Licenciement disciplinaire : 7 mars 2023 Cour d’appel de Riom RG n° 21/01043

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Licenciement disciplinaire : 7 mars 2023 Cour d’appel de Riom RG n° 21/01043

07 MARS 2023

Arrêt n°

ChR/NB/NS

Dossier N° RG 21/01043 – N° Portalis DBVU-V-B7F-FS75

[O] [B]

/

S.A.S. CHAUSSEA

jugement au fond, origine conseil de prud’hommes – formation paritaire de vichy, décision attaquée en date du 15 avril 2021, enregistrée sous le n° 20/00045

Arrêt rendu ce SEPT MARS DEUX MILLE VINGT TROIS par la QUATRIEME CHAMBRE CIVILE (SOCIALE) de la Cour d’Appel de RIOM, composée lors des débats et du délibéré de :

M. Christophe RUIN, Président

Mme Frédérique DALLE, Conseiller

Mme Sophie NOIR, Conseiller

En présence de Mme Nadia BELAROUI greffier lors des débats et du prononcé

ENTRE :

Mme [O] [B]

[Adresse 4]

[Localité 5]

Représentée par Me Anicet LECATRE, avocat au barreau de MOULINS

APPELANTE

ET :

S.A.S. CHAUSSEA

prise en la personne de son représentant légal domicilié en cette qualité au siège social sis

[Adresse 1]

[Localité 2]

Représentée par Me BREUIL, avocat suppléant Me Stéphanie MANRY de la SELARL CAP AVOCATS, avocat au barreau de CUSSET/VICHY

INTIMEE

Après avoir entendu M. RUIN, Président en son rapport, les représentants des parties à l’audience publique du 09 Janvier 2023, la Cour a mis l’affaire en délibéré, Monsieur le Président ayant indiqué aux parties que l’arrêt serait prononcé, ce jour, par mise à disposition au greffe, conformément aux dispositions de l’article 450 du code de procédure civile.

FAITS ET PROCÉDURE

La SAS VGM devenue SAS CHAUSSEA, dont le siège social est situé à [Localité 2]), est spécialisée dans le secteur d’activité du commerce de détail de la chaussure. Elle exploite plusieurs magasins sur le territoire national.

Madame [O] [B], née le 5 décembre 1975, a été embauchée le 19 septembre 2005, suivant un contrat de travail à durée déterminée, en qualité de vendeuse, par la société VGM aux droits de laquelle est venue la société CHAUSSEA. A compter du 20 novembre 2005, la relation de travail s’est poursuivie dans le cadre d’un contrat de travail à durée indéterminée à temps complet sur un emploi de première vendeuse. A compter du 1er février 2007, selon avenant au contrat de travail signé le 31 janvier 2007, Madame [O] [B] a été promue responsable de magasin (non cadre). Madame [O] [B] était affectée au magasin CHAUSSEA de [Localité 6] (03).

La convention collective nationale applicable est celle des employés des entreprises à succursales du commerce de détail de la chaussure du 2 juillet 1968.

Suite à un arrêt de travail pour maladie, Madame [O] [B] a repris son poste de travail dans le cadre d’un mi-temps thérapeutique du 17 avril au 30 juin 2019, puis à temps complet.

Le 22 octobre 2019, la directrice régionale de la société CHAUSSEA, Madame [D] [E], annonçait à l’équipe du magasin de [Localité 6] au sein duquel Madame [O] [B] exerçait ses fonctions, la fermeture de cet établissement à compter du 30 novembre 2019.

Par courrier recommandé daté du 29 octobre 2019, l’employeur proposait à Madame [O] [B], suite à la fermeture du magasin de [Localité 6] dont la salariée dépendait, une mutation au sein du magasin CHAUSSEA sis à [Localité 3] (25), à compter du 1er janvier 2020, sur un poste de responsable de magasin à temps complet, catégorie non cadre, pour une rémunération mensuelle brute de 1.662 euros, avec participation de l’entreprise aux frais de déménagement à hauteur de 2.000 euros TTC maximum. Ce courrier précisait que cette nouvelle affectation ne constituait pas une modification du contrat de travail mais une application de la clause de mobilité contractuelle, que la salariée disposait d’un délai d’un mois à compter de la présentation de la lettre recommandée pour faire connaître sa décision, à défaut de quoi elle sera réputée accepter la mutation, qu’un refus serait considéré comme une inexécution des obligations contractuelles de la salariée ayant pour conséquence d’envisager le licenciement.

Par courrier recommandé daté du 19 novembre 2019, Madame [O] [B] refusait cette proposition de mutation en relevant une modification de la structure de sa rémunération ainsi que des obligations familiales impérieuses.

Par courrier recommandé daté du 29 novembre 2019, l’employeur a convoqué Madame [O] [B] à un entretien préalable à éventuel licenciement fixé au 16 décembre suivant.

Par courrier recommandé daté du 19 décembre 2019, l’employeur a licencié Madame [O] [B].

Le courrier de notification du licenciement est ainsi libellé :

‘Suite à notre entretien qui s’est déroulé le lundi 16 décembre 2019 avec Mademoiselle [E], directrice régionale, nous vous informons de notre décision de vous licencier pour les raisons suivantes :

Par courrier recommandé daté du 29 octobre 2019 nous vous avons proposé, en raison de la fermeture du magasin où vous êtes actuellement affectée, à savoir le magasin de [Localité 6], la proposition de mutation suivante :

– Responsable magasin à 37,50 heures hebdomadaires, catégorie non cadre, au sein du magasin CHAUSSEA de [Localité 3] PARC COMMERCIAL DES MARNIERES (1.662 euros brut mensuels).

Nous vous avons bien précisé qu’il s’agissait d’un simple changement de votre lieu de travail, vos fonctions restant inchangées.

Nous vous avons rappelé que compte tenu de la clause de mobilité figurant dans votre contrat de travail, cette mutation ne pouvait être envisagée comme une modification de votre contrat de travail puisque vous vous étiez par avance engagée à accepter la mobilité rendue nécessaire par le mode de fonctionnement de notre entreprise.

Nous vous avons également rappelé que l’entreprise rembourse à hauteur de 50% les titres de transports en commun.

De plus, nous vous avons informée que l’entreprise participe aux frais de déménagement à hauteur de 2.000 euros TTC maximum sur présentation de 3 devis. Nous cotisons également auprès de ACTION LOGEMENT qui facilite le logement grâce à un service global d’accompagnement.

Vous nous avez notifié votre refus par courrier daté du 19 novembre 2019.

Les explications recueillies ne nous ont pas permis de modifier notre appréciation à ce sujet puisque vous avez réitéré votre refus pour cette proposition de poste.

Votre préavis d’une durée de deux mois que nous vous dispensons d’effectuer débutera à la date de première présentation de cette lettre. Votre salaire continuera à vous être versé durant cette période aux échéances habituelles.

A l’expiration de votre contrat de travail, votre certificat de travail, votre reçu pour solde de tout compte et votre attestation Pôle emploi vous seront adressés par courrier…’.

Les documents de fin de contrat de travail ont été établis par la société CHAUSSEA en date des 22 et 24 février 2020. Madame [O] [B] a été employée par cette entreprise du 19 septembre 2005 au 22 février 2020. Elle a perçu une indemnité compensatrice de congés payés de 3.665,52 euros, une indemnité de licenciement de 8.056,11 euros.

Le 27 mai 2020, Madame [O] [B] a saisi le conseil de prud’hommes de VICHY aux fins notamment de voir juger son licenciement sans cause réelle et sérieuse, outre obtenir l’indemnisation afférente.

L’audience devant le bureau de conciliation et d’orientation s’est tenue en date du 1er octobre 2020 (convocation notifiée au défendeur le 15 juin 2020) et, comme suite au constat de l’absence de conciliation, l’affaire été renvoyée devant le bureau de jugement.

Par jugement rendu contradictoirement le 15 avril 2021 (audience du 11 mars 2021), le conseil de prud’hommes de VICHY a :

– fixé en application de l’article R. 1454-28 du code du travail le salaire de référence à la somme de 2.219,70 euros ;

– dit que le licenciement de Madame [O] [B] est dépourvu de cause réelle et sérieuse ;

– constaté l’existence d’un reliquat au titre de l’indemnité de licenciement ;

En conséquence,

– condamné la SAS CHAUSSEA à payer à Madame [O] [B] les sommes suivantes :

* 9.988,65 euros net, à titre de dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,

* 763,50 euros net à titre de complément d’indemnité de licenciement,

* 700 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile ;

– dit que les sommes nettes s’entendent -net- de toutes cotisations et contributions sociales ;

– dit que les intérêts au taux légal courant à compter de la réception par le greffe de la demande introductive en ce qui concerne les éléments de salaire et à compter du jugement pour les dommages et intérêts ;

– rappelé que le présent jugement qui ordonne le paiement de sommes au titre des rémunérations et indemnités mentionnées au 2° de l’article R. 1454-14 est exécutoire à titre provisoire dans la limite maximum de neuf mois de salaire calculés sur la moyenne des trois derniers mois de salaire et dit n’y avoir lieu à prononcé de l’exécution provisoire ;

– débouté Madame [O] [B]de ses autres demandes ;

– débouté la SAS CHAUSSEA de sa demande reconventionnelle ;

– ordonné, le licenciement étant intervenu sans cause réelle et sérieuse dans une entreprise comptant plus de 10 salariés et à l’encontre d’une salariée ayant plus de deux ans d’ancienneté, le remboursement au Pôle emploi Auvergne, en application des dispositions de l’article L. 1235-4 du code du travail, des indemnités chômage qui ont pu être versées à Madame [M] pour une durée de six mois ;

-condamné la SAS CHAUSSEA aux dépens.

Le 6 mai 2021, Madame [O] [B]a interjeté appel de ce jugement qui lui a été notifié à sa personne le 21 avril 2021.

Vu les conclusions notifiées à la cour le 11 janvier 2022 par Madame [O] [B],

Vu les conclusions notifiées à la cour le 7 mars 2022 par la SAS CHAUSSEA,

Vu l’ordonnance de clôture rendue le 12 décembre 2022.

PRÉTENTIONS DES PARTIES

Dans ses dernières écritures, Madame [O] [B] demande à la cour de :

– confirmer le jugement entrepris en ce qu’il a dit sans cause réelle et sérieuse son licenciement et en ce qu’il a condamné l’employeur à lui verser la somme de 763,50 euros net au titre du solde d’indemnité de licenciement ;

– l’infirmer s’agissant du quantum de l’indemnisation du licenciement et statuant à nouveau, condamner la SAS CHAUSSEA à lui payer la somme de 40.000 net à titre de dommages et intérêts en indemnisation du préjudice subi résultant de la perte d’emploi et de ses conséquences ;

– dire que la somme allouée par les premiers juges portera intérêts de droit au taux légal à compter du jugement et de l’arrêt à intervenir pour les sommes allouées au-delà ;

– ordonner la capitalisation de ces intérêts échus pour une année entière et rappeler que ces intérêts échus porteront intérêts au taux légal le cas échéant majoré ;

– s’agissant des frais irrépétibles, confirmer le jugement et y ajoutant, condamner la SAS CHAUSSEA à lui payer la somme de 3.000 euros en cause d’appel ;

– débouter en tout état de cause la société CHAUSSEA de ses demandes au titre de l’article 700 du code de procédure civile, cette demande, tant par sa nature que par son quantum n’étant pas compatible avec la notion d’équité qui préside à l’application des dispositions précitées eu égard aux ressources respectives des parties ;

– condamner la SAS CHAUSSEA aux dépens.

Madame [O] [B] soutient que la clause de mobilité prévue à son contrat de travail a été mise en oeuvre par l’employeur de manière précipitée et sans respect d’un quelconque délai de prévenance raisonnable. Elle conclut également à l’irrégularité de la clause de mobilité en raison de son imprécision, laquelle aurait dû mentionner les départements concernés et non simplement se contenter de viser le quart Nord Est de la France.

L’appelante fait valoir que la mutation proposée devait être soumise à son acceptation expresse puisque constituant une modification d’un élément essentiel du contrat de travail, à savoir la structure de sa rémunération. Elle rappelle qu’il est constant qu’un salarié ne peut se voir licencier à raison du refus qu’il a opposé à la modification de son contrat de travail.

Elle fait enfin valoir que la fermeture du magasin a été motivée par la réorganisation de l’entreprise afin que soit sauvegardée sa compétitivité eu égard aux difficultés économiques rencontrées et considère de la sorte qu’elle aurait dû en conséquence, en lieu et place du licenciement disciplinaire qui lui a été notifié et dont elle critique le bien fondé, faire l’objet d’une mesure de licenciement économique, ce qui n’a présentement pas été le cas.

Dans ses dernières écritures, la SAS CHAUSSEA conclut à l’infirmation du jugement en toutes ses dispositions et demande à la cour, statuant à nouveau, de :

– constater que la clause de mobilité figurant à l’article 10 du contrat de travail de la salariée est parfaitement valide et lui est donc opposable ;

– constater que la proposition de mutation constitue un simple changement des conditions de travail ;

– en déduire que le refus de la salariée est une inexécution de ses obligations contractuelles ;

– dire le licenciement pour faute de Madame [O] [B] bien fondé et débouter l’appelante en conséquence de l’ensemble de ses demandes, fins et conclusions ;

– à titre subsidiaire, pour le cas où le licenciement de Madame [O] [B] serait jugé sans cause réelle et sérieuse, confirmer le jugement en ce qu’il l’a condamnée à verser à Madame [O] [B] la somme de 9.958,65 euros, mais en brut, à titre de dommages et intérêts ;

– condamner Madame [O] [B] à lui payer la somme de 3.000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile ainsi qu’aux entiers dépens.

La société CHAUSSEA expose que le contrat de travail de Madame [O] [B] comporte en son article 10 une clause de mobilité licite et valide, parfaitement délimitée (en l’espèce au quart Nord-Est de la France) dès lors qu’aucun texte ou jurisprudence n’impose à l’employeur de mentionner précisément le nom des départements concernés. Elle ajoute avoir été contrainte de mettre en oeuvre ladite clause à raison de la fermeture de l’établissement au sein duquel exerçait la salariée.

Elle considère ainsi que la mobilité ainsi mise en oeuvre n’emportait aucune modification d’un élément essentiel du contrat de travail mais constituait simplement un changement du lieu de travail de l’appelante, en sorte que le refus opposé par elle légitime le bien fondé du licenciement pour faute qui lui a été notifié.

Elle conteste enfin tout caractère économique de la rupture du contrat de travail et rappelle son fondement disciplinaire.

Elle conclut ainsi au débouté de Madame [O] [B] s’agissant de l’ensemble des demandes qu’elle formule.

Pour plus ample relation des faits, de la procédure, des prétentions, moyens et arguments des parties, conformément aux dispositions de l’article 455 du code de procédure civile, il y a lieu de se référer à la décision attaquée et aux dernières conclusions régulièrement notifiées et visées.

MOTIFS

– Sur le licenciement –

Le licenciement correspond à une rupture du contrat de travail à l’initiative de l’employeur.

La lettre de licenciement fixe les limites du litige sur la cause du licenciement, ce qui interdit à l’employeur d’invoquer de nouveaux ou d’autres motifs ou griefs par rapport à ceux mentionnés dans la lettre de licenciement.

Pour que la rupture du contrat de travail à l’initiative de l’employeur soit justifiée ou fondée, en tout cas non abusive, la cause du licenciement doit être réelle (faits objectifs, c’est-à-dire précis et matériellement vérifiables, dont l’existence ou matérialité est établie et qui constituent la véritable raison du licenciement), mais également sérieuse, c’est-à-dire que les faits invoqués par l’employeur, ou griefs articulés par celui-ci, doivent être suffisamment pertinents pour justifier le licenciement.

Un licenciement pour motif personnel peut être décidé pour un motif disciplinaire, c’est-à-dire en raison d’une faute du salarié, ou en dehors de tout comportement fautif du salarié. Il ne doit pas être discriminatoire. C’est le motif de rupture mentionné dans la lettre de licenciement qui détermine le caractère disciplinaire ou non du licenciement.

L’employeur peut sanctionner par un licenciement un acte du salarié qu’il considère comme fautif. Il doit s’agir d’un comportement volontaire. À défaut, l’employeur ne peut pas se placer sur le terrain disciplinaire.

En cas de licenciement disciplinaire, le juge doit vérifier que le motif allégué constitue une faute. Selon sa gravité, la faute commise par le salarié emporte des conséquences plus ou moins importantes. Si les faits invoqués, bien qu’établis, ne sont pas fautifs, ou constituent une faute légère (en tout cas non sérieuse) en considération de laquelle une rupture du contrat de travail constituerait une sanction disproportionnée, le licenciement est sans cause réelle et sérieuse, donc abusif.

À la lecture des courriers datés des 29 octobre 2019, 19 décembre 2019 (lettre de licenciement) et 10 janvier 2020, l’employeur a clairement décidé de licencier Madame [O] [B] pour un motif exclusivement disciplinaire, considérant le refus de mutation géographique de la salariée comme une inexécution fautive des obligations contractuelles constitutives d’une cause réelle et sérieuse de licenciement.

Aux termes de l’article L. 1121-1 du code du travail :’Nul ne peut apporter aux droits des personnes et aux libertés individuelles et collectives des restrictions qui ne seraient pas justifiées par la nature de la tâche à accomplir ni proportionnées au but recherché.’

Aux termes de l’article L. 1221-1 du code du travail : ‘Le contrat de travail est soumis aux règles du droit commun. Il peut être établi selon les formes que les parties contractantes décident d’adopter.’

Le lieu de travail s’entend des endroits fixes ou prédominants où le salarié est occupé par l’employeur. Il peut donc s’agir : – d’un lieu fixe et unique ; de plusieurs fixes et déterminés ; – d’une zone géographique ou professionnelle avec rattachement à un établissement ou une zone d’intervention.

Le plus souvent, le contrat de travail mentionne un lieu de travail. Toutefois, la seule mention du lieu de travail dans le contrat de travail a valeur d’information à moins qu’il soit stipulé par une clause claire et précise que le salarié exécutera son travail exclusivement dans ce lieu. Ainsi, la seule mention du lieu de travail dans le contrat de travail ne vaut pas contractualisation du lieu de travail qui ne peut être retenue que si les parties font apparaître de façon claire et précise que le travail s’exercera exclusivement dans un lieu précis.

Par suite, pour le salarié non protégé, en l’absence d’une telle clause valant contractualisation d’un lieu de travail précis, le seul changement de localisation intervenu dans le même secteur géographique constitue en principe un simple changement des conditions de travail et non une modification du contrat de travail. La mutation d’un salarié non protégé dont le contrat de travail ne prévoit pas de manière claire et précise que l’intéressé exécutera son travail exclusivement en un lieu déterminé, ni ne contient de clause de mobilité géographique, n’emporte modification du contrat de travail que si le nouveau lieu de travail se situe dans un secteur géographique différent (notion jurisprudentielle).

En l’espèce, le contrat de travail de Madame [O] [B] mentionne en son article 10 : ‘Madame [O] [B] exercera son activité au magasin CHAUSSEA à [Localité 6]’.

Du 19 septembre 2005 (embauche) au 31 décembre 2019, Madame [O] [B] a toujours été affectée par son employeur, la société CHAUSSEA, au magasin de [Localité 6] (03), et ce, alors que la salariée pendant toute cette période se domiciliait à [Localité 5] (03), soit à 5 kilomètres de son lieu de travail, ce que l’employeur ne pouvait ignorer vu les mentions sur les documents contractuels et les bulletins de paie.

La clause de mobilité géographique est une clause par laquelle l’employeur se réserve la possibilité de modifier le lieu habituel de travail du salarié ou son affectation à un établissement ou une zone d’intervention.

En application de la clause de mobilité géographique, l’employeur a la possibilité, pour des raisons de service, de muter le salarié dans un autre établissement ou dans une zone géographique d’intervention différente, sans que le salarié puisse invoquer une modification du contrat de travail, notamment pour motif économique, puisque la jurisprudence considère que le seul lieu de travail n’est pas un élément du contrat de travail mais une simple condition de travail.

Mais le salarié peut toujours démontrer que la mutation décidée par l’employeur en application de la clause de mobilité géographique emportait une modification du contrat de travail (éléments du contrat de travail) qui nécessitait son accord exprès à une telle mutation.

Les conditions cumulatives de validité de la clause de mobilité géographique sont les suivantes (à peine d’inopposabilité au salarié) :

– la clause doit figurer dans un contrat de travail ou un avenant écrit et signé par le salarié. Même si, en l’absence de clause de mobilité géographique insérée au contrat de travail du salarié, l’employeur peut se prévaloir de l’existence d’une telle mobilité instituée de façon obligatoire par la convention collective, lorsque la disposition de la convention collective se suffit à elle-même, c’est à la condition que le salarié ait été informé de l’existence de cette convention collective au moment de son engagement et mis en mesure d’en prendre connaissance ;

– il faut une délimitation précise de la zone géographique de mobilité. Le salarié doit savoir précisément à quoi il s’engage en terme de mobilité géographique. La jurisprudence écarte ainsi les clauses évolutives ou les clauses où l’employeur se réserve un droit d’extension du périmètre de mutation. Seule une clause prévoyant expressément une extension précise de son champ géographique peut être imposé au salarié. Est prohibée la clause de mobilité géographique conférant un pouvoir discrétionnaire de l’employeur en matière de changement de lieu de travail ;

– lorsque l’application de la clause de mobilité géographique emporte pour le salarié une altération, même partielle, de son droit au libre choix de son domicile personnel et familial, le changement de lieu de travail doit être indispensable aux intérêts légitimes de l’entreprise et proportionné, compte tenu de l’emploi occupé et du travail demandé, au but recherché. Toutefois, si le salarié est libre de choisir son domicile, il doit en faire en sorte que son lieu de résidence, même s’il est éloigné de son affectation professionnelle, lui permette de remplir ses obligations contractuelles. En outre, la Cour de cassation, faisant référence au droit du salarié à une vie personnelle et familiale, demande aux juges du fond de contrôler si le changement de lieu de travail, même pour une durée limitée, constitue bien une mesure ou atteinte proportionnée au but recherché et justifiée par la tâche à accomplir ;

– la clause de mobilité géographique ne peut prévoir une sanction automatique de licenciement en cas de refus du salarié.

Même licite ou valide, l’employeur doit mettre en oeuvre la clause de mobilité géographique de bonne foi dans les conditions suivantes pour que le refus du salarié soit considéré comme fautif :

– cette mise en oeuvre doit être dictée par l’intérêt légitime de l’entreprise. La clause de mobilité géographique ne doit pas être détournée par l’employeur en l’utilisant pour une raison différente de celle pour laquelle elle a été prévue. La bonne foi contractuelle étant présumée, les juges n’ont pas à rechercher si la décision de l’employeur de faire jouer une clause de mobilité géographique est conforme à l’intérêt de l’entreprise. C’est au salarié de démontrer la mauvaise foi de l’employeur ;

– l’employeur doit tenir compte de la situation personnelle du salarié et du droit de celui-ci au respect de sa vie personnelle et familiale. Lorsque cela lui est demandé, le juge doit vérifier si la mise en oeuvre de la clause de mobilité ne porte pas une atteinte au droit du salarié à une vie personnelle et familiale et si une telle atteinte peut être justifiée par la tâche à accomplir et est proportionnée au but recherché et d’autre part si la modification des conditions de travail est compatible avec des obligations familiales impérieuses.

– l’employeur ne doit pas commettre un abus de droit ou un détournement de pouvoir. Il doit assurer au salarié les moyens de se rendre sur son nouveau lieu de travail. S’il est informé des difficultés particulières se posant au salarié, il doit rechercher s’il existe d’autres possibilités d’emploi plus compatibles avec la situation personnelle du salarié. Il doit respecter les dispositions contractuelles ou conventionnelles ou statutaires prévues en cas de mutation, notamment en matière de délai de prévenance et de réflexion. L’employeur doit en tout état de cause laisser au salarié un délai de prévenance et de réflexion suffisant (pas de délai prévu par la loi mais à apprécier in concreto).

– l’employeur ne doit pas modifier le contrat de travail sous prétexte d’appliquer la clause de mobilité géographique. En principe, la mutation en application d’une clause de mobilité géographique ne permet à l’employeur que de modifier le lieu de travail. Le juge doit donc vérifier s’il y a modification des éléments du contrat de travail (rémunération, durée du travail…) dans le cadre de la mutation. Pour la modification des horaires de travail, l’appréciation se fait in concreto mais, en principe, il n y a pas modification du contrat de travail lorsque dans le cadre de la mutation le salarié se voit appliquer les conditions de travail (dont horaires) du nouveau service organisé qu’il intègre.

Le refus par le salarié d’une mutation décidée par l’employeur en application d’une clause de mobilité géographique valide mise en oeuvre loyalement constitue un manquement du salarié à ses obligations contractuelles, mais pas nécessairement une faute grave. Le juge apprécie souverainement la gravité de cette faute.

En l’espèce, il existe une clause de mobilité géographique puisqu’en son article 10, le contrat de travail de Madame [O] [B] contient une ‘clause de mobilité’ ainsi libellée :

‘Pour le besoin de l’activité commerciale de la société, elle pourra être amenée à ses déplacer dans l’un des différents points de vente actuels ou futurs, situés sur l’ensemble du territoire français.

En outre, par décision unilatérale de l’employeur et dans le cadre de son pouvoir discrétionnaire de direction, Madame [O] [B] pourra également être amenée à changer de lieu de travail dans le quart nord-est de la France, dans l’un des différents points de vente actuels ou futurs de la société. Ce changement de lieu de travail serait constitutif d’une mutation. Dans cette hypothèse, la salariée devra en être informée dans les plus brefs délais et au minimum dans les trois mois précédant la date de sa nouvelle affectation. Elle bénéficiera alors d’une indemnité forfaitaire brute pour ses frais de déménagement fixée à 385 euros et d’une indemnité supplémentaire brute de 230 euros dans le cas où le délai de prévenance ne serait pas respectée.

En dehors d’un cas de force majeure et si Madame [O] [B] a été prévenue dans un délai raisonnable, son refus de mutation serait constitutif d’une faute justifiant un licenciement.’.

Il n’est pas fait état de dispositions conventionnelles particulières en matière de mobilité géographique.

La société CHAUSSEA ayant décidé de fermer son magasin de [Localité 6] (03) à compter du 30 novembre 2019, pour une raison qu’elle assure non économique mais sans la préciser ni l’expliciter, elle a proposé, au plus tôt le 29 octobre 2019 de façon formelle, à Madame [O] [B] de muter, à compter du 1er janvier 2020, sur un poste de même nature (responsable de magasin à temps complet), situé à [Localité 3] (25), soit à environ 300 kilomètres de son lieu habituel de travail et de son lieu de vie (trajet d’une durée d’environ 4 heures en véhicule motorisé).

S’agissant de la validité de la clause contractuelle de mobilité géographique, le’quart nord-est de la France’ est une définition de zone qui pourrait donner lieu à quelques polémiques ou variations de la part des géographes, mais pour le commun des mortels elle est suffisamment parlante, ou plutôt visuelle, pour qu’un salarié puisse envisager assez clairement l’étendue de son obligation en matière de mobilité géographique. Dans cette zone du quart nord-est de la France, la référence ‘aux différents points de vente actuels ou futurs de la société CHAUSSEA’ ne confère pas à l’employeur un pouvoir discrétionnaire en matière de changement de lieu de travail, même si le magasin de [Localité 3] avait été ouvert assez récemment. Madame [O] [B] n’ayant pas fait part de circonstances particulières de vie privée ou d’obligations familiales impérieuses, au moment de la signature de la clause comme après, il échet de considérer la clause contractuelle de mobilité géographique comme licite et opposable à la salariée.

S’agissant de la mise en oeuvre de cette clause contractuelle de mobilité géographique, l’employeur a fait preuve de mauvaise foi en demandant le 29 octobre 2019 à Madame [O] [B] de rejoindre une nouvelle affectation à plus de 300 kilomètres dès le 1er janvier 2020, soit dans un délai de deux mois. Compte tenu des changements importants que cette mutation induisait à l’évidence pour la vie privée de la salariée, un délai d’au moins trois mois pouvait être considéré comme raisonnable. Le contrat de travail fait d’ailleurs expressément référence à un tel délai minimum de prévenance et l’employeur ne justifie pas d’un cas de force majeure ou d’une nécessité impérieuse pour l’entreprise propre à justifier une telle atteinte au droit de Madame [O] [B] à une vie personnelle et familiale. Le fait que la clause prévoit le versement d’une indemnité supplémentaire brute de 230 euros dans le cas où le délai de prévenance ne serait pas respecté est totalement indifférent.

La rémunération et/ou son mode de calcul ne peuvent être modifiés sans l’accord du salarié, même de manière minime, même si l’employeur estime le nouveau mode de calcul ou de rémunération plus avantageux pour le salarié ou si la modification porte sur la partie variable et ne réduit pas la rémunération globale du salarié. L’employeur doit obtenir l’accord du salarié s’il veut modifier un aspect de la relation de travail qui relève en principe de son pouvoir de direction mais peut avoir un impact sur le montant de la rémunération, fixe ou variable.

En tant que responsable de magasin, Madame [O] [B] bénéficiait à [Localité 6] d’une rémunération composée d’un salaire mensuel brut fixe et d’une part variable (pourcentage du chiffre d’affaires TTC mensuel du magasin). Dans le cadre de la proposition de mutation géographique à [Localité 3], la société CHAUSSEA a indiqué à Madame [O] [B] qu’elle percevrait une rémunération mensuelle brute de 1.662 euros, avec participation de l’entreprise aux frais de déménagement à hauteur de 2.000 euros TTC maximum, sans autre précision. On ne relève aucune indication sur la part variable ou le maintien des conditions antérieures de rémunération. L’employeur ne saurait arguer désormais d’une proposition implicite. L’accord exprès de Madame [O] [B] était donc nécessaire pour une mutation géographique qui apparaissait comme emportant une modification du contrat de travail en matière de rémunération (structure et montant global).

Il a été rappelé que la mise en oeuvre de la clause contractuelle de mobilité géographique doit être dictée par l’intérêt légitime de l’entreprise et ne doit pas être détournée par l’employeur en l’utilisant pour une raison différente de celle pour laquelle elle a été prévue. En l’espèce, notamment à la lecture du témoignage de Madame [R] [F] ainsi que des écrits de la directrice régionale de la société CHAUSSEA, il apparaît que l’employeur a décidé de fermer le magasin de [Localité 6] pour une raison économique et, plutôt que de tirer les conséquences légales de la suppression de tous les emplois attachés à ce site ou établissement pour motif économique, il a décidé de détourner la clause contractuelle de mobilité géographique de Madame [O] [B], sans vouloir tenir compte de la situation personnelle de la salariée et du droit de celle-ci au respect de sa vie personnelle et familiale, ni même explorer ou envisager des possibilités d’emploi plus compatibles avec la situation personnelle de Madame [O] [B].

En conséquence, comme l’a relevé le premier juge, le refus par Madame [O] [B] de sa mutation géographique à [Localité 3] ne pouvait constituer une faute pouvant justifier un licenciement pour motif disciplinaire. Aucune cause réelle et sérieuse de licenciement n’apparaît en l’espèce concernant Madame [O] [B].

Le jugement déféré sera confirmé en ce que le conseil de prud’hommes de VICHY a dit que le licenciement de Madame [O] [B] est dépourvu de cause réelle et sérieuse.

– Sur l’indemnité légale de licenciement –

Aux termes des dispositions de l’article L. 1234-9 du code du travail applicables aux licenciements notifiés à compter du 24 septembre 2017 : ‘Le salarié titulaire d’un contrat de travail à durée indéterminée, licencié alors qu’il compte 8 mois d’ancienneté ininterrompus au service du même employeur, a droit, sauf en cas de faute grave, à une indemnité de licenciement. Les modalités de calcul de cette indemnité sont fonction de la rémunération brute dont le salarié bénéficiait antérieurement à la rupture du contrat de travail. Ce taux et ces modalités sont déterminés par voie réglementaire.’.

Aux termes des dispositions de l’article R. 1234-1 du code du travail applicables aux licenciements notifiés à compter du 24 septembre 2017 : ‘L’indemnité de licenciement prévue à l’article L. 1234-9 ne peut être inférieure à une somme calculée par année de service dans l’entreprise et tenant compte des mois de service accomplis au-delà des années pleines. En cas d’année incomplète, l’indemnité est calculée proportionnellement au nombre de mois complets.’.

Aux termes des dispositions de l’article R. 1234-2 du code du travail applicables aux licenciements notifiés à compter du 24 septembre 2017 : ‘L’indemnité de licenciement ne peut être inférieure aux montants suivants : 1° un quart de mois de salaire par année d’ancienneté pour les années jusqu’à dix ans ; 2° un tiers de mois de salaire par année d’ancienneté pour les années à partir de dix ans.’.

Aux termes des dispositions de l’article R. 1234-4 du code du travail applicables aux licenciements notifiés à compter du 24 septembre 2017 : ‘Le salaire à prendre en considération pour le calcul de l’indemnité de licenciement est, selon la formule la plus avantageuse pour le salarié : 1° Soit la moyenne mensuelle des douze derniers mois précédant le licenciement, ou lorsque la durée de service du salarié est inférieure à douze mois, la moyenne mensuelle de la rémunération de l’ensemble des mois précédant le licenciement ; 2° Soit le tiers des trois derniers mois. Dans ce cas, toute prime ou gratification de caractère annuel ou exceptionnel, versée au salarié pendant cette période, n’est prise en compte que dans la limite d’un montant calculé à due proportion.’.

Pour les licenciements notifiés depuis le 24 septembre 2017, l’indemnité légale de licenciement est attribuée au salarié titulaire d’un contrat à durée indéterminée justifiant de huit mois d’ancienneté ininterrompue au service du même employeur, en cas de licenciement pour un autre motif qu’une faute grave ou faute lourde. Les périodes de suspension du contrat de travail ne rompent pas l’ancienneté du salarié qui est déterminée selon les mêmes règles que celles retenues pour le calcul de la durée du préavis. En matière d’indemnité de licenciement, l’ancienneté s’apprécie à la date d’envoi de la lettre de licenciement lorsqu’il s’agit de déterminer si le salarié a droit à une indemnité de licenciement, mais à la fin du préavis lorsqu’il s’agit de calculer le montant de l’indemnité (calcul ne devant être effectué que si le droit à indemnité est ouvert).

Les remboursements de frais professionnels ou indemnités de cette nature sont exclus de la rémunération de référence pour le calcul de l’indemnité légale de licenciement.

L’indemnité légale de licenciement se calcule sur la base du douzième de la rémunération brute des douze derniers mois précédant le licenciement ou, selon la formule la plus avantageuse pour le salarié, le tiers des trois derniers mois, étant entendu que dans ce cas, toute prime ou gratification de caractère annuel ou exceptionnel qui aurait été versée au salarié pendant cette période, ne doit être prise en compte que prorata temporis (art. R. 1234-4). La période de référence inclus le salaire afférent à la période de préavis que celui-ci soit travaillé ou non.

En l’espèce, la formule la plus avantageuse pour Madame [O] [B] est un calcul sur les trois deniers mois qui révèle une rémunération mensuelle brute de référence de 2.219,70 euros.

Madame [O] [B] a droit à une indemnité légale de licenciement d’un montant de 8.819,61 euros (10 x 1/4 x 2.219,70 + 1/3 x 2.219,70 x 4,42).

L’indemnité de licenciement n’a pas le caractère d’un salaire. Elle est donc exonérée, dans certaines limites, des cotisations de sécurité sociale.

Le jugement entrepris sera donc confirmé en que la société CHAUSSEA a été condamnée à payer à Madame [O] [B] la somme de 763,50 euros (net) à titre de complément d’indemnité de licenciement.

– Sur l’indemnisation d’un licenciement sans cause réelle et sérieuse –

S’agissant de la demande de dommages-intérêts, pour les licenciements sans cause réelle et sérieuse notifiés à compter du 24 septembre 2017, l’article L. 1235-3 du code du travail prévoit que si l’une ou l’autre des parties refuse la réintégration, le juge octroie au salarié une indemnité à la charge de l’employeur, dont le montant est compris entre les montants minimaux et maximaux fixés dans un tableau différent selon que l’entreprise emploie habituellement plus de dix ou moins de onze salariés (barème Macron).

L’article L. 1235-3 du code du travail définit des montants minimaux et maximaux d’indemnité de licenciement calculés en mois de salaire, en fonction de l’ancienneté et du nombre de salariés dans l’entreprise. Ainsi, dans les entreprises de 11 salariés ou plus, l’article L. 1235-3 prévoit que l’indemnité de licenciement varie de 1 à 20 mois de salaire brut suivant l’ancienneté dans l’entreprise, en fixant des montants minimaux et maximaux.

Le montant de l’indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse doit être fixé en brut et non pas en net. En effet, l’article L. 1235-3 du code du travail impose au juge de fixer l’indemnité en se conformant à un barème comportant un plancher et un plafond exprimés en mois de salaire brut. Une condamnation à une somme en net est donc susceptible d’excéder le montant de l’indemnité maximale prévue par le barème.

En l’espèce, Madame [O] [B], âgée de 44 ans au moment de son licenciement, comptait 14 ans et 5 mois d’ancienneté au sein de l’entreprise et percevait un salaire mensuel brut de 2.219,70 euros (rémunération mensuelle brute de référence).

Il est constant que la société CHAUSSEA employait habituellement plus de 10 salariés permanents au moment du licenciement.

En application de l’article L. 1235-3 du code du travail et au regard de son ancienneté, Madame [O] [B] peut prétendre à une indemnité de licenciement comprise entre 3 et 12 mois de salaire mensuel brut, soit entre 6.659,10 et 26.636,40 euros.

Madame [O] [B] a perçu l’allocation d’aide au retour à l’emploi après son licenciement. Elle a signé différents contrats de travail à durée déterminée pour la période de juin à décembre 2020. Elle a été employée à titre temporaire en qualité d’agent polyvalent par le Conseil Régional AUVERGNE entre janvier et juin 2021.

Il n’est pas justifié par Madame [O] [B] que l’application du barème prévu par l’article L. 1235-3 du code du travail porterait une atteinte disproportionnée à ses droits, notamment à son droit d’obtenir une réparation adéquate, appropriée ou intégrale du préjudice par lui subi du fait de la perte injustifiée de son emploi.

En conséquence, vu les éléments d’appréciation dont la cour dispose, il sera alloué à Madame [O] [B] une somme de 20.000 euros (brut) en réparation du préjudice subi du fait de la perte injustifiée de son emploi.

La société CHAUSSEA sera condamnée à payer à Madame [O] [B] une somme de 20.000 euros (brut), à titre de dommages-intérêts, en réparation du préjudice subi du fait de la perte injustifiée d’emploi. Le jugement sera réformé en ce sens.

– Sur les intérêts –

En application des dispositions des articles 1231-6 du code civil (ancien article 1153) et R. 1452-5 du code du travail, les sommes allouées, dont le principe et le montant résultent de la loi, d’un accord collectif ou du contrat portent intérêts au taux légal à compter de la date de convocation de l’employeur ou du défendeur devant le bureau de conciliation et d’orientation et, lorsqu’il est directement saisi, devant le bureau de jugement du conseil de prud’hommes, valant citation et mise en demeure, ce qui est applicable en l’espèce au rappel de complément d’indemnité légale de licenciement qui produira intérêts au taux légal à compter du 15 juin 2020.

Les sommes fixées judiciairement (dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse) produisent intérêts au taux légal à compter de la date de prononcé du jugement déféré en cas de confirmation, ou de la date de prononcé du présent arrêt en cas de réformation, soit en l’espèce, pour les dommages-intérêts alloués en réparation du préjudice subi du fait de la perte injustifiée d’emploi, à compter du 15 avril 2021 à hauteur de 9.988,65 euros, à compter du 7 mars 2023 pour le surplus.

En l’espèce, il échet de dire que les intérêts seront eux-mêmes capitalisés en application des dispositions de l’article 1343-2 du code civil.

– Sur les allocations de chômage –

En cas de licenciement sans cause réelle et sérieuse, sauf si le salarié a moins de deux ans d’ancienneté ou si l’entreprise emploie habituellement moins de onze salariés, le juge ordonne à l’employeur de rembourser aux organismes concernés tout ou partie des allocations chômage payées au salarié licencié du jour du licenciement au jour du jugement, dans la limite de six mois d’allocations par salarié. Ce remboursement est ordonné d’office si ces organismes ne sont pas intervenus à l’instance ou n’ont pas fait connaître le montant des indemnités versées.

La décision entreprise sera confirmée sur ce point.

– Sur les dépens et frais irrépétibles –

Le jugement déféré sera confirmé en ses dispositions sur les dépens et frais irrépétibles de première instance.

La société CHAUSSEA sera condamnée aux entiers dépens d’appel ainsi qu’à verser à Madame [O] [B] une somme de 2.000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile en cause d’appel.

PAR CES MOTIFS

La Cour, statuant publiquement, contradictoirement, après en avoir délibéré conformément à la loi,

– Réformant, condamne la société CHAUSSEA à payer à Madame [O] [B] une somme de 20.000 euros (brut), à titre de dommages-intérêts, en réparation du préjudice subi du fait de la perte injustifiée d’emploi ;

– Dit que le rappel de complément d’indemnité légale de licenciement produit intérêts au taux légal à compter du 15 juin 2020 ;

– Dit que les sommes allouées à titre de dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse produisent intérêts au taux légal à compter du 15 avril 2021 à hauteur de 9.988,65 euros, à compter du 7 mars 2023 pour le surplus ;

– Dit que les intérêts seront eux-mêmes capitalisés en application des dispositions de l’article 1343-2 du code civil ;

– Confirme le jugement déféré en toutes ses autres dispositions non contraires ;

– Y ajoutant, condamne la société CHAUSSEA à verser à Madame [O] [B] une somme de 2.000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile en cause d’appel ;

– Condamne la société CHAUSSEA aux dépens d’appel ;

– Déboute les parties de leurs demandes plus amples ou contraires.

Ainsi fait et prononcé lesdits jour, mois et an.

Le greffier, Le Président,

N. BELAROUI C. RUIN

 


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