Troubles du voisinage : 19 janvier 2023 Cour d’appel de Chambéry RG n° 21/00443

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Troubles du voisinage : 19 janvier 2023 Cour d’appel de Chambéry RG n° 21/00443

COUR D’APPEL de CHAMBÉRY

2ème Chambre

Arrêt du Jeudi 19 Janvier 2023

N° RG 21/00443 – N° Portalis DBVY-V-B7F-GUML

Décision déférée à la Cour : Jugement du TJ hors JAF, JEX, JLD, J. EXPRO, JCP de CHAMBERY en date du 21 Janvier 2021, RG 18/00031

Appelants

M. [DI] [RC]

né le 24 Novembre 1951 à [Localité 38],

et

Mme [X] [R] [H] [C] épouse [RC]

née le 21 Juin 1956 à [Localité 45],

demeurant nsemble [Adresse 3]

M. [L] [D] [P]

né le 01 Avril 1961 à [Localité 33],

et

Mme [GC] [O] épouse [P]

née le 12 Février 1964 à [Localité 44] – ALGERIE,

demeurant ensemble [Adresse 2]

Représentés par la SCP PEREZ ET CHAT, avocat au barreau de CHAMBERY

Intimés

Mme [U] [M]

née le 01 Mai 1976 à [Localité 46] – YOUGOSLAVIE, demeurant [Adresse 5]

M. [B] [LP]

né le 13 Février 1950 à [Localité 33], demeurant [Adresse 4]

Représentés par Me Fabrice PAGANELLI, avocat au barreau de CHAMBERY

-=-=-=-=-=-=-=-=-

COMPOSITION DE LA COUR :

Lors de l’audience publique des débats, tenue le 22 novembre 2022 avec l’assistance de Madame Sylvie DURAND, Greffière,

Et lors du délibéré, par :

– Madame Alyette FOUCHARD, Conseillère faisant fonction de Présidente, à ces fins désignée par ordonnance de Madame la Première Présidente

– Monsieur Fabrice GAUVIN, Conseiller,

– Mme Elsa LAVERGNE, Conseiller,

-=-=-=-=-=-=-=-=-=-

EXPOSÉ DU LITIGE

M. [B] [LP] est propriétaire de parcelles situées à [Localité 31], figurant au cadastre sous les numéros [Cadastre 35], [Cadastre 20], [Cadastre 37], [Cadastre 27], [Cadastre 29], [Cadastre 11] et [Cadastre 15].

Mme [U] [M] est propriétaire de parcelles voisines, cadastrées section [Cadastre 42], [Cadastre 12] à [Cadastre 14] et [Cadastre 16] à [Cadastre 19].

M. [DI] [RC] et Mme [X] [RC] sont propriétaires de la parcelle [Cadastre 39], contigue aux parcelles [Cadastre 20], [Cadastre 37], [Cadastre 27], [Cadastre 29], [Cadastre 11] et [Cadastre 15].

M. [L] [P] et Mme [GC] [P], détiennent la parcelle [Cadastre 36], jouxtant les parcelles [Cadastre 39] et [Cadastre 29].

Des difficultés sont apparues entre ces voisins au sujet des servitudes de passage traversant les différentes parcelles.

Par actes d’huissier du 29 décembre 2017, Mme [U] [M] et M. [B] [LP] ont assigné les époux [RC] et les époux [P] aux fins notamment de voir dire et juger que leurs parcelles bénéficient d’une servitude de passage grevant les parcelles de ces derniers.

Par jugement contradictoire du 21 janvier 2021, le tribunal judiciaire de Chambéry a :

– dit qu’en vertu de l’acte authentique reçu par maître [DI] [W]-[S], notaire à [Localité 31] le 26 avril 1904, la parcelle cadastrée [Cadastre 29], propriété de M. [B] [LP] , est le fonds dominant qui bénéficie d’une servitude de passage conventionnelle au détriment du fonds servant cadastré [Cadastre 36] appartenant aux époux [P],

– débouté M. [B] [LP] et Mme [U] [M] de leur demande tendant à ce qu’il soit dit que les parcelles cadastrées section [Cadastre 42], [Cadastre 12] à [Cadastre 14], [Cadastre 16] à [Cadastre 19] appartenant à Mme [U] [M] et les parcelles cadastrées section [Cadastre 34], [Cadastre 35], [Cadastre 20], [Cadastre 37], [Cadastre 27], [Cadastre 29], [Cadastre 11] et [Cadastre 15] appartenant à M. [B] [LP] disposent d’une servitude de passage conventionnelle au profit du fonds cadastré [Cadastre 36] et appartenant aux époux [P] en vertu d’un acte reçu par maître [DI] [W]-[S], notaire à [Localité 31] le 26 avril 1904,

– dit que la parcelle située à [Localité 31] cadastrée section [Cadastre 39] appartenant aux époux [RC] est le fonds servant débiteur d’une servitude conventionnelle de passage en application de l’acte authentique reçu par maître [Y] les 13 et 18 octobre 1984 et 2 et 5 avril 1985, au bénéfice des parcelles cadastrées section [Cadastre 42], [Cadastre 12] à [Cadastre 14], [Cadastre 16] à [Cadastre 19] appartenant à Mme [U] [M] et des parcelles cadastrées section [Cadastre 34], [Cadastre 35], [Cadastre 20], [Cadastre 37], [Cadastre 27], [Cadastre 29], [Cadastre 11] et [Cadastre 15] appartenant à M. [B] [LP], qui constituent les fonds dominants,

– dit que les parcelles cadastrées section [Cadastre 42], [Cadastre 12] à [Cadastre 14], [Cadastre 16] à [Cadastre 19] appartenant à Mme [U] [M] sont enclavées, faute de passage sur la parcelle des époux [P],

– dit que les parcelles cadastrées section [Cadastre 34], [Cadastre 35], [Cadastre 20], [Cadastre 37], [Cadastre 27], [Cadastre 29], [Cadastre 11] et [Cadastre 15] appartenant à M. [B] [LP] sont enclavées, faute de passage sur la parcelle des époux [P],

– dit que le tracé de la servitude légale accordée aux parcelles cadastrées section [Cadastre 42], [Cadastre 12] à [Cadastre 14], [Cadastre 16] à [Cadastre 19] appartenant à Mme [U] [M] et aux parcelles cadastrées section [Cadastre 34], [Cadastre 35], [Cadastre 20], [Cadastre 37], [Cadastre 27], [Cadastre 11] et [Cadastre 15] appartenant à M. [B] [LP] reprendra l’assiette de la servitude conventionnelle, et en conséquence, dit que le désenclavement des parcelles section [Cadastre 42], [Cadastre 12] à [Cadastre 14], [Cadastre 16] à [Cadastre 19] appartenant à Mme [U] [M] et n°5, [Cadastre 35], [Cadastre 20], [Cadastre 37], [Cadastre 27], [Cadastre 11] et [Cadastre 15] appartenant à M. [B] [LP] situées sur la commune de [Localité 31] se fera au moyen d’une servitude de passage ‘tous usages’ en utilisant la desserte actuelle, c’est-à-dire le chemin qui traverse la parcelle [Cadastre 36] appartenant aux époux [P],

– dit que cette servitude légale ne peut donner lieu à indemnité,

– dit que l’assiette des servitudes de passage dont sont débiteurs les époux [RC] et les époux [P] sont définies dans les actes du 26 avril 1904 établi par maître [DI] [W]-[S] d’une part et du 13, 18 octobre 1984, 02 et 05 avril 1985 établi par maître [Y] d’autre part,

– dit que les époux [RC] empiètent sur l’assiette de la servitude de passage dont ils sont débiteurs,

– condamné les époux [RC] à enlever le poteau et les jardinières ou tout obstacle se situant sur le tracé de la servitude de passage dont leur fonds est débiteur et à laisser le passage libre de tout accès, sous astreinte provisoire de 100 euros par jour à l’issu d’un délai de deux mois à compter de la signification de la présente décision,

– condamné les époux [P] à laisser l’assiette de la servitude dont leur fonds est débiteur libre de tout accès,

– dit n’y avoir lieu d’assortir cette condamnation d’une astreinte,

– débouté M. [B] [LP] et Mme [U] [M] de leur demande de dommages et intérêts au titre des préjudices annexes,

– débouté les époux [RC] et les époux [P] de leurs demandes de dommages et intérêts au titre de la procédure abusive,

– condamné les époux [RC] et les époux [P] à payer à Mme [U] [M] la somme de 1 500 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile,

– condamné les époux [RC] et les époux [P] à payer à M. [B] [LP] la somme de 1 500 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile,

– débouté les époux [RC] et les époux [P] de leurs demandes au titre de l’article 700 du code de procédure civile,

– condamné les époux [RC] et les époux [P] aux entiers dépens de l’instance,

– accordé à maître [I] le bénéfice des dispositions de l’article 699 du code de procédure civile,

– ordonné l’exécution provisoire de la présente décision,

– rejeté toutes les autres demandes plus amples ou contraires formées par les parties.

Par déclaration du 2 mars 2021, les époux [RC] et les époux [P] ont interjeté appel du jugement.

Les époux [RC] et les époux [P] ont régulièrement conclu par voie électronique le 20 mai 2022.

M. [B] [LP] et Mme [U] [M] ont régulièrement conclu par voie électronique le 2 juin 2022.

Dans des conclusions notifiées par voie électronique le 10 novembre 2022, auxquelles il convient de se référer pour un plus ample exposé des moyens, les époux [RC] et les époux [P] demandent à la cour de :

– rabattre la clôture pour permettre la recevabilité des conclusions,

– prononcer la clôture le jour de l’audience,

– infirmer pour l’essentiel la décision rendue le 21 janvier 2021 par le tribunal judiciaire de Chambéry, sauf sur les chefs de demandes pour lesquels M. [B] [LP] et Mme [U] [M] ont été déboutés,

– dire et juger que l’acte authentique du 26 janvier 1904 ne peut pas avoir été publié à la conservation des hypothèques, 51 ans avant l’établissement de la publicité foncière,

– dire et juger que cet acte correspond à la situation de l’époque et ne correspond plus à celle existante en 2014, soit 110 ans plus tard,

– dire et juger que seuls les époux [RC] ont une servitude de passage sur la propriété [P], qui s’exerce sans le moindre problème,

– dire et juger que la propriété de M. [B] [LP] n’a jamais été enclavée et a toujours été desservie sans la moindre difficulté, eu égard aux précautions qu’il a prises dans le cadre des différentes cessions, où il a prévu une assiette de servitudes conventionnelles sur les propriétés lui appartenant, en respectant ainsi les dispositions de l’article 684 du code civil,

– en tant que de besoin, constater la disparition de l’enclave, rendant impossible d’invoquer l’acte de 1904,

– dire que la propriété de Mme [U] [M] n’a jamais été enclavée, la desservitude ayant été prévue précisément dans l’acte de cession du 1er octobre 2014, à charge pour elle de respecter ce qui a été prévu page 7 de cet acte, à savoir que le passage en tout venant doit être réalisé en

enrobé par ses soins,

– dire et juger que les difficultés ont pour seule origine le fait que Mme [U] [M] n’a pas respecté les permis et n’a pas obtenu le permis modificatif,

– dire et juger qu’en ne rétablissant pas le passage prévu dans l’acte du 1er octobre 2014, en mettant en place son portail d’entrée sur la partie gauche et non pas sur la partie droite de sa propriété, elle s’est ainsi auto-enclavée, cette circonstance étant aggravée par le fait qu’elle a construit un mur au milieu de sa propriété, à l’endroit où elle devait utiliser l’assiette de passage prévue dans le permis et dans l’acte du 1er octobre 2014,

– dire et juger qu’elle doit donc subir seule les conséquences de cette enclave volontaire et qu’elle ne peut leur demander d’en subir les conséquences,

– débouter M. [B] [LP] et Mme [U] [M] de l’intégralité de leurs demandes en retenant que ni l’un ni l’autre ne dispose de la moindre servitude sur leurs propriétés,

– dire et juger que, pour le cas où il y aurait lieu de faire application de l’article 682 du code civil, il s’agirait nécessairement de la création d’une servitude pour cause d’enclave, avec paiement d’une indemnité,

– dans ce cas, dire que l’expert, qui serait désigné aux frais de Mme [U] [M] et M. [B] [LP] devra d’une part préciser le tracé à l’endroit le plus court et le moins dommageable et, d’autre part, chiffrer l’indemnité résultant de la création de cette servitude de passage pour cause d’enclave et déterminer le préjudice subi par eux par suite du passage actuel résultant de l’application du jugement déféré, les époux [RC] demandant 50 000 euros et les époux [P] la somme de 25 000 euros,

– infirmer également la décision déférée en ce qu’elle a fixé un passage d’ailleurs peu défini dans son assiette, ayant conduit les époux [RC] à devoir déplacer la haie qu’ils avaient plantée et à déplacer un poteau, ainsi que des jardinières, qui étaient simplement en limite de propriété,

– dire et juger qu’il convient d’annuler les conséquences du jugement déféré, à savoir la décision du juge de l’exécution du 8 novembre 2021 et l’arrêt de la cour du 22 septembre 2022, sur appel de la décision du juge de l’exécution,

– dire et juger que les sommes ayant été intégralement réglées, Mme [U] [M] et M. [B] [LP] devront les rembourser,

A titre subsidiaire et sur ce point, condamner solidairement Mme [U] [M] et M. [B] [LP] à payer aux époux [RC] à ce titre la somme de 35 000 euros à titre de dommages-et-intérêts,

Dans tous les cas,

– condamner solidairement Mme [U] [M] et M. [B] [LP] à leur payer la somme de 15 000 euros, en réparation du préjudice résultant de leur façon d’agir depuis 2015, notamment en application de l’article 1240 du code civil,

– condamner solidairement M. [B] [LP] et Mme [U] [M] à leur payer la somme de 7 000 euros en application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile, ainsi que les entiers dépens de première instance et d’appel.

En réplique, dans leurs conclusions notifiées par voie électronique le 18 novembre 2022, auxquelles il convient de se référer pour un plus ample exposé des moyens, Mme [U] [M] et M. [B] [LP] demandent à la cour de :

– rejeter la demande de révocation de la clôture si elle doit entraîner un renvoi de l’audience de plaidoiries,

à titre principal,

réformant le jugement du 21 janvier 2021,

– dire et juger que la parcelle située à [Localité 31] cadastrée section [Cadastre 36] appartenant aux époux [P] est redevable d’une servitude conventionnelle de passage en application de l’acte authentique reçu par maître [W]-[S], notaire à [Localité 31], le 26 avril 1904, au bénéfice des parcelles cadastrées section [Cadastre 42], [Cadastre 12] à [Cadastre 14], [Cadastre 16] à [Cadastre 19] appartenant à Mme [U] [M] et des parcelles cadastrées section [Cadastre 34], [Cadastre 35], [Cadastre 20], [Cadastre 37], [Cadastre 27], [Cadastre 29], [Cadastre 11] et [Cadastre 15] appartenant à M. [B] [LP],

confirmant pour le surplus le jugement du 21 janvier 2021,

– dire et juger que la parcelle située à [Localité 31] cadastrée section [Cadastre 39] appartenant aux époux [RC] est redevable d’une servitude conventionnelle de passage en application de l’acte authentique reçu par maître [Y] le 7 avril 1985, au bénéfice des parcelles cadastrées section [Cadastre 42], [Cadastre 12] à [Cadastre 14], [Cadastre 16] à [Cadastre 19] appartenant à Mme [U] [M] et des parcelles cadastrées section [Cadastre 34], [Cadastre 35], [Cadastre 20], [Cadastre 37], [Cadastre 27], [Cadastre 29], [Cadastre 11] et [Cadastre 15] appartenant à M. [B] [LP],

– dire et juger que ces servitudes de passage ont été irrégulièrement obstruées et remises en question,

– condamner chacun pour leur parcelle les époux [P] et les époux [RC], sous astreinte de 200 euros par jour d’infraction constatée à compter de la signification de l’arrêt à intervenir, à laisser libre la surface affectée à la servitude de passage, telles que ressortant des plans annexés aux actes de 1904 et de 1985 et telles que décrites dans le constat d’huissier dressé le 10 mars 2017,

à titre subsidiaire,

– dire et juger que les parcelles [Cadastre 42], [Cadastre 12] à [Cadastre 14], [Cadastre 16] à [Cadastre 19] appartenant à Mme [M] et les parcelles [Cadastre 34], [Cadastre 35], [Cadastre 20], [Cadastre 37], [Cadastre 27], [Cadastre 29], [Cadastre 30] et [Cadastre 15] appartenant à M. [B] [LP] situées sur la commune de [Localité 31] sont enclavées,

– dire et juger que le désenclavement des parcelles [Cadastre 42], [Cadastre 12] à [Cadastre 14], [Cadastre 16] à [Cadastre 19] appartenant à Mme [M] et les parcelles [Cadastre 34], [Cadastre 35], [Cadastre 20], [Cadastre 37], [Cadastre 27], [Cadastre 29], [Cadastre 30] et [Cadastre 15] appartenant à M. [B] [LP] situées sur la commune de [Localité 31] se fera au moyen d’une servitude de passage ‘tous usages’ en utilisant la desserte actuelle, c’est-à-dire le chemin qui traverse les parcelles [Cadastre 36] des époux [P] et [Cadastre 39] des époux [RC] puis débouche sur la voie publique du chemin [Adresse 32],

– dire et juger que cette solution de désenclavement ne peut donner lieu à indemnité, le droit à indemnité prévu par l’article 685 du code civil étant prescrit, le tracé sollicité correspondant à l’assiette d’un chemin utilisé depuis plus de trente années,

– instituer une expertise judiciaire, si bon semble à la cour,

– condamner chacun pour leur parcelle les époux [P] et les époux [RC], sous astreinte de 200 euros par jour d’infraction constatée à compter de la signification de l’arrêt à intervenir, à laisser libre la surface affectée à la servitude de passage,

en tout état de cause,

– condamner les époux [RC] à payer à chacun des demandeurs la somme de 3 000 euros au titres des préjudices annexes, sur le fondement du trouble anormal du voisinage et du non respect de la servitude conventionnelle, réformant ainsi le premier jugement,

– rejeter l’ensemble des demandes des époux [P] et des époux [RC]

– condamner les époux [P] et les époux [RC] à leur payer à chacun la somme supplémentaire de 5 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile, en sus de l’indemnité accordée en première instance,

– condamner les mêmes aux entiers dépens de première instance et d’appel, qui seront distraits au profit de maître Paganelli, en application de l’article 699 du code de procédure civile.

La clôture a été fixée au 22 novembre 2022 par décision du même jour.

MOTIFS DE LA DÉCISION

A titre liminaire la cour relève qu’en application des dispositions de l’article 954 du code de procédure civile, elle ne statue que sur les prétentions énoncées au dispositif et que, notamment, les ‘dire et juger’ ou encore les ‘constater’ ne constituent pas des prétentions, en ce que ces demandes ne confèrent pas de droit à la partie qui les requiert hormis les cas prévus par la loi.

En conséquence, la cour ne statuera pas sur celles-ci, qui ne sont en réalité que le rappel des moyens invoqués.

1. Sur les servitudes conventionnelles au profit des parcelles appartenant à M. [B] [LP] et Mme [U] [M]

A titre liminaire, la cour relève, en ce qui concerne l’acte notarié de 1904, qu’il a fait l’objet d’une publication à [Localité 31] le 2 mai 1904 (volume 1252 n°44). C’est donc par une juste analyse que le tribunal a considéré que cet acte a été publié à la conservation des hypothèques et qu’il est opposable aux propriétaires du fonds grevé d’une servitude, quand bien même ce dernier ne l’aurait pas connue. A cet égard, le fait que, dans sa version moderne, le bureau de la conservation des hypothèques n’a été créé qu’en 1955 est indifférent. En effet, le décret n°55-2 du 4 janvier 1955 rappelle, dans son article 46, que les dispositions existantes sur la conservation des hypothèques cesseront d’être applicables à compter du 1er janvier 1956 (notamment, l’article 18 de la loi du 21 ventôse an VII, la loi du 23 mars 1855 ou encore l’article 2153 du code civil). Il existait donc bien un système de conservation des hypothèques et de publication des actes avant 1955, contrairement à ce qu’affirment les appelants.

a. Sur la servitude conventionnelle affectant la parcelle [Cadastre 36]

La parcelle [Cadastre 36] appartient à M. [L] [P] et Mme [GC] [P] qui l’ont acquise de la société JPB Investissement selon acte notarié du 26 décembre 2005 (pièce appelant n°2). Cet acte ne mentionne aucune servitude existant au profit des parcelles appartenant aujourd’hui à M. [B] [LP] et à Mme [U] [M].

La parcelle [Cadastre 36] est issue d’une division, intervenue par acte notarié du 26 avril 1904, de parcelles alors numérotées [Cadastre 10] (bâtiment), [Cadastre 9] (terrain au Sud du bâtiment comprenant un puit commun et un poulailler), 166 (terrain au Sud de [Cadastre 9]) et [Cadastre 8] (terrain au Nord et à l’Est de [Cadastre 9] comprenant une fosse à fumier). L’acte précise qu’au Nord du bâtiment se situe une cour commune, au Nord et à l’Ouest de laquelle se trouve la fosse à fumier. Les parcelles [Cadastre 6], [Cadastre 9] et [Cadastre 9] bis sont divisées dans le sens Sud/Nord la partie se trouvant à l’Ouest (teintée en vert sur le plan) étant vendue à M. [V] et celles se trouvant à l’Est (teintée en rose sur le plan et comprenant également la parcelle [Cadastre 8]) sont réservées au vendeur et attribuées à Mesdames [N]. L’acte mentionne encore que la teinte jaune (correspondant à la cour au nord du bâtiment) indique ‘un passage et cour commun entre le vendeur et l’acquéreur’. Le plan montre que cette cour débouche sur un chemin rural qui est l’actuel ‘chemin [Adresse 32]’ desservant l’ensemble des parcelles litigieuses.

L’actuelle parcelle [Cadastre 36] correspond à la partie Ouest de la division de 1904. Quant à la partie Est, le tribunal a parfaitement relevé que, à la suite des multiples opérations intervenues au cours du temps, la parcelle cadastrée actuellement [Cadastre 29] (propriété de M. [B] [LP]) englobe la partie Sud de la parcelle [Cadastre 6], alors que la parcelle actuellement cadastrée [Cadastre 39] (propriété [RC]) englobe la partie Nord de cette parcelle.

M. [B] [LP] et Mme [U] [M] prétendent qu’un droit de passage grevait la cour commune et que les parcelles [Cadastre 7] et [Cadastre 8] (partie fonds servant et fonds dominant) ont ensuite été réunies pour former une grande parcelle [Cadastre 41] de la division de laquelle sont issues toutes les parcelles leur appartenant aujourd’hui, ainsi que celles propriété de M. [Z], de sorte que la servitude créée en 1904 s’est poursuivie malgré les divisions par application de la ‘destination du père de famille’.

Les appelants rétorquent que la décision déférée doit être confirmée en ce qu’elle a rejeté l’application de la destination du père de famille, faute de caractère apparent. Mais ils soutiennent, contrairement à la solution retenue par le tribunal, que l’article 700 du code civil n’a pas vocation à s’appliquer. Ils exposent que la servitude dont dispose les époux [RC] sur la cour au Nord de la maison des époux [P] ne résulte pas de 1904 mais de l’acte du 26 décembre 2005 ne faisant pas de référence à une servitude antérieure. Ils précisent enfin que plus d’un siècle s’est écoulé depuis 1904 de sorte que la configuration des lieux a été très largement modifiée. Ils estiment encore que les parcelles appartenant à M. [B] [LP] n’ont jamais été enclavées dans la mesure où, au fur et à mesure des cessions qu’il a consenti, il s’est toujours ménagé un accès à ses propriétés.

La question posée à la cour est celle de savoir si la servitude de passage au Nord de l’actuelle parcelle [Cadastre 36] pour rejoindre le chemin [Adresse 32], prévue à l’acte de 1904, est aujourd’hui active au profit des parcelles de M. [B] [LP] et de Mme [U] [M], sur le fondement de la destination du père de famille ou sur celui de l’article 700 du code civil.

L’article 692 du code civil précise que : ‘la destination du père de famille vaut titre à l’égard des servitudes continues et apparentes’. Or, selon l’article 688 du code civil la servitude de passage est une servitude discontinue. Toutefois la jurisprudence précise que la destination du père de famille vaut titre à l’égard des servitudes discontinues lorsqu’existent, lors de la division du fonds, des signes apparents de la servitude et que l’acte de division ne contient aucune stipulation contraire à son maintien (cass. civ. 3, 23 mars 2022, n°21-11.986). En l’espèce l’acte de division de 1904 mentionne l’existence du passage dans la cour commune et ne s’y oppose donc pas. Toutefois, comme l’a relevé le tribunal, il ne résulte pas de cet acte, ni d’aucune autre pièce versée aux débats, qu’un ouvrage apparent révélait l’existence de la servitude de passage. En conséquence, aucune servitude conventionnelle tirée de la destination du père de famille sur la parcelle [Cadastre 36] ne saurait être reconnue au profit des parcelles de M. [B] [LP] et de Mme [U] [M].

L’article 700 du code civil prévoit que : ‘si l’héritage pour lequel a été établie la servitude vient à être divisé, la servitude reste due pour chaque portion, sans néanmoins que la condition du fonds assujetti soit aggravée’. Les appelants soutiennent que, à supposer que l’article 700 du code civil soit applicable, il en résulterait une aggravation ‘énorme’ de la servitude.

Il convient de relever que, à l’analyse des différents plans versés aux débats, c’est à juste titre que le tribunal a retenu que seule la parcelle [Cadastre 29] devait être admise comme fonds dominant sur la parcelle [Cadastre 36]. En effet, comme rappelé ci-dessus, elle est le fruit de la division de l’ancienne parcelle [Cadastre 6], elle-même alors fonds dominant, devenue ensuite n°247. Les plans annexés à l’acte de vente des époux [RC] (pièce appelant n°1) montrent en outre que, contrairement aux affirmations des intimés, cette parcelle [Cadastre 40] n’était pas englobée dans la grande parcelle [Cadastre 41], de sorte qu’elle ne l’était pas plus dans les parcelles [Cadastre 21] et [Cadastre 22] qui en sont issues. Au surplus, même à suivre le raisonnement des intimés, force serait alors de constater qu’au regard de la nouvelle superficie très largement supérieure concernant le fonds dominant, il y aurait eu une aggravation s’opposant à l’application de l’article 700 du code civil.

Par conséquent, le jugement déféré sera confirmé :

– en ce qu’il a dit que qu’en vertu de l’acte authentique reçu par maître [DI] [W]-[S], notaire à [Localité 31] le 26 avril 1904, la parcelle cadastrée [Cadastre 29], propriété de M. [B] [LP] , est le fonds dominant qui bénéficie d’une servitude de passage conventionnelle au détriment du fonds servant cadastré [Cadastre 36] appartenant aux époux [P],

– en ce qu’il débouté M. [B] [LP] et Mme [U] [M] de leur demande tendant à ce qu’il soit dit que les parcelles cadastrées section [Cadastre 42], [Cadastre 12] à [Cadastre 14], [Cadastre 16] à [Cadastre 19] appartenant à Mme [U] [M] et les parcelles cadastrées section [Cadastre 34], [Cadastre 35], [Cadastre 20], [Cadastre 37], [Cadastre 27], [Cadastre 29], [Cadastre 11] et [Cadastre 15] appartenant à M. [B] [LP] disposent d’une servitude de passage conventionnelle au profit du fonds cadastré [Cadastre 36] et appartenant aux époux [P] en vertu d’un acte reçu par maître [DI] [W]-[S], notaire à [Localité 31] le 26 avril 1904,

b. Sur la servitude conventionnelle affectant la parcelle [Cadastre 39]

La parcelle [Cadastre 39] appartient à M. [DI] [RC] et Mme [X] [RC] qui l’ont acquise des consorts [K]/[E] selon acte notarié du 3 août 2005 (pièce appelant n°1). Cet acte contient en page 14 un rappel de servitude selon lequel :

– aux termes d’un acte de maître [F] en date des 29 et 30 mars 1990 (vente de [A] à [LP] de la parcelle [Cadastre 28]) les servitudes suivantes sont rappelées :

– aux termes d’un acte de maître [Y] en date les 13 et 18 octobre 1984 et 2 et 5 avril 1985(vente de [A] aux consorts [T] de la parcelle [Cadastre 21]) une servitude de passage a été créée au profit de la parcelle [Cadastre 21] (vendue aux consorts [T]) et au détriment de la parcelle [Cadastre 22] (demeurant la propriété des consorts [A]) ; que, par suite de changement de numérotation, cette servitude s’est ensuite exercée sur la parcelle [Cadastre 25] (ex [Cadastre 22]), puis sur la parcelle [Cadastre 43] (ex [Cadastre 25]) actuellement cadastrée [Cadastre 39] (ex [Cadastre 25]) ;

– aux termes d’un acte de maître [F] en date des 1er et 12 juillet 1988 (vente de [A] à [LP] des parcelles [Cadastre 24], [Cadastre 23] et [Cadastre 26]) une servitude de passage est créée, afin de permettre aux parcelle [Cadastre 24] et [Cadastre 23] d’avoir un accès au chemin [Adresse 32], sur la parcelle [Cadastre 25] et permettant de rejoindre le passage créé dans l’acte de maître [Y] du 5 avril 1985 ; cette servitude s’est exercée ensuite sur la parcelle [Cadastre 43] (ex [Cadastre 25]) puis sur la parcelle [Cadastre 39] (ex [Cadastre 25]).

La cour relève encore que, par un acte de maître [F], d’échange de parcelles entre M. [B] [LP] et M. [D] [W] des 13 et 14 mars 1992, la servitude de 1988 a été annulée, celle issue de l’acte de 1985 étant expressément maintenue (pièce intimé n°22). Comme l’a justement noté le tribunal, la comparaison entre le plan annexé à l’acte de 1985 (pièce appelant n°33) et le cadastre actuel (pièce intimé n°1) montre parfaitement que la parcelle [Cadastre 39] était partie de la parcelle [Cadastre 22] (fonds servant). Elle fait en outre apparaître que les parcelles appartenant aujourd’hui à M. [B] [LP] et Mme [U] [M] ([Cadastre 20], [Cadastre 37], [Cadastre 27], [Cadastre 29], [Cadastre 42], [Cadastre 11], [Cadastre 12], [Cadastre 13], [Cadastre 14], [Cadastre 15], [Cadastre 16], [Cadastre 17] et [Cadastre 19]) sont issues de la parcelle [Cadastre 21] (fonds dominant). Il en résulte que la servitude de passage dont est grevé leur parcelle [Cadastre 39] figure bien dans l’acte d’achat de M. [DI] [RC] et Mme [X] [RC], acte qui renvoie à celui de 1985, lui même régulièrement publié. En outre cette servitude bénéficie bien à l’ensemble des parcelles citées par application de l’article 700 du code civil, la division des parcelles [Cadastre 21] et [Cadastre 22] ne provoquant ici aucune aggravation. En revanche, force est de constater que les parcelles [Cadastre 34] et [Cadastre 35] n’étaient pour leur part pas partie de la parcelle [Cadastre 21] étant entendu que, depuis, la parcelle [Cadastre 34] a été vendue par M. [B] [LP] à M. [G] [Z] par acte du 5 avril 2017 (pièce appelant n°24).

Quant à l’assiette de cette servitude, il convient de se référer au plan annexé à l’acte de 1984/1985 (pièce appelant n°33), le passage y figurant en pointillés. Il part aujourd’hui de la limite Nord/Ouest de la parcelle [Cadastre 20] et passe devant la maison de M. [DI] [RC] et Mme [X] [RC] (parcelle [Cadastre 39]) par le Nord et l’Est, vers l’Ouest pour rejoindre ce qui fût jadis la cour commune aujourd’hui située sur la parcelle [Cadastre 36].

Ainsi, le jugement déféré sera confirmé en ce qu’il a dit que la parcelle située à [Localité 31] cadastrée section [Cadastre 39] appartenant aux époux [RC] est le fonds servant débiteur d’une servitude conventionnelle de passage en application de l’acte authentique reçu par maître [Y] les 13 et 18 octobre 1984 et 2 et 5 avril 1985, au bénéfice des parcelles cadastrées section [Cadastre 42], [Cadastre 12] à [Cadastre 14], [Cadastre 16] à [Cadastre 19] appartenant à Mme [U] [M] et des parcelles cadastrées section [Cadastre 34], [Cadastre 35], [Cadastre 20], [Cadastre 37], [Cadastre 27], [Cadastre 29], [Cadastre 11] et [Cadastre 15] appartenant à M. [B] [LP], qui constituent les fonds dominants, sauf à dire que les parcelles [Cadastre 34] et [Cadastre 35] ne sont pas au bénéfice de cette servitude.

2. Sur la situation d’enclave des parcelles appartenant à M. [B] [LP] et Mme [U] [M]

L’article 682 du code civil dispose que : ‘le propriétaire dont les fonds sont enclavés et qui n’a sur la voie publique aucune issue, ou qu’une issue insuffisante, soit pour l’exploitation agricole, industrielle ou commerciale de sa propriété, soit pour la réalisation d’opérations de construction ou de lotissement, est fondé à réclamer sur les fonds de ses voisins un passage suffisant pour assurer la desserte complète de ses fonds, à charge d’une indemnité proportionnée au dommage qu’il peut occasionner’.

Il résulte de l’analyse précédente que, à l’exception de la parcelle [Cadastre 29], aucune des parcelles appartenant à M. [B] [LP] et à Mme [U] [M] ne dispose d’une servitude conventionnelle de passage sur la parcelle [Cadastre 36] appartenant à M. [L] [P] et Mme [GC] [P]. Comme l’a justement noté le tribunal, l’analyse de l’actuel plan cadastral permet de dire que les parcelles cadastrées section [Cadastre 42], [Cadastre 12] à [Cadastre 14], [Cadastre 16] à [Cadastre 19] appartenant à Mme [U] [M] et les parcelles cadastrées section [Cadastre 35], [Cadastre 20], [Cadastre 37], [Cadastre 27], [Cadastre 29], [Cadastre 11] et [Cadastre 15] ne disposent d’aucune issue sur la voie publique, en l’espèce, le chemin [Adresse 32]. Elles ne bénéficient en effet que d’un passage jusqu’à la limite Nord/Ouest de la parcelle [Cadastre 39]. Elles sont donc enclavées au sens de l’article 682 du code civil.

Il est notable que les appelants eux-mêmes relèvent que les accès à la maison de M. [B] [LP] se fait ‘à partir du chemin [Adresse 32], puis par un chemin traversant diverses propriétés privées’ (conclusions p.12). Il reconnaissent donc le fait que ce dernier n’a aucun accès direct à la voie en question. De même, le fait que M. [B] [LP] a acquis, par échange en 1992, la parcelle [Cadastre 20], n’est pas de nature à le désenclaver dans la mesure où cette parcelle n’a elle-même aucun accès direct sur la voie publique.

Par ailleurs le fait que l’acte de vente de M. [B] [LP] à Mme [U] [M] en 2014, crée une servitude de passage au préjudice des parcelles [Cadastre 42] et [Cadastre 18] et au bénéfice des parcelles [Cadastre 11] et [Cadastre 15] n’a pas davantage pour effet de créer ni au profit de M. [B] [LP] ni à celui de Mme [U] [M] un accès direct à la voie publique. En revanche, le même acte a créé au profit des parcelles de Mme [U] [M] un droit de passage sur les parcelles [Cadastre 20] et [Cadastre 11] de M. [B] [LP] ce qui lui permet de rejoindre la parcelle [Cadastre 39] puis la parcelle [Cadastre 36].

L’état d’enclave des parcelles de Mme [U] [M] n’a donc pas cessé et ne résulte pas d’un auto-enclavement. En effet les parcelles en question ont toujours été enclavées, en ce sens qu’elles ne disposent d’aucun accès à la voie publique. Elles doivent donc être admises au bénéfice d’un droit de passage tout usage sur la parcelle [Cadastre 36], dans le prolongement de celui passant sur la parcelle [Cadastre 39]. Comme l’a justement relevé le tribunal, le tracé de cette servitude empruntant un chemin déjà existant et largement utilisé depuis de très nombreuses années, il n’y a pas lieu à indemnisation.

En revanche, il résulte de l’acte de vente des parcelle [Cadastre 34] et [Cadastre 1] de M. [B] [LP] à M. [G] [Z] qu’il a été créé, au profit des parcelles du premier (n°[Cadastre 35], [Cadastre 20], [Cadastre 37], [Cadastre 29], [Cadastre 11] et [Cadastre 15]) un droit de passage en tout temps, avec comme fonds servant les parcelles [Cadastre 34] et [Cadastre 1] et s’exerçant ‘sur toute la longueur Sud de la parcelle [Cadastre 1]”. Or la limite Sud de cette parcelle est contigüe à la limite Nord de la parcelle [Cadastre 36]. Il en résulte que les parcelles en question ne sont plus enclavées dans la mesure où elles bénéficient d’abord d’un passage sur la parcelle [Cadastre 39] comme défini ci-dessus et ensuite d’un passage au Sud de la parcelle [Cadastre 1] vers le chemin [Adresse 32].

Par conséquent, le jugement entrepris sera confirmé en ce qu’il :

– a dit que dit que les parcelles cadastrées section [Cadastre 42], [Cadastre 12] à [Cadastre 14], [Cadastre 16] à [Cadastre 19] appartenant à Mme [U] [M] et n°[Cadastre 37] appartenant à M. [B] [LP] sont enclavées, faute de passage sur la parcelle des époux [P],

– a dit que le tracé de la servitude légale accordée aux parcelles cadastrées section [Cadastre 42], [Cadastre 12] à [Cadastre 14], [Cadastre 16] à [Cadastre 19] appartenant à Mme [U] [M] et à la parcelle cadastrées section [Cadastre 37], appartenant à M. [B] [LP] reprendra l’assiette de la servitude conventionnelle, et dit en conséquence que le désenclavement de ses parcelles se fera au moyen d’une servitude de passage ‘tous usages’ en utilisant la desserte actuelle, c’est-à-dire le chemin qui traverse la parcelle [Cadastre 36] appartenant aux époux [P] (ancienne cour commune),

– a dit que cette servitude légale ne peut donner lieu à indemnité,

– a dit que l’assiette des servitudes de passage dont sont débiteurs les époux [RC] et les époux [P] sont définies dans les actes du 26 avril 1904 établi par maître [DI] [W]-[S] d’une part et du 13, 18 octobre 1984, 02 et 05 avril 1985 établi par maître [Y] d’autre part.

En revanche, le jugement entrepris sera infirmé en ce qu’il a dit que les parcelles cadastrées section [Cadastre 34], [Cadastre 35], [Cadastre 20], [Cadastre 27], [Cadastre 29], [Cadastre 11] et [Cadastre 15] appartenant à M. [B] [LP] sont enclavées, faute de passage sur la parcelle des époux [P] et M. [B] [LP] sera débouté de sa demande de désenclavement des parcelles [Cadastre 34], [Cadastre 35], [Cadastre 20], [Cadastre 27], [Cadastre 29], [Cadastre 11] et [Cadastre 15], l’accès vers la voie publique pouvant se faire, après passage sur la parcelle [Cadastre 39], par le Sud de la parcelle [Cadastre 1].

3. Sur l’empiétement du passage par M. [DI] [RC] et Mme [X] [RC]

Il a été vu ci-dessus que le droit de passage sur la parcelle [Cadastre 39] appartenant aux époux [RC] a été confirmé dans son principe et dans son assiette. Il convient dès lors de constater que c’est à bon droit que le tribunal a jugé que les jardinières, la haie et le poteau installés par les époux [RC] en toute limite de propriété se situent bien sur l’assiette du droit de passage. Ils ne peuvent pas, à ce titre s’abriter derrière l’absolutisme du droit de propriété tel que défini aux article 544 et 545 du code civil.

En conséquence, la décision entreprise sera confirmée en ce qu’elle a condamné, sous astreinte provisoire de 100 euros par jour de retard à compter de la signification du jugement, à retirer le poteau et les trois jardinières ou tout obstacle et les appelants déboutés de leur demande tendant à annuler les conséquences de la décision du juge de l’exécution du 8 novembre 2021 et de la cour d’appel du 22 septembre 2022, de leur demande de remboursement des sommes payées au titre des astreintes liquidées et de leur demande de dommages et intérêts, aucune faute ne pouvant ici être imputée aux intimés.

Dans la mesure où l’arrêt de la cour d’appel de Chambéry du 22 septembre 2022 a constaté que l’ensemble des obstacles litigieux a été retiré depuis le 29 novembre 2021 et où M. [B] [LP] et Mme [U] [M] n’allèguent pas une nouvelle entrave, ils seront déboutés de leurs demandes de condamnation sous une nouvelle astreinte de 200 euros par jour de retard à laisser libre l’assiette des servitudes. Il relève en effet de la nature de ces dernières qu’elles ne doivent pas être entravées et rien ne permet d’affirmer qu’à l’avenir les époux [P] et les époux [RC] en empêcheront l’exercice. La condamnation des époux [P] à laisser libre le passage sur l’assiette de la servitude, sans astreinte sera confirmé.

4. Sur la demande de dommages et intérêts pour trouble du voisinage de M. [B] [LP] et Mme [U] [M]

M. [B] [LP] et Mme [U] [M] réclament 3 000 euros de dommages et intérêts au titre ‘des préjudices annexes sur le fondement du trouble anormal du voisinage et du non respect de la servitude conventionnelle. Toutefois, pas plus qu’en première instance ils ne développent en quoi ils ont subi un trouble anormal du voisinage ni en quoi l’empiétement sur la servitude par les époux [RC] leur ont causé un préjudice qui pourrait être réparé autrement que par la condamnation sous astreinte à retirer les obstacles.

Le jugement déféré sera donc confirmé sur ce point.

5. Sur les demandes de dommages et intérêts présentées par M. [DI] [RC], Mme [X] [RC], M. [L] [P] et Mme [GC] [P]

Les époux [RC] réclament à titre subsidiaire par rapport à leur demande concernant l’annulation des conséquences de l’astreinte et la demande de remboursement des sommes versées un condamnation des intimés à leur verser une somme de 35 000 euros à titre de dommages et intérêts. Mais dans la mesure où ils ne démontrent ni faute ni préjudice qui en résulterait ils seront déboutés de cette demande.

Par ailleurs les appelant sollicitent la condamnation des intimés à leur payer la somme de 15 000 euros ‘résultant de leur façon d’agir depuis 2015, notamment en application de l’article1240 du code civil’. Il convient de rappeler que l’exercice d’une action en justice, de même que la défense à une telle action, constitue un droit et ne dégénère en abus pouvant donner lieu à dommages et intérêts que dans le cas de malice, de mauvaise foi ou d’erreur grossière.

En l’espèce, M. [B] [LP] et Mme [U] [M] ont agi en justice pour faire valoir leurs droits et ont obtenu gain de cause sur la quasi totalité de leurs demandes. Ainsi il ne saurait s’être rendus coupables d’agissements constitutifs d’une faute au sens de l’article 1240 du code civil.

M. [DI] [RC], Mme [X] [RC], M. [L] [P] et Mme [GC] [P] seront donc déboutés de leur demande de dommages et intérêts.

6. Sur les dépens et les demande au titre de l’article 700 du code de procédure civile

M. [L] [P], Mme [GC] [P], M. [DI] [RC] et Mme [X] [RC] qui succombent en principal seront, conformément à l’article 696 du code de procédure civile, condamnés in solidum aux dépens de première instance et d’appel avec distraction au profit de maître Fabrice Paganelli par application de l’article 699 du code de procédure civile. Ils seront corrélativement déboutés de leur demande au titre de l’article 700 du code de procédure civile comme n’en remplissant pas les conditions d’octroi.

Il n’est pas inéquitable de faire supporter par M. [DI] [RC], Mme [X] [RC], M. [L] [P] et Mme [GC] [P] partie des frais irrépétibles non compris dans les dépens exposés par M. [B] [LP] et Mme [U] [M]. La décision entreprise sera confirmée en ce qu’elle les a condamné à verser à chacun d’eux la somme de 1 500 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile. Il seront condamné in solidum à leur verser à chacun une somme supplémentaire de 2 000 euros en cause d’appel.

PAR CES MOTIFS

La cour, après en avoir délibéré conformément à la loi, statuant publiquement, par décision contradictoire,

Confirme le jugement entrepris :

– en ce qu’il a dit qu’en vertu de l’acte authentique reçu par maître [DI] [W]-[S], notaire à [Localité 31] le 26 avril 1904, la parcelle cadastrée [Cadastre 29], propriété de M. [B] [LP], est le fonds dominant qui bénéficie d’une servitude de passage conventionnelle au détriment du fonds servant cadastré [Cadastre 36] appartenant aux époux [P],

– en ce qu’il débouté M. [B] [LP] et Mme [U] [M] de leur demande tendant à ce qu’il soit dit que les parcelles cadastrées section [Cadastre 42], [Cadastre 12] à [Cadastre 14], [Cadastre 16] à [Cadastre 19] appartenant à Mme [U] [M] et les parcelles cadastrées section [Cadastre 34], [Cadastre 35], [Cadastre 20], [Cadastre 37], [Cadastre 27], [Cadastre 29], [Cadastre 11] et [Cadastre 15] appartenant à M. [B] [LP] disposent d’une servitude de passage conventionnelle au profit du fonds cadastré [Cadastre 36] et appartenant aux époux [P] en vertu d’un acte reçu par maître [DI] [W]-[S], notaire à [Localité 31] le 26 avril 1904,

Confirme le jugement entrepris en ce qu’il a dit que la parcelle située à [Localité 31] cadastrée section [Cadastre 39] appartenant aux époux [RC] est le fonds servant débiteur d’une servitude conventionnelle de passage en application de l’acte authentique reçu par maître [Y] les 13 et 18 octobre 1984 et 2 et 5 avril 1985, au bénéfice des parcelles cadastrées section [Cadastre 42], [Cadastre 12] à [Cadastre 14], [Cadastre 16] à [Cadastre 19] appartenant à Mme [U] [M] et des parcelles cadastrées section [Cadastre 34], [Cadastre 35], [Cadastre 20], [Cadastre 37], [Cadastre 27], [Cadastre 29], [Cadastre 11] et [Cadastre 15] appartenant à M. [B] [LP], qui constituent les fonds dominants, sauf à dire que les parcelles [Cadastre 34] et [Cadastre 35] ne sont pas au bénéfice de cette servitude,

Confirme le jugement entrepris le jugement entrepris en ce qu’il :

– a dit que dit que les parcelles cadastrées section [Cadastre 42], [Cadastre 12] à [Cadastre 14], [Cadastre 16] à [Cadastre 19] appartenant à Mme [U] [M] et n°[Cadastre 37] appartenant à M. [B] [LP] sont enclavées, faute de passage sur la parcelle des époux [P],

– a dit que le tracé de la servitude légale accordée aux parcelles cadastrées section [Cadastre 42], [Cadastre 12] à [Cadastre 14], [Cadastre 16] à [Cadastre 19] appartenant à Mme [U] [M] et à la parcelle cadastrées section [Cadastre 37], appartenant à M. [B] [LP] reprendra l’assiette de la servitude conventionnelle, et dit en conséquence que le désenclavement de ses parcelles se fera au moyen d’une servitude de passage ‘tous usages’ en utilisant la desserte actuelle, c’est-à-dire le chemin qui traverse la parcelle [Cadastre 36] appartenant aux époux [P] (ancienne cour commune),

– a dit que cette servitude légale ne peut donner lieu à indemnité,

– a dit que l’assiette des servitudes de passage dont sont débiteurs les époux [RC] et les époux [P] sont définies dans les actes du 26 avril 1904 établi par maître [DI] [W]-[S] d’une part et du 13, 18 octobre 1984, 02 et 05 avril 1985 établi par maître [Y] d’autre part.

Infirme le jugement entrepris en ce qu’il a dit que les parcelles cadastrées section [Cadastre 34], [Cadastre 35], [Cadastre 20], [Cadastre 27], [Cadastre 29], [Cadastre 11] et [Cadastre 15] appartenant à M. [B] [LP] sont enclavées, faute de passage sur la parcelle des époux [P],

Statuant à nouveau sur ce point,

Déboute de sa demande de désenclavement des parcelles [Cadastre 34], [Cadastre 35], [Cadastre 20], [Cadastre 27], [Cadastre 29], [Cadastre 11] et [Cadastre 15].

Confirme le jugement déféré en ce qu’il a condamné M. [DI] [RC] et Mme [X] [RC] a enlevé sous astreinte de 100 euros par jour de retard les jardinières, les poteaux ou tout obstacle se trouvant sur l’assiette de la servitude,

Y ajoutant sur ce point,

Déboute M. [B] [LP] et Mme [U] [M] de leur demande de nouvelle astreinte,

Confirme le jugement déféré en ce qu’il a condamné sans astreinte M. [L] [P] et Mme [GC] [P] a laissé libre d’entrave l’assiette de la servitude

Y ajoutant sur ce point,

Déboute M. [B] [LP] et Mme [U] [M] de leur demande de fixation d’une nouvelle astreinte,

Confirme le jugement déféré en ce qu’il a débouté M. [B] [LP] et Mme [U] [M] de leur demande de dommages et intérêts,

Y ajoutant,

Déboute M. [DI] [RC], Mme [X] [RC], M. [L] [P] et Mme [GC] [P] de leur demande de dommages et intérêts,

Condamne in solidum M. [DI] [RC] et Mme [X] [RC], M. [L] [P] et Mme [GC] [P] aux dépens de première instance et d’appel, maître [J] [I] étant autorisé à recouvrer auprès d’eux ceux dont il a fait l’avance sans avoir reçu provision,

Confirme le jugement entrepris en ce qu’il a condamné M. [DI] [RC], Mme [X] [RC], M. [L] [P] et Mme [GC] [P] à payer à M. [B] [LP] et à Mme [U] [M] la somme de 1 500 euros chacun au titre de l’article 700 du code de procédure civile,

Y ajoutant,

Condamne in solidum M. [DI] [RC], Mme [X] [RC], M. [L] [P] et Mme [GC] [P] à payer, au titre de l’article 700 du code de procédure civile en cause d’appel à M. [B] [LP] et à Mme [U] [M] la somme de 2 000 euros chacun.

Ainsi prononcé publiquement le 19 janvier 2023 par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du Code de Procédure Civile, et signé par Madame Alyette FOUCHARD, Conseillère faisant fonction de Présidente et Madame Sylvie DURAND, Greffière.

La Greffière La Présidente

 


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