CDD qui a souhaité faire part de pressions exercées par Mme [A] [S] à son encontre; d’autre part, d’une autre salariée qui a souhaité témoigner des agissements qu’elle a constatés de la part de Mme [A] [S] rapportant, selon ses dires , les faits et gestes de ses collègues de travail durant leur prestation ainsi que ceux de la hiérarchie, mais également des vols de produits et de matériel appartenant à la société Atalian propreté Sud Ouest.
Les deux salariées qui ont témoigné devant le CHSCT contre Mme [S] ont souhaité que leur témoignage soit anonymisé.
Si le juge ne peut fonder sa décision uniquement ou de manière déterminante sur des témoignages anonymes, il peut néanmoins prendre en considération des témoignages anonymisés, c’est-à-dire rendus anonymes a posteriori afin de protéger leurs auteurs mais dont l’identité est néanmoins connue par l’employeur, lorsque ceux-ci sont corroborés par d’autres éléments permettant d’en analyser la crédibilité et la pertinence.
En l’espèce, la société employeur produit aux débats :
– un premier témoignage anonymisé daté du 24 septembre 2018 ainsi rédigé :
‘Objet : attestation de demande d’anonymat.
Je me permets de vous transmettre cette lettre concernant votre litige avec Mme [S].
Je tiens à vous dire que je vous ai écrit cette attestation afin de vous éclairer sur le sujet. En revanche, je souhaite l’entier anonymat pour la suite de vos procédures.
Je ne veux pas que mon nom soit cité et je ne désire pas que mon attestation soit divulguée.
Je souhaite garder cela confidentiel par peur de représailles. Mme [S], son mari et sa fille sont des personnes desquelles je préfère me tenir à l’écart. Je ne veux pas avoir de menaces ou de coups a posteriori.
J’espère que vous comprenez la demande et je crois en votre sincérité’ (pièce n° 36).
– un second témoignage anonymisé daté du 14 novembre 2018 ainsi rédigé :
‘ Je soussignée,XXX, vouloir récupérer mon attestation contre Mme [A] [S] par peur de représailles à mon encontre de cette dernière, suite à ses agissements dangereux’ (pièce n° 36).
Ces deux attestations ne font état d’aucun fait précis commis par l’appelante . La première d’entre elle précise qu’elle est rédigée à la demande de l’employeur, et concerne un litige entre ce dernier et Mme [S]. Ces attestations ne sont en outre pas corroborées par des éléments précis et concordants, postérieurs à ceux qui ont été purgés par la sanction disciplinaire de mise à pied de deux jours infligée à Mme [S], et en tout état de cause, datant de moins de deux mois avant l’engagement de la procédure de licenciement.
La société employeur fait également état d’un incident opposant Mme [VO] [G], salariée de la société Atalian Propreté Sud Ouest à Mme [S] [N] le 22 mai 2019, soit plusieurs mois après le licenciement de cette dernière. Cet incident, à supposer qu’il soit avéré, est sans rapport avec le litige.
Mme [S] [N] verse aux débats des attestations concordantes de salariés de la société Atalian Propreté Sud Ouest et de membres du personnel d’Airbus, qui attestent de son professionnalisme, de sa gentillesse et de sa rigueur (pièces n° 20 à 42). Elle n’a en outre jamais fait l’objet d’aucune mise en garde de l’employeur jusqu’au mois de juin 2016, soit pendant cinq ans.
Il résulte de l’ensemble des observations qui précèdent que la société Atalian Propreté Sud Ouest ne rapporte pas la preuve des griefs contenus dans la lettre de licenciement, de sorte que le licenciement de Mme [S] [N] doit être jugé, par infirmation sur ce point du jugement déféré, sans cause réelle et sérieuse.
– Sur la violation par la société employeur de son obligation de sécurité :
Il résulte des dépôts de plaintes et attestations versées aux débats qu’un litige d’ordre privé a opposé Mme [S] [N] à Mme [O], qui est à l’origine de la dégradation des conditions de travail sur le site d’Airbus, certaines salariées ayant pris le parti de Mme [O], et d’autres celui de Mme [S] [N].
L’employeur, informé de la situation, n’a pas pris de mesures préventives et actions immédiates, telles que le déplacement de la salariée sur un autre site, destinées à faire cesser un éventuel harcèlement ; ce faisant, il a manqué à son obligation de sécurité.
– Sur les conséquences du licenciement :
Mme [S] [N] a été licenciée sans cause réelle et sérieuse d’une entreprise employant plus de onze salariés, à l’âge de 51 ans et à l’issue de plus de 7 ans d’ancienneté. Elle a droit au paiement du salaire de la mise à pied conservatoire du 18 septembre au 4 octobre 2018, ainsi qu’à celui des indemnités de licenciement, de préavis et de congés payés y afférents à hauteur des sommes qu’elle réclame. Elle a droit également à des dommages et intérêts pour absence de cause réelle et sérieuse du licenciement que la cour estime devoir fixer, en application de l’article L. 1235-3 du code du travail, à la somme de 8 065,35 euros représentant l’équivalent de 5 mois de salaire brut.
Il convient également d’ordonner la remise par la société employeur à Mme [S] [N] des documents sociaux rectifiés (certificat de travail et attestation destinée à Pôle Emploi), ainsi que d’un bulletin de salaire récapitulant l’ensemble des condamnations prononcées, et ce dans un délai de trente jours à compter de la signification de l’arrêt. .
Conformément à l’article L. 1235-4 du code du travail, il y a lieu d’ordonner d’office le remboursement par la société Atalian Propreté Sud Ouest des indemnités chômage éventuellement payées à la salariée, dans la limite de trois mois d’indemnités.
– Sur les autres demandes:
La société Atalian Propreté Sud Ouest, qui succombe pour l’essentiel de ses prétentions, sera condamnée aux entiers dépens de première instance et d’appel et déboutée de sa demande au titre des frais irrépétibles.
Il serait en l’espèce inéquitable de laisser à la charge de Mme [S] [N] les frais exposés non compris dans les dépens ; il y a lieu de faire droit, en cause d’appel, à sa demande formée au titre de l’article 700 du code de procédure civile à hauteur d’une somme de 2 500euros.
PAR CES MOTIFS :
La cour, statuant publiquement, contradictoirement et en dernier ressort,
Infirme le jugement rendu par le conseil de prud’hommes de Toulouse le 4 mars 2021, sauf en ce qu’il a débouté Mme [A] [RB] [W] épouse [S] [N] de ses demandes formées au titre du harcèlement moral dont elle s’estimait victime de la part de ses collègues de travail sur son lieu de travail ;
Et, statuant de nouveau sur les points infirmés et y ajoutant :
Dit que la société employeur a manqué à son obligation de sécurité.
Dit que le licenciement de Mme [A] [RB] [W] épouse [S] [N] est dépourvu de cause réelle et sérieuse.
Condamne la société Atalian Propreté Sud Ouest à payer à Mme [A] [RB] [W] épouse [S] [N] les sommes suivantes :
*8 065,35 euros à titre des dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse.
*3.499,40 euros au titre de l’indemnité légale de licenciement,
*3.326,14 euros brut au titre de l’indemnité compensatrice de préavis,
* 333 euros brut au titre de l’indemnité compensatrice de congés payés afférente,
*324,60 euros au titre des rappels de salaires sur la mise à pied à titre conservatoire,
* 32,46 euros au titre de l’indemnité compensatrice de congés payés afférente.
Ordonne la remise par la société employeur à Mme [S] [N] des documents sociaux rectifiés (certificat de travail et attestation destinée à Pôle Emploi), ainsi que d’un bulletin de salaire récapitulant l’ensemble des condamnations prononcées, et ce dans un délai de trente jours à compter de la signification de l’arrêt.
Déboute Mme [S] [N] du surplus de ses demandes.
Ordonne le remboursement par la société Atalian Propreté Sud Ouest des indemnités chômage éventuellement payées à la salariée, dans la limite de trois mois d’indemnités.
Condamne la société Atalian Propreté Sud Ouest aux entiers dépens de première instance et d’appel.
Condamne la Sas Atalian Propreté Sud Ouest à payer à Mme [S] [N] la somme de 2 500 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile.
La déboute de sa demande formée à ce même titre.
Le présent arrêt a été signé par S. BLUM”, présidente et C. DELVER, greffière de chambre.
LA GREFFI’RE LA PR”SIDENTE
C. DELVER S. BLUM”
.