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ARRET N°95
N° RG 22/01643 – N° Portalis DBV5-V-B7G-GSN7
S.A.R.L. CROCK GOURMAND
C/
[F]
RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
COUR D’APPEL DE POITIERS
1ère Chambre Civile
ARRÊT DU 28 FEVRIER 2023
Numéro d’inscription au répertoire général : N° RG 22/01643 – N° Portalis DBV5-V-B7G-GSN7
Décision déférée à la Cour : ordonnance du 17 juin 2022 rendue par le Président du TJ des SABLES D’OLONNE.
APPELANTE :
S.A.R.L. CROCK GOURMAND
[Adresse 2]
[Localité 5]
ayant pur avocat postulant Me Jérôme CLERC de la SELARL LEXAVOUE POITIERS-ORLEANS, avocat au barreau de POITIERS, et pour avocat plaidant Me Claire BRANDET, avocat au barreau des SABLES D’OLONNE
INTIME :
Monsieur [M] [F]
né le [Date naissance 1] 1946 à [Localité 7] (36)
[Adresse 4]
[Localité 3]
ayant pour avocat Me David DURAND de la SELARL CNTD, avocat au barreau des SABLES D’OLONNE
COMPOSITION DE LA COUR :
En application des articles 907 et 786 du Code de Procédure Civile, l’affaire a été débattue le 23 Janvier 2023, en audience publique, les avocats ne s’y étant pas opposés, devant :
Monsieur Philippe MAURY, Conseiller
Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :
M. Thierry MONGE, Président de Chambre
Monsieur Dominique ORSINI, Conseiller
Monsieur Philippe MAURY, Conseiller
GREFFIER, lors des débats : M. Lilian ROBELOT
ARRÊT :
– Contradictoire
– Prononcé publiquement par mise à disposition au greffe de la Cour, les parties ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du Code de procédure civile,
– Signé par M. Thierry MONGE, Président de Chambre, et par Mme Elodie TISSERAUD, Greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
PROCÉDURE, PRÉTENTIONS ET MOYENS DES PARTIES
M. [F] est propriétaire d’une maison d’habitation à usage de résidence secondaire sise [Adresse 6].
Son habitation jouxte un local commercial exploité par la S.A.R.L. CROCK GOURMAND dans le cadre d’une activité de restauration rapide.
En août 2017, une bouche d’extraction a été installée par la dite société, donnant sur la [Adresse 6].
Considérant subir des nuisances olfactives et sonores du fait de cette installation, Mr [F] a réalisé diverses démarches : tentative de conciliation, courriers à la mairie, expertise amiable avec proposition de rédaction d’un protocole transactionnel, ce sans succès.
Dans le cadre de cette expertise, il a été noté que la bouche d’extraction se situait à 1,7 mètres et 3,8 mètres de la porte d’entrée et de la porte fenêtre située à l’étage de la résidence de Mr [F].
L’expert a également estimé que cette installation contrevenait aux dispositions du règlement sanitaire départemental.
Un contrôle de la police municipale a pu relever une augmentation du seuil de décibels avec la machine en fonctionnement à hauteur de 4,5.
Enfin, un constat d’huissier a été effectué en trois temps début septembre 2021, l’huissier notant la présence d’odeurs de cuisine parfois incommodantes depuis la maison de Mr [F] et un niveau sonore de la bouche couvrant parfois le bruit des véhicules et des conversations des piétons.
La S.A.R.L. CROCK GOURMAND a de son côté fait procéder à une autre expertise amiable courant janvier 2020, qui a conclu que le règlement sanitaire susvisé n’était pas applicable et la responsabilité de la S.A.R.L. insusceptible d’être engagée.
Considérant que la mise en place de la bouche d’aération en question constituait un trouble manifeste et anormal de voisinage, et en l’absence de solution amiable au litige, M. [F] a, par acte d’huissier du 4 février 2022, assigné devant le juge des référés du tribunal judiciaire des SABLES D’OLONNE la S.A.R.L. CROCK GOURMAND aux fins d’obtenir l’enlèvement de la bouche d’aération litigieuse dans un délai de 15 jours sous astreinte de 100 euros par jour de retard, le versement de la somme de 2000 euros en provision de la réparation de son préjudice moral lié à la résistance abusive de la société et une somme de 2000 euros sur le fondement des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile.
A titre subsidiaire, il a conclu au renvoi de l’affaire devant le juge du fond
La société S.A.R.L. CROCK GOURMAND s’est opposée aux demandes formulées, soulevant l’incompétence du juge des référés, et à titre subsidiaire a conclu au rejet des prétentions adverses. En tout état de cause, elle a sollicité l’octroi d’une somme de 1500 euros sur le fondement des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile.
Par ordonnance de référé contradictoire en date du 17/06/2022, la présidente du tribunal judiciaire des SABLES D’OLONNE a statué comme suit :
‘ENJOIGNONS à la S.A.R.L. CROCK GOURMAND de faire procéder dans les 30 jours de la présente décision à l’enlèvement et / ou à la neutralisation de la bouche d’extraction objet du litige, sous astreinte de 100 euros par jour de retard, à charge pour elle de justifier des travaux réalisés ;
DÉBOUTONS Mr [F] de sa demande provisionnelle en versement de dommages et intérêts ;
CONDAMNONS la S.A.R.L. CROCK GOURMAND aux entiers dépens, outre au versement de la somme de 1000 euros à Mr [F] sur le fondement des dispositions de
l’article 700 du code de procédure civile’.
Le premier juge a notamment retenu que :
– par application des dispositions de l’article 835 du code de procédure civile, la question posée est celle de l’existence d’un trouble anormal de voisinage au préjudice de Mr [F] dans la mise en place et le fonctionnement de la bouche d’extraction de la S.A.R.L. CROCK GOURMAND, de la compétence du juge des référés.
– si le règlement sanitaire départemental ne parait pas applicable, l’existence d’odeurs omniprésentes, fortes et incommodantes, le bruit augmenté et couvrant les bruits de la voie publique, la proximité immédiate de la bouche du domicile du demandeur permettent de conclure que la mise en place de la bouche d’extraction a généré pour M. [F] un trouble manifestement illicite qu’il convient de faire cesser.
– s’agissant de la demande en dommages et intérêts provisionnels, les contestations engagées par la S.A.R.L. CROCK GOURMAND ne sauraient être considérées comme une résistance abusive mais comme l’expression de son désaccord, d’autant qu’elle n’a pas rompu le dialogue avec M. [F].
LA COUR
Vu l’appel en date du 29/06/2022 interjeté par la société S.A.R.L. CROCK GOURMAND
Vu l’article 954 du code de procédure civile
Aux termes du dispositif de ses dernières conclusions en date du 10/10/2022, la société S.A.R.L. CROCK GOURMAND a présenté les demandes suivantes :
‘Vu les articles 834, 835 et suivants du code civil
Vu les pièces versées aux débats
Déclarer la société CROCK GOURMAND bien fondée en son appel, l’y recevoir,
Y faisant droit,
Infirmer la décision intervenue en référé le 17 juin 2022 en toutes ses dispositions
En conséquence,
Condamner M. [F] à rembourser à la S.A.R.L. CROCK GOURMAND la somme de 1 067.72 versée au titre de l’article 700 CODE DE PROCÉDURE CIVILE et des dépens
Le voir condamner à verser à la société CROCK GOURMAND la somme de 3 000 € à titre de dommages et intérêts
Le débouter de toutes demandes, fins et conclusions ;
Le voir condamner à verser à la société CROCK GOURMAND la somme de 3 000 € au titre de l’article 700 du code de procédure civile
Le voir condamner aux entiers dépens’.
A l’appui de ses prétentions, la société S.A.R.L. CROCK GOURMAND soutient notamment que :
– La société CROCK GOURMAND qui exploite, depuis 2014, une activité de restauration rapide, a été victime d’un incendie le 4 août 2014.
Des travaux ont été réalisés pour un montant de 100 000 €, validés par la commission de sécurité et l’extraction des hottes se situe sur le toit.
Ce n’est que 3 ans plus tard, en 2017, que la société a décidé de faire installer un extracteur d’air, sans que cela n’ait aucun lien avec l’incendie au contraire des dires de l’expert de M. [F].
Cette installation a été réalisée pour rafraîchir la cuisine, en raisons de chaleurs inconfortables pour les salariés et les moteurs des machines qui tombaient en panne de façon chronique.
– M. [F] a fait procéder à une expertise amiable en janvier 2020 par le biais de son assurance, à un moment où l’établissement était fermé.
L’expert n’a rien pu constater quant aux nuisances sonores ou olfactives.
– le règlement sanitaire départemental de la Vendée en ce qu’il prescrit que l’air extrait des locaux doit être rejeté à au moins 8 m de toute fenêtre ou de toute prise d’air neuf sauf aménagement tels qu’une reprise d’air pollué ne soit pas possible n’est pas applicable en l’espèce dès lors qu’il y est indiqué que ‘les dispositions de cette section s’appliquent aux constructions neuves et aux constructions subissant des modifications importantes affectant les gros oeuvre ou l’économie de l’immeuble’.
– la société CROCK GOURMAND n’a violé aucune réglementation en vigueur.
– une nuisance olfactive ne peut être sanctionnée que si elle constitue un trouble anormal de voisinage, ce qui n’est pas démontré.
Les attestations versées ne permettent pas de retenir le caractère anormal des troubles décrits faute de précision sur la date des constats effectués.
– le constat d’huissier versé ne permet pas de retenir l’implication de l’extracteur d’air dans la présence d’odeur, au contraire du vent selon l’intensité de celui-ci.
– ce n’est pas tant l’extracteur qui est en cause mais l’activité même de la société et la proximité des bâtiments.
– toute action liée à un trouble anormal de voisinage lié aux odeurs émanant de l’activité de la société CROCK GOURMAND est aujourd’hui prescrite depuis deux années.
– s’agissant du bruit, aucune infraction n’a été relevée.
– la société CROCK GOURMAND a fait le maximum pour que l’installation de son extracteur d’air soit le moins dérageant pour ses voisins. Elle a réussi puisque l’on constate un faible taux de décibel relevé.
– qu’il puisse y avoir une gêne pour M. [F], présent l’été, ne saurait être contesté, mais elle doit, pour être sanctionnée par l’article 835 du code de procédure civile, revêtir la qualification de trouble manifestement illicite.
– la présence d’odeur est pré-existante, le bruit augmenté ne dépasse pas les limites imposées par la loi, et la proximité de la bouche ne contrevient pas aux règlements
– au vu de la décision rendue, la société CROCK GOURMAND a pris la décision d’effectuer des travaux particulièrement lourds pour déplacer la bouche de l’extracteur et la placer de l’autre côté de son ouverture, à l’opposé de la maison de M. [F], à plus de 10m, pour pouvoir continuer à travailler et sans pour autant reconnaître l’existence de troubles anormaux du voisinage. Les travaux ont été réalisés avant le 29 juillet 2022.
– l’huissier qui s’est déplacé le 18 juillet 2022, constate l’emplacement du conduit à son emplacement antérieur et ne note pas d’odeur particulière.
Il est revenu le 29 juillet pour constater que le moteur a bien été déplacé, constate qu’il n’y a pas d’odeur ni de bruit de ventilation sur le perron de M. [F]
– il n’y a pas de sa part de résistance abusive.
– elle subit du fait de cette procédure un préjudice qu’il convient de réparer à hauteur de la somme de 2000 €.
Aux termes du dispositif de ses dernières conclusions en date du 16/08/2022, M. [M] [F] a présenté les demandes suivantes :
‘Vu la construction jurisprudentielle des troubles anormaux de voisinage,
Vu les articles 834 et 835 du code de procédure civile,
Vu l’article L. 131-1 du code des procédures civiles d’exécution,
Vu les pièces versées au débat,
Il est demandé à la cour d’appel de :
CONFIRMER l’ordonnance de référé du 17 juin 2022 en ce qu’elle a enjoint la société CROCK GOURMAND de faire procéder dans les 30 jours de la décision à l’enlèvement et/ou la neutralisation de la bouche d’extraction, objet du litige, sous astreinte de 100 € par jour de retard à charge pour elle de justifier des travaux réalisés ;
CONDAMNER la société CROCK GOURMAND aux entiers dépens outre versement de la somme de 1.000 € à M. [F] sur le fondement de l’article 700 du Code de Procédure Civile ;
INFIRMER l’ordonnance de référé du 17 juin 2022 en ce qu’elle a débouté M. [F] de sa demande provisionnelle en versement de dommages et intérêts ;
Et, statuant à nouveau, y ajoutant
CONDAMNER la société CROCK GOURMAND à verser à M. [F] une provision de 2.000 € à valoir sur l’indemnisation de son préjudice moral et de la résistance abusive dont a fait preuve la société CROCK GOURMAND ;
DÉBOUTER la société CROCK GOURMAND de toutes demandes, fins et conclusions devant la cour d’appel ;
En tout état de cause,
CONDAMNER la société CROCK GOURMAND, à verser à M. [F] la somme de 3.000 € au titre de l’article 700 du code de procédure civile.
CONDAMNER la société CROCK GOURMAND aux entiers dépens d’appel, outre le coût du constat d’huissier du 1er septembre 2021.
A l’appui de ses prétentions, M. [M] [F] soutient notamment que :
– la société CROCK GOURMAND a fait installer une bouche d’extraction ressortant sur la [Adresse 6], en août 2017.
Toutefois, ne résidant aux SABLES D’OLONNE que l’été, ce n’est qu’en juin 2018, que M. [F] a constaté pour la première fois que cet extracteur d’air provoquait des nuisances sonores et olfactives.
-l’expert amiable indique que la bouche d’extraction n’est pas installée conformément aux réglementations en vigueur.
Toutefois, l’expertise ayant eu lieu en janvier, l’expert n’a pas pu constater les nuisances sonores et olfactives, le magasin étant fermé à cette période.
– M. [F] a alors fait constater les nuisances provoquées par l’extracteur d’air par un Huissier de Justice, les 1er, 4 et 5 septembre 2021.
– au regard des dispositions du règlement sanitaire départemental de VENDÉE, l’extracteur aurait dû être placé à au moins huit mètres des ouvertures du domicile de M. [F], ce qui n’est pas le cas selon constat de l’expert amiable.
La bouche d’extraction n’a donc pas été posée conformément à la réglementation en vigueur.
Il y a bien eu des travaux modifiant l’économie de l’immeuble puisque la manière dont l’air est extrait a été modifiée.
– alors que préalablement à ces travaux, il n’y avait aucune difficulté, les nuisances provoquées par l’extracteur d’air sont autant sonores qu’olfactives.
– les plaintes de M. [F] n’ont commencé qu’à compter de l’installation de l’extracteur d’air, cause des nuisances alors qu’il est propriétaire depuis 40 ans.
– M. [F] ne peut en effet plus jouir de sa propriété sereinement et le trouble anormal de voisinage est démontré par les attestations versées et le constat d’huissier de justice dressé.
– il y a lieu à confirmation de l’ordonnance entreprise quant à la condamnation sous astreinte, le devis produit ne correspondant pas aux travaux que le juge de référés a fait injonction à la société de réaliser. En outre, la question de savoir si les travaux seront satisfaisants ou non relève du juge de l’exécution dans son pouvoir de liquidation de l’astreinte, et non pas de la compétence de la cour.
En l’absence de justification de travaux satisfaisants, M. [F] ne peut donc que demander la confirmation de l’injonction faite à la société CROCK GOURMAND.
– le comportement de la société CROCK GOURMAND démontre sa résistance abusive et il conviendra d’infirmer l’ordonnance rendue par le juge des référés et condamner la société CROCK GOURMAND à payer à titre provisionnel la somme de 2.000 € à M. [F] à valoir sur l’indemnisation de son préjudice.
– il n’existe pas de préjudice indemnisable pour la société CROCK GOURMAND qui ne fait que se conformer à la décision rendue.
– Le juge des référés n’a d’ailleurs pas inclus dans les dépens le coût du constat d’huissier de justice du 1er septembre 2021 alors que cela lui était demandé.
Il convient de se référer aux écritures des parties pour un plus ample exposé de leurs prétentions et de leurs moyens.
Vu l’ordonnance de clôture en date du 21/11/2022.
MOTIFS DE LA DÉCISION :
Sur l’existence d’un trouble anormal du voisinage :
L’article 834 du code de procédure civile dispose que : Dans tous les cas d’urgence, le président du tribunal judiciaire ou le juge du contentieux de la protection dans les limites de sa compétence peut ordonner en référé toutes les mesures qui ne se heurtent à aucune contestation sérieuse ou que justifie l’existence d’un différend.”
L’urgence justifie la saisine du juge des référés sur le fondement de l’article 808, sous la réserve cumulative d’absence de contestation sérieuse ou d’existence d’un différend.
A contrario, l’absence d’urgence justifie le rejet de la demande, sans que le Juge ait à inviter les parties à s’en expliquer plus avant.
L’article 835 du Code de procédure civile dispose que : “le président du tribunal judiciaire ou le juge du contentieux de la protection dans les limites de sa compétence peuvent toujours, même en présence d’une contestation sérieuse, prescrire en référé les mesures conservatoires ou de remise en état qui s’imposent, soit pour prévenir un dommage imminent, soit pour faire cesser un trouble manifestement illicite.
Dans tous les cas où l’existence de l’obligation n’est pas sérieusement contestable, ils peuvent accorder une provision au créancier ou ordonner l’exécution de l’obligation même s’il s’agit d’une obligation de faire.”
L’article 544 du code civil dispose que ‘la propriété est le droit de jouir et disposer des choses de la manière la plus absolue, pourvu qu’on en fasse pas un usage prohibé par les lois ou par les règlements.’
L’article 651 du même code précise que ‘ la loi assujettit les propriétaires à différentes obligations l’un à l’égard de l’autre, indépendamment de toute convention’.
Le droit de propriété trouve sa limite dans le principe selon lequel nul ne doit causer à autrui un trouble excédant les inconvénients normaux du voisinage, sauf à en devoir réparation.
En l’espèce, la société CROCK GOURMAND qui exploite une activité de restauration rapide, a été victime d’un incendie le 4 août 2014.
Des travaux ont été réalisés et validés, l’extraction des hottes se situant sur le toit.
Au mois août 2017, la société CROCK GOURMAND a décidé de faire installer un extracteur d’air, selon elle sans que cela ait un lien avec l’incendie, cette installation étant réalisée pour rafraîchir la cuisine, en raisons de chaleurs inconfortables pour les salariés et les moteurs des machines qui tombaient en panne.
M. [F], propriétaire et voisin depuis 40 ans, soutient que cette nouvelle installation d’extraction d’air génère par les nuisances sonores et olfactives qui en résultent un trouble anormal du voisinage qu’il convient de faire cesser, alors qu’il ne s’était jamais plaint précédemment de l’exploitation du commerce de restauration rapide de la société CROCK GOURMAND.
Il précise n’avoir réalisé la persistance des nuisances qu’au mois de juin 2018 alors qu’il n’occupe sa résidence secondaire qu’entre avril et septembre et a donc signalé les nuisances constatées à la mairie par courrier du 6 juillet 2018.
Etant relevé que l’assignation a été délivrée par acte d’huissier du 4 février 2022, M. [F] est en droit d’agir à l’encontre de la société CROCK GOURMAND dans un délai de 5 ans à compter du jour où il a connu les faits lui permettant d’exercer son droit, ce qui est le cas en l’espèce, des nuisances sonores et olfactives, à les tenir pour avérées pour les besoins du raisonnement, ayant un caractère continu.
M. [F] soutient que les dispositions du règlement sanitaire départemental de VENDÉE n’auraient pas été respectées dans le cadre des travaux entrepris.
Toutefois, si ce règlement dispose en son titre III, section II, que ‘l’air extrait des locaux doit être rejeté à au moins 8 m de toute fenêtre ou de toute prise d’air neuf sauf aménagement tels qu’une reprise d’air pollué ne soit pas possible’, il est également indiqué que ‘les dispositions de cette section s’appliquent aux constructions neuves et aux constructions subissant des modifications importantes affectant les gros oeuvre ou l’économie de l’immeuble’.
Or, il n’est pas établi par M. [F] que les travaux dont il s’agit aient affecté le gros oeuvre ou l’économie de l’immeuble et le premier juge a pu considérer à bon droit qu’il n’était pas démontré avec l’évidence requise en référé que cette réglementation était en l’espèce applicable.
Par contre, M. [F] verse aux débats diverses pièces portant description des troubles dénoncés.
M. [R], ami de M. [F], a ainsi indiqué :
‘ j’ai remarqué le bruit continuel de cette hotte, mêlé d’odeurs de cuisine, incitant à fermer la fenêtre pour être tranquille, malgré la chaleur estivale’.
M. [Z] fait état de ce qu’il a ‘ remarqué un bruit constant et persistant provenant d’une hotte installée à côté de la porte fenêtre de leur salle à manger, et de plus des odeurs de cuisines désagréables remontant jusqu’à chez eux les obligeant parfois à fermer leur porte fenêtre’.
Mme [H] mentionne :’ le bruit de la hotte est incessant et difficilement supportable les fenêtre ouvertes, ne laissant aucun moment de calme’
M. [J] indique ‘ depuis 2018, une hotte installée par son voisin de restauration rapide, fait un bruit insupportable, accompagnée d’odeurs de nourriture’.
M. [I], comme M. et Mme [N], font état du bruit continuel de la hotte et des odeurs de cuisines désagréables.
Si ces pièces ne respectent pas les prescriptions de l’article 202 du code de procédure civile relatives à la rédaction des attestations, elles n’en demeurent pas moins des éléments versés au débat contradictoire dont l’authenticité et la sincérité ne sont pas suspectes et dont la nature probante subsiste en considération de la précision suffisante des faits décrits.
De même, les nuisances décrites, ont également été constatées par un huissier de justice, celui-ci relevant que le bruit de l’extracteur est ‘ ininterrompu et constant …tant du balcon que de la pièce de vie’ et que’ le bruit de soufflerie surpasse parfois le bruit ambiant, notamment le bruit des voitures passant [Adresse 2]’.
Ces éléments précis et concordants ne sont pas utilement contredits par les pièces produites par la société CROCK GOURMAND.
Il en résulte de façon non sérieusement contestable que la présence à cet endroit de la bouche d’extraction d’air génèrait pour M. [F] des troubles olfactifs et sonores excédant les inconvénients normaux du voisinage même dans le cadre d’un quartier d’une station balnéaire où de nombreux restaurants sont présents, s’agissant d’odeurs fortes et incommodantes et de bruits incessants pouvant couvrir ceux de la voie publique.
L’ordonnance entreprise sera en conséquence confirmée en ce qu’elle a considéré qu’il y avait lieu d’enjoindre à la S.A.R.L. CROCK GOURMAND de faire procéder dans les 30 jours de la décision à l’enlèvement et / ou à la neutralisation de la bouche d’extraction objet du litige, sous astreinte de 100 euros par jour de retard.
Au vu de la décision rendue, exécutoire par provision, la société CROCK GOURMAND justifie avoir fait effectuer des travaux avant le 29 juillet 2022 pour déplacer la bouche de l’extracteur et la placer de l’autre côté de son ouverture, à l’opposé de la maison de M. [F], à plus de 10m, pour pouvoir continuer à travailler.
Elle produit le devis accepté de la société AIMV (NP 10), pour un montant de 1 276.80 €.
Elle produit également aux débats un constat d’huissier de justice, celui-ci s’étant déplacé le 18 juillet puis le 29 juillet après la réalisation des travaux.
Il est ainsi constaté que le moteur a bien été déplacé et qu’il n’y avait pas d’odeur ni de bruit de ventilation sur le perron de M. [F].
Celui-ci n’a pas répliqué à cette argumentation ni contredit utilement l’exactitude de la réalisation des travaux nécessaires.
L’ordonnance entreprise sera en conséquence confirmée, mais il sera dit que la demande est désormais sans objet, dès lors qu’il n’est plus établi la nécessité de procéder à de nouveaux travaux pour faire cesser les troubles dénoncés précedemment, faute de la démonstratiuon de leur persistance.
Sur la demande de provision au titre de la résistance abusive de la S.A.R.L. CROCK GOURMAND :
Il n’est pas démontré en l’espèce un abus de résistance de la part de la S.A.R.L. CROCK GOURMAND ni un abus du droit d’ester en justice, cette société n’ayant pas fait dégénérer en abus son droit d’exprimer son désaccord aux demandes qui lui étaient faites.
La demande de dommages et intérêts formée à ce titre par M. [F] sera en conséquence écartée.
Sur la demande indemnitaire présentée par la S.A.R.L. CROCK GOURMAND :
Dès lors que l’ordonnance entreprise a justement retenu l’existence de troubles anormaux du voisinange et a enjoint à la société S.A.R.L. CROCK GOURMAND de faire procéder aux travaux nécessaire à l’arrêt de ces troubles, celle-ci ne saurait légitimement soutenir l’indemnisation d’un préjudice constitué de la dépense générée par les travaux entrepris en exécution de la décision.
Cette demande doit être écartée.
Sur les dépens et l’application de l’article 699 du code de procédure civile:
Il résulte de l’article 696 du code de procédure civile que ‘ La partie perdante est condamnée aux dépens, à moins que le juge, par décision motivée, n’en mette la totalité ou une fraction à la charge d’une autre partie. (…).’
Compte tenu de la solution apportée au présent litige, les dépens d’appel seront fixés à la charge de la société S.A.R.L. CROCK GOURMAND.
L’ordonnance entreprise est également confirmée en ce qu’elle a condamné la société S.A.R.L. CROCK GOURMAND aux dépens de première instance, sans qu’il y ait lieu d’y intégrer le coût du constat d’huissier du 1er septembre 2021, qui n’entre pas dans la définition légale des dépens.
Sur l’application de l’article 700 du code de procédure civile :
Il est équitable de condamner la société S.A.R.L. CROCK GOURMAND à payer à M. [M] [F] la somme fixée au dispositif du présent arrêt sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile en cause d’appel.
La somme allouée au titre des frais de première instance a été justement appréciée, le jugement entrepris devant être confirmé sur ce point.
PAR CES MOTIFS
La cour, statuant publiquement, par arrêt contradictoire, et en dernier ressort,
CONFIRME l’ordonnance entreprise.
Y ajoutant,
DIT n’y avoir lieu désormais à enjoindre à la SARL CROCK GOURMAND de faire procéder à de nouveaux travaux, en sus de ceux exécutés, et DIT la demande désormais sans objet.
DÉBOUTE la société S.A.R.L. CROCK GOURMAND de sa demande de dommages et intérêts.
DÉBOUTE les parties de leurs autres demandes plus amples ou contraires.
CONDAMNE la société S.A.R.L. CROCK GOURMAND à payer à M. [M] [F] la somme de 1000 € sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile en cause d’appel.
CONDAMNE la société S.A.R.L. CROCK GOURMAND aux dépens d’appel, étant rappelé que les dépens de première instance restent répartis ainsi que décidé par le premier juge.
LE GREFFIER, LE PRÉSIDENT,