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N° RG 21/07158 – N° Portalis DBVX-V-B7F-N3LM
Décision du Tribunal de proximité de MONTBRISON
du 31 août 2021
RG : 11/20/275
[S]
[S]
C/
[L]
RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
COUR D’APPEL DE LYON
6ème Chambre
ARRET DU 02 Mars 2023
APPELANTS :
Mme [B] [S]
[Adresse 3]
[Localité 2]
M. [Z] [S]
[Adresse 3]
[Localité 2]
Représentés par Me Pierre ROBILLARD de la SELARL PARALEX, avocat au barreau de SAINT-ETIENNE
INTIMEE :
Mme [M] [L]
[Adresse 1]
[Localité 2]
Représentée par Me Emmanuelle BAUFUME de la SCP BAUFUME ET SOURBE, avocat au barreau de LYON, toque : 1547
assistée de Me Bernard PEYRET, avocat au barreau de SAINT-ETIENNE, toque : C 66
* * * * * *
Date de clôture de l’instruction : 3 Mai 2022
Date des plaidoiries tenues en audience publique : 17 Janvier 2023
Date de mise à disposition : 02 Mars 2023
Composition de la Cour lors des débats et du délibéré :
– Dominique BOISSELET, président
– Evelyne ALLAIS, conseiller
– Stéphanie ROBIN, conseiller
assistés pendant les débats de Séverine POLANO, greffier
A l’audience, un membre de la cour a fait le rapport, conformément à l’article 804 du code de procédure civile.
Arrêt contradictoire rendu publiquement par mise à disposition au greffe de la cour d’appel, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues à l’article 450 alinéa 2 du code de procédure civile,
Signé par Dominique BOISSELET, président, et par William BOUKADIA, greffier, auquel la minute a été remise par le magistrat signataire.
* * * *
FAITS, PROCEDURE ET DEMANDES DES PARTIES :
M. [Z] [S] et Mme [B] [S] sont propriétaires d’une maison d’habitation et d’un jardin à [Localité 2] (42), contigus à la maison d’habitation et au jardin de Mme [M] [A] veuve [L].
Par acte d’huissier de justice du 31 août 2020, M. et Mme [S] ont fait assigner Mme [L] devant le tribunal de proximité de Montbrison.
Dans le dernier état de la procédure, M. et Mme [S] sollicitaient de voir :
– désigner avant dire droit un expert avec mission notamment de dire si les nuisances sonores et vibratoires subies par eux provenaient de la maison de Mme [L] ainsi qu’en déterminer les causes le cas échéant, et dire si les plantations sur le terrain de Mme [L] empiétaient sur leur propriété, décrire ces plantations le cas échéant ou à défaut dire à quel moment l’empiètement a cessé,
– ordonner sous astreinte à Mme [L] de :
‘ faire cesser, par tout moyen, les empiètements matériels affectant le mur séparatif des propriétés leur appartenant, à savoir le solin de la véranda, l’ancrage du portillon et les poutrelles dans la cuisine ainsi que les troubles anormaux du voisinage générés par les nuisances sonores et vibratoires qui perturbent leur vie,
‘ entretenir son jardin afin de respecter les limites légales et règlementaires de hauteur et de distance par rapport à leur propriété,
– condamner Mme [L] à leur payer des dommages et intérêts en réparation de leurs différents préjudices.
Mme [L] a conclu au débouté des demandes de M. et Mme [S].
Par jugement du 31 août 2021, le tribunal de proximité de Montbrison a :
– déclaré recevable l’action formée par M. et Mme [S],
– rejeté la demande de M. et Mme [S] tendant à faire ordonner à Mme [L] de faire cesser, par tout moyen, les empiètements matériels affectant le mur séparant les propriétés, notamment le solin de la véranda, l’ancrage du portillon et les poutrelles,
– rejeté la demande de M. et Mme [S] tendant à faire ordonner à Mme [L] de faire cesser, par tout moyen, les troubles anormaux du voisinage générés par les nuisances sonores et vibratoires,
– ordonné une expertise afin notamment de dire si les plantations sur le terrain de Mme [L] empiétaient sur la propriété de Mme et M. [S], décrire les plantations le cas échéant ou à défaut, dire à quel moment cet empiètement avait cessé,
– commis pour y procéder Maître Christophe Pigeon,
– dit que M. et Mme [S] devraient consigner la somme de 2.500 euros auprès du régisseur d’avances et de recettes de la juridiction, à valoir sur la rémunération de l’expert et au plus tard le 30 octobre 2021,
– dit qu’à défaut de versement complet de la consignation dans le délai requis, la désignation de l’expert serait caduque et il pourrait être tiré toute conséquence de l’abstention ou du refus de consigner dans le temps imparti,
– sursis à statuer sur les autres demandes,
– ordonné le retrait du rôle de l’affaire,
– dit qu’il appartiendrait à la partie la plus avisée de solliciter la réinscription au rôle de l’affaire, apres dépôt du rapport d’expertise judiciaire,
– réservé les dépens,
– rappelé que la décision était assortie de plein droit de l’exécution provisoire.
Par déclaration du 27 septembre 2021, Mme et M. [S] ont interjeté appel de la décision, en ce que celle-ci a rejeté leur demande tendant à faire ordonner à Mme [L] de faire cesser, par tout moyen, les empiètements matériels affectant le mur séparant les propriétés, notamment le solin de la véranda, l’ancrage du portillon et les poutrelles, rejeté leur demande tendant à faire ordonner à Mme [L] de faire cesser, par tout moyen, les troubles anormaux du voisinage générés par les nuisances sonores et vibratoires, dit qu’ils devraient consigner la somme de 2.500 euros auprès du régisseur d’avances et de recettes de la juridiction, à valoir sur la rémunération de l’expert au plus tard le 30 octobre 2021, sursis à statuer sur les autres demandes, ordonné le retrait du rôle de l’affaire et réservé les dépens.
Dans leurs conclusions notifiées le 20 décembre 2021, M. et Mme [S] demandent à la Cour de :
– infirmer le jugement dont appel,
avant dire droit,
– désigner tel expert qu’il plaira au tribunal avec la mission suivante :
‘ se faire communiquer les pièces utiles par les parties,
‘ convoquer les parties aux fins de prendre connaissance de leur position et de leurs revendications respectives,
‘ se rendre sur place pour dire si les nuisances sonores et vibratoires subies par eux proviennent bien de la maison de Mme [L] et, si oui, en déterminer les causes,
‘ dire si les plantations sur le terrain de Mme [L] empiètent sur leur propriété,
‘ si oui, les décrire,
‘ si non, dire à quel moment cet empiètement a cessé.
au fond et subsidiairement,
– ordonner à Mme [L] de faire cesser, par tout moyen, les empiètements matériels affectant le mur séparatif des propriétés et leur appartenant, à savoir le solin de la véranda, l’ancrage du portillon et les poutrelles dans la cuisine outre tout autre empiètement qui sera constaté,
– ordonner à Mme [L] de faire cesser, par tout moyen, les troubles anormaux du voisinage générés par les nuisances sonores et vibratoires qui perturbent leur vie,
– ordonner à Mme [L] d’entretenir son jardin afin de respecter les limites légales et règlementaires de hauteur et de distance par rapport à leur propriété,
le tout sous astreinte de 150 euros par jour de retard à compter du dixième jour suivant la signification de la décision à intervenir,
– condamner Mme [L] à leur verser 5.000 euros à titre de dommages et intérêts en réparation de leurs différents préjudices,
– condamner Mme [L] à leur verser 2.500 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile ainsi qu’aux entiers dépens.
Dans ses conclusions notifiées le 22 février 2022, Mme [L] demande à la Cour de :
– confirmer le jugement entrepris en toutes ses dispositions,
– débouter M. et Mme [S] de l’ensemble de leurs demandes non fondées et injustifiées.
y ajoutant,
– condamner M. et Mme [S] à lui payer la somme de 3.000 euros en vertu de l’article 700 du code de procédure civile.
– condamner M. et Mme [S] aux entiers dépens dont distraction au profit de la SCP Baufume Sourbe, avocat, sur son affirmation de droit.
L’ordonnance de clôture est intervenue le 3 mai 2022.
Conformément aux dispositions de l’article 455 du code de procédure civile, la Cour se réfère, pour un plus ample exposé des moyens et prétentions des parties aux conclusions écrites susvisées.
MOTIFS DE LA DECISION :
sur les limites de l’appel :
M. et Mme [S] n’ont interjeté appel de la mesure d’expertise ordonnée par le jugement pour les plantations se trouvant sur le terrain de Mme [L] qu’en ce qui concerne la consignation de la somme à valoir sur les frais d’expertise. Aussi, en l’absence d’appel incident sur ce point, il convient de constater que leur demande d’expertise relative aux plantations sur le terrain de Mme [L] est sans objet.
au fond :
M. et Mme [S] font valoir que :
– Mme [L] a procédé à l’installation de poutres métalliques de type IPN pénétrant dans le mur séparant les propriétés respectives des parties ainsi qu’à la construction d’une véranda prenant appui sur le même mur, ce qui est à l’origine de nombreuses nuisances sonores et vibratoires ; ces nuisances résultent également d’un portillon qui donne accès à la véranda située au 1er étage ainsi que d’un fauteuil monte-escalier avec une rampe fixe contre le mur menant à cette véranda et sont constitutives de troubles anormaux du voisinage ; ils ne se sont rendus compte qu’en 2018 de l’installation de la véranda par Mme [L] et n’ont pas pu faire cesser à l’amiable ces troubles, bien qu’ayant pris attache avec Mme [L] dès janvier 2019 ; leur action est recevable, nonobstant la prescription trentenaire dont excipe Mme [L],
– le mur séparant les propriétés des deux parties n’est pas mitoyen contrairement à ce que le premier juge a considéré ; M. [C], aux droits duquel vient Mme [L], n’a pas acquis la mitoyenneté de ce mur dans le cadre de l’acte du 2 juin 1926, du fait que la somme prévue pour l’acquisition de cette mitoyenneté n’a jamais été payée ; par ailleurs, ils se sont toujours comportés comme les propriétaires exclusifs de ce mur, ce que Mme [L] n’a jamais remis en cause avant la présente procédure.
Mme [L] réplique que :
– M. et Mme [S] ne prouvent pas le bien fondé de leurs prétentions, étant observé qu’elle est âgée de 101 ans,
– elle ne revendique pas la mitoyenneté de la totalité du mur séparant les propriétés des parties mais uniquement de la partie du mur au niveau des habitations, laquelle a été acquise par le précédent propriétaire de sa maison d’habitation pour y faire des aménagements,
– l’espace entre les deux maisons est occupé depuis la construction par l’escalier surmonté d’une terrasse et sur laquelle le précédent propriétaire a construit une cuisine en 1926, après avoir acheté la mitoyenneté du mur ; dans l’hypothèse où des poutres IPN prendrait appui sur la partie mitoyenne du mur, cette situation remonterait à la date de la construction de la maison (1920), les poutres considérées soutenant à l’origine la terrasse ; la construction de la véranda remonte à plus de 40 ans, les époux [S] ont eu connaissance de l’existence de cette véranda avant 2007, date du décès de son mari et rien n’établit qu’un solin pénètrerait dans le mur ; le portillon construit en 1923 ne grince pas ni ne claque ; par ailleurs, le monte-escalier électrique, qui remonte à plus de 15 ans, est entièrement fixé sur les marches de l’escalier en pierre et n’a aucune rampe fixé sur le mur mitoyen.
quant aux nuisances sonores et vibratoires :
A l’appui de leur demande d’expertise, M. et Mme [S] produisent trois courriers adressés les 31 janvier, 25 juillet et 7 août 2019 soit à Mme [L], soit à M. [U] [L], fils de celle-ci, ainsi que deux attestations.
M. et Mme [S] se plaignent dans les courriers susvisés de nuisances sonores, consistant en des raclements de chaises, des claquements résultant de la fermeture du portillon, des baies vitrées de la véranda, de portes ainsi qu’en différents bruits non identifiables en provenance de la maison de Mme [L]. Ils indiquent que ces bruits seraient transmis par les poutres IPN implantées dans le mur séparant les deux maisons d’habitation.
M. [T] [E] [G] relate dans son attestation du 10 juillet 2020 que le samedi 7 décembre 2019 en fin d’après-midi, les époux [S] et lui-même ont entendu un grand bruit provenant de la maison voisine qui les a fait sursauter. Mme [P] [D] épouse [F] témoigne le 4 janvier 2021 que le même jour, soit un lundi, les époux [S] et elle ont entendu par deux fois des bruits qui semblaient provenir de la pièce voisine, comme si quelqu’un tirait des chaises. Toutefois, les seuls bruits établis par ces témoignages ne sont pas suffisants à démontrer l’existence d’un trouble anormal du voisinage subi par M. et Mme [S], en l’absence notamment d’information quant à la fréquence, à la durée et à l’intensité de ces bruits.
Compte tenu de ces éléments, c’est à juste titre que le premier juge a relevé qu’une mesure d’expertise n’aurait pour effet que de suppléer la carence de M. et Mme [S] dans l’administration de la preuve. Le jugement sera confirmé en ce qu’il a débouté ceux-ci de leur demande d’expertise sur la question des nuisances sonores et vibratoires ainsi que de leur demande de condamnation sous astreinte de Mme [L] à faire cesser par tout moyen les troubles anormaux du voisinage générés par ces nuisances sonores et vibratoires.
quant aux empiètements matériels :
Les parties sont d’accord pour reconnaître que :
– M. et Mme [S] viennent aux droits de M. [H] et Mme [L] aux droits de M. [C],
– un acte intitulé règlement de mitoyenneté a été signé le 29 mai 1926 par M. [H] et M. [C] quant à l’état du mur séparant leurs propriétés mentionnant que moyennant le paiement de la somme de 197,40 francs par M. [C] à M. [H], la mitoyenneté sera réglée aux héberges existantes à ce jour et portées sur le croquis joint.
Aucune des parties ne produisant le croquis joint à l’acte du 29 mai 1926, il convient de considérer que cet acte, qui règle la mitoyenneté aux héberges, concerne le mur séparant les bâtiments des deux propriétés, Mme [L] ne contestant pas que les époux [S] sont seuls propriétaires du reste du mur séparatif des propriétés.
M. [H] et M. [C] étant d’accord le 29 mai 1926 sur la cession de la mitoyenneté du mur considéré, cette cession est intervenue dès cette date, peu important que le règlement effectif de la contrepartie financière à cette cession ne soit pas justifié. Par ailleurs, le fait que M. et Mme [S] supportent seuls certains travaux afférents au mur séparatif des propriétés des parties n’est pas de nature à remettre en cause la mitoyenneté convenue sur une partie de ce mur.
En l’absence d’autres moyens développés par M. et Mme [S], ceux-ci ne prouvent pas être propriétaires exclusifs du mur séparant les bâtiments des deux propriétés et sur lequel la cuisine et la véranda de Mme [L] sont adossées. La cuisine et la véranda prenant appui sur la face du mur mitoyen appartenant à Mme [L], c’est à juste titre que le premier juge a dit que M. et Mme [S] ne prouvaient pas l’existence d’empiètements matériels sur leur propriété. Le jugement sera confirmé en ce qu’il a débouté M. et Mme [S] de leur demande de condamnation sous astreinte de Mme [L] à faire cesser par tout moyen ces empiètements matériels.
quant aux autres demandes :
En l’absence de preuve des nuisances sonores et des empiètements matériels imputés à Mme [L], M. et Mme [S] ne peuvent prétendre à aucune indemnisation de ces chefs. Néanmoins, M. et Mme [S] sollicitant la somme totale de 5.000 euros en réparation de leurs différents préjudices, il sera sursis à statuer sur cette demande jusqu’à ce qu’il soit statué après expertise sur le respect par les plantations de leur voisine des règles de hauteur et de distance. Le jugement sera confirmé en ce qu’il a sursis à statuer sur les autres demandes.
M. et Mme [S] qui n’obtiennent pas gain de cause dans le cadre de leur recours seront condamnés aux dépens d’appel avec le droit pour la SCP Baufumé Sourbe, avocat, de recouvrer directement ceux dont celle-ci aura fait l’avance sans avoir reçu provision en application des dispositions de l’article 699 du code de procédure civile. Ils conserveront la charge de leurs frais irrépétibles et seront condamnés à payer à Mme [L] la somme de 2.000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile au titre des frais irrépétibles en cause d’appel.
PAR CES MOTIFS,
La Cour,
statuant dans les limites de l’appel,
Confirme le jugement en toutes ses dispositions ;
Constate que la demande de M. et Mme [S] afin d’expertise quant aux plantations sur le terrain de Mme [L] est sans objet ;
Condamne M. et Mme [S] aux dépens d’appel, avec droit de recouvrement direct de ceux-ci au profit de la SCP Baufumé Sourbe, avocat, en application de l’article 699 du code de procédure civile ;
Condamne M. et Mme [S] à payer à Mme [L] la somme de 2.000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile en cause d’appel ;
Rejette le surplus des demandes.
LE GREFFIER LE PRESIDENT