Licenciement disciplinaire : 24 janvier 2023 Cour d’appel de Grenoble RG n° 21/00881

·

·

Licenciement disciplinaire : 24 janvier 2023 Cour d’appel de Grenoble RG n° 21/00881

C4

N° RG 21/00881

N° Portalis DBVM-V-B7F-KYFV

N° Minute :

Copie exécutoire délivrée le :

la SELARL BAUDELET PINET

Me Arnaud GANANCIA

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D’APPEL DE GRENOBLE

Ch. Sociale -Section A

ARRÊT DU MARDI 24 JANVIER 2023

Appel d’une décision (N° RG F 19/00053)

rendue par le Conseil de Prud’hommes – Formation paritaire de Montélimar

en date du 28 janvier 2021

suivant déclaration d’appel du 16 février 2021

APPELANTE :

Madame [R] [V]

née le 01 Juillet 1977 à [Localité 5] (Gard)

de nationalité Française

[Adresse 4]

[Localité 3]

représentée par Me Pierre-Marie BAUDELET de la SELARL BAUDELET PINET, avocat au barreau de VALENCE,

INTIMEE :

S.A.S. SIBILLE, prise en la personne de son représentant légal domicilié en cette qualité audit siège,

[Adresse 1]

[Localité 2]

représentée par Me Arnaud GANANCIA, avocat au barreau de VALENCE,

et par Me Barbara MICHEL, avocat plaidant inscrit au barreau de NIMES,

COMPOSITION DE LA COUR :

LORS DU DÉLIBÉRÉ :

Madame Valéry CHARBONNIER, Conseillère faisant fonction de Présidente,

Madame Gaëlle BARDOSSE, Conseillère,

Madame Isabelle DEFARGE, Conseillère,

DÉBATS :

A l’audience publique du 14 novembre 2022,

Mme Valéry CHARBONNIER, Conseillère faisant fonction de Présidente chargée du rapport, et Mme Gaëlle BARDOSSE, Conseillère, ont entendu les parties en leurs conclusions et observations, assistées de Mme Mériem CASTE-BELKADI, Greffière, conformément aux dispositions de l’article 805 du code de procédure civile, les parties ne s’y étant pas opposées ;

Puis l’affaire a été mise en délibéré au 24 janvier 2023, délibéré au cours duquel il a été rendu compte des débats à la Cour.

L’arrêt a été rendu le 24 janvier 2023.

Exposé du litige :

La SAS SIBILLE a pour activité le commerce de gros d’articles de quincaillerie.

Mme [V] a été embauchée le 10 septembre 2015 en contrat de travail à durée indéterminée et à temps complet en qualité d’attachée commerciale EPI (équipements de protection individuelle), statut agent de maîtrise, Niveau IV échelon 3.

Mme [V] a fait l’objet d’un arrêt de travail à compter du 29 octobre 2018, prolongé jusqu’au 25 novembre 2018.

Le 30 novembre 2018, Mme [V] a été convoquée à un entretien préalable, fixé au 12 novembre 2018.

Le 15 novembre 2018, Mme [V] s’est vu notifier son licenciement pour faute.

Le 7 novembre 2019, Mme [V] a saisi le Conseil de prud’hommes de Montélimar aux fins d’obtenir la condamnation de la SAS SIBILLE à lui payer un rappel de primes, des dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, des dommages et intérêts pour licenciement abusif et vexatoire, outre une indemnité au titre de l’article 700 du code de procédure civile.

Par jugement du 28 janvier 2021, le Conseil de prud’hommes de Montélimar a :

Jugé que licenciement disciplinaire pour faute réelle et sérieuse de Mme [V] est justifié,

En conséquence,

Débouté Mme [V] de l’intégralité de ses demandes, y compris celle au titre de l’article 700 du code de procédure civile,

Débouté la SAS SIBILLE de sa demande reconventionnelle au titre de l’article 700 du code de procédure civile,

Condamné Mme [V] aux éventuels dépens de l’instance.

La décision a été notifiée aux parties et Mme [V] en a interjeté appel.

Par ses conclusions du 6 mai 2021, Mme [V] demande de :

La recevoir en son appel et l’y déclarer bien fondée,

En conséquence,

Infirmer le jugement entrepris en ce qu’il a :

Dit que le licenciement disciplinaire pour cause réelle et sérieuse de Mme [V] était justifié,

Débouté Mme [V] de l’intégralité de ses demandes, y compris celle au titre de l’article 700 du code de procédure civile,

Condamné Mme [V] aux éventuels dépens de l’instance,

Statuant à nouveau,

Sur le rappel de créances salariés,

Condamner la SAS SIBILLE à lui payer les sommes suivantes :

830,32 euros à titre de rappel de primes d’objectifs au titre des mois de novembre 2018, décembre 2018 et du 1er au 15 janvier 2019,

83,03 euros au titre des congés payés afférents,

Sur le licenciement sans cause réelle et sérieuse,

Dire et juger que son licenciement pour faute réelle et sérieuse est sans cause réelle et sérieuse,

Sur l’indemnisation d’un licenciement sans cause réelle et sérieuse,

Condamner la SAS SIBILLE à lui payer la somme de 19 440,72 euros nets de CSG et de CRDS à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,

Sur l’indemnisation d’un licenciement abusif et vexatoire,

Condamner la SAS SIBILLE à lui payer la somme de 6 480,24 euros nets de CSG et de CRDS à titre de dommages et intérêts pour licenciement abusif et vexatoire,

Sur les frais de procédure,

Condamner la SAS SIBILLE à lui payer la somme de 3 000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile au titre des frais irrépétibles qu’elle a exposés tant en première instance qu’en appel,

Condamner la même aux entiers dépens d’instance et d’appel.

Par ses conclusions du 27 juin 2022, la SAS SIBILLE demande de :

A titre principal,

Confirmer le jugement du Conseil de prud’hommes de Montélimar du 28 janvier 2021 (RG 19/00053),

Par conséquent, rejeter l’ensemble des demandes fins et conclusions de Mme [V],

A titre subsidiaire,

Limiter le montant des dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle ni sérieuse à 9 250,26 euros bruts,

Rejeter les autres demandes fins et conclusions de Mme [V],

En tout état de cause,

Condamner Mme [V] à lui payer la somme de 3 000 euros en application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile et aux entiers dépens.

La clôture a été prononcée le 11 octobre 2022.

Pour un plus ample exposé des faits, de la procédure et des moyens des parties, la cour se réfère à la décision attaquée et aux dernières conclusions déposées, conformément aux dispositions de l’article 455 du code de procédure civile.

MOTIFS DE LA DECISION

Sur la demande de rappel de primes :

Moyens des parties,

Mme [V] fait valoir que sa rémunération était composée d’une partie fixe versée sous la forme d’un salaire de base et d’un complément de salaires pour heures supplémentaires, et d’une partie variable prenant la forme d’une prime d’objectifs calculée d’après la marge brute mensuelle réalisée et versée avec un décalage de deux mois.

La détermination de la prime mensuelle d’objectifs donnait ainsi lieu à la remise de la main à la main par le Responsable outillage M. [I] [H] à la salariée d’un tableau récapitulatif des chiffres d’affaires et marges brutes des mois écoulés.

Elle soutient que si l’on se réfère au tableau produit par l’employeur, elle n’aurait droit à aucune prime au titre des mois de novembre et décembre 2018 et du 1er au 15 janvier 2019, parce que la marge brute qu’elle aurait réalisée au titre de chacun de ces mois aurait été systématiquement inférieure aux montants minima de marge brut prévus par le barème de rémunération motivante des quatre trimestres de l’année 2018.

Elle produit, quant à elle, le tableau des chiffres d’affaires et des marges brutes réalisés par les différents services ou établissements de la SAS SIBILLE au titre des mois de novembre et décembre 2018 et du mois de janvier 2019, desquels il résulte que le service EPI a atteint, durant cette période, ses objectifs sur la marge brute lui ouvrant droit à un rappel de commission de 830,32 euros.

Comme elle n’a pas accès aux pièces comptables justifiant de l’exactitude des montants figurant sur le tableau des chiffres d’affaires et des marges bruts qu’elle produit, il appartenait à la SAS SIBILLE de produire une comptabilité certaine et probante pour justifier de l’exactitude de ses propres chiffres, ce qu’elle n’a pas fait.

La SAS SIBILLE fait valoir pour sa part que la prime motivante quatrième trimestre 2018 est fixée par accord entre l’employeur et la salariée en date du 8 octobre 2018, et qu’elle est basée sur des primes par paliers en fonction de la marge brute dégagée.

Elle indique produire des tableaux qui sont identiques aux tableaux versés et retenus par la salariée pour les périodes antérieures, et qui contiennent des chiffres qui sont extraits du logiciel de l’entreprise, et sont ceux distribués au personnel concerné chaque mois.

Les derniers chiffres correspondent à la période de préavis de Mme [V] au cours de laquelle elle n’était pas présente ni remplacée dans son poste de travail, ce qui explique qu’ils étaient en baisse.

Le tableau produit par la salariée, qu’elle a elle-même réalisé, n’est étayé par aucun élément, et n’a pas de valeur probante.

Réponse de la cour,

Selon l’article 1353 du code civil, celui qui réclame l’exécution d’une obligation doit la prouver. Réciproquement, celui qui se prétend libéré doit justifier le paiement ou le fait qui a produit l’extinction de son obligation.

En droit du travail, il incombe à l’employeur de démontrer, notamment par la production de pièces comptables que le salaire dû afférent au travail effectivement effectué a été payé.

En outre, le salarié doit pouvoir vérifier que le calcul de sa rémunération a été effectué conformément aux modalités prévues par le contrat de travail, ce qui implique que l’employeur est tenu de lui communiquer l’ensemble des bases de calcul nécessaires à la vérification.

Il n’est pas contesté par les parties que la rémunération de Mme [V] était composée d’une part variable constituée de primes d’objectifs.

La SAS SIBILLE produit quatre documents intitulés « Rémunération motivante » au titre des 1e, 2e, 3e et 4e trimestres 2018, définissant, pour chaque mois de ces trimestres, le montant brut de la prime due en fonction de la marge brute réalisée par la salariée sur le mois, dix paliers étant prévus, la prime mensuelle variant de 200 euros à 400 euros.

A l’exception de celui du 1er semestre 2018, tous ces documents portent la signature de la salariée.

Il n’est pas contestable que la salariée a perçu en décembre 2018 une prime de 400 euros au titre du mois d’octobre 2018, soit le montant maximal prévu par les barèmes susvisés.

Pour justifier des marges brutes réalisées par la salariée au titre des mois de novembre et décembre 2018, et janvier 2019, la SAS SIBILLE produit un tableau faisant apparaître, entre autres, le chiffre d’affaires généré par la salariée chaque mois de l’année 2018, ainsi que la marge brute réalisée.

Il n’est pas contestable que ce tableau est identique au tableau produit par la salariée, qui indique dans ses écritures que la détermination de la prime d’objectifs donnait lieu à la remise de la main à la main par le responsable quincaillerie, M. [H], d’un tableau récapitulatif des chiffres d’affaires et marges brutes des mois écoulés, à la différence que le tableau produit par la salariée n’est pas renseigné pour les mois de novembre et décembre 2018, et janvier 2019.

La salariée, qui conteste les montants renseignés par l’employeur au titre de ces trois mois dans le tableau qu’il a versé aux débats, produit trois autres tableaux des chiffres d’affaires et marges brutes des mois de novembre, décembre 2018 et janvier 2019, contenant des chiffres d’affaires et des marges brutes de montants différents de ceux de l’employeur, à partir desquels elle a calculé les primes qu’elle prétend lui être dues.

L’employeur, qui conteste les chiffres produits par la salariée et soutient que la baisse de la marge brute réalisée par le service EPI de la salariée trouve son origine dans l’absence de Mme [V] durant ces trois mois, qui a été dispensée d’exécuter son préavis, omet toutefois de produire l’ensemble des éléments comptables permettant à la salariée de s’assurer que les montants des chiffres d’affaires et des marges brutes de ces trois mois renseignés par l’employeur dans le tableau produit, ne sont pas erronés.

Eu égard à l’ensemble de ces constatations, il y a lieu de faire droit à la demande de rappel de primes formulée par la salariée, et de condamner, par infirmation du jugement entrepris, la SAS SIBILLE à payer à Mme [V] la somme de 830,32 euros à titre de rappel de prime, outre 83,03 euros à titre d’indemnité compensatrice de congés payés y afférents.

Sur le bien-fondé du licenciement :

Moyens des parties,

Mme [V] conteste les motifs de son licenciement:

Elle conteste avoir refusé de tourner avec les commerciaux, comme cela lui avait été demandé, la SAS SIBILLE ne démontrant pas le refus en bloc qui lui est prêté.

Le courriel du 19 octobre 2018, produit par l’employeur, démontre au contraire qu’elle était disposée à réaliser les tournées demandées par sa direction aux dates mentionnées.

S’agissant du prétendu abandon de poste du 29 octobre 2019, elle allègue avoir appelé son responsable, M. [I] [H], sur son téléphone portable, avant de quitter l’entreprise, pour le prévenir qu’elle se rendait chez le médecin. Elle affirme démontrer s’être immédiatement rendue chez le médecin du travail qui l’a renvoyée avec une lettre d’explication vers son médecin traitant. Elle a ensuite été en arrêt de travail.

S’agissant du respect de ses horaires de travail, Mme [V] expose qu’il ne lui a jamais été imposé des horaires de travail fixes, et que son contrat de travail se réfère exclusivement à une durée du temps de travail de 39 heures par semaine, sans référence aucune à des horaires de travail précis. L’absence de référence horaire dans le contrat de travail s’explique par le fait qu’elle a toujours conservé une part, certes moins importante que celle des commerciaux itinérants, de déplacements en-dehors de l’entreprise.

Elle soutient en outre que les relevés de télépéages produits par l’employeur ne permettent pas de décompter son temps de travail effectif.

L’employeur n’a pas mis en place un système régulier et vérifiable de décompte de la durée hebdomadaire de travail, conformément aux dispositions des articles L. 3171-2 et D. 3171-8 du code du travail, qui seul aurait permis de décompter son temps de travail effectif, dès lors qu’elle ne travaillait pas selon le même horaire que ses collègues de travail.

S’agissant de son comportement à l’égard de ses collègues de travail, elle conteste les propos rapportés par M. [B], dans son attestation, et soutient qu’il n’est pas un témoin impartial compte tenu de ses fonctions dans l’entreprise, et qu’il se contente de rapporter des propos qu’elle aurait tenus en son absence.

Il ne peut lui être reproché de ne pas faire le tour des bureaux en arrivant le matin pour saluer individuellement chaque collègue de travail, alors qu’elle saluait ces derniers lorsqu’elle les croisait dans les locaux.

Elle produit des attestations qui viennent contredire les allégations de l’employeur, selon lesquelles elle n’aurait pas eu l’esprit d’équipe et qu’elle n’aurait pas toujours répondu aux sollicitations de ses collègues de travail.

Elle expose que l’employeur semble avoir abandonné le grief relatif à l’altercation du lundi 29 octobre 2018. Dans tous les cas, elle conteste ce grief, et allègue qu’elle ne s’est pas emportée et n’a pas claqué la porte.

Elle soutient que lors de cette conversation du lundi 29 octobre 2018, M. [X] aurait prétendu que les résultats de son service ne seraient pas satisfaisants, indiquant qu’il allait prendre les dispositions qui s’imposent et proposant à la salariée de s’entendre sur les conditions de son départ de l’entreprise.

Elle soutient que l’attitude de l’employeur à son égard a changé à compter du jour où elle a pris la défense d’une collègue injustement assignée à son poste sans autorisation d’en bouger, l’attitude de ce dernier a changé du tout au tout, ce qu’elle est en mesure de démontrer, et que M. [X] lui a fait payer sa liberté d’expression, en décidant subitement le 19 octobre 2018 de contrôler, pour la première fois, ses horaires de travail de bureau et de lui imposer des tournées accompagnées, dans le seul but de la mettre sous pression et de dégrader ses conditions de travail.

La SAS SIBILLE expose pour sa part qu’il n’est pas reproché à la salariée une insuffisance de résultats, mais le refus de tourner avec les commerciaux dans le but de développer le chiffre d’affaires. Mme [V] ne démontre pas qu’elle aurait accepté ces tournées. L’employeur indique produire des éléments qui démontrent qu’au contraire, Mme [V] a refusé de participer à ces tournées dont les dates lui avaient été communiquées.

Par ailleurs, la SAS SIBILLE reproche à Mme [V] d’avoir brusquement quitté son poste de travail le 29 octobre à la suite d’un entretien avec le directeur, sans avoir averti son supérieur hiérarchique et sans justificatif, ce qui équivaut à un abandon de poste.

La SAS SIBILLE reproche également à Mme [V] son comportement vis-à-vis d’autres salariés (refus de saluer tous les salariés, absence de communication, refus de travailler en équipe).

Il est enfin reproché à la salariée son absence de respect de ses horaires de travail, ce qui ressort notamment des relevés de télépéage.

Réponse de la cour,

Selon les articles L. 1232-1 et L. 1232-6 du code du travail, tout licenciement pour motif personnel doit être justifié par une cause réelle et sérieuse, énoncée dans une lettre notifiée au salarié.

Cette lettre, qui fixe les limites du litige, ce qui interdit à l’employeur d’invoquer de nouveaux griefs et au juge d’examiner d’autres griefs non évoqués dans cette lettre, doit exposer des motifs précis et matériellement vérifiables permettant au juge d’en apprécier la réalité et le sérieux.

L’article L.1235-1 du code du travail dispose qu’en cas de litige relatif au licenciement, le juge, à qui il appartient d’apprécier la régularité de la procédure et le caractère réel et sérieux des motifs invoqués par l’employeur, forme sa conviction au vu des éléments fournis par les parties, au besoin après toutes mesures d’instruction qu’il estime utiles ; si un doute subsiste, il profite au salarié.

Lorsque le licenciement est prononcé pour motif disciplinaire, il est de principe que la gravité d’une faute doit être appréciée en considération de l’ancienneté du salarié et de son comportement antérieur et que la sanction notifiée doit être proportionnée à la faute commise.

Il ressort de la lettre de licenciement du 15 novembre 2018, que la SAS SIBILLE reproche à la salariée les faits suivants :

Avoir refusé « en bloc » d’accompagner les représentants en tournée,

Ne pas respecter ses horaires de travail, malgré un rappel à l’ordre en ce sens,

Adopter un comportement inadapté à l’égard de ses collaborateurs et collègues de travail,

Avoir adopté un comportement inapproprié à l’égard du directeur, M. [X], lors d’un entretien avec ce dernier le 29 octobre 2018,

Avoir abandonné son poste de travail le même jour.

La salariée ne conteste pas avoir été informée de la volonté de son employeur qu’elle réalise des tournées en « DUO » avec les représentants, aux dates indiquées dans un échange de courriels entre M. [H], responsable quincaillerie, et M. [X], le directeur, les 19 et 22 octobre 2019, lesquels font référence à un entretien entre M. [H] et la salariée qui a eu lieu 22 octobre 2018.

Il ressort de l’échange de courriels susvisé que la première date de tournée prévue était fixée au 5 novembre 2018.

La salariée a été convoquée à un entretien préalable le 30 octobre 2018, soit avant la date fixée pour la première tournée.

La salariée conteste avoir refusé de réaliser les tournées qui lui ont été demandées.

Pour démontrer que la salariée aurait refusé d’effectuer les tournées aux dates indiquées, la SAS SIBILLE verse aux débats :

Une attestation de M. [B], directeur commercial, du 2 septembre 2019, qui indique que la salariée « a refusé de tourner en clientèle avec (ses) vendeurs, dont (il) avait la charge », alors que c’était « une attente de (ses) vendeurs », M. [B] ajoutant que la salariée « ne s’est jamais proposée de tourner en duo avec (les) équipes, alors qu’elle est technico-commerciale »,

Une seconde attestation de M. [B] du 20 février 2020, qui indique que Mme [V] « n’a jamais proposé aux commerciaux des tournées duos (accompagnées) »,

Une attestation de M. [L], commercial, du 2 septembre 2019, qui indique qu’il n’a pas fait de tournées duo avec la salariée, et qu’ils se donnaient directement rendez-vous chez le client,

Une attestation de M. [A], commercial, du 30 août 2019, qui indique également « l’absence de tournées duo avec [R] [V] », « RDV donnés directement chez les clients ».

Les attestations de M. [B], placé sous la subordination de l’employeur, ne font pas référence de manière explicite à la directive adressée à la salariée d’effectuer des tournées avec les commerciaux à certaines dates précises, et n’indique pas de quelle manière la salariée aurait exprimé son refus de réaliser ces tournées.

Les deux attestations des commerciaux susvisées, imprécises et laconiques, ne font référence à aucun refus clair et précisément daté de la salariée, se limitant à mentionner l’absence de proposition de la salariée pour effectuer des tournées avec eux. Elles ne démontrent pas que la salariée aurait exprimé son refus de réaliser les tournées programmées lors de l’entretien du 22 octobre 2018.

La SAS SIBILLE échoue ainsi à démontrer que la salariée aurait opposé un « refus en bloc » d’effectuer ces tournées DUO. Ce fait ne peut être invoqué à l’encontre de la salariée pour justifier son licenciement.

S’agissant de l’abandon de poste du 29 octobre 2018, la salariée verse aux débats une attestation de M. [H], responsable quincaillerie, et supérieur hiérarchique direct de la salariée, du 10 janvier 2020, dans laquelle celui-ci indique que la salariée l’a contacté à cette date sur son téléphone portable pour l’informer de son intention de se rendre à la médecine du travail après un entretien avec M. [X], ce que la salariée avait affirmé lors de l’entretien préalable du 30 octobre 2019, tel que cela ressort du compte-rendu produit par la salariée.

Mme [V] verse également aux débats :

Un courrier du Dr [E], médecin du travail, indiquant qu’il a reçu Mme [V] le 29 octobre 2018, et que celle-ci lui a fait part d’un entretien compliqué avec son directeur,

Un arrêt de travail initial du même jour de son médecin traitant.

Enfin, Mme [V] justifie avoir informé son employeur de son arrêt de travail par la production d’un courriel daté du 30 octobre 2018 adressé sur une boîte de courrier électronique au nom de la société, M. [H] étant en copie.

Il est sans incidence que M. [H] n’ait pas informé son propre responsable, M. [X], de ce que la salariée quittait l’entreprise pour se rendre chez le médecin ce jour.

Ces éléments sont suffisants pour démontrer que la salariée n’a pas abandonné son poste de travail le 29 octobre 2018. Ce fait ne peut être invoqué à l’encontre de la salariée pour justifier son licenciement.

S’agissant du non-respect de ses horaires de travail, il ne ressort pas du contrat de travail du 11 septembre 2015 que la salariée, qui conteste avoir été soumise à des horaires de travail dans l’entreprise en raison de ses fonctions impliquant des déplacements, était soumise à des horaires de travail spécifiques.

Ce même contrat de travail n’indique pas que la salariée était soumise à un horaire collectif de travail, et la SAS SIBILLE ne verse aucun document officiel de l’entreprise indiquant l’horaire de travail collectif dans l’entreprise.

En outre, l’employeur, chargé de décompter le temps de travail des salariés de l’entreprise, ne produit aucun élément précis déterminant les horaires réalisés par la salariée, les relevés de télépéage versés aux débats n’étant pas un mécanisme de décompte du temps de travail.

Les deux attestations de salariés de l’entreprise produites par l’employeur (M. [S], acheteur ; M. [G]), dans lesquelles il est indiqué, sans plus de précisions, que les horaires de travail de la salariée étaient 8h30-12h30, 13h30-17h30, et 13h30-16h30 pour le vendredi après-midi, sont insuffisantes pour démontrer que l’employeur avait communiqué à la salariée ces horaires de travail.

Par ailleurs, il ne ressort pas de l’unique courriel de M. [H], le supérieur hiérarchique direct de Mme [V], adressé le 22 octobre 2018 à M. [X], directeur, dans lequel celui-ci fait mention d’« horaires de bureau » (du lundi au jeudi de 8h30 à 12h30 et de 13h30 à 17h30, et le vendredi de 8h30 à 12h30 et de 13h30 à 16h30), que M. [H] aurait confirmé à la salariée ces horaires de travail, impliquant qu’elle en avait déjà connaissance, cette connaissance n’étant dans tous les cas pas démontrée par ailleurs par l’employeur.

En outre, l’employeur, qui s’appuie sur des relevés de télépéage pour démontrer que la salariée n’aurait pas respecté ces horaires de travail, ne fait la démonstration d’aucun horaire d’arrivée ou de départ en dehors de ces plages horaires postérieurement au 22 octobre 2018, date de l’entretien où M. [H] dit avoir communiqué ces horaires de travail à la salariée.

Ce fait non établi reproché à la salariée ne peut donc être invoqué par l’employeur à l’encontre de la salariée pour justifier son licenciement.

Pour démontrer que Mme [V] a adopté à plusieurs reprises un comportement inapproprié à l’encontre de ses collègues de travail, la SAS SIBILLE verse aux débats des attestations de plusieurs salariés de l’entreprise (M. [Y], M. [P], M. [G], M. [A], M. [C], M. [B], M. [S], Mme M. [L]), dans lesquelles il est indiqué que la salariée ne saluait pas les autres salariés à son arrivée dans les locaux, qu’elle dénigrait le travail de ses collaborateurs, qu’elle tardait à répondre à certaines demandes de ses collaborateurs, qu’elle ne communiquait pas suffisamment avec ses collègues, et qu’elle s’appropriait l’ensemble des taches.

S’agissant des refus de répondre aux sollicitations de ses collègues de travail, ces attestations, qui ne font référence à aucun fait précisément daté, ne permettent pas d’imputer à la salariée un comportement fautif, la SAS SIBILLE ne produisant aucun élément objectif permettant de démontrer que la salariée, en refusant d’accéder à certaines demandes de ses collaborateurs, aurait manqué à ses obligations professionnelles.

Les reproches concernant l’absence de communication suffisante avec ses collègues, et l’appropriation de l’ensemble des tâches, faute d’être également étayés par des éléments objectifs, ne sont pas démontrés.

Enfin, il ne peut être valablement reproché à la salariée, sur la seule base d’attestations de collègues de travail qui n’apportent aucune précision sur les circonstances des faits relatés, d’avoir omis de saluer ses collaborateurs, la salariée produisant de son côté des attestations contradictoires.

Au surplus, la SAS SIBILLE n’apporte aucune explication permettant de convaincre la cour que, dans les circonstances de l’espèce, cette omission de saluer ses collègues de travail, qualifiée par l’employeur dans sa lettre de licenciement de manque d’amabilité, constituerait un comportement de nature fautive.

Enfin, il ne peut être reproché à la salariée de ne pas avoir participé à une manifestation commerciale dans l’entreprise le 26 octobre 2019, dès lors que dans son attestation susvisée, son supérieur hiérarchique direct, M. [H], indique qu’il l’a dispensée d’y participer.

Au surplus, ce reproche, qui n’est pas mentionné explicitement dans la lettre de licenciement, ne peut être rattaché directement à l’un des griefs invoqués par l’employeur dans ladite lettre pour justifier le licenciement de la salariée.

Ces faits ne peuvent en conséquence être retenus pour justifier le licenciement de la salariée.

Enfin, s’agissant du reproche d’avoir adopté un comportement inapproprié à l’égard du directeur, M. [X], lors d’un entretien avec ce dernier le 29 octobre 2018, la SAS SIBILLE se limite à indiquer dans ses écritures que la salariée s’est emportée, a traité le directeur de « mauvais » et a claqué la porte.

La SAS SIBILLE, qui ne rend pas compte précisément des propos échangés lors de ces entretiens, ne produit aucun élément permettant de démontrer l’attitude et les propos qu’elle reproche à la salariée. Ce fait ne peut en conséquence être retenu pour justifier son licenciement.

Aucun des griefs invoqués dans la lettre de licenciement n’étant établi par l’employeur, le licenciement doit être déclaré dépourvu de cause réelle et sérieuse.

Le jugement entrepris est infirmé en conséquence.

L’article L. 1235-3 du code du travail, dans sa rédaction applicable au litige, dispose que si le licenciement d’un salarié survient pour une cause qui n’est pas réelle et sérieuse, le juge peut proposer la réintégration du salarié dans l’entreprise, avec maintien de ses avantages acquis ; et, si l’une ou l’autre des parties refuse cette réintégration, le juge octroie au salarié une indemnité à la charge de l’employeur, dont le montant est compris entre les montants minimaux et maximaux que cet article prévoit.

Mme [V], qui a été embauchée le 1er septembre 2015, et licenciée le 15 novembre 2018, avait trois ans d’ancienneté à la date de la rupture de la relation de la relation de travail, et peut donc, en application des dispositions susvisées de l’article L. 1235-3, prétendre à une indemnisation comprise entre 3 et 4 mois de salaire mensuel brut.

La salariée démontre qu’elle a retrouvé un emploi à compter du 18 mars 2019 et expose qu’elle a été indemnisée par Pôle emploi du 22 février 2019 au 17 mars 2019.

Elle allègue qu’elle a subi un manque à gagner de 3 354,81 euros sur la période où elle est restée au chômage à compter du 16 janvier 2019 à la suite de son préavis, jusqu’au 17 mars 2019, qu’elle est divorcée et mère d’une enfant de dix ans, et qu’elle rembourse un crédit immobilier au titre de son domicile à hauteur de 617,47 euros.

Le moyen soulevé par le salarié tiré de l’inconventionnalité des dispositions de l’article L. 1235-3 du code du travail est inopérant dès lors qu’il a été procédé à une appréciation souveraine des éléments de fait soumis au titre du préjudice subi par Mme [V].

Eu égard à l’ensemble de ces éléments, il apparaît que la condamnation de la SAS SIBILLE à payer à Mme [V] la somme de 10 530 euros à titre de dommages et intérêts constitue une réparation adéquate du préjudice et appropriée à la situation d’espèce telle qu’elle ressort des pièces produites aux débats par l’appelante.

Le jugement entrepris est infirmé de ce chef.

Sur la demande au titre du licenciement vexatoire :

Moyens des parties,

Mme [V] fait valoir que M. [X] a, pour lui faire payer sa franchise et sa liberté d’expression, pris diverses mesures de rétorsion à son encontre, notamment en décidant de la soumettre à des horaires de travail de bureau et de lui imposer des dates de tournées accompagnées, dans le seul but de la mettre sous pression et de dégrader ses conditions de travail, puis lors d’une conversation le lundi 29 octobre 2018, il a prétendu que les résultats du secteur EPI ne seraient pas satisfaisants, indiquant qu’il allait prendre les dispositions qui s’imposent et menaçant la salariée de trouver un arrangement si elle ne se sentait pas bien dans son poste, enfin, en pratiquant l’inversion accusatoire en soutenant qu’elle l’aurait agressé verbalement lors de la conversation du lundi 29 octobre 2018.

Mme [V] soutient avoir subi un préjudice résultant des circonstances de la rupture ayant été vexatoires en raison de la brutalité du licenciement survenu dans un contexte d’autoritarisme et d’animosité autant subite qu’injustifiée de M. [X] à son encontre.

La SAS SIBILLE fait valoir qu’il n’y a aucune circonstance vexatoire ni brutalité, alors même que la salariée n’a pas été licenciée pour faute grave, mais a bénéficié de deux mois de préavis et de son indemnité de licenciement.

Réponse de la cour,

Il est de principe que le salarié licencié peut prétendre à des dommages-intérêts en réparation d’un préjudice distinct de celui résultant de la perte de son emploi à la condition de justifier d’une faute de l’employeur dans les circonstances entourant le licenciement et de justifier de l’existence de ce préjudice et que le licenciement soit ou non fondé sur une cause réelle et sérieuse.

Même lorsqu’il est justifié par une cause réelle et sérieuse, le licenciement peut causer au salarié licencié, en raison des circonstances vexatoires qui l’ont accompagné, un préjudice dont il est fondé à demander réparation.

Les éléments produits par la salariée (attestation de Mme [F], courriel de Mme [O] du 25 octobre 2018) sont insuffisants pour démontrer que le directeur de la SAS SIBILLE, M. [X], aurait décidé, en invoquant des motifs fallacieux, de la licencier, pour la raison qu’elle se serait plainte lors d’une conversation entre collègues du management agressif et irrespectueux de M. [X] et du directeur commercial, M. [B], et pour avoir pris la défense de l’une de ses collègues de travail, Mme [O].

Mme [V], qui ne caractérise ainsi aucune faute de l’employeur dans les circonstances du licenciement, et qui, en outre, ne fait la démonstration d’aucun préjudice distinct du préjudice résultant de son licenciement dépourvu de cause réelle et sérieuse, doit être déboutée de sa demande de dommages et intérêts pour licenciement vexatoire.

Le jugement entrepris est confirmé de ce chef.

Sur les demandes accessoires :

Le jugement de première instance est infirmé sur les dépens.

La SAS SIBILLE, partie perdante, est condamnée aux dépens de première instance et d’appel, et à payer à Mme [V] la somme de 2 500 euros au titre des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile en cause d’appel.

PAR CES MOTIFS,

LA COUR, statuant publiquement et contradictoirement, après en avoir délibéré conformément à la loi,

INFIRME le jugement entrepris sauf en ce qu’il a débouté la SAS SIBILLE de sa demande au titre du licenciement vexatoire et de sa demande reconventionnelle au titre de l’article 700 du code de procédure civile,

Statuant à nouveau,

DIT que le licenciement de Mme [V] est dépourvu de cause réelle et sérieuse,

CONDAMNE la SAS SIBILLE à payer à Mme [V] les sommes suivantes :

830,32 euros à titre de rappel de prime, outre 83,03 euros à titre d’indemnité compensatrice de congés payés y afférents,

10 530 euros à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,

2 500 euros au titre des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile en cause d’appel.

REJETTE le surplus des demandes des parties,

CONDAMNE la SAS SIBILLE aux dépens de première instance et d’appel.

Prononcé publiquement par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la Cour, les parties ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile.

Signé par Madame Valéry Charbonnier, Conseillère faisant fonction de Présidente, et par Madame Mériem Caste-Belkadi, Greffière, à qui la minute de la décision a été remise par la magistrate signataire.

La Greffière, La Conseillère faisant fonction de Présidente,

 


0 0 votes
Évaluation de l'article
S’abonner
Notification pour
guest
0 Commentaires
Le plus ancien
Le plus récent Le plus populaire
Commentaires en ligne
Afficher tous les commentaires
Chat Icon
0
Nous aimerions avoir votre avis, veuillez laisser un commentaire.x