Licenciement disciplinaire : 5 janvier 2023 Cour d’appel de Rennes RG n° 19/07220

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Licenciement disciplinaire : 5 janvier 2023 Cour d’appel de Rennes RG n° 19/07220

8ème Ch Prud’homale

ARRÊT N°03

N° RG 19/07220 –

N° Portalis DBVL-V-B7D-QG76

Mme [R] [F]

C/

SAS NEOSTEO

Infirmation partielle

Copie exécutoire délivrée

le :

à :

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D’APPEL DE RENNES

ARRÊT DU 05 JANVIER 2023

COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DÉLIBÉRÉ :

Monsieur Rémy LE DONGE L’HENORET, Président de chambre,

Monsieur Philippe BELLOIR, Conseiller,

Madame Gaëlle DEJOIE, Conseillère,

GREFFIER :

Monsieur Philippe RENAULT, lors des débats et Madame Françoise DELAUNAY lors du prononcé

DÉBATS :

A l’audience publique du 09 Septembre 2022

devant Monsieur Rémy LE DONGE L’HENORET, magistrat rapporteur, tenant seul l’audience, sans opposition des représentants des parties, et qui a rendu compte au délibéré collégial

ARRÊT :

Contradictoire, prononcé publiquement le 05 Janvier 2023, date à laquelle a été prrorogé le délibéré successivement fixé aux 04, 24 Novembre et 15 Décembre précédents, par mise à disposition au greffe comme indiqué à l’issue des débats

****

APPELANTE :

Madame [R] [F]

née le 1er Décembre 1983 à [Localité 4] (56)

demeurant [Adresse 1]

[Localité 3]

Représentée par Me Tiphaine LE BERRE BOIVIN, Avocat postulant du Barreau de RENNES et ayant Me Sandrine PARIS de la SELARL ATALANTE AVOCAT, Avocat au Barreau de NANTES, pour conseil

INTIMÉE :

La SAS NEOSTEO prise en la personne de son représentant légal et ayant son siège social :

[Adresse 5]

[Localité 2]

Représentée par Me Marie VERRANDO de la SELARL LEXAVOUE RENNES ANGERS, Avocat postulant du Barreau de RENNES et ayant Me Emmanuel NIVARD, Avocat au Barreau de NANTES, pour conseil

Mme [R] [F] a été engagée par la SAS NEOSTEO – spécialisée dans la conception, le développement, la fabrication et la promotion d’implants orthopédiques innovants, destinés à permettre la consolidation de fractures osseuses le 3 septembre 2012 dans le cadre d’un contrat à durée indéterminée à temps partiel en qualité de responsable management de la qualité des affaires réglementaires, statut cadre, niveau 8.

Dans le dernier état des relations contractuelles régies par la Convention collective nationale de la fabrication et du commerce des produits à usage pharmaceutique, parapharmaceutique et vétérinaires, Mme [R] [F] percevait un salaire mensuel moyen de 2.924,93 € brut.

Le 30 août 2017, Mme [F] a été placée en arrêt de travail.

Le 24 octobre 2017, Mme [F] a fait l’objet d’une convocation à un entretien préalable à un éventuel licenciement auquel Mme [F] ne s’est pas présentée, avant d’être licenciée pour faute par courrier du 9 novembre 2017.

Son contrat de travail a pris fin à l’issue d’un préavis d’une durée de 3 mois, soit le 9 février 2018. Tous ses documents de fin de contrat lui ont alors été remis.

Le 30 mars 2018, Mme [F] a saisi le conseil de prud’hommes de Nantes aux fins de voir :

‘ Fixer le salaire mensuel moyen à 2.921,57 € (moyenne des 3 derniers mois),

‘ Déclarer le plafond d’indemnité du licenciement sans cause réelle et sérieuse non conforme à l’article 24 de la Charte sociale européenne révisée et de l’article 10 de la convention de l’OIT,

‘ Ecarter ce plafond au profit d’une appréciation souveraine du conseil de prud’hommes,

‘ Condamner la SAS NEOSTEO au paiement des sommes suivantes avec intérêts au taux légal à compter du jugement à intervenir, :

– 17.565,42 € à titre de dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,

– 8.764,71 € à titre de dommages-intérêts pour manquement à l’obligation de formation,

– 17.565,42 € à titre de dommages-intérêts pour manquement à l’obligation de sécurité,

– 17.565,42 € à titre de dommages-intérêts pour manquement à l’obligation de loyauté,

– 3.000 € au titre de l’article 700 du code de procédure civile,

‘ Ordonner l’exécution provisoire sur l’intégralité de la décision à intervenir,

‘ Condamner la partie défenderesse aux entiers dépens dont les frais d’exécution forcée par huissier.

La cour est saisie de l’appel formé par Mme [R] [F] le 29 octobre 2019 contre le jugement du 3 octobre 2019 notifié le 4 octobre 2019 par lequel le Conseil de prud’hommes de Nantes a :

‘ Dit que le licenciement de Mme [F] repose sur des causes réelles et sérieuses,

‘ Débouté Mme [F] de l’ensemble de ses demandes,

‘ Reçu la SAS NEOSTEO en sa demande reconventionnelle, mais l’en a déboutée,

‘ Condamné Mme [F] aux dépens éventuels.

Vu les écritures notifiées par voie électronique le 25 juillet 2022, suivant lesquelles Mme [F] demande à la cour de :

‘ Recevoir son appel et le dire bien fondé,

‘ Rejeter l’appel incident et le dire mal fondé,

‘ Réformer le jugement entrepris en ce qu’il a :

– Dit que le licenciement de Mme [F] repose sur des causes réelles et sérieuses,

– Condamné Mme [F] aux dépens,

– Débouté Mme [F] de ses demandes,

Statuant à nouveau,

‘ Fixer le salaire mensuel moyen de Mme [F] à la somme de 2.921,57 € (3 derniers mois),

‘ Débouter la SAS NEOSTEO de toutes ses demandes, fins et conclusions,

‘ Dire que le licenciement de Mme [F] est dénué de toute cause réelle et sérieuse,

‘ Dire que la SAS NEOSTEO a manqué à ses obligations de formation, de sécurité et de loyauté,

‘ Condamner la SAS NEOSTEO au paiement des sommes suivantes :

– 17.565,42 € à titre de dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,

– 8.764,71 € à titre de dommages-intérêts pour manquement à l’obligation de formation,

– 17.565,42 € à titre de dommages-intérêts pour manquement à l’obligation de sécurité,

– 17.565,42 € à titre de dommages-intérêts pour manquement à l’obligation de loyauté,

– 3.000 € au titre de l’article 700 du code de procédure civile, outre les entiers dépens dont frais d’exécution forcée par huissier,

‘ Condamnations assorties des intérêts au taux légal à compter de la décision à intervenir,

‘ Rejeter toutes demandes, fins et conclusions autres ou contraires aux présentes.

Vu les écritures notifiées par voie électronique le 25 mars 2020, suivant lesquelles la SAS NEOSTEO demande à la cour de :

‘ Déclarer Mme [F] irrecevable et en tout cas non fondé en son appel et en l’ensemble de ses demandes, fins et conclusions, l’en débouter,

‘ Confirmer dans son intégralité le jugement entrepris à l’exception du rejet de la demande formulée par la SAS NEOSTEO relative au paiement d’une somme de 3.000 € au titre de l’article 700 du code de procédure civile,

‘ Réformer le jugement sur ce point,

‘ Débouter Mme [F] de l’ensemble ses demandes, fins et conclusions,

‘ Dire que le licenciement de Mme [F] repose sur une cause réelle et sérieuse,

‘ Dire que la SAS NEOSTEO a respecté ses obligations de formation, de sécurité et de loyauté,

‘ Condamner Mme [F] à verser à la SAS NEOSTEO la somme de 3.000 € au titre de l’article 700 du code de procédure civile, outre les entiers dépens avec distraction au profit de l’avocat soussigné aux offres de droit.

La clôture de la procédure a été prononcée par ordonnance du 1er septembre 2022.

Pour un plus ample exposé des moyens et prétentions des parties la cour, conformément à l’article 455 du code de procédure civile, renvoie aux conclusions notifiées via le RPVA.

MOTIFS DE LA DÉCISION

Sur l’exécution du contrat de travail :

Pour infirmation et condamnation de son employeur au titre de ses manquements aux obligations de formation, de sécurité et de loyauté, Mme [R] [F] expose qu’elle n’a pas bénéficié des formations essentielles à l’exercice de ses fonctions ou sollicitées, qu’elle subissait une situation de surcharge de travail, un isolement, tout en étant de fait rétrogradée à des fonctions d’assistante dès lors que lui étaient retirées plusieurs tâches et responsabilités, tout en étant mise à l’écart des réunions avant de faire l’objet de reproches infondés.

La SAS NEOSTEO réfute les griefs que lui impute la salariée, faisant valoir qu’elle a respecté les obligations qui lui incombaient.

===

– Quant au manquement à l’obligation de formation :

L’article L6321-1 du Code du travail dans ses différentes versions applicables au litige dispose que ‘ L’employeur assure l’adaptation des salariés à leur poste de travail.

Il veille au maintien de leur capacité à occuper un emploi, au regard notamment de l’évolution des emplois, des technologies et des organisations.

Il peut proposer des formations qui participent au développement des compétences, ainsi qu’à la lutte contre l’illettrisme, notamment des actions d’évaluation et de formation permettant l’accès au socle de connaissances et de compétences défini par décret.

Les actions de formation mises en oeuvre à ces fins sont prévues, le cas échéant, par le plan de formation mentionné au 1° de l’article L. 6312-1. Elles peuvent permettre d’obtenir une partie identifiée de certification professionnelle, classée au sein du répertoire national des certifications professionnelles et visant à l’acquisition d’un bloc de compétences.’

En l’espèce, l’employeur produit au débat les tableaux de synthèse de formations suivies par les salariés, mettant en évidence qu’au titre de l’année 2012, Mme [F] avait suivi trois formations en interne pour un total de 6 heures dont 2 heures consacrées à la formation ‘Produit’ (Gammes Genou & Pied) et 3 heures consacrées à la formation ‘Système Qualité’, le 3 septembre 2012, 1 heure consacrée à la formation ‘Politique Qualité & Objectifs Qualité’, le 1er octobre 2012, qu’au titre de l’année 2013, la salariée avait bénéficié de 2 formations en interne pour un total de 6 heures dont 2 heures consacrées à la formation ‘Objectif Qualité’, le 11 février 2013 et 4 heures à la formation ‘Administration des ventes’ le 26 février 2013, qu’au titre de l’année 2015 et de l’année 2016, l’intéressée a suivi deux formations de sept heures dispensées par le laboratoire KEYBIO, la première consacrée à la ‘Validation de la stérilisation et des contrôles microbiologiques’ le 3 novembre 2015 et la seconde à la ‘Validation des méthodes analytiques en microbiologie’ le 4 février 2016.

Si l’employeur fait à juste titre remarquer qu’il n’avait pas l’obligation de former la salariée à de nouvelles compétences, il n’en demeure pas moins que dans le cadre de l’entretien d’évaluation de l’année 2016 réalisé le 6 janvier 2017, l’employeur soulignait que le contexte réglementaire s’était complexifié en 2016, en précisant que le ‘changement d’O.N. en 2016 n’a pas aidé à prendre la pleine mesure des changements réglementaires. Dans ce contexte particulier, quelques difficultés à suivre ces évolutions. Affaire réglementaire (Dossier hors CE), c’est une année très satisfaisante’.

Compte tenu de son propre constat relatif à l’évolution de la réglementation et de la difficulté à en prendre la mesure, l’employeur ne peut se prévaloir du fait que la rubrique concernant les besoins de formation soit intitulée ‘Quels types de formation semblent nécessaires dans l’avenir pour développer de nouvel compétence (sic)’ pour considérer que les formations ‘Nouvel ISO 13185″ et ‘Référentiel RDM’ n’étaient pas nécessaires à l’adaptation de la salariée à son emploi.

En outre, les documents produits par l’employeur montrent que depuis l’embauche de la salariée en 2012, sur les 26 heures de formation suivies dont 12 en interne, 4 heures de formation ont été consacrées à l’administration des ventes non directement liées à l’exercice de ses fonctions et seulement 6 heures à la Qualité que ne peuvent compenser les 14 heures de formation dispensées par le laboratoire KEYBIO, au regard du périmètre des attributions de la salariée et de l’évolution de la réglementation.

Il y a lieu par conséquent d’infirmer le jugement entrepris de ce chef et de juger que l’employeur a manqué à son obligation de formation et d’adaptation à l’emploi de Mme [R] [F].

Le préjudice direct qui en est résulté doit être évalué à la somme de 5.000 €.

– Quant au manquement à l’obligation de sécurité :

En application de l’article L.4121-1 du code du travail, l’employeur doit prendre les mesures nécessaires pour assurer la sécurité et protéger la santé physique et mentale des travailleurs.

Ces mesures comprennent :

1° Des actions de prévention des risques professionnels ;

2° Des actions d’information et de formation ;

3° La mise en place d’une organisation et de moyens adaptés.

L’employeur veille à l’adaptation de ces mesures pour tenir compte du changement des circonstances et tendre à l’amélioration des situations existantes.

L’article L.4121-3 du même code précise que l’employeur, compte tenu de la nature des activités de l’établissement, évalue les risques pour la santé et la sécurité des travailleurs, y compris dans le choix des procédés de fabrication, des équipements de travail, des substances ou préparations chimiques, dans l’aménagement ou le réaménagement des lieux de travail ou des installations et dans la définition des postes de travail. Cette évaluation des risques tient compte de l’impact différencié de l’exposition au risque en fonction du sexe.

A la suite de cette évaluation, l’employeur met en oeuvre les actions de prévention ainsi que les méthodes de travail et de production garantissant un meilleur niveau de protection de la santé et de la sécurité des travailleurs. Il intègre ces actions et ces méthodes dans l’ensemble des activités de l’établissement et à tous les niveaux de l’encadrement.

Lorsque les documents prévus par les dispositions réglementaires prises pour l’application du présent article doivent faire l’objet d’une mise à jour, celle-ci peut être moins fréquente dans les entreprises de moins de onze salariés, sous réserve que soit garanti un niveau équivalent de protection de la santé et de la sécurité des travailleurs, dans des conditions fixées par décret en Conseil d’Etat après avis des organisations professionnelles concernées.

Au soutien de ses prétentions à ce titre, la salariée fait essentiellement état d’échanges de courriels intervenus en 2014, 2015 et 2016 desquels elle entend déduire que sa surcharge de travail était connue mais également des circonstances d’un entretien à son retour de congé, ayant précédé son arrêt de travail.

Il ressort effectivement des documents produits que le retrait de son assistante a induit une charge de travail supplémentaire, conduisant notamment à dégager la salariée d’une demande concernant le Japon ou ait pu la conduire à travailler au delà de 20 heures ou de 23 heures, il n’en demeure pas moins qu’il s’agissait de circonstances ponctuelles ne permettant pas de considérer qu’elles procédaient d’un manquement de l’employeur à ce titre, la référence au travail nocturne dans un courriel édité à 18h20 n’étant pas plus significative à ce titre.

Il ressort certes du compte rendu d’évaluation de l’année 2014 que Mme [R] [F] demandait à être déchargée le plus rapidement des attributions relatives à l’administration des ventes et il est établi qu’elle a cumulé ces fonctions avec ses propres attributions de Responsable management Qualité jusqu’en janvier 2017, cependant l’intéressée indique elle-même au terme de cet entretien que les objectifs qui lui sont fixés paraissent réalistes et indique elle-même avoir été placée sous la subordination d’un Directeur Qualité à compter de janvier 2017.

A cet égard, il est par ailleurs constant que le 30 août 2017, Mme [F] a été placée en arrêt de travail à la suite d’une réunion du 29 août 2017 avec sa hiérarchie et la direction de la société à son retour de congé et qu’elle n’a jamais été en mesure de reprendre son poste avant d’être licenciée. Cependant, ces circonstances ne suffisent pas à elles seules à caractériser un manquement de l’employeur à son obligation de sécurité, quand bien même il n’est pas discuté que l’entretien ayant précédé son arrêt de travail ait pu durer deux heures et ce, nonobstant le placement de l’intéressée en affection longue durée.

De surcroît, la salariée ne rapporte aucun autre élément que le caractère injustifié des critiques formulées par les deux dirigeants de la société et son supérieur à son encontre lors de cet entretien, étant relevé que le départ simultané de son supérieur et d’un des dirigeants de la société dans les mois ayant suivi son licenciement est à cet égard dénué de portée.

Il y a lieu par conséquent de confirmer le jugement entrepris en ce qu’il a débouté Mme [R] [F] de la demande formulée à ce titre.

– Quant au manquement à l’obligation de loyauté :

En application des dispositions de l’article L. 1222-1 du Code du travail, le contrat de travail est présumé exécuté de bonne foi, de sorte que la charge de la preuve de l’exécution de mauvaise foi dudit contrat incombe à celui qui l’invoque.

En droit, le fait par l’employeur de confier au salarié de nouvelles fonctions résultant de la création d’un échelon hiérarchique intermédiaire induisant un déclassement du fait du retrait de l’essentiel de ses attributions, doit s’analyser en une modification du contrat de travail nécessitant son accord.

Mme [R] [F] invoque essentiellement la modification sans son accord de ses fonctions conduisant à sa rétrogradation, son isolement et son cantonnement dans l’exécution de tâches antérieurement dévolues à son assistante et au final son licenciement pour inexécution fautive de ses missions.

En l’espèce, la réorganisation à la faveur de la nomination de M. [K] est intervenue en janvier 2017 et la présence de la salariée figure toujours sur les documents produits aux débats qui concernent essentiellement les mois de janvier et de mars 2017, le tableau intitulé grille de polyvalence et compétence, mis à jour en juin 2017 (pièce 24 salariée) ne permettant pas à défaut d’être précisément explicité, de relever celles des 29 attributions dont le retrait au profit de M. [K] induirait la rétrogradation alléguée.

Ainsi, il n’est pas établi que Mme [F] qui indique qu’elle était chargée d’en établir les comptes-rendus, ne participait plus aux réunions du service Qualité et Affaires réglementaires avec la direction, que l’ensemble des audits précédemment effectués par elle étaient désormais gérés par M. [K] dès lors qu’aucun audit n’est intervenu entre la nomination de ce dernier et l’arrêt de travail de la salariée, que contrairement à ce que soutient la salariée, seule la tâche d’approbation des dossiers techniques a été transférée de M. [U] en qualité de Directeur technique à M. [K] en qualité de Directeur Qualité, l’intéressée conservant ses attributions de vérificateur sauf en ce qui concerne un dossier suivi par M. [E] (Pièce 41-annexe JB-5), qu’au même titre que M. [U], elle est demeurée suppléante pour la désignation des correspondants pour les matériovigilances et pour effectuer les déclarations nécessaires à la Qualité auprès des autorités françaises, l’identification de M. [K] comme titulaire en cohérence avec sa nomination en tant que Directeur Qualité, sans que pour autant soit établie la dépossession de Mme [R] [F] de ses attributions à ce titre.

S’agissant de l’attribution d’un bureau individuel à l’étage, l’argument de l’employeur selon lequel il aurait ainsi donné suite en janvier 2017 à une demande formulée par la salariée lors d’un entretien annuel d’évaluation en 2013 est certes audacieux, mais pour autant Mme [F] ne démontre pas en quoi, cette attribution même tardive procéderait à elle-seule d’une exécution déloyale de son contrat de travail et non pas une simple modification de ses conditions de travail, de même que la désignation de M. [K] comme personne à contacter en cas d’absence de la direction, s’agissant d’un personnel de direction, ne peut en soi caractériser une telle exécution, aucune attribution contractuelle de la salariée n’y faisant référence.

Il y a lieu en conséquence de confirmer le jugement entrepris de ce chef et de débouter Mme [R] [F] de la demande formulée à ce titre.

Sur la rupture du contrat de travail :

Pour infirmation et absence de cause réelle et sérieuses, Mme [F] entend contester les griefs qui lui sont imputés, arguant notamment de ce que les faits reprochés sont prescrits et qu’en toute hypothèse la sanction prononcée à son encontre est disproportionnée.

Mme [R] [F] fait en outre valoir que la lettre de licenciement n’est pas signée par le PDG de la société et que le défaut de justification du pouvoir de son signataire, ôte toute cause réelle et sérieuse au licenciement.

La SAS NEOSTEO réfute l’argumentation de la salariée, concernant la prescription de l’absence de cause réelle et sérieuse du licenciement de Mme [F] qui repose sur l’inexécution fautive de ses missions caractérisée par une défaillance dans l’exercice de ses fonctions consistant en des non-conformités graves du système de management de la qualité ainsi que de celles des dossiers techniques produits.

La SAS NEOSTEO ajoute que la lettre de licenciement est bien signée par son Dirigeant.

Selon l’article L.1235-1 du code du travail, en cas de litige relatif au licenciement, le juge, à qui il appartient d’apprécier la régularité de la procédure et le caractère réel et sérieux des motifs invoqués par l’employeur, forme sa conviction au vu des éléments fournis par les parties, au besoin après toutes mesures d’instruction qu’il estime utiles. Si un doute subsiste, il profite au salarié.

Ainsi l’administration de la preuve en ce qui concerne le caractère réel et sérieux des motifs du licenciement n’incombe pas spécialement à l’une ou l’autre des parties, l’employeur devant toutefois fonder le licenciement sur des faits précis et matériellement vérifiables.

En application des dispositions de l’article L1332-4 du Code du travail, aucun fait fautif ne peut, à lui seul, donner lieu à l’engagement de poursuites disciplinaires au delà de deux mois à compter du jour où l’employeur en a eu connaissance ; lorsqu’un fait fautif a eu lieu plus de deux mois avant le déclenchement des poursuites disciplinaires, il appartient à l’employeur de rapporter lui-même la preuve qu’il n’en a eu connaissance que dans les deux mois ayant précédé l’engagement de la procédure disciplinaire ; l’existence de faits commis dans cette période permet l’examen de faits plus anciens relevant du même comportement, reproduits dans la période.

Il résulte notamment de ces principes que seuls les faits dénoncés dans la lettre de licenciement doivent être pris en compte à condition qu’ils ne soient pas antérieurs de plus de deux mois à l’engagement de la procédure, exclusion faite de faits relevant éventuellement du même comportement s’ils n’ont pas été invoqués, exclusion faite plus encore de faits relevant d’un autre comportement, spécialement s’ils sont antérieurs de plus de deux mois

En l’espèce, il est établi que la SAS NEOSTEO a fait l’objet d’un audit du système de management de la qualité au cours du mois de décembre 2016 mettant en évidence des non conformités dont 5 majeures et 8 mineures conduisant à l’élaboration d’un plan d’action et à la justification des actions correctives mises en oeuvre ayant permis d’obtenir une ‘clerance lettre’.

Par ailleurs, selon les éléments produits, les cinq dossiers techniques concernant l’attribution ou le renouvellement de la certification CE aux produits de la société adressés le 14 décembre 2016 à l’organisme notifié, ont fait l’objet d’un retour de cet organisme le 23 octobre 2017 mettant en évidence 38 non conformités.

Toutefois, l’employeur ne répond pas autrement aux objections de la salariée et n’apporte aucun élément permettant de justifier que l’examen ait pu être réalisé au bout de dix mois en une semaine et ne produit aucun élément permettant d’identifier dans les documents émanant de l’organisme notifié, la moindre information relative à l’exécution de l’expertise entre le 16 et le 20 octobre 2016 comme l’indique la lettre de licenciement, de sorte que l’employeur ne démontre pas que ce retour n’ait pas été différé à dessein pour faire échec à une éventuelle prescription, autrement acquise s’agissant des manquements imputés à ce titre à la salariée au 24 octobre 2017.

En outre, la lettre de licenciement se borne à analyser 5 non conformités à des normes EN ISO sur 38, alors que la carence de la salariée concernant l’identification et la maîtrise des normes applicables ainsi que la méthodologie de validation des procédés, en particulier concernant le packaging également relevé par l’organisme notifié, était déjà pointé par M. [W] [K] le 4 août 2017.

Dans ces conditions, la salariée est fondée à opposer à l’employeur qui a fait le choix d’engager une procédure de licenciement disciplinaire la prescription de deux mois acquise au 24 octobre 2017.

Par voie de conséquence, les éventuels manquements concernant l’audit réalisé en décembre 2016 étaient prescrits au 24 octobre 2017, étant relevé que les éléments produits au débat non détaillés concernant les non conformités relevées lors de l’audit de décembre 2016 et rapidement corrigées au point que M. [K] ait pu rassurer Mme [R] [F] sur leur conséquence, ne permettent pas de considérer qu’elles étaient de même nature que celles notifiées le 23 octobre 2017.

Sur les conséquences de la rupture :

En droit français, si le licenciement est dénué de cause réelle et sérieuse, le juge peut proposer la réintégration du salarié dans l’entreprise. Lorsque la réintégration est refusée par l’une ou l’autre des parties, le juge octroie au salarié une indemnité à la charge de l’employeur dans les limites de montants minimaux et maximaux. Le barème prévu par l’article L. 1235-3 du code du travail est écarté en cas de nullité du licenciement, par application des dispositions de l’article L.1235-3-1 du même code. Il s’en déduit que les dispositions de l’article L. 1235-3 du code du travail, qui fixent un barème applicable à la détermination par le juge du montant de l’indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, sont compatibles avec les stipulations de l’article 10 de la Convention n° 158 de l’OIT, il y a lieu par conséquent de débouter Mme [R] [F] de sa demande d’infirmation relative à la non conformité du plafond d’indemnité du licenciement sans cause réelle et sérieuse à l’article 24 de la Charte sociale européenne et de l’article 10 de la Convention de l’OIT.

Dans ces conditions et compte tenu de l’effectif du personnel de l’entreprise, de la perte d’une ancienneté de 5 ans et 2 mois pour une salariée âgée de 34 ans ainsi que des conséquences matérielles et morales du licenciement à l’égard de la salariée qui justifie de son inscription à Pôle emploi jusqu’à la fin du mois de mai 2020 ainsi que cela résulte des pièces produites et des débats, il lui sera alloué, en application de l’article L. 1235-3 du Code du travail dans sa rédaction postérieure à l’ordonnance n°2017-1387 du 22 septembre 2017 une somme de 14.000 € net à titre de dommages-intérêts ;

Sur le remboursement ASSEDIC

En application de l’article L.1235-4 du Code du travail, dans les cas prévus aux articles L.1235-3 et L.1235-11, le juge ordonne le remboursement par l’employeur fautif aux organismes intéressés de tout ou partie des indemnités de chômage versées au salarié licencié, du jour de son licenciement au jour du jugement prononcé, dans la limite de six mois d’indemnités de chômage par salarié intéressé. Ce remboursement est ordonné d’office lorsque les organismes intéressés ne sont pas intervenus à l’instance ou n’ont pas fait connaître le montant des indemnités versées

Les conditions d’application de l’article L 1235-4 du Code du travail étant réunies en l’espèce, le remboursement des indemnités de chômage par l’employeur fautif, est de droit ; ce remboursement sera ordonné tel qu’il est dit au dispositif ;

Sur l’article 700 du Code de procédure civile

Les éléments de la cause et la situation économique respective des parties justifient qu’il soit fait application de l’article 700 du code de procédure civile dans la mesure énoncée au dispositif ; la société appelante doit être déboutée de sa demande formulée à ce titre et condamnée à indemniser la salariée des frais irrépétibles qu’elle a pu exposer pour assurer sa défense en cause d’appel.

PAR CES MOTIFS,

LA COUR,

Statuant en dernier ressort et par arrêt contradictoire mis à la disposition des parties au greffe,

INFIRME partiellement le jugement entrepris,

et statuant à nouveau,

DÉCLARE le licenciement de Mme [R] [F] dépourvu de cause réelle et sérieuse,

CONDAMNE la SAS NEOSTEO à payer à Mme [R] [F] :

– 14.000 € net à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse;

– 5.000 € net à titre de dommages et intérêts pour manquement à l’obligation de formation;

RAPPELLE que les sommes à caractère indemnitaire porteront intérêts au taux légal à compter de la décision qui les alloue ;

CONFIRME le jugement entrepris pour le surplus,

et y ajoutant,

CONDAMNE la SAS NEOSTEO à payer à Mme [R] [F] 2.500 € en application de l’article 700 du code de procédure civile,

DÉBOUTE la SAS NEOSTEO de sa demande fondée sur les dispositions de l’article 700 du code de procédure civile,

ORDONNE le remboursement par la SAS NEOSTEO à l’organisme social concerné des indemnités de chômage payées à Mme [R] [F] dans les limites de quatre mois en application de l’article L 1235-4 du code du travail.

CONDAMNE la SAS NEOSTEO aux entiers dépens de première instance et d’appel,

LE GREFFIER, LE PRÉSIDENT.

 


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