Licenciement disciplinaire : 5 janvier 2023 Cour d’appel d’Amiens RG n° 21/02965

·

·

Licenciement disciplinaire : 5 janvier 2023 Cour d’appel d’Amiens RG n° 21/02965

ARRET

S.A.R.L. MIDEL

C/

[J]

copie exécutoire

le 05 janvier 2023

à

Me Carpentier

Me Pierlot

CB/MR

COUR D’APPEL D’AMIENS

5EME CHAMBRE PRUD’HOMALE

ARRET DU 05 JANVIER 2023

*************************************************************

N° RG 21/02965 – N° Portalis DBV4-V-B7F-ID6U

JUGEMENT DU CONSEIL DE PRUD’HOMMES – FORMATION PARITAIRE DE LAON DU 18 MAI 2021 (référence dossier N° RG 20/00008)

PARTIES EN CAUSE :

APPELANTE

S.A.R.L. MIDEL agissant poursuites et diligences de son représentant légal domicilié en cette qualité audit siège :

[Adresse 3]

[Localité 2]

concluant par Me Nathalie CARPENTIER de la SCP ANAJURIS, avocat au barreau de SAINT-QUENTIN

ET :

INTIME

Monsieur [G] [J]

[Adresse 4]

[Localité 1]

représenté et concluant par Me Jean-Yves PIERLOT, avocat au barreau de LAON substitué par Me Maureen PUPIN, avocat au barreau D’AMIENS

DEBATS :

A l’audience publique du 27 octobre 2022, devant Madame Corinne BOULOGNE, siégeant en vertu des articles 786 et 945-1 du code de procédure civile et sans opposition des parties, l’affaire a été appelée.

Madame [I] [H] indique que l’arrêt sera prononcé le 05 janvier 2023 par mise à disposition au greffe de la copie, dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile.

GREFFIERE LORS DES DEBATS : Mme Malika RABHI

COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DELIBERE :

Madame [I] [H] en a rendu compte à la formation de la 5ème chambre sociale, composée de :

Mme Corinne BOULOGNE, présidente de chambre,

Mme Caroline PACHTER-WALD, présidente de chambre,

Mme Eva GIUDICELLI, conseillère,

qui en a délibéré conformément à la Loi.

PRONONCE PAR MISE A DISPOSITION :

Le 05 janvier 2023, l’arrêt a été rendu par mise à disposition au greffe et la minute a été signée par Mme Corinne BOULOGNE, Présidente de Chambre et Mme Malika RABHI, Greffière.

*

* *

DECISION :

M. [J] a été embauché par contrat à durée indéterminée le 28 décembre 2013 par la société Groupe vaillance sécurité, en qualité d’agent de sécurité.

Un avenant est intervenu dans le cadre d’un transfert du contrat de travail au profit de la société Midel conclu le 27 mars 2018, dans le cadre d’une reprise du personnel.

Le contrat est régi par la convention collective nationale des entreprises de prévention et de sécurité.

La société compte un effectif de 45 salariés.

Par courrier recommandé en date du 28 août 2018, M. [J] s’est vu notifier un avertissement par son employeur.

Le salarié a été convoqué à un entretien préalable qui s’est déroulé le 30 avril 2019.

Par courrier en date du 6 mai 2019, il a été licencié pour faute grave dans les termes suivants :

Nous avons eu à déplorer de votre part des agissements constitutifs d’une faute grave.

Le 31 mars 2019, vous étiez chargé de surveiller le circuit automobile de [Localité 5].

Or et pendant votre temps de travail, il y a eu une coupure d’électricité, ceci jusque 19 heures 45.

Le site a donc été privé d’alarme et de vidéosurveillance pendant une journée entière.

Toutefois, vous n’avez pas pris la peine de prévenir ni la direction ni le client.

Ainsi et après avoir découvert l’incident. ce dernier nous a contacté afin de nous faire part de son mécontentement.

Sachez que nous ne pouvons pas tolérer une telle négligence, ceci d’autant plus eu égard à votre poste de travail.

Cette conduite met en cause la bonne marche de la société et aucun élément ou justification n’ a pu nous être apportée de nature à modifier notre appréciation des faits. Nous vous informons que nous avons, en conséquence, décidé de vous licencier pour faute grave.

Compte-tenu de la gravité de celle-ci, votre maintien dans l’entreprise s’avère impossible; le licenciement prend donc effet immédiatement et votre solde de tout compte sera arrêté à la date de la présente, sans indemnité de préavis ni de licenciement.

Vous pourrez vous présenter à réception de la présente au bureau de la Direction pour percevoir les sommes restant dues au titre du salaire et d’indemnité de congés payés et retirer votre certificat de travail et votre attestation Pôle Emploi.

Ce n’est d’ailleurs pas la première fois que la société a à vous reprocher des faits fautifs autres que ceux conduisant à la présence de sanction.

En effet nous vous avons déjà été contraints de vous notifier un avertissement le 28 août 2018 car votre responsable qualité, Monsieur [V], vous a surpris en train de dormir dans le véhicule mise à votre disposition, sur le site de [Localité 5] ceci pendant vos heures de travail.

En outre, nous vous demandons de bien vouloir restituer à la société tout matériel en votre possession nous appartenant et notamment blouson, polo et pantalon.

De plus, nous tenons à vous informer qu’en conformité avec le règlement général pour la Protection des Données (RGPD), l’ensemble des éléments de votre dossier salarié sera détruit dans un délai de cinq ans à compter de ce jour.

Passé ce délai. il ne sera plus possible de vous fournir de documents concernant votre activité au sein de notre entreprise.

Enfin vous pouvez faire une demande de précision de motifs du licenciement énoncés dans la présente lettre, dans les quinze jours suivant sa notification par lettre recommandée avec avis de réception ou remise contre récépissé.

Par requête du 23 janvier 2020, M. [J] a saisi le conseil de prud’hommes de Laon qui par jugement du 18 mai 2021, a :

– annulé l’avertissement adressé à M. [J] le 28 août 2018 ;

– dit et jugé que M. [J] n’avait pas commis de faute grave ;

– requalifié le licenciement notifié le 18 avril 2019 à M. [J] en licenciement pour faute réelle et sérieuse ;

– condamné la société Midel à payer à M. [J] la somme de 2 276,50 euros au titre de l’indemnité de licenciement ;

– condamné la société Midel à payer à M. [J] la somme de 13 311,28 euros au titre de l’indemnité compensatrice de préavis et la somme de 331,13 euros au titre des congés payés afférents ;

– condamné la société Midel à payer à M. [J] la somme de 608,50 euros au titre de la mise à pied conservatoire ;

– débouté M. [J] de sa demande au titre de sa demande de dommages et intérêts au titre d’un licenciement abusif ;

– débouté M. [J] de sa demande des intérêts au taux légal à compter de la notification de la convocation adressée à la société Midel à se présenter devant le bureau d’orientation et de conciliation ;

– débouté les parties de leur demande sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile ;

– dit que chacune des parties gardait la charge de ses propres dépens.

Ce jugement a été notifié le 20 mai 2021 à la société Midel qui en a relevé appel le 9 juin 2021.

M. [J] a constitué avocat le 4 octobre 2021

Par dernières conclusions récapitulatives communiquées par voie électronique le 24 août 2022, la société Midel prie la cour de :

– infirmer le jugement entrepris en ce qu’il annule l’avertissement notifié le 28 août 2018 ;

– dire que le licenciement repose sur une faute grave et dire bien fondée la mesure de mise à pied conservatoire ;

En conséquence,

– infirmer le jugement entrepris en ce qu’il requalifie le licenciement prononcé en licenciement sans cause réelle et sérieuse et l’a condamnée à payer à M. [J] les sommes de :

– 2 276,50 euros au titre de l’indemnité de licenciement ;

– 13 311,28 euros au titre de l’indemnité compensatrice de préavis outre 331,13 euros au titre des congés payés y afférents ;

– 608,50 euros au titre de la mise à pied conservatoire ;

– débouter M. [J] de l’ensemble de ses demandes, fins et prétentions et le condamner à lui payer la somme de 2 000 euros au titre des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile ;

En tout état de cause et si par extraordinaire la cour de céans estimait devoir écarter la faute grave,

– confirmer le jugement entrepris en ce qu’il requalifie les faits reprochés à M. [J] en cause réelle et sérieuse et, en ce qu’il le déboute de sa demande de dommages et intérêts au titre d’un licenciement abusif, de sa demande d’intérêt au taux légal à compter de la notification de la convocation adressée à l’encontre de la société à se présenter devant le bureau d’orientation et de conciliation et de sa demande d’article 700 du code de procédure civile ;

– débouter en tout état de cause M. [J] de tout éventuel appel incident qui tendrait à voir infirmer le jugement entrepris en ce qu’il dit son licenciement fondé ni sur une cause réelle et sérieuse et sollicite les indemnités des dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse et autres demandes financières ;

– condamner M. [J] à lui payer la somme de 3 000 euros au titre des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile et aux entiers dépens au titre des frais irrépétibles d’appel.

Par dernières conclusions récapitulatives et responsives communiquées par voie électronique le 14 octobre 2022, M. [J] prie la cour de :

– le dire et le juger recevable et bien fondé en son appel incident ;

Y faisant droit,

– infirmer le jugement en ce qu’il :

– a requalifié le licenciement notifié le 18 avril 2019 en licenciement pour faute réelle et sérieuse ;

– l’a débouté de sa demande des intérêts au taux légal à compter de la notification de la convocation adressée à la société Midel à se présenter devant le bureau d’orientation et de conciliation ;

– a débouté les parties de leur demande sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile ;

– a dit que chacune des parties gardait la charge de ses propres dépens.

Et statuant de nouveau,

– dire et juger que la société Midel ne rapporte pas la preuve de l’existence d’une faute grave à son encontre, ni d’une cause réelle et sérieuse ;

En conséquence,

– dire et juger que le licenciement pour faute grave notifié le 18 avril 2019 est dépourvu de cause réelle et sérieuse ;

– condamner la société Midel à lui payer les sommes suivantes :

– 13 245,12 euros à titre de dommages-intérêts pour licenciement abusif correspondant à 8 mois de salaire ;

– dire et juger que l’ensemble des indemnités de rupture qui relève de la loi porteront intérêts au taux légal à compter de la notification de la convocation adressée à la société Midel à se présenter devant le bureau d’orientation et de conciliation ;

– confirmer le jugement pour le surplus en ce qu’il a :

– prononcé la nullité de l’avertissement du 28 août 2018 ;

– condamné la société Midel à lui payer les somme suivantes :

– 2 276,50 euros au titre de l’indemnité de licenciement ;

– 3 311,28 euros au titre de l’indemnité compensatrice de préavis,

– 331,13 euros au titre des congés payés y afférents ;

– 608,50 euros au titre de la mise à pied à titre conservatoire injustifiée ;

En tout état de cause,

– débouter la société Midel de l’ensemble de ses demandes ;

– condamner la société Midel à lui payer la somme de 2 400 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile ainsi qu’aux entiers dépens.

L’ordonnance de clôture a été rendue le 19 octobre 2022 et l’affaire fixée à l’audience de plaidoirie du 27 octobre 2022.

MOTIFS

Sur l’exécution du contrat de travail

M. [J] sollicite l’annulation de l’avertissement qui lui a été infligé le 28 août 2018 précisant qu’il avait déjà contesté son bien fondé lorsqu’il lui avait été adressé mais n’avait pas reçu de réponse de l’employeur, que la sanction a été fondée sur le témoignage de son collègue M. [V], arrivant à la barrière côté PC sécurité qui l’aurait vu se lever de la voiture Midel alors qu’il y aurait dormi pendant les heures de travail ; il soutient qu’il était dans le véhicule de service car il s’apprêtait à faire sa ronde et que M. [V] étant à 150 mètres il n’a pu voir ce qui se passait à l’intérieur.

Il argue que le cahier de consignes produit en appel n’est pas probant, qu’il ne se rappelle pas l’avoir signé, que la date de la signature est de toute façon postérieure à l’avertissement.

La société Midel fait valoir que le règlement intérieur précise que dormir ou sommeiller constitue une faute de 4eme catégorie pour manquement aux règles d’exécution du service, que la motivation du conseil de prud’hommes pour prononcer l’annulation de l’avertissement est surprenante car M. [J] avait reconnu dans sa lettre de contestation qu’il se trouvait dans le véhicule de service pour se livrer à d’autres occupations que la surveillance et avoir donné à ce sujet des explications divergentes ; que M. [V] a régularisé un témoignage circonstancié qu’il a complété alors qu’elle produit une photographie explicite des lieux pour justifier de la sanction.

Sur ce

Le salarié peut contester la mesure disciplinaire prise à son encontre par son employeur.

En application de l’article L. 1333-1 du code du travail, le juge prud’homal apprécie en cas de litige la régularité de la procédure suivie et si les faits reprochés au salarié sont de nature à justifier une sanction.

L’employeur fournit au conseil de prud’hommes les éléments retenus pour prendre la sanction.

Au vu de ces éléments et de ceux qui sont fournis par le salarié à l’appui de ses allégations, le conseil de prud’hommes forme sa conviction après avoir ordonné, en cas de besoin, toutes les mesures d’instruction qu’il estime utiles. Si un doute subsiste, il profite au salarié.

En l’espèce, la société a infligé un avertissement au salarié car il se serait endormi dans le véhicule de service pendant les heures de surveillance.

M. [V], responsable qualité atteste s’être rendu sur le site de [Localité 5] le dimanche 19 août 2018 où travaillait M. [J] car certains de ses collègues avaient signalé qu’il n’effectuait pas correctement ses missions ; qu’arrivé à la barrière de sécurité il a attendu 10 minutes l’arrivée de l’agent de sécurité et que ne voyant personne il l’a appelé avec le téléphone portable, qu’à sa surprise il a vu l’agent se lever de la voiture de service garée prêt du site, que celui-ci dormait puisqu’il ne l’avait pas entendu arriver et avait attendu 10 minutes en vain, qu’il aurait pu se produire une intrusion sans qu’il s’en aperçoive.

M. [J] a contesté cette version en affirmant que la voiture était stationnée à 150 mètres de la barrière rendant impossible toute visibilité sur l’intérieur du véhicule. L’employeur verse aux débats une photographie, dont la prise de vue n’est pas contestée, qu’elle ait été effectuée de la barrière d’entrée du site et qui permet de visualiser le parking de stationnement des véhicules. Celui-ci est nettement visible de la barrière et M. [J] installé dans un véhicule pouvait parfaitement être vu de cet endroit.

Or la proximité du parking avec la barrière aurait du nécessairement l’alerter sur l’arrivée d’un visiteur et il n’explique pas la raison pour laquelle il n’a réagi que 10 minutes après que M. [V] se soit arrêté à la barrière et qu’il l’ait appelé au téléphone portable. Dès lors la seule conclusion possible est que le salarié était endormi dans le véhicule et n’avait pu ni voir ni entendre M. [V] arriver.

Enfin il importe peu que le cahier de consignes ait été signé après la survenance de l’avertissement puisque la nature du poste occupé qui est celle d’agent de sécurité est d’assurer la surveillance des lieux confiés et par essence de ne pas s’endormir sur le site.

Dans ces conditions, la sanction apparaît justifiée et proportionnée aux agissements reprochés et il convient par application des dispositions de l’article L 1333-2 du code du travail, par infirmation du jugement, de débouter M. [J] de sa demande d’annulation.

Sur la rupture du contrat de travail

Sur le licenciement

M. [J] conteste la faute grave qui lui est reprochée arguant que l’employeur est défaillant sur la preuve, que le règlement intérieur comporte des pages manquantes ne permettant pas d’apprécier les limites du pouvoir disciplinaire de la société, que la simple production d’une photographie d’un panneau d’affichage est insuffisante à prouver que l’employeur a rempli ses obligations en la matière et lui est inopposable et que le témoignage de M. [E] doit être écarté car il ne le connaît pas.

Il soutient que le courrier de convocation à l’entretien préalable ne mentionne pas que la sanction envisagée serait un licenciement, qu’il conteste la faute reprochée car il avait contacté M. [P] lorsqu’il a entendu l’alarme sonner au matin mais qu’il lui a donné pour consigne d’appeler M. [D] si elle persistait, que celle-ci s’étant éteinte il ne pouvait pas savoir que l’électricité était coupée et a continué normalement ses rondes jusqu’à 19 h45, heure à laquelle l’alarme s’est remise à sonner ; que l’attestation de M. [Z] n’a pas de valeur probante car il occupe le poste de directeur et a été l’interlocuteur lors de l’entretien de licenciement.

La société Midel rétorque que lorsqu’une anomalie est relevée sur un site, l’agent de sécurité doit en informer la direction, le service maintenance pour intervention si nécessaire et qu’elle doit être renseignée sur une main courante manuscrite, que le conseil de prud’hommes a motivé étrangement le jugement car la lettre de licenciement qui fixe les limites du litige reproche au salarié non de ne pas avoir su couper l’alarme ni su qu’elle avertissait d’une coupure générale de courant mais de ne pas avoir enclenché l’alerte de la permanence sécurité puis la direction et enfin la cliente et ce dès la première sonnerie, puis la seconde à supposer qu’elle se soit arrêtée entre les deux sans intervention humaine.

Elle rapporte que le salarié a oublié de préciser qu’il avait signalé l’alarme déclenchée entre 8 et 9 heures à son collègue M. [P] qui n’est pas une des 5 personnes mentionnée sur le cahier de sécurité et n’était pas de permanence et qui atteste lui avoir dit de contacter M. [D] ce qu’il n’a pas fait, qu’il n’a pas mentionné sur la fiche d’incident l’appel téléphonique du matin à M. [P], qu’étrangement l’alarme se serait déclenchée à nouveau en soirée un quart d’heure avant l’arrivée de son collègue, qu’il ne s’est pas aperçu pendant toute la journée de la coupure générale d’électricité affectant d’ailleurs la vidéosurveillance du site.

Sur ce

Pour que le licenciement disciplinaire soit justifié, l’existence d’une faute avérée et imputable au salarié doit être caractérisée.

La faute grave s’entend d’une faute constitutive d’un manquement tel qu’il rend impossible la poursuite du contrat de travail et qui rend impossible le maintien du salarié dans l’entreprise.

La preuve des faits constitutifs de faute grave incombe à l’employeur et à lui seul et il appartient au juge du contrat de travail d’apprécier au vu des éléments de preuve figurant au dossier si les faits invoqués dans la lettre de licenciement sont établis, imputables au salarié, et s’ils ont revêtu un caractère de gravité suffisant pour justifier l’éviction immédiate du salarié de l’entreprise.

Selon l’article L. 1235-1 du code du travail, si un doute subsiste, il profite au salarié.

Le licenciement de M. [J] est fondé sur une faute qualifiée de grave, à savoir qu’il n’a averti ni la direction ni le client d’une coupure d’électricité survenue en début de matinée et ceci jusqu’à 19 heures 45, privant le site d’alarme et de vidéosurveillance pendant une journée entière.

La cour observe que dans un premier courrier de convocation à un entretien préalable daté du 4 avril 2019 l’employeur a indiqué à « objet : entretien préalable à une éventuelle sanction disciplinaire pouvant aller jusqu’au licenciement » puis dans un second courrier du 18 avril 2019 a précisément indiqué « nous sommes amenés à envisager à votre égard une mesure de licenciement. »

Le règlement intérieur affiché sur le tableau d’information édicte que « le personnel de surveillance qui constate pendant ses rondes ou en dehors de celles-ci un incident quelconque ou un phénomène anormal dans les locaux dont il a la charge, doit s’en inquiéter immédiatement et donner l’alerte en appliquant les consignes générales et particulières à sa disposition. M. [E], délégué du personnel a attesté que l’exemplaire produit devant la cour correspond à celui qui est affiché dans les locaux de l’entreprise et dont une photographie est produite à la procédure. La cour observe que le salarié prétend qu’il lui est inconnu, mais il ne rapporte pas la preuve que ce témoignage émanerait d’une personne ne faisant pas partie du personnel comme il le soutient.

L’employeur verse aux débats le témoignage de M. [P] qui indique avoir reçu un appel téléphonique de M. [J] un dimanche entre 8 et 9 heures qui voulait savoir comment couper l’alarme qui s’était déclenchée suite à une coupure électrique, qu’il lui a alors conseillé de contacter M. [D] qui est le responsable technique, que ce dernier est arrivé le soir alors qu’il n’y avait pas d’électricité et n’avait pas été prévenu auparavant. Il précise que la consigne est qu’en cas d’anomalie les agents de sécurité doivent prévenir M. [D] responsable et domicilié près du site de [Localité 5].

Le témoignage de M. [Z] directeur est recevable car en matière prud’homale la preuve est libre et présente des garanties suffisantes pour permettre à la cour de se forger une conviction sur la valeur et la portée des éléments qu’il contient et ne saurait être écartées au seul motif qu’il s’agit du directeur.

Il atteste qu’il n’avait pas été informé du déclenchement de l’alarme le 31 mars 2019, que le site s’étend sur plusieurs hectares et est équipé d’une vidéosurveillance, la présence d’un agent de sécurité étant insuffisante, qu’il n’a été informé de l’alarme que le soir par M. [T] (qui a succédé au poste à M. [J] à 20 heures).

Le cahier de consignes daté du 30 avril 2018 indique que l’agent de sécurité doit détecter les anomalies et comportements suspects et prévenir le client et la permanence Midel de toute anomalie survenue sur le site.

Si M. [J] conteste ce document il ne conteste pas la signature entourée en bas de dernière page, cet exemplaire étant daté du 11 janvier 2019.

En tout état de cause le travail d’un agent de sécurité est d’assurer la sécurité du site surveillé et le déclenchement de l’alarme l’avait amené à téléphoner à M. [P], il considérait donc qu’une anomalie s’était produite, qui lui avait bien spécifié de contacter M. [D]. Il est constant qu’il n’a pas suivi cette consigne, que s’il ne peut lui être reproché de ne pas avoir rétablit l’électricité coupée il peut être reproché de ne pas avoir informé l’employeur du déclenchement de l’alarme.

L’explication du salarié soutenant que l’alarme signifiait pour lui non une coupure électrique mais une intrusion requiert d’autant plus la transmission de cette information à l’employeur. Dès lors peu importe que la cause de l’alarme soit une intrusion ou une coupure électrique, à fortiori en suivant son raisonnement il se devait d’informer sa hiérarchie.

Par ailleurs la feuille de présence remplie par le salarié ne mentionne pas la mise en route de l’alarme dans la matinée mais seulement son déclenchement à 19h45 à son retour de ronde, son collègue arrivé à 20 heures constatant qu’il n’y a plus d’électricité et contacte M. [D].

Enfin il est particulièrement surprenant que le salarié qui occupe le poste de garde du site entre ses rondes ne se soit pas aperçu de la coupure générale d’électricité affectant d’ailleurs la vidéosurveillance du site qui était de fait hors circuit.

Les pièces et documents versés aux débats permettent de tenir établi le grief constitutif de faute grave énoncé dans le lettre de notification du licenciement, par infirmation du jugement la cour déboutera M. [J] de sa demande en contestation du bien fondé du licenciement pour faute grave.

Sur les conséquences du licenciement

La cour ayant jugé que le licenciement reposait sur une faute grave, le salarié doit par conséquent être débouté de sa demande de dommages et intérêts pour licenciement illégitime ainsi que de ses prétentions relatives aux indemnités de rupture, indemnité compensatrice de préavis et indemnité légale ( ou conventionnelle ) de licenciement et au paiement de la période de mise à pied conservatoire.

Le jugement étant infirmé sur ce point.

Sur les demandes annexes

M. [J] succombant est condamné aux dépens pour l’ensemble de la procédure, et le jugement déféré est infirmé en ce qu’il a laissé à chacune des parties la charge de ses propres dépens .

Il n’apparaît pas inéquitable de laisser à la charge de la société Midel les frais qu’elle a exposés pour la procédure d’appel dans laquelle elle était intimée. Elle est déboutée de sa demande sur le fondement des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile.

Il n’apparaît pas inéquitable de laisser à la charge de M. [J] les frais qu’il a exposé pour la procédure d’appel qu’il a initiée. Il est débouté de sa demande sur le fondement des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS

La cour statuant contradictoirement et en dernier ressort, par arrêt mis à disposition au greffe,

Infirme le jugement rendu le 18 mai 2021 par conseil de prud’hommes de Laon sauf en ce qu’il a débouté M. [J] de sa demande sur le fondement des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile

Statuant à nouveau

Déboute M. [J] de sa demande d’annulation de l’avertissement qui lui a été infligé le 28 août 2018

Dit que le licenciement de M. [J] est fondé sur une faute grave

Déboute M. [J] de ses demandes indemnitaires pour licenciement sans cause réelle et sérieuse

Y ajoutant

Déboute les parties de leurs demandes respectives sur le fondement des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile

Condamne M. [J] aux dépens de l’ensemble de la procédure.

LA GREFFIERE, LA PRESIDENTE.

 


0 0 votes
Évaluation de l'article
S’abonner
Notification pour
guest
0 Commentaires
Le plus ancien
Le plus récent Le plus populaire
Commentaires en ligne
Afficher tous les commentaires
Chat Icon
0
Nous aimerions avoir votre avis, veuillez laisser un commentaire.x