Licenciement disciplinaire : 25 janvier 2023 Cour d’appel de Montpellier RG n° 20/02776

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Licenciement disciplinaire : 25 janvier 2023 Cour d’appel de Montpellier RG n° 20/02776

Grosse + copie

délivrées le

à

COUR D’APPEL DE MONTPELLIER

2e chambre sociale

ARRET DU 25 JANVIER 2023

Numéro d’inscription au répertoire général :

N° RG 20/02776 – N° Portalis DBVK-V-B7E-OT4U

ARRÊT n°

Décision déférée à la Cour : Jugement du 27 MAI 2020

CONSEIL DE PRUD’HOMMES – FORMATION PARITAIRE DE MONTPELLIER – N° RG F 18/01165

APPELANT :

Monsieur [L] [X]

né le 02 Mai 1996 à [Localité 9]

de nationalité Française

[Adresse 4]

[Localité 7]

Représenté par Me Marie THOMAS COMBRES, avocat au barreau de MONTPELLIER

INTIMEE :

S.A.S. TACOS DU LEZ

[Adresse 2]

[Localité 6]

Représentée par Me Laure VALARIE, avocat au barreau de MONTPELLIER

Ordonnance de clôture du 02 Novembre 2022

COMPOSITION DE LA COUR :

En application de l’article 907 du code de procédure civile, l’affaire a été débattue le 23 NOVEMBRE 2022, en audience publique, le magistrat rapporteur ayant fait le rapport prescrit par l’article 804 du même code, devant la cour composée de :

Monsieur Jean-Pierre MASIA, Président

Monsieur Jacques FOURNIE, Conseiller

Madame Magali VENET, Conseiller

qui en ont délibéré.

Greffier lors des débats : Madame Marie-Lydia VIGINIER

ARRET :

– contradictoire ;

– prononcé par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile ;

– signé par M. Jean-Pierre MASIA, Président, et par Mme Marie-Lydia VIGINIER, Greffier.

*

* *

EXPOSE DU LITIGE

M. [L] [X] a été embauché par la SAS Tacos du Lez selon contrat à durée indéterminée à temps partiel (24h) en date du 01 février 2016 en qualité d’employé polyvalent. Le contrat est régi par la convention collective de la restauration rapide – national- (IDCCn°1501)

Au dernier état de la relation contractuelle, suite à un avenant du 17 novembre 2016, il exerçait la fonction de manager en contrepartie d’une rémunération mensuelle brute de 1205,36€ pour un horaire mensualisé de 104 heures, outre une prime.

Trois avertissements lui ont été notifiés les 9 août, 22 août et 28 août 2017.

Par courrier du 22 septembre 2017, une convocation lui a été adressée pour un entretien préalable au licenciement pour faute grave avec mise à pied conservatoire.

M. [X] a été placé en arrêt de travail du 25 septembre 2017 au 04 novembre 2017.

Par lettre recommandée avec accusé de réception en date du 9 octobre 2017, son licenciement pour faute grave lui a été notifié.

Par requête en date du 29 octobre 2018 M. [L] [X] a saisi le conseil des prud’hommes de Montpellier afin de contester son licenciement et voir condamner l’employeur à lui payer diverses sommes.

Par jugement en date du 27 mai 2020 le conseil des prud’hommes a :

– dit que le licenciement pour faute grave est justifié

– dit que M. [L] [X] a été rempli de ses droits en ce qui concerne le paiement de ses heures complémentaires et de la prime annuelle conventionnelle

– annulé les avertissements des 9 et 28 août 2017

– débouté M. [X] du surplus de ses demandes

– débouté la SAS Tacos du Lez de sa demande présentée au titre de l’article 700 du code de procédure civile.

Par déclaration en date du 10 juillet 2020, M. [X] a relevé appel de la décision.

Vu les dernières conclusions de Monsieur [L] [X] en date du 30 septembre 2020 auxquelles il convient de se référer pour un plus ample exposé de ses moyens et prétentions.

Vu les dernières conclusions de la SAS Tacos du Lez en date du 28 décembre 2020 auxquelles il convient de se référer pour un plus ample exposé de ses moyens et prétentions.

L’ordonnance de clôture est en date du 02 novembre 2022.

MOTIFS DE LA DÉCISION

Sur l’exécution du contrat de travail :

Sur la requalification du contrat de travail à durée déterminée en contrat à durée indéterminée:

Avant d’être embauché en contrat à durée indéterminée le 1er janvier 2016, M. [X] a été embauché en contrat à durée déterminée sur la période du 16 novembre 2015 au 31 janvier 2016.

Le conseil des prud’hommes a débouté M. [X] de sa demande de requalification du CDD en CDI après avoir constaté que sa demande était prescrite.

M. [X] qui formule à nouveau la demande de requalification du CDD en CDI devant la Cour ne fait cependant état d’aucun moyen permettant de remettre en cause la décision du premier juge qui sera en conséquence confirmée sur ce point par adoption de ses motifs.

Sur l’annulation des avertissements :

En application de l’article L1333-1 du code du travail : ‘En cas de litige, le conseil des prud’hommes apprécie la régularité de la procédure suivie et si les faits reprochés au salarié sont de nature à justifier une sanction.

L’employeur fournit au conseil de prud’hommes les éléments retenus pour prendre la sanction.

Au vu de ces éléments et de ceux fournis par le salarié à l’appui de ses allégations, le conseil de prud’hommes forme sa conviction après avoir ordonné, en cas de besoin, toutes les mesures d’instruction qu’il estime utiles. Si un doute subsiste, il profite au salarié.’

En application de l’article L.1332-2 du code du travail, le conseil des prud’hommes peut annuler une sanction irrégulière en la forme ou injustifiée ou disproportionnée à la faute commise.

M. [X] sollicite l’annulation des avertissements en date des 9 août 2017 et 28 août 2017 au motif qu’ils ont été notifiés à une mauvaise adresse alors que l’employeur lui envoyait ses bulletins de paie à sa nouvelle adresse dont il avait connaissance.

Il ressort des justificatifs versés aux débats que les avertissements ont été notifiés au salarié à l’adresse suivante : [Adresse 8], alors que depuis le mois de janvier 2017, les bulletins de paie étaient envoyés à la nouvelle adresse du salarié située [Adresse 1], de sorte que l’employeur lui a notifié des avertissements à une adresse qui n’était pas la dernière adresse connue. Par ailleurs, l’accusé de réception joint à l’avertissement du 28 août 2017 portant signature de M. [X] n’est pas daté, de sorte qu’il ne permet pas d’établir qu’il concerne réellement le courrier du 28 août 2017.

En conséquence, la décision du premier juge sera confirmée en ce qu’elle a annulé les avertissements.

Sur le rappel de salaire au titre des heures complémentaires effectuées :

En application de l’article L3121-30 du code du travail, seuls les salariés à temps plein peuvent bénéficier d’un repos compensateur.

En l’espèce, l’employeur, a tout d’abord porté mention de repos compensateur sur les bulletins de paie de M. [X]. Après avoir reconnu qu’il n’était pas possible de rémunérer en repos compensateur les heures supplémentaires de M. [X] qui travaillait à temps partiel, il a payé l’intégralité du solde de repos compensateur, soit les heures effectuées au delà du temps de travail du salarié, à hauteur de 1324,97€ pour 114,32 heures.

M. [X] fait valoir qu’il importe peu que l’employeur lui ait payé des sommes en contrepartie d’un repos compensateur dont il ne pouvait bénéficier, et fait valoir que les majorations afférentes aux heures complémentaires effectuées n’ont pas été appliquées.

Au vu des éléments versés aux débats par chacune des parties quant au nombre d’heures de travail complémentaires effectuées et à la rémunération dont elles ont partiellement fait l’objet, il convient au regard de l’article 4.11 de la convention collective applicable en l’espèce concernant la majoration des heures complémentaires, de condamner l’employeur à verser au salarié la somme de 369,91€ outre 36,99€ au titre des congés payés y afférents.

Sur la prime annuelle conventionnelle :

Le premier juge a débouté M. [X] de cette demande, l’employeur ayant réglé par l’intermédiaire de son conseil la somme réclamée à ce titre par M. [X] qui a reconnu en première instance avoir reçu un chèque de règlement, dont la copie est par ailleurs produite aux débats.

M. [X] maintient cependant sa demande dans le dispositif de ses conclusions, sans faire état d’aucun moyen à l’appui de ses prétentions permettant de remettre en cause la décision qui sera en conséquence confirmée sur ce point par adoption des motifs du premier juge.

Sur le travail dissimulé :

En application des articles L.8221-3 et L.8221-5 du code du travail, le fait pour l’employeur de se soustraire intentionnellement aux déclarations qui doivent être effectuées aux organismes de sécurité sociale ou à l’administration fiscale, est réputé travail dissimulé, ainsi que le fait de se soustraire intentionnellement à l’accomplissement des formalités de délivrance d’un bulletin de paie ou de déclaration préalable à l’embauche. De même, est réputé travail dissimulé le fait de mentionner sur le bulletin de paie un nombre d’heures de travail inférieur à celui réellement effectué. L’ article L.8223-1 prévoit en cas de rupture du contrat de travail, l’octroi au salarié en cas de travail dissimulé, d’une indemnité forfaitaire égale à six mois de salaire.

M. [X] fait valoir que l’employeur faisait travailler les salariés au delà de leurs heures de travail sans les rémunérer intégralement, en leur demandant de ‘débadger’ tout en les contraignant à poursuive leur travail après la fermeture pour ranger et nettoyer le restaurant.

L’employeur soutient que M. [X], en sa qualité de responsable, avait en charge son propre pointage et celui de son équipe. Il produit l’attestation de M. [A] [H], directeur, mentionnant que les pointages des équipiers sont contrôlés chaque jour, semaine et mois par deux personnes (directeur et comptable) afin d’élaborer les fiches de paies fiables, et verse aux débats des justificatifs sur ce point.

S’il apparaît, au regard des témoignages produits, que lors de l’altercation du 30 juillet 2017 qui a opposé les salariés à leur hiérarchie en la personne de M. [SI], un différend est apparu quant au moment du ‘débadgage’, hormis cet incident isolé, il n’apparaît pas que le travail dissimulé est caractérisé alors que l’employeur veillait à porter mention sur les bulletins de paie des salariés des heures complémentaires effectuées, sans qu’il ne soit justifié qu’il ait volontairement omis de mentionner l’existence de certaines de ces heures.

Le jugement sera confirmé en ce qu’il a rejeté la demande sur ce point.

Sur le harcèlement moral

L’article L 1152-1 du code du travail dispose que ‘aucun salarié ne doit subir les agissements répétés de harcèlement moral qui ont pour objet ou pour effet une dégradation de ses conditions de travail susceptible de porter atteinte à ses droits et à sa dignité, d’altérer sa santé physique ou mentale ou de compromettre son avenir professionnel’.

L’article L1154-1 du code du travail précise qu’il appartient au salarié de présenter des éléments de fait laissant supposer l’existence d’un harcèlement. Au vu de ces éléments, il incombe à la partie défenderesse de prouver que ces agissements ne sont pas constitutifs d’un tel harcèlement et que sa décision est justifiée par des éléments objectifs étrangers à tout harcèlement.

M. [X] reproche à son employeur de lui avoir imposé une surcharge de travail, une problématique des paniers repas, des heures de pause, un dépassement de la durée maximale des heures complémentaires autorisées, le non paiement des heures de travail effectuées, des avertissements injustifiés, un défaut de paiement des salaires dus. Il lui fait également grief d’avoir demandé aux autres salariés de l’isoler, d’avoir exercé des pressions pour démissionner et le pousser à bout, des remarques blessantes, des humiliations et provocations en public.

Pour étayer ses allégations, il verse notamment aux débats des attestations d’anciens collègues de travail qui font état des

manquements de la direction à ses obligations contractuelles

les ayant conduits eux mêmes à démissionner.

Il produit notamment :

– une attestation d’une collègue Mme [O] [B] qui souligne les qualités professionnelles de M. [X], fait état du manque d’écoute de la direction et de la pression subie par les managers.

– une attestation de M. [I] [V] mentionnant que le directeur, [A] [H], lui avait demandé de prendre ses distances avec M. [X] afin de l’isoler. Il précise également en ces termes : ‘une pression a notamment été mise par M. [G] [SI]. Durant les services, ils faisaient en sorte de pousser à bout [X] [L], notamment par des remarques blessantes’. Ce dernier précise que suite à l’arrivée d’une nouvelle direction en juillet 2017, Mme [J], ‘les règles ont changé pour devenir moins légitimes que ce qu’elles étaient, absences de repas sans contrepartie monétaire, absence de pauses après 6h de service, sous effectif lors des services, favoritisme entre les salariés, menaces (bombe lacrymogène) manque d’heures sur les bulletins de salaires’.

– une attestation de Mme [SV] [P] rédigée en ces termes : ‘ la cohésion de l’équipe a été démantelée lors du changement de direction en juillet 2017 ; en effet la nouvelle directrice [F] [J] a très vite manifesté son ambition de changer l’ancienne équipe par une nouvelle équipe qu’elle composerait elle même. Notamment en nous faisant subir une pression et un harcèlement à caractère moral dans le but d’obtenir une démission de notre part’….’

– le dépassement et le non paiement de certaines heures en échange d’un repos compensateur qui n’était pas applicable au salarié est établi au regard des éléments précédemment développés relatif aux heures supplémentaires.

– M. [X] soutient en outre que les avertissements des 9 août 2017 et 28 août 2017 n’étaient pas justifiés.

Ces éléments, pris dans leur ensemble, sont autant d’agissements répétés permettant de présumer l’existence d’un harcèlement moral.

En réplique, l’employeur mentionne que les attestations produites ont été rédigées par des salariés qui ont quitté l’entreprise avant que M. [X] ne rentre en conflit avec la direction et change radicalement de comportement.

Il apparaît cependant qu’elles ont été rédigées par des salariés présents au cours de l’été 2017, période pendant laquelle des difficultés sont apparues entre le salarié et la direction, qu’elle décrivent les pressions exercés à l’égard de M. [X] comme à l’égard des autres salariés en raison d’un effectif insuffisant, de l’irrespect des obligations contractuelles de l’employeur et de sa volonté d’isoler M. [X] pour le contraindre à démissionner.

L’employeur soutient que les avertissements étaient justifiés.

L’avertissement du 9 août 2017, fait grief à M. [X] d’avoir, le 30 juillet 2017, volontairement dégradé du matériel d’une valeur de 3500€, refusé de travailler, menacé et injurié son responsable devant les salariés et les clients avant de l’attendre devant le restaurant pour se battre tout en le menaçant.

M. [SI] et Mme [J], membres de la direction et présents lors de la soirée du 30 juillet 2017 ont déposé plainte pour ces faits contre M. [X] et M. [V].

Cependant, M. [E] [M], M. [ZP] [C] [Y] et M. [I] [V], salariés, également présents lors des faits attestent au contraire qu’ils ont dû faire face à l’agressivité et à la colère de M. [SI] et que M. [X] et M. [V] ont tenté d’apaiser les tensions.

M. [E] [M] témoigne en ces termes : ‘M. [SI] [G], est arrivé en réel dictateur je cite ‘plus personne ne parle! Vous êtes des incapables, je veux plus vous entendre .’… il a retiré oralement toutes autorités aux manager et nous a distribués les tâches de façon agressive. C’est donc choquée que j’ai appris que M. [SI] avait déposé plainte contre mes collègues de travail. A quelques minutes de la fin de notre service ce dernier nous demanda de débadger avant de nous changer. N’étant pas d’accord, celui-ci haussa le ton pour nous ‘sortir de chez lui’. Je l’ai vu faire un aller retour dans son bureau et en est revenu armé d’une bombe lacrymogène. Nous sommes donc sortis du restaurant’.

M. [Y] relate les mêmes propos et le même comportement tenu par M. [SI] en précisant que M. [X] et M. [V] ont essayé de discuter avec lui pour apaiser les tensions.

M. [V] témoigne qu’aucune menace n’a été faite par lui ou par M. [X].

Au regard des versions contradictoires de l’employeur et des salariés quant au déroulement de cette soirée, il apparaît qu’aucune preuve objective quant à la réalité des faits reprochés à M. [X] n’est apportée.

Concernant l’avertissement notifié le 28 août 2017 au motif que M. [X] aurait offert un tacos à une de ses connaissances, l’employeur reconnaît qu’il ne peut en rapporter la preuve irréfutable et l’attestation de M. [SI] qui mentionne uniquement ‘il offrait des produits à ses amies’, n’établit pas la matérialité des faits reprochés.

Il en découle que l’employeur ne prouve pas que ses décisions étaient justifiées par des éléments objectifs étrangers à tout harcèlement, en sorte que le harcèlement moral est constitué.

Il convient de condamner l’employeur à verser à M. [X] la somme de 2000€ en réparation du préjudice subi, le jugement sera infirmé en ce sens.

Sur l’obligation de sécurité :

En application de l’article L. 4121-1 du code du travail, l’employeur prend les mesures nécessaires pour assurer la sécurité et protéger la santé physiques et mentale des travailleurs.

L’obligation de prévention des risques professionnels est distincte de la prohibition des agissements de harcèlement et ne se confond pas avec elle.

En l’espèce, il ressort des témoignages dont le contenu a été précédemment détaillé que l’employeur n’a pas respecté son obligation de sécurité puisque M. [X] était soumis à une pression exercée par sa hiérarchie afin d’obtenir sa démission, à une absence de dialogue de la direction et qu’il devait faire face à une surcharge de travail en raison d’un manque d’effectifs.

Il justifie d’un préjudice lié à ce manquement dans la mesure où il a bénéficié d’un arrêt de travail à compter du 26 septembre 2017 jusqu’au 04 novembre 2017 en raison de ‘trouble anxio dépressif, conflit au travail’. Un certificat médical établi par le Docteur [R] en date du 27 septembre 2017 mentionne que M. [X] est suivi pour état anxio dépressif et qu’il décrit des conflits avec son employeur et les employés. Dans un nouveau certificat établi le 16 mars 2018, le docteur [R] mentionne que l’état de santé de M. [X] a nécessité qu’il bénéficie d’un traitement par anxiolytiques puis par antidépresseur.

Il convient en conséquence de condamner l’employeur à lui verser la somme de 3000€ à ce titre.

Sur la rupture du contrat de travail à durée indéterminée :

Sur la prescription:

En application de l’article L.1232-6 du code du travail, lorsque l’employeur décide de licencier un salarié, il lui notifie sa décision par lettre recommandée avec accusé de réception.

En application de l’article L 1471-1 du code du travail, toute action portant sur la rupture du contrat de travail se prescrit par douze mois à compter de la notification de la rupture.

En l’espèce, la lettre de licenciement a été notifiée au salarié le 9 octobre 2017 par lettre recommandée avec accusé de réception à l’adresse suivante : [Adresse 5]. La lettre est revenue avec la mention NPAI et la signification par huissier constate qu’il ne réside pas à cette adresse et qu’il y est inconnu.

L’employeur soutient qu’il s’agit de la dernière adresse communiquée par le salarié et que ses demandes au titre de la rupture du contrat seraient prescrites, M. [X] ayant saisi la juridiction prud’homale le 26 octobre 2018, soit après l’expiration du délai d’un an suivant notification du licenciement.

M. [X] fait valoir que la lettre de licenciement lui a été notifiée à une mauvaise adresse, et qu’il n’a effectivement été informé du licenciement que lorsque la lettre de licenciement lui a été finalement notifiée à la bonne adresse, soit le 10 janvier 2018.

Il ressort de l’analyse des divers documents portant mention de l’adresse de M. [X] que l’adresse située [Adresse 5] correspond à celle qui était la sienne le 1er octobre 2016, qu’il a par la suite résidé [Adresse 8], puis à partir du mois de janvier 2017 au [Adresse 1] avant de résider, lors de la période du licenciement, [Adresse 3].

L’employeur ne peut valablement soutenir qu’il ignorait cette adresse alors qu’il a adressé à M. [X] un courrier recommandé avec avis de réception à cette adresse reçu par ce dernier le 3 octobre 2017 et que son arrêt de travail en date du 06 octobre 2017 portait également mention de cette adresse. La mention manuscrite sur un papier libre ni daté ni signé mentionnant ‘ [L] [Adresse 5]’ ne démontre nullement que ce document a été rédigé par M. [X] pour faire part à son employeur de sa nouvelle adresse.

Dès lors, c’est à juste titre que le premier juge a considéré que la date à prendre en compte pour la notification du licenciement était celle du 10 janvier 2018 et qu’il a retenu que l’action n’était pas prescrite, la décision sera confirmée sur ce point.

Sur le licenciement :

En application de l’article L1232-1 du code du travail, tout licenciement pour motif personnel doit être justifié par une cause réelle et sérieuse.

La faut grave doit résulter d’un fait ou d’un ensemble de faits imputable au salarié qui constitue une violation des obligations découlant du contrat de travail ou des relations de travail d’une importance telle qu’elle rend impossible le maintien du salarié dans l’entreprise.

Elle prive également le salarié de ses droits à indemnités de préavis de licenciement. Elle peut justifier une mise à pied conservatoire qui prive le salarié de son salaire pendant cette mise à pied.

M. [X] soutient tout d’abord que le licenciement est sans cause réelle et sérieuse en raison de l’envoi de la lettre de licenciement à une adresse erronée.

Il ressort cependant des développements précédents qu’après avoir été envoyée à une mauvaise adresse, la lettre de licenciement a été notifiée à M. [X] à sa véritable adresse et qu’il en pris connaissance le 10 janvier 2018 de sorte que le licenciement n’est pas dépourvu de cause réelle et sérieuse pour ce seul motif.

La lettre de licenciement pour faute grave datée du 9 octobre 2017 est rédigée en ces termes : ‘ Nous avons été saisis par plusieurs salariés de la société Tacos du Lez de votre comportement à leur égard, les 19 et 20 septembre 2017.

Tous se plaignent de la violence de votre management.

Ils nous ont indiqué dans des courriers que pour les menaciez ne pas pouvoir rester au sein de l’établissement, que vous vous moquiez de leur leur façon de travailler, de mal faire leur travail et cela pour la plupart d’entre eux devant les clients.

Certains nous ont indiqué et que vous aviez passé des appels téléphoniques dans la nuit du 18 septembre 2017 sur leurs téléphones portables.

Par ailleurs, tous nous ont dit que vous dénigriez la Direction en leur indiquant que celle-ci était injuste.

Il semblerait que vous passiez vos nerfs sur le personnel en exigeant notamment au mois d’août que tous démissionnent car ils n’y arriveraient jamais.

Certains salariés sont tellement choqués par votre attitude, qu’ils nous disent préférer quitter l’entreprise que de rester.

Vous comprendrez qu’un tel comportement n’est pas tolérable au sein de notre société où nous avons besoin de travailler dans le respect mutuel et la confiance totale.

Par ailleurs, conformément aux dispositions de l’article L.4121-1 du code du travail, nous avons obligation d’assurer la santé et la sécurité de l’ensemble de nos salariés au sein de l’entreprise.

Enfin, nous avons été contraints de vous notifier des avertissements, à de très nombreuses reprises, compte tenu de votre comportement..

Le 4 mars 2016, nous vous avons sanctionné car ne vous êtes pas présenté aux réunions du 24 février 2016 et du 3 mars 2016, sans aucun justificatif.

Le 9 août 2016, nous vous avons notifié un avertissement puisque le 30 juillet 2017, vous avez volontairement dégradé du matériel appartenant à l’entreprise et avez injurié et menacé physiquement t votre responsable hiérarchique.

Le 22 août 2017, vous avez été en absences injustifiée.

Le 28 août 2017, nous avons été contraints de vous sanctionner une fois encore puisque vous avez offert sans l’accord préalable de votre responsable des produits à l’une de vos connaissances.

La réitération de ces faits motifs démontre un manque de professionnalisme de votre part.

C’est la raison pour laquelle la présente a pour objet de notifier votre licenciement

pour faute grave car notre conduite met en cause la bonne marche de la société.

Compte tenu de la gravité des faits qui vous sont reprochés, votre maintien dans l’entreprise s’avère impossible.

Le licenciement prend effet à la date de la présente lettre sans indemnité de préavis ni de licenciement.

Nous vous rappelons que vous faites l’objet d’une mise à pied à titre conservatoire, par conséquent, la période non travaillée du 22 septembre 2017 à la date de la présente lettre(9/10) ne sera pas rémunérée.’

Il convient préalablement de rappeler que diverses fautes reprochées par l’employeur à M. [X] qui ont fait l’objet d’avertissements, ne peuvent être sanctionnées une seconde fois par un licenciement disciplinaire.

Concernant la violence du management de M. [X], son comportement inadapté à l’égard de nouveaux salariés, et le dénigrement de la Direction, l’employeur verse notamment aux débats :

– une attestation de Mme [T] [U] rédigée en ces termes :

‘M. [X] tient des propos à mon égard qui sont humiliants et rabaissants. Il dit que ‘je lui fais du rentre dedans’. Etant nouvelle au sein du restaurant il me disait tous les jours ‘tu ne tiendra jamais le coup ici ‘. Il se moque de ma façon de travailler, et dit que je tiendrai dans l’entreprise ‘maximum deux mois’.

M. [X], lors de la soirée du lundi 18 septembre 2017, aux alentours de 21h00, M. [X] ne cessa de me crier dessus et de me reprocher que je faisais mal mon travail, face aux clients. Je ressentis à ce moment là une pression morale, tellement grande que je n’ai pas pu m’empêcher de solliciter le directeur adjoint. Ce soir là, voulant abandonner mon poste de travail, j’ai dû prendre sur moi. Il me répétait au moins 10 fois dans la journée que c’est ‘une direction qui est injuste et que je n’y arriverai jamais’.

Il criait en cuisine qu’il fallait qu’on ‘démissionne tous’ alors que j’arrivais à peine dans l’entreprise, c’était exactement le 16 août 2017. Je suis apeuré par M. [X]. Je n’arrive pas à travailler en sa présence. Nous sommes moi et mes collègues qui peuvent en témoigner sans cesse menacés par sa présence. On en arrive à vouloir prendre nos jours de repos pendant son temps de travail à lui , pour pouvoir échapper à son calvaire. Madame la directrice, je vous demande d’agir de façon urgente. Ma santé est en péril….’

– une attestation de Mme [W] [Z] rédigée ainsi :

‘…Le manager [X] me rabaisse tous les jours, me répète en permanence que je ne tiendrai pas ce poste. Il me pose en plein service des questions très personnelles qui me gênent et m’empêche clairement de travailler à mon aise. Il critique sans gène la direction mais aussi les formateurs notamment [N]. Je n’ai personnellement aucun souci avec la direction. Il m’appelle à des heures tardives sur mon téléphone personnel et porte à mon égard des propos déplacés et me menace. Cela avait lieu le 17 septembre. ‘[X] me rabaisse devant l’équipe avec humiliation sans nom.’

– Le témoignage de Mme [K] [D] :

‘….je viens travailler avec le sourire et la bonne volonté mais lorsque M. [X] est présent, j’ai plus que la boule au ventre. Car il est ‘senssaices’ en train de me critiquer dans tous se que je fais. J’ai rencontrés un problème majeur , mon appartement qui a brulée, j’ai perdu mon grand-père, mes collègues m’ont tousse soutenu moralement , et M. [X] sens moqué ouvertements. Il est ‘s’enssaice’ en train de mettre la pression pour me faire craquées. [L] se permet de me rabaisser devant les clients et devant l’équipe…’

– Le témoignage de M. [MM] [S] :

‘Par cette présente, je vous fais part d’un malaise général qui s’installe lors de la présence du manager [X] [L]. Personnellement deux semaines après mon début au sein de l’entreprise, M. [X] [L] a dit je le cite tu seras très vite dégouter lorsque tu te rendra compte qu’il n’ont pas de paroles, de plus lorsque je forme un nouvel employé il se permet de me dire ce n’est pas ainsi qu’on forme par ailleurs lorsque je donnais des directives à l’ensemble de l’équipe il se permet de dire a haute voix je ne fais rien et il rigoler donc ma crédibilité en tant que manager prenais un coup. …’

Ces témoignages font état de faits circonstanciés et précis concernant le comportement harcelant, menaçant exercé par M. [X] à l’égard d’autres salariés ainsi que son dénigrement à l’égard de la Direction.

Ces faits sont constitutifs d’une faute grave imputable au salarié qui constitue une violation des obligations découlant du contrat de travail ou des relations de travail d’une importance telle qu’elle rend impossible le maintien du salarié dans l’entreprise.

Il en découle que c’est à juste titre que le licenciement a été prononcé pour faute grave et qu’il n’a pas lieu de faire droit aux demandes de M. [X] tendant à requalifier la rupture du contrat de travail en licenciement sans cause réelle et sérieuse, et la décision du conseil des prud’homme sera confirmée en ce qu’elle a rejeté toute les demandes consécutives à la rupture du contrat de travail.

Sur l’article 700 du code de procédure civile et les dépens :

L’équité commande de rejeter les demandes formées au titre de l’article 700 du code de procédure civile. Il convient de laisser à chacune des parties la charge de ses dépens.

PAR CES MOTIFS

La cour, par décision contradictoire et en dernier ressort,

Infirme le jugement du conseil des prud’hommes de Montpellier en date du 27 mai 2020 en ce qu’il a rejeté les demandes de dommages et intérêts au titre des heures complémentaires, du harcèlement moral et de l’obligation de sécurité.

Statuant à nouveau :

Condamne la SAS Tacos du Lez à verser à M. [L] [X] les sommes suivantes :

– 369,91€ au titre des heures supplémentaires non rémunérées

– 36,99€ au titre des congés payés y afférents

– 2000€ au titre du harcèlement moral

– 3000€ au titre de l’obligation de sécurité.

Confirme la décision en ses autres dispositions critiquées,

Rejette toutes autres demandes plus amples ou contraires,

Rejette les demandes formées au titre de l’article 700 du code de procédure civile

Laisse à chacune des parties la charge de ses dépens.

LE GREFFIER LE PRESIDENT

 


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