Licenciement disciplinaire : 2 février 2023 Cour d’appel d’Angers RG n° 20/00397

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Licenciement disciplinaire : 2 février 2023 Cour d’appel d’Angers RG n° 20/00397

COUR D’APPEL

d’ANGERS

Chambre Sociale

ARRÊT N°

Numéro d’inscription au répertoire général : N° RG 20/00397 – N° Portalis DBVP-V-B7E-EXEP.

Jugement Au fond, origine Conseil de Prud’hommes – Formation paritaire de LAVAL, décision attaquée en date du 02 Octobre 2020, enregistrée sous le n° F 18/00131

ARRÊT DU 02 Février 2023

APPELANT :

Monsieur [D] [A]

[Adresse 3]

[Localité 2]

représenté par Maître Christian NOTTE-FORZY, avocat au barreau d’ANGERS

INTIMEE :

S.A.S. GROUPE MAINE Prise en la personne de son représentant légal, domicilié en cette qualité audit siège.

[Adresse 1]

[Localité 4]

représentée par Me Pascal LANDAIS de la SELARL OUTIN GAUDIN ET ASSOCIES JURIDIQUE DU MAINE, avocat au barreau de LAVAL – N° du dossier 20203193

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions de l’article 945-1 du code de procédure civile, l’affaire a été débattue le 07 Novembre 2022 à 9 H 00, en audience publique, les parties ne s’y étant pas opposées, devant Madame DELAUBIER, conseiller chargé d’instruire l’affaire.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :

Président : Madame Estelle GENET

Conseiller : Mme Marie-Christine DELAUBIER

Conseiller : Mme Claire TRIQUIGNEAUX-MAUGARS

Greffier lors des débats : Madame Viviane BODIN

ARRÊT :

prononcé le 02 Février 2023, contradictoire et mis à disposition au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile.

Signé par Madame DELAUBIER, conseiller pour le président empêché, et par Madame Viviane BODIN, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

*******

FAITS ET PROCÉDURE

La société par actions simplifiée Groupe Maine est spécialisée dans le secteur d’activité de la fabrication d’éléments en matière plastique pour la construction et compte un effectif d’environ 220 salariés.

M. [D] [A] a été embauché le 10 janvier 2014 par la société Groupe Maine dans le cadre d’un contrat de travail à durée indéterminée, en qualité de responsable maintenance, qualification cadre, coefficient 910 de la convention collective nationale de la plasturgie.

Le 14 mars 2017, la société Groupe Maine a notifié un rappel à l’ordre à M. [A] mettant en exergue ‘une attitude à l’égard d’un responsable hiérarchique relevant de l’indiscipline, voire de l’insubordination’, ou tout au moins pouvant ‘être perçue comme telle par ses collaborateurs’.

Le 12 janvier 2018 l’employeur a notifié au salarié sa mise à pied à titre disciplinaire en raison de son ‘indiscipline et de l’absence de dialogue raisonné avec les différents services mettant à mal les efforts engagés par l’entreprise dans le développement de la cohésion d’équipe’.

M. [A] a été placé en arrêt de travail à compter du 20 avril 2018.

La société Groupe Maine a convoqué M. [A] à un entretien préalable le 25 mai 2018 en vue d’une sanction disciplinaire pouvant aller jusqu’au licenciement, puis l’a licencié pour faute grave pour des ‘faits relevant de l’indiscipline’ par lettre recommandée avec demande d’avis de réception datée du 8 juin 2018.

Contestant le bien fondé de son licenciement, M. [A] a saisi le conseil de prud’hommes de Laval le 20 novembre 2018, afin d’obtenir la condamnation de la société Groupe Maine, sous le bénéfice de l’exécution provisoire, au paiement de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse et des indemnités de rupture. M. [A] sollicitait également l’annulation de la lettre de rappel à l’ordre du 14 mars 2017 et de la mise à pied disciplinaire du 12 janvier 2018, outre l’allocation de dommages et intérêts en réparation du préjudice subi à ce titre. Enfin, il présentait une demande de dommages et intérêts pour harcèlement moral ainsi qu’une demande d’indemnité au titre de l’article 700 du code de procédure civile.

La société Groupe Maine s’est opposée aux prétentions de M. [A] et a sollicité sa condamnation au paiement d’une indemnité sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile.

Par jugement du 2 octobre 2020, le conseil de prud’hommes a :

– dit que le licenciement ne repose pas sur une faute grave ;

– ordonné à la société Groupe Maine de payer à M. [A] les sommes suivantes :

– 5 317 euros au titre de l’indemnité de licenciement,

– 13 292,50 euros au titre de l’indemnité de préavis,

– l 329,25 euros à titre de congés payés sur préavis,

– 1000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile ;

– ordonné la remise, d’un bulletin de salaire, d’une attestation Pôle emploi prenant en compte la condamnation et fixé une astreinte de 50 euros par jour de retard à compter du 15ème jour suivant la notification de jugement et ce pendant un délai de deux mois, le conseil se réservant la faculté de liquider ladite astreinte ;

– débouté M. [A] de ses autres demandes ;

– débouté la société Groupe Maine de sa demande au titre de l’article 700 du code de procédure civile ;

– rappelé que l’exécution provisoire est de droit sur les sommes à caractère salarial dans la limite de neuf mois de salaire, calculée sur la moyenne des trois derniers mois que le conseil a fixé à 4431 euros ; qu’il n’y a pas lieu de l’ordonner pour le surplus ;

– mis les entiers dépens à la charge de la société Groupe Maine.

M. [A] a relevé appel de cette décision par déclaration transmise par voie électronique au greffe de la cour d’appel le 6 novembre 2020, son appel portant sur l’ensemble des dispositions lui faisant grief, énoncées dans sa déclaration.

La société Groupe Maine a constitué avocat en qualité d’intimée le 17 novembre 2020.

L’ordonnance de clôture a été prononcée le 19 octobre 2022 et l’affaire a été fixée à l’audience du conseiller rapporteur du 7 novembre 2022.

*

MOYENS ET PRÉTENTIONS DES PARTIES

M. [A], dans ses dernières conclusions, régulièrement communiquées, transmises au greffe le 18 octobre 2022 par voie électronique, ici expressément visées et auxquelles il convient de se référer pour plus ample exposé, demande à la cour de le recevoir en son appel, et de :

– infirmer le jugement entrepris et constater que le licenciement est dépourvu de cause réelle et sérieuse ;

– en conséquence, condamner la société Groupe Maine à lui payer la somme de 22 154,16 euros net au titre de l’indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse ;

– confirmer la décision entreprise en ce qu’elle a condamné la société Groupe Maine à lui payer les sommes suivantes :

-‘5371 euros’ (sic) au titre de l’indemnité de licenciement,

-13 292,50 euros au titre de l’indemnité compensatrice de préavis,

-1329,25 euros au titre des congés payés y afférents ;

– rejeter toute demande contraire comme non recevable en tous cas non fondée ;

En conséquence,

– débouter la société Groupe Maine de son appel incident tendant à ce que le jugement entrepris soit infirmé en ce qu’il dit que le licenciement n’était pas fondé sur une faute grave, et par suite l’a condamnée à payer les sommes de 5371 euros au titre de l’indemnité de licenciement, 13292,50 euros au titre de l’indemnité de préavis,1329,25 euros au titre des congés payés sur préavis, et1000 euros par application des dispositions de l’article 700 code de procédure civile ;

– débouter la société Groupe Maine de sa demande tendant à ce qu’il soit jugé que le licenciement est fondé et repose sur une faute grave, et qu’il soit par suite débouté de ses demandes à son encontre ;

– débouter la société Groupe Maine de sa demande de condamnation à lui payer, par application des dispositions de l’article 700 code de procédure civile, la somme de 3500 euros pour les frais irrépétibles exposés en première instance, et celle de 3500 euros pour ceux exposés en cause d’appel ;

– dans tous les cas débouter la société Groupe Maine de sa demande tendant à ce que soient appréciées à de plus justes proportions ses demandes et prétentions ;

Dans tous les cas , y ajoutant :

– condamner la société Groupe Maine à lui payer la somme de 9 000 euros au titre des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile ;

– condamner la société Groupe Maine aux entiers dépens de première instance et d’appel qui seront recouvrés conformément aux dispositions de l’article 669 code de procédure civile.

Au soutien de son appel, M. [A] fait valoir en substance que le prétendu manquement qui lui est reproché ne procède pas de ses missions telles que contractuellement définies. Il rappelle alors que de jurisprudence constante, le licenciement motivé par le refus du salarié d’exécuter les tâches non prévues par le contrat de travail est dépourvu de cause réelle et sérieuse, ce qui est le cas en l’espèce. En tout état de cause, il affirme avoir répondu à la demande de son employeur et ce, le jour même de son interpellation à ce sujet.

Enfin, il observe par ailleurs que le comportement irrespectueux ou indiscipliné vis-à-vis du directeur général qui lui est reproché n’est nullement démontré.

*

Par conclusions, régulièrement communiquées, transmises au greffe par voie électronique le 28 septembre 2022, ici expressément visées, et auxquelles il convient de se référer pour plus ample exposé, la société SAS Groupe Maine demande à la cour de:

– confirmer le jugement déféré en ce qu’il a débouté M. [A] de l’intégralité de ses autres demandes ;

– le réformer en ce qu’il :

– a dit que le licenciement de M. [A] n’était pas fondé sur une faute grave ;

– l’a condamnée à payer à M. [A] les sommes de 5317 euros au titre de l’indemnité conventionnelle de licenciement, de 13 292,50 euros brut au titre de l’indemnité de préavis, outre 1329,25 euros brut au titre de l’indemnité de congé payé y afférent ;

– l’a condamnée à verser la somme de 1000 euros à M. [A] sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile ;

Statuant à nouveau :

– juger que le licenciement pour faute grave de M. [A] est bien fondé et repose sur une faute grave ;

– débouter M. [A] de l’ensemble de ses demandes ;

– condamner M. [A] à lui verser sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile les sommes de 3500 euros pour les frais exposés en première instance et de 3 500 euros pour ceux dépensés en cause d’appel ;

– condamner M. [A] aux entiers dépens.

A titre infiniment subsidiaire :

– apprécier à de plus justes proportions les demandes et prétentions de M. [A].

Liminairement, la société Groupe Maine relève que M. [A] ne sollicite plus désormais de dommages et intérêts pour harcèlement moral et ne conteste pas davantage le rappel à l’ordre et la mise à pied dont il a fait l’objet préalablement à son licenciement, ce qui révèle, selon elle, l’absence de sérieux de sa saisine initiale de la juridiction prud’homale.

S’agissant de son licenciement, seule question restant en débat, l’employeur rappelle qu’il est reproché au salarié des difficultés comportementales constitutives d’indisciplines et aggravées par des faits d’insubordination, malgré un accompagnement constant de sa part dans l’amélioration de son savoir vivre depuis 2014.

Il expose en premier lieu le contexte dans lequel le licenciement est intervenu. Il rappelle ainsi que dès 2014, M. [A] a installé unilatéralement un logiciel contraire à la procédure qualité de l’entreprise, et l’a déployé sur la totalité du site d'[Localité 4]. Il fait état de plusieurs précédents concernant les difficultés d’indiscipline et de communication persistantes du salarié, lesquelles se sont répercutées sur les ressources humaines. Il relève enfin une absence de collaboration de M. [A] avec ses collègues, laquelle a eu des conséquences en particulier sur l’entretien de la chaudière.

En second lieu, la société Groupe Maine prétend rapporter la preuve des griefs contenus dans la lettre de licenciement et notamment l’inexécution et le refus persistant de M. [A] de réaliser une tâche relevant de son contrat de travail.

***

MOTIVATION

La cour statuant dans les limites de l’appel dont la portée est déterminée au regard des dernières conclusions, il y a lieu de constater que M. [A] ne présente plus aucune demande visant l’annulation de la lettre de rappel à l’ordre du 14 mars 2017 et de la mise à pied disciplinaire du 12 janvier 2018, l’allocation de dommages et intérêts en réparation du préjudice subi à ce titre, et l’obtention de dommages et intérêts pour harcèlement moral.

La société Groupe Maine ne sollicite pas davantage l’infirmation du jugement à ces divers titres.

En conséquence, les dispositions du jugement ayant rejeté ces demandes sont désormais définitives.

– Sur le licenciement pour faute grave :

* Sur l’existence d’une cause réelle et sérieuse :

Selon l’article L. 1235-1 du code du travail, en cas de litige portant sur le licenciement, le juge, à qui il appartient d’apprécier la régularité de la procédure suivie et le caractère réel et sérieux des motifs invoqués par l’employeur, forme sa conviction au vu des éléments fournis par les parties après avoir ordonné, au besoin, toutes les mesures d’instruction qu’il estime utiles et si un doute subsiste, il profite au salarié.

En cas de licenciement disciplinaire, le juge doit rechercher si le motif allégué constitue une faute. Si les faits invoqués, bien qu’établis, ne sont pas fautifs, le licenciement est sans cause réelle et sérieuse.

La faute grave privative du droit aux indemnités de rupture, qu’il appartient à l’employeur de démontrer, correspond à un fait ou un ensemble de faits qui, imputables au salarié, constituent une violation des obligations résultant du contrat de travail d’une importance telle qu’elle rend impossible son maintien dans l’entreprise.

Il appartient au juge de qualifier les faits évoqués dans la lettre de licenciement.

En l’espèce, la lettre de licenciement du 8 juin 2018 signée par M. [K] [J], président directeur général de la société Groupe Maine, est ainsi rédigée :

‘ Monsieur,

(…) Nous avons été amenés à évoquer les faits reprochés. Ces faits sont les suivants :

Comme le faisait auparavant M. [X], votre prédécesseur, je vous ai demandé de suivre le contrôle de l’adéquation des caractéristiques techniques de notre abonnement d’électricité avec nos consommations, et les pénalités financières éventuelles. Vous êtes à ce titre, chaque mois, destinataire d’une copie des factures, comme l’attestent les exemplaires des quatre sites de l’entreprise présentés au cours de cet entretien, datant de mars 2014, où figurent vos initiales de diffusion.

La facture n° 10073651399 de février 2018, en date du 4 mars 2018, transmise le 9 mars, présentait une pénalité de 1263 euros.

La facture n° 10075052233 de mars 2018, en date du 4 avril 2018, présentait une pénalité de 263 euros. Je vous l’ai transmise le lundi 9 avril complétée d’une mention manuscrite de ma part ‘que statuez-vous sur les dépassements de puissance de février et mars”

Après cette relance écrite sur la facture de mars 2018, puis relance verbale, vous me niez avoir cette tâche à exécuter et me déclarez ne jamais vous en être occupé.

Votre réponse écrite m’arrive ensuite le 11 avril 2018 par messagerie interne, en proposant de reporter cette tâche sur le service comptable alors que je vous ai demandé personnellement de traiter ce sujet technique.

Je vous ai alors de nouveau confirmé ce que je vous ai expliqué à plusieurs reprises, par retour de mail le mercredi 12 avril 2018 pour clore le sujet.

Vous me répondez encore une fois, avec deux pages, en niant cette fois-ci que cette action est dans votre périmètre pour le site de [Localité 5] ‘A ce sujet, lors de mon embauche, il m’avait été expressément spécifié que [Localité 5] ne RENTRAIT PAS dans mon périmètre. Cette situation a-t-elle changée’ (De manière implicite).’ alors que :

* les factures des différents sites vous sont bien transmises, depuis votre arrivée dans l’entreprise (cf. exemplaires de mars 2014 présentés en entretien),

* vous êtes seul pilote de processus S3 ‘intégrer et maintenir les équipements’, certifié ISO9001 pour les deux sites de [Localité 5] et d'[Localité 4] (cf. Manuel Qualité),

* votre contrat de travail mentionne bien votre périmètre couvrant les différents sites : ‘…d’assurer l’ensemble des actions permettant de maintenir ou rétablir un bien dans un état spécifié ou en mesure d’assurer un service déterminé pour les différents sites’ (extrait de votre contrat de travail -§II).

Devant votre message, dans le but de mettre fin à l’émission de ces mails pour une instruction précise aussi basique et pour répondre à votre question, vous me contraignez à vous proposer un rendez-vous -mon mail du 12 avril 2018- 18H53.

Au cours de cet échange, qui s’est déroulé le 13 avril 2018 en fin de matinée, pendant 1H15, vous avez encore nié, en entretenant des discussions interminables.

Après cette réunion, l’après-midi, vous m’adressez ensuite un nouveau mail pour m’expliquer qu’en fait M. [X], votre prédécesseur à ce poste, avait arrêté l’abonnement à un service d’analyse de nos consommations…reportant la responsabilité de votre inaction sur une de ses décisions plusieurs années plus tôt.

Au cours de notre entretien du vendredi 25 mai 2018, vous m’avez expliqué comprendre mes reproches sur vos attitudes et ne pas avoir réalisé cette tâche parce que vous n’aviez pas les moyens de la réaliser.

Pourtant, vous avez été tenu informé des évolutions de la présentation des factures par la copie du courrier EDF Entreprise faite le 2 février 2017 et de leur disponibilité pour toute question complémentaire.

Pourtant, à aucun moment, vous n’êtes venu vers moi pour traiter de vive voix les éventuelles difficultés rencontrées pour traiter une tâche que je vous ai transmise.

En conclusion :

Vous n’exécutez pas une tâche demandée par votre hiérarchie, qui plus est, Pdg du Groupe Maine.

Lorsque je vous relance, vous niez avoir à la faire alors que ma demande est explicite.

Vous niez par mail le périmètre de votre action.

En rendez-vous du 13 avril 2018, vous niez encore.

Au cours de notre entretien du vendredi 25 mai 2018, vous me dites maintenant ne pas avoir les moyens de la traiter.

Ces faits relèvent de l’indiscipline, pour laquelle vous avez déjà été sanctionné.

Ils sont aggravés par une démarche de justification sans fin, vis-à-vis du plus haut niveau hiérarchique de l’entreprise -votre Pdg-, à la limite de l’insubordination, pour laquelle vous avez déjà été rappelé à l’ordre.

En conséquence, devant la gravité de ces faits, devant le constat que la sanction précédente, ainsi que les rappels à l’ordre, n’ont pas fait évoluer un comportement contraire à ce que nous sommes en droit d’attendre d’un salarié et d’autant plus ayant le statut de cadre et responsable de service, votre maintien dans l’entreprise s’avère impossible, même pendant un préavis, c’est pourquoi nous vous signifions par la présente votre licenciement pour faute grave. (…)’.

Liminairement, la société Groupe Maine entend préciser que M. [A] a été licencié pour ‘des difficultés comportementales constitutives d’indisciplines et aggravées par des faits d’insubordinations, malgré un accompagnement constant de la société Groupe Maine dans l’amélioration de son savoir vivre depuis 2014″.

Elle fait état des incidents ayant pu émailler la relation de travail depuis la période d’essai jusqu’après la notification du licenciement, en revenant en particulier sur un précédent rappel à l’ordre notifié le 14 mars 2017 et la mise à pied disciplinaire prononcée le 12 janvier 2018 ce, afin de justifier des difficultés comportementales de M. [A]. Elle entend ainsi démontrer que les faits ayant motivé le licenciement ne sont que la manifestation de la persistance du salarié dans son attitude répréhensible et de l’absence de toute volonté de changement de sa part malgré les efforts d’accompagnement développés en sa faveur.

Le salarié soutient qu’en faisant état de ces éléments mis en perspective avec le licenciement, l’employeur viserait en réalité à étendre le motif du licenciement ce, sans s’en tenir aux limites fixées par la lettre de licenciement.

De fait, seule la lettre de licenciement fixe les limites du litige et le juge ne peut retenir un autre motif que celui indiqué dans cette lettre comme cause réelle et sérieuse du licenciement.

Si le juge peut prendre en compte divers éléments tels que le contexte des faits (Soc., 1er décembre 2010, pourvoi n° 09-65.985), l’ancienneté du salarié (Soc., 17 juin 2009, pourvoi n° 07-43.236- Soc., 5 décembre 2006, pourvoi n° 04-43.599), l’existence ou l’absence de précédents disciplinaires (Soc., 14 septembre 2010, pourvoi n° 09-41.275), c’est uniquement pour apprécier la gravité des faits reprochés, mais non pour dépasser les limites du litige -en intégrant par exemple la commission de faits précédents-, alors que celles-ci sont strictement définies par la lettre de licenciement.

Or, la dite lettre reproche uniquement à M. [A] d’avoir refusé de procéder au suivi du contrôle de l’adéquation des caractéristiques techniques de l’abonnement d’électricité de la société Groupe Maine avec ses consommations, et les pénalités financières éventuelles ce, sur la base de deux factures en l’électricité et malgré les demandes explicites et réitérées du Pdg, faits relevant selon l’employeur de l’indiscipline, aggravés par une démarche de justification sans fin conférant à l’insubordination.

Seuls ces faits doivent donc être examinés pour déterminer s’ils sont matériellement établis et constitutifs d’un comportement fautif.

La société Groupe Maine soutient que le suivi et le contrôle de l’adéquation des caractéristiques techniques de l’abonnement d’électricité avec les consommations, et les pénalités financières éventuelles, constituent une tâche relevant des missions du responsable maintenance telles que contractuellement définies, tâche que M. [A] a refusé d’exécuter.

M. [A] assure au contraire que ce travail, sans lien avec la technicité de la maintenance des équipements, ne faisait pas partie des missions prévues à son contrat de travail, mais de celles du responsable achats au sein de l’entreprise (M. [Z] [C]).

Il ajoute qu’il a été informé tardivement de cette nouvelle tâche imposée le 12 avril 2018.

Enfin, il affirme qu’en tout état de cause, il n’a jamais refusé d’accomplir la tâche litigieuse demandée par M. [J], Pdg de la société Groupe Maine, mais qu’au contraire, il s’en est acquitté et ce encore de manière complète et avec beaucoup de diligence.

Le contrat de travail de M. [A] stipule que celui-ci exercera ‘les fonctions de responsable maintenance conformément à la fiche d’emploi ci-joint’, les missions principales étant déjà définies comme suit : ‘assurer l’ensemble des actions permettant de maintenir ou de rétablir un bien dans un état spécifié ou en mesure d’assurer un service déterminé pour les différents sites. Encadrer l’ensemble des personnes du service.’

La fiche d’emploi jointe au contrat liste les activités principales permettant à M. [A] d’exercer les missions précitées en ces termes :

– diagnostiquer l’état des équipements tant au niveau performances, coûts, sécurité et en assurer les améliorations en conséquence ;

– élaborer le planning de maintenance préventive et corrective de l’équipe en gérant les priorités, la sécurité et les contraintes de production et en assurer le suivi ;

– assurer la réalisation des travaux neufs de la conception à la mise en place effective ;

– gérer les relations avec les fournisseurs de pièces ;

– assurer le suivi des stocks du matériel de recharge ;

– veiller au suivi de la conformité des équipements de travail ;

– animation et encadrement de l’ensemble des personnes du service.

Il en ressort que l’analyse de l’impact de la consommation du matériel sur le réseau afin d’en tirer toute conséquence utile, et donc le contrôle de l’adéquation des caractéristiques techniques de l’abonnement d’électricité avec les consommations, à défaut d’être expressément précisés, apparaissent relever de la mission contractuellement attribuée à M. [A] en sa qualité de responsable de maintenance, en ce que celui-ci devait ‘diagnostiquer l’état des équipements tant au niveau performances, coûts, sécurité et en assurer les améliorations en conséquence.’

La société Groupe Maine n’est pas contestée quand elle ajoute que pour assurer cette mission, M. [A] avait accès à toutes les informations relatives aux productions dans la mesure où leur chemin d’accès sur le serveur lui avait été expressément rappelé le 7 octobre 2014 lors de son entretien individuel (pièce 26).

M. [A] admet qu’il était destinataire des factures d’électricité au titre de ses obligations mais uniquement afin de pouvoir vérifier l’absence d’anomalies techniques sur l’équipement ainsi que l’éventualité de dépassements de puissance réactive des équipements, seul contrôle relevant de ses missions. Il précise ainsi que l’indicateur de ‘tangente Phi’ repris sur les factures, était utile au diagnostic de l’état des condensateurs de redressement destinés à corriger la puissance réactive.

Il reste que cette vérification revient à contrôler le suivi de la consommation du matériel certes dans une perspective purement technique visant à assurer le bon fonctionnement du matériel, mais aussi dans l’objectif de contrôler les coûts de fonctionnement de ces équipements, mission précitée qui incombait également au salarié.

En tout état de cause, il sera relevé que la faute reprochée concerne précisément des dépassements de puissance dont le contrôle incombait à M. [A] ainsi qu’il le reconnaît lui-même.

A juste titre, l’employeur relève que M. [C], responsable des achats et stocks, et dont le rôle se limitait en particulier à négocier des contrats plus avantageux, n’avait pas de compétence pour déterminer au regard des factures si l’abonnement en électricité était adéquat au regard des consommations de la société Groupe Maine. Dès lors, il n’avait d’autre possibilité que de se baser sur les avis techniques du responsable maintenance en la matière afin de procéder le cas échéant à la modification des abonnements.

De surcroît, M. [G] [X], ayant précédé M. [A] au poste de responsable maintenance, atteste avoir accompagné le salarié depuis son embauche jusqu’à son départ à la retraite fin septembre 2014, pour ‘qu’il ne subsiste peu ou pas de lacune, dans la transmission des tâches, missions et fonctions qu’il réalisait au sein du groupe Maine’. Il précise qu’ils partageaient le même bureau à cette fin, que M. [A] était destinataire tout comme lui des factures EDF transmises et que surtout, ‘sur ces factures, il vérifiait que les caractéristiques techniques des abonnements en électricité des sites du groupe étaient en phase avec les consommations’, précisant qu’en cas contraire, il informait ‘M. [C] pour qu’il gère les écarts ou évolutions d’abonnements avec EDF, chose que nous avons été amenés à réaliser quelques temps avant mon départ (…)’. Il confirme également l’importance de la variable ‘tangente Phi’ renseignée sur les factures EDF, laquelle doit être surveillée dans la mesure où la société Groupe Maine pouvait être amenée à payer des pénalités lorsqu’elle variait et d’autres pénalités pour dépassement de la puissance souscrite. Il indique qu’il incombait au responsable maintenance de vérifier si les batteries de condensateurs prévues pour corriger cette variable étaient calibrées et adaptées .Enfin, il mentionne qu’en 2014, il n’a pas validé l’acquisition de l’outil de suivi de consommation qu’ils ont eu en test quelques mois car il ne le jugeait pas indispensable, estimant que le suivi des factures EDF le renseignait suffisamment.

Enfin, les échanges de courriels communiqués par la société Groupe Maine au sujet des factures EDF confirment que le suivi de l’adéquation entre les abonnements en électricité et les consommations relevait des fonctions habituellement exercées par M. [A], et ce, en collaboration avec le service achats (M. [C]) pour la partie modification de l’abonnement qui en résultait le cas échéant. Ainsi :

– le 12 avril 2016, M. [J], Pdg de la société Groupe Maine, informait MM. [C] et [A] de leur RV avec EDF, de la mise à disposition de copies de factures ‘nouvelle présentation’, s’assurant auprès des deux salariés de leur compréhension dans leur détail, quantum de consommation, prix principaux et annexes et de leur vérification (pièce 10 de la société Groupe Maine );

– le 29 avril 2016, en réponse au mail du 8 février précédent adressé par M. [J] demandant ‘un contrôle pointilleux des factures reçues pour janvier avec le nouvel abonnement’ et questionnant M. [A] sur un dépassement d’appel de puissance en dépit d’une température extérieure raisonnable, le salarié répondait : ‘lors de l’analyse, il s’est avéré que nos puissances souscrites à [Localité 4] et [Localité 5] étaient bien calibrées. Un léger dépassement étant moins cher qu’un abonnement plus lourd. Par contre, nous étudions le cas au Mans, pour voir s’il y a une possibilité d’optimisation au tarif de nuit. Pour cela, [Z] ([C]) doit recevoir des informations de la part de M. [E] (EDF) (pièce 11).

Il résulte de l’ensemble de ces éléments que le suivi de l’adéquation des caractéristiques techniques de l’abonnement d’électricité avec les consommations relevait bien des missions confiées contractuellement à M. [A]. Il sera néanmoins d’ores et déjà relevé qu’aucun élément ne vient attester d’une contestation ou résistance de M. [A] dans l’exercice de cette mission.

Dès lors, il reste à déterminer si le refus de M. [A] d’exécuter une telle tâche tel que reproché par l’employeur est ou non établi.

L’employeur se fonde sur deux factures en électricité, la première émise le 4 mars 2018 pour les mois de janvier et février 2018 et transmise par le service comptabilité sans commentaire particulier à MM. [C] et [A] par mail du 9 mars suivant et la seconde émise le 4 avril 2018 transmise sous format papier le 9 avril 2018 reçue le 10 avril par M. [A] accompagnée de la mention manuscrite apposée en marge de la facture par M. [J] : ‘Que statuez-vous sur les dépassements de puissance de février et mars”.

Il est constant que la première facture du 4 mars 2018 mentionne des dépassements de la puissance souscrite à cinq reprises lesquels ont donné lieu à pénalités (pour un montant total de 1263,58 euros +14,16 euros concernant la composante réactive) et que la seconde du 4 avril suivant présentait un dépassement entraînant une pénalité de 262,02 euros (253,11 euros +8,91 de pénalité concernant la composante réactive).

Il n’est pas contesté que M. [A] a été interrogé oralement sur la première facture au mois de mars 2018 mais l’employeur ne mentionne pas la réponse ou l’absence de réponse apportée à ce stade par le salarié qui n’en fait pas état en cause d’appel, sauf à signaler avoir indiqué à M. [J] dans son mail du 12 avril 2018 qu’il ‘n’avait pas trouvé la facture du mois de février’ dont il lui avait parlé.

En revanche, il ne peut qu’être relevé que la lettre de licenciement ne reproduit que très partiellement les réponses apportées à l’employeur par M. [A] concernant ces deux factures, ne traduisant pas ainsi avec exactitude et exhaustivité la réaction du salarié.

Ainsi, par mail du 11 avril 2018 ayant pour objet ‘dépassement de puissance’, adressé à M. [J] et en copie à M. [C], M. [A] répondait à la question posée par le Pdg de la société Groupe Maine sur la seconde facture précitée dans les termes suivants :

‘ Bonjour [K],

J’ai trouvé la composante réactive de 9 euros facturé à [Localité 5].

Là-dessus on ne fait rien, on laisse tel quel.

Sur le dépassement de [Localité 5] de 253 euros, c’est 3,5% du montant de la facture.

Au mois de décembre 2017 sur [Localité 5], il y avait 650 euros de dépassement, c’était 10% de la facture.

Pour bien faire, il nous faudrait un tableau de suivi annuel :

* combien de fois par an cela arrive,

* combien coûterait un abonnement de puissance supérieure,

*choisir la solution la plus économique des deux.

Ces questions se sont déjà posées en 2014 pour [Localité 4], et il n’était pas intéressant d’augmenter l’abonnement.

Il faut se poser la question périodiquement.

Ne conviendrait-il pas de demander un tableau de suivi comptable qui serait établi par des personnes du pôle administratif’

Et pourquoi pas inclure les années 2015, 2016, 2017′

Il n’y a que 12 factures par an, c’est un travail raisonnable, peut être une journée pour les deux sites’

Je n’ai rien contre ce type de travail, mais je dois rester centré sur la Maintenance, où ma valeur ajoutée sera beaucoup plus forte.

Cordialement’.

Il en ressort que M. [A] a apporté une réponse à réception (le 10 avril 2018) de la facture du 4 avril 2018 et de la question annotée par M. [J] avec un avis clair et tranché, s’interrogeant seulement sur l’opportunité d’une réflexion plus générale à mener laquelle pourrait reposer sur une étude englobant les années antérieures, et sur le service qui pourrait y procéder. Ce courriel ne manifeste aucunement un refus de procéder aux vérifications sollicitées concernant les factures objets de l’interrogation de l’employeur. Si le salarié apporte une réponse pour la seule facture du 4 avril 2018, il expliquera qu’il n’avait pas alors à cet instant retrouvé le mail adressé par M. [U], comptable, avec sa pièce jointe, pensant à tort qu’il s’agissait d’une facture transmise par le Pdg lui-même en format papier ainsi qu’il l’exposera dans un courriel suivant.

Par mail envoyé le 12 avril 2018 à 8H46 en copie à M. [U], M. [J] rappelait au salarié mais également à M. [C], que ‘le contrôle de l’adéquation de l’abonnement, le suivi et l’analyse des pointes de consommations (que [D] peut suivre sur ton accès professionnel internet EDF), le suivi des valeurs de tangente Phy…étaient du ressort d'[G] pour la compétence technique de l’électricien que [D] assume maintenant. Donc que je ne vois pas ce qui motiverait le changement d’organisation administrative aujourd’hui’.

Il poursuivait en faisant état d’une réunion du 13 octobre 2017 organisée alors qu’il avait le ‘pressentiment’que les salariés n’effectuaient pas leur travail de contrôle. Il rappelait qu’à cette occasion, il avait alors sensibilisé MM. [C] et M. [U] – ‘M. [A] avait décliné’ sur le suivi des fournisseurs ne faisant pas l’objet de bon de commandes et dont le paiement est immédiat tels que le fournisseur EDF.

Il soulignait que ‘le suivi comptable des factures en qualité / quantité c’est [D] ([A] ), celui du prix c’est [Z] ([C])’.

Il actait que M. [A] avait relevé quelques dépassements et/ou pénalités financières depuis quelques mois, ‘c’est noté’, en insistant néanmoins sur celui de février pour ‘1263 euros (montant qui aurait dû vous interroger)’ , s’étonnant de l’absence de commentaire particulier de M. [A] sur ce point comme de l’absence de réaction de la part de M. [C].

Il concluait son mail en recadrant le sujet ‘technique et financier’ sur les ‘compétences spécifiques’ de M. [A] et de M. [C], insistant sur le peu de temps qu’un tel contrôle exigeait et qu’en présence d’anomalies, ‘l’investigation est de votre ressort d’instruction et non d’un aide comptable. Rappel pour application de ces consignes SVP.’

Le mail adressé en retour le soir même par M. [A] à 17H43 ne se limite pas aux propos repris dans la lettre de licenciement par lesquels le salarié s’interrogeait sur les limites de son périmètre géographique d’intervention.

En effet, M. [A] débute son émail en mentionnant les 6 heures de travail passées à traiter ce problème, communiquant alors l’état de ses avancées sur le sujet. Relatant l’ensemble des démarches accomplies manifestement immédiatement à réception du courriel de M. [J], il signale :

– l’absence de fichier de suivi du temps d'[G] ([X]) concernant ces factures, faisant état ‘d’une estimation à la volée avec une facture à l’époque plus simple à lire et sans tenue de document d’analyse étayé’ ;

– le fait que l’adéquation abonnement / consommation, ‘puisqu’il est de mon ressort’, nécessitera que je prenne contact avec EDF pour demander les tarifs des différents abonnements et effectuer des simulations correspondantes, ce que j’ai fait aujourd’hui.’

Il se livre ensuite à l’analyse des prix des abonnements alors pratiqués, des puissances autorisées et des prix du KWH, précisant qu’il convenait de prendre contact avec M. [E] (EDF) pour renégocier le contrat global de fournitures, les puissances autorisées étant différentes pour chacun des deux sites pour un prix d’abonnement identique.

Il mentionne l’existence d’un service de suivi des consommations qui permet de tracer les historiques de dépassements, lesquels peuvent être faibles sur une longue période ou bien forts sur une courte période. Il précise demeurer dans l’attente d’une proposition de prix pour le ‘suivi conso’ de 350 euros par an et par site, service incluant des alertes quotidiennes.

Il évoque ensuite la question de l’évolution de la consommation (et non pas les seuls dépassements), données devant être rapprochées de celles de la production pour effectuer une analyse correcte, proposant ensuite une piste de travail à cette fin.

Enfin, il revient longuement par des explications précises sur ‘le dépassement quadratique mentionné sur la facture du mois de mars, racine carrée des sommes quadratiques de dépassement par jour de la période considérée’, proposant in fine de négocier pour [Localité 5] une puissance de 500 kW sous réserve d’avoir accès à un relevé journalier pour comprendre d’où venait ce dépassement.

Il propose enfin comme ‘action’ de :

– reprendre les historiques de facturation de 2017 et 2016, souscrire au ‘service conso’, traiter ces données pour trouver les causes, avoir un bilan d’ici quelques mois pour revoir le contrat si nécessaire ou agir sur les causes, par exemple un groupe frigo en surconsommation à [Localité 5].

Il précisera au passage les raisons de son absence lors de la réunion du 13 octobre 2017 évoquée dans le mail de M. [J] et l’absence de tout compte-rendu ou retour malgré ses démarches effectuées en vain auprès de M. [C] à ce titre. De fait, il apparaît qu’à cette date, M. [A] était alors en congé pour proche aidant (pièce 18 de l’employeur).

Ce n’est donc qu’in fine, qu’il interroge son correspondant sur le périmètre géographique de son intervention, se rappelant que lors de son embauche, il lui avait été expressément spécifié que [Localité 5] ne rentrait pas dans son domaine d’action.

Enfin, dans un dernier courriel du 13 avril 2018, M. [A] transmettra au directeur général et au Pdg de la société Groupe Maine, l’information reçue de M. [C] selon laquelle c’était son prédécesseur qui avait arrêté jadis le service du suivi des consommations via internet considérant après une utilisation de quelques années, que celui-ci n’était plus nécessaire, ce que confirmera M. [X] dans son attestation. Il précise que ce service revenait à 1000 euros par an pour les trois sites. Par autre mail du même jour, M. [A] transmettra à M. [C] les données relatives à ce service, en le sollicitant pour sa mise en place en le remerciant de ‘faire de (son) mieux pour le délai’ et de le ‘négocier gratuitement pour répondre à la demande de [K] ([J]) et de [P] ([O]). Une proposition du contrat de ‘service suivi conso’ sera transmise le même jour à M. [C] par EDF et il est justifié de la mise en oeuvre par M. [A] du service d’alerte via EDF pour être informé des évolutions mensuelles de consommation par rapport à la même période l’année précédente (pièce 15).

La société Groupe Maine fait encore état d’ un échange qui s’est déroulé le 13 avril 2018 engagé pour ‘mettre fin à l’émission de ces mails pour une instruction précise’ à l’occasion de laquelle M. [A] aurait ‘encore nié, en entretenant des discussions interminables’.

Le contenu de cet échange n’est toutefois pas établi.

De même, M. [A] conteste les propos qui lui sont prêtés dans sa lettre de licenciement et qu’il aurait tenus lors de l’entretien préalable à son licenciement le 25 mai 2018. Il affirme n’avoir jamais indiqué’comprendre les reproches sur mes attitudes et ne pas avoir réalisé cette tâche parce que je n’avais pas les moyens de la réaliser’ tel que repris dans la lettre. Il produit un courrier de M. [T] l’ayant assisté lors de l’entretien qui’atteste qu’aucun élément ne me permet de dire que M. [A] a attesté des faits reprochés’. L’employeur ne justifie pas de la reconnaissance par M. [A] de son refus d’exécuter la tâche reprochée par manque de moyen de la réaliser.

En définitive, aucun de ces éléments ne permet de conclure que M. [A] a refusé de procéder au suivi du contrôle de l’adéquation des caractéristiques techniques de l’abonnement d’électricité de la société Groupe Maine avec ses consommations, et les pénalités financières éventuelles tel que reproché au salarié sur la base de deux factures EDF précitées.

Ils manifestent au contraire sa réactivité dans l’analyse des dépassements révélés sur ces documents et, au-delà, pour la mise en place des outils propres à favoriser pour l’avenir un tel contrôle, ce qui dépassait la seule demande de son supérieur hiérarchique. Au demeurant, il ne peut être reproché au salarié de ne pas avoir relevé les dépassements de la facture du 4 avril 2018 communiquée à réception directement au salarié par l’employeur le 11 avril suivant. Tout au plus, il doit être relevé un manque de vigilance concernant le contrôle de la facture du 4 mars adressée électroniquement par le service de comptabilité, mais aucun élément ne vient démontrer que cette négligence relèverait d’un refus délibéré de sa part.

Les pièces communiquées par l’employeur pour établir que le contrôle de l’adéquation de l’abonnement aux consommations incombait au salarié ne permettent pas de mettre en exergue une quelconque défaillance à ce titre, ni a fortiori un refus de procéder au contrôle litigieux. Au contraire, l’échange de courriels du 29 avril 2016 précité atteste de l’avis immédiatement apporté concernant un précédent dépassement relevé sans que le salarié n’ait alors contesté les limites et contours de ses missions contractuelles.

Les questionnements du salarié sur le service administratif qui pouvait procéder à l’étude plus générale des relevés de consommation sur plusieurs années (mail du 11 avril 2018) ou sur son périmètre géographique (mail du 12 avril 2018), comme l’information donnée par M. [A] -au demeurant exacte- s’agissant de l’arrêt du service de suivi des consommations par son prédécesseur ce, alors que ces propos ne constituaient pas l’objet principal des courriels ainsi adressés, ne sauraient être assimilés à un ‘refus’ du salarié d’exercer ses missions, ni a fortiori à un acte d’insubordination ou d’indiscipline.

Au surplus, le fait que M. [A] se soit ainsi directement adressé au Pdg de la société Groupe Maine n’est pas de nature à caractériser davantage l’insubordination ou l’indiscipline, dès lors que d’une part, il n’a fait que répondre aux questions et courriels directement adressés par celui-ci, que d’autre part, il est manifeste que le ton et le style employés par chacun dans ces échanges traduisaient l’instauration de relations professionnelles simples, directes et franches (tutoiement réciproque et usage du prénom par chacun) et qu’enfin, aucun écart de langage n’est à relever dans les propos de M. [A]. Si le salarié a pu exprimer un certain ressenti en ces termes ‘(…) l’adéquation abonnement / consommation, ‘puisqu’il est de mon ressort (…)’, il reste que, malgré tout, le salarié s’est exécuté ce, en allant bien au-delà de la stricte demande portant sur les deux factures litigieuses.

Enfin, la mise en place d’outils plus performants pour assurer le suivi de l’adéquation exigé par l’employeur ne permet pas de conclure à l’absence de tout suivi pratiqué par M. [A] antérieurement aux faits reprochés. En effet, ce contrôle pouvait être opéré, ainsi que l’indique l’employeur lui-même et le pratiquait M. [X] avant M. [A], par le seul examen des factures communiquées.

Même à retenir que le salarié a manqué à ses obligations en ne mettant pas en oeuvre les moyens efficaces pour assurer le suivi de l’adéquation abonnement / consommation relevant de sa mission contractuelle avant le 12 avril 2018, il n’est pas établi que ce manquement résulterait d’une volonté délibérée ou d’une abstention volontaire de sa part.

Il est manifeste que M. [A] avait compris sa mission comme se limitant au contrôle des dépassements de puissance, à leur signalement et à d’éventuels enseignements à transmettre quant au maintien ou non de l’abonnement des consommations en électricité, sans aller toutefois jusqu’à une surveillance globale et continue de l’adéquation abonnement / consommation en l’absence de tout dépassement. De fait, les missions principales très générales confiées à M. [A] telles que rappelées antérieurement n’avaient pas été déclinées à ce degré de précision, ce qui ouvrait la porte à des interprétations différentes quant aux conséquences exactes qu’elles impliquaient. Mais, lorsque le Pdg de la société Groupe Maine a expressément formulé la répartition technique et financière de ce contrôle le 12 avril 2018 à M. [A], responsable maintenance, et à M. [C] responsable du service achats, le premier s’est exécuté immédiatement.

Ainsi, les faits reprochés à M. [A] dans la lettre de licenciement ne sont pas constitutifs d’une faute.

Le contexte évoqué par l’employeur, le précédent rappel à l’ordre du 14 mars 2017 et la mise à pied disciplinaire prononcée le 12 janvier 2018 à l’encontre du salarié, même non contestés en cause d’appel, ne sauraient davantage suppléer l’absence de caractère fautif des faits reprochés.

Du tout, il en résulte que le licenciement de M. [A] est dénué de cause réelle et sérieuse et le jugement sera infirmé de ce chef.

– Sur les conséquences financières du licenciement :

Selon l’article L. 1235-3 du code du travail, en cas de licenciement sans cause réelle et sérieuse, le juge octroie au salarié une indemnité à la charge de l’employeur dont le montant est compris entre les montants minimaux et maximaux fixés dans le tableau contenu dans cet article et qui sont fonction de l’ancienneté du salarié dans l’entreprise.

M. [A], qui bénéficie d’une ancienneté de 4 ans et 4 mois, peut prétendre à une indemnité comprise entre 3 et 5 mois de salaire brut d’un montant non contesté de 4430,83 euros.

Le salarié justifie que du fait de sa maladie professionnelle reconnue par décision de la caisse primaire d’assurance maladie de la Mayenne du 2 juillet 2020 (pour rhinite et asthmes professionnels : pièce 40-3), il est demeuré sans travail jusqu’à retrouver un emploi précaire aux très faibles revenus durant une année (pièce 41).

Le préjudice subi par M. [A] du fait de son licenciement, compte tenu de son âge au moment de la rupture (57 ans), d’une ancienneté de 4 ans et 4 mois dans l’entreprise, d’un salaire mensuel brut de 4430,83 euros et des éléments communiqués par le salarié quant à son devenir professionnel, sera réparé par l’allocation d’une somme que la cour est en mesure de fixer à 18 000 euros.

Le jugement sera par ailleurs confirmé en ce qu’il a alloué au salarié une indemnité compensatrice de préavis d’un montant de 13 292,50 euros brut équivalente à 3 mois de salaire en application des dispositions de la convention collective applicable aux cadres comme M. [A] , outre la somme de 1329,25 euros brut de congés payés afférents.

Enfin, le jugement sera également confirmé en ce qu’il a condamné la société Groupe Maine à payer à M. [A] une indemnité de licenciement non contestée subsidiairement en son montant de 5317 euros, compte tenu d’une ancienneté de 4 ans et 7 mois, préavis inclus.

– Sur la remise de documents sociaux :

Il y a lieu d’ordonner à la société Groupe Maine de remettre à M. [A] un bulletin de paie récapitulatif rectifié et une attestation destinée à Pôle emploi conformes aux dispositions du présent arrêt dans un délai de deux mois à compter de la signification de celui-ci sans qu’il y ait lieu à astreinte.

– Sur le remboursement des indemnités de chômage :

Selon l’article L. 1235-4 du code du travail, dans les cas prévus aux articles qu’il énonce, le juge ordonne le remboursement par l’employeur fautif aux organismes intéressés, de tout ou partie des indemnités de chômage versées au salarié licencié, du jour de son licenciement au jour du jugement prononcé, dans la limite de six mois d’indemnités de chômage. Ce remboursement est ordonné d’office lorsque les organismes intéressés ne sont pas intervenus à l’instance ou n’ont pas fait connaître le montant des indemnités versées.

Les conditions de cet article étant réunies, l’employeur est tenu au remboursement à Pôle emploi des indemnités de chômage effectivement versées à M. [A] par suite de son licenciement ce, dans la limite de trois mois d’indemnités .

– Sur les frais irrépétibles et les dépens :

Le jugement doit être confirmé en ses dispositions relatives aux frais irrépétibles et aux dépens.

Il est justifié de faire partiellement droit à la demande au titre de l’article 700 du code de procédure civile présentée en appel par M. [A] et de condamner la société Groupe Maine France au paiement de la somme de 2 000 euros sur ce fondement.

La société Groupe Maine , partie perdante, doit être condamnée aux entiers dépens de la procédure d’appel, avec autorisation pour Me Christian Notte-Forsy, avocat au barreau d’Angers, de faire application des dispositions de l’article 699 du code de procédure civile.

***

PAR CES MOTIFS :

La COUR,

Statuant dans les limites de l’appel, par arrêt contradictoire, prononcé publiquement et par mise à disposition au greffe,

CONFIRME le jugement prononcé le 2 octobre 2020 par le conseil de prud’hommes de Laval, sauf en ce qu’il a débouté M. [D] [A] de sa demande de dommages et intérêt pour licenciement sans cause réelle et sérieuse considérant que le licenciement reposait sur une cause réelle et sérieuse, et en ce qu’il a assorti la délivrance des documents de fin de contrat d’une astreinte ;

Statuant à nouveau, du chef des dispositions infirmées et y ajoutant,

DIT que le licenciement prononcé à l’encontre de M. [D] [A] est dépourvu de cause réelle et sérieuse ;

CONDAMNE la société Groupe Maine payer à M. [D] [A] la somme de 18 000 euros à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse ;

ORDONNE à la société Groupe Maine de remettre à M. [D] [A] un bulletin de paie récapitulatif rectifié et une attestation destinée à Pôle emploi conformes aux dispositions du présent arrêt dans un délai de deux mois à compter de la signification de celui-ci sans qu’il y ait lieu à astreinte ;

ORDONNE à la société Groupe Maine de rembourser à Pôle emploi les indemnités de chômage effectivement versées à M. [D] [A] par suite de son licenciement ce, dans la limite de trois mois d’indemnités ;

CONDAMNE la société Groupe Maine à payer à M. [D] [A] la somme de 2 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile pour ses frais irrépétibles exposés en appel;

DÉBOUTE la société Groupe Maine de sa demande présentée au titre de ses frais irrépétibles exposés en cause d’appel sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile ;

CONDAMNE la société Groupe Maine aux entiers dépens de la procédure d’appel avec autorisation pour Me Christian Notte-Forsy, avocat au barreau d’Angers, de faire application des dispositions de l’article 699 du code de procédure civile.

LE GREFFIER, P/ LE PRÉSIDENT empêché,

Viviane BODIN M-C. DELAUBIER

 


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