Troubles du voisinage : 11 juillet 2023 Cour d’appel de Reims RG n° 23/00568

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Troubles du voisinage : 11 juillet 2023 Cour d’appel de Reims RG n° 23/00568
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ARRET N°

du 11 juillet 2023

R.G : N° RG 23/00568 – N° Portalis DBVQ-V-B7H-FKCG

[X]

c/

[U]

[M]

Formule exécutoire le :

à :

la SELARL GUYOT – DE CAMPOS

Me Vincent NICOLAS

COUR D’APPEL DE REIMS

CHAMBRE CIVILE-1° SECTION

ARRET DU 11 JUILLET 2023

APPELANTE :

d’une ordonnance de référé rendue le 22 mars 2023 par le Président du Tribunal judiciaire de REIMS

Madame [H] [X]

[Adresse 3]

[Localité 5]

Représentée par Me Edouard COLSON de la SELARL GUYOT – DE CAMPOS, avocat au barreau de REIMS

INTIMES :

Monsieur [L] [U]

[Adresse 4]

[Localité 5]

Représenté par Me Vincent NICOLAS, avocat au barreau de REIMS

Madame [F] [M]

[Adresse 4]

[Localité 5]

Représentée par Me Vincent NICOLAS, avocat au barreau de REIMS

COMPOSITION DE LA COUR LORS DES DEBATS :

Madame PILON conseiller et Madame MAUSSIRE conseiller , ont entendu les plaidoiries, les parties ne s’y étant pas opposées. EIles en ont rendu compte à la cour lors de son délibéré.

COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DELIBERE :

Madame Véronique MAUSSIRE, conseiller faisant fonction deprésidente de chambre

Madame Florence MATHIEU, conseiller

Madame Sandrine PILON, conseiller

GREFFIER :

Monsieur Nicolas MUFFAT-GENDET, greffier

DEBATS :

A l’audience publique du 05 juin 2023, où l’affaire a été mise en délibéré au 11 juillet 2023,

ARRET :

Contradictoire, prononcé par mise à disposition au greffe le 11 juillet 2023 et signé par Madame Véronique MAUSSIRE conseiller faisant fonction de présidente de chambre, et Monsieur Nicolas MUFFAT-GENDET, greffier, auquel la minute a été remise par le magistrat signataire.

Madame [H] [X] est propriétaire d’une parcelle sise [Adresse 3], cadastrée Section A n° [Cadastre 1], sur laquelle elle a une maison à usage d’habitation.

Monsieur [L] [U] et Madame [F] [M] sont propriétaires de la parcelle voisine située [Adresse 4] à [Localité 5] et Lieudit [Localité 7] cadastrée Section A n°[Cadastre 6] & [Cadastre 2].

Le litige porte sur l’implantation de deux sapins sur la parcelle appartenant aux consorts [U]-[M] à proximité de la limite de propriété des fonds.

Le 3 juin 2022, Madame [H] [X] a fait dresser un procès-verbal de constat par un huissier de justice.

Par acte d’huissier délivré le 5 octobre 2022 devant le juge des référés du tribunal judiciaire de Reims, Madame [H] [X] a assigné Monsieur [L] [U] et Madame [F] [M] aux fins de voir condamner solidairement ces derniers à procéder à l’élagage des branches de sapin qui dépassent la limite de propriété et surplombent la parcelle lui appartenant dans un délai d’un mois à compter de la signification de l’ordonnance de référé à intervenir, et passé ce délai, sous astreinte de 100 € par jour de retard pendant 6 mois, ainsi qu’ à lui payer la somme provisionnelle de 700 € à valoir sur la réparation de son préjudice de jouissance, outre 1800 € au titre de l’article 700 du code de procédure civile.

Par ordonnance de référé en date du 22 mars 2023, la présidente du tribunal judiciaire de Reims statuant en matière de référé :

a débouté Madame [H] [X] de l’ensemble de ses prétentions,

a condamné Madame [H] [X] à payer à Monsieur [L] [U] et Madame [F] [M] la somme de 2 000 € au titre des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile,

a condamné Madame [H] [X] aux dépens,

a constaté que la présente décision est exécutoire par provision.

Le juge des référés a considéré au regard des dispositions de l’article 835 du code de procédure civile que les désagréments invoqués, à savoir le débordement des branches des sapins sur la propriété de Madame [X], et les aiguilles de sapin visibles sur toute la longueur de la gouttière, sur le sol du jardin et la terrasse de la maison, même s’ils relevaient de l’obligation d’entretien des voisins, n’étaient constitutifs ni d’un dommage imminent, ni d’un trouble manifestement illicite qu’il conviendrait de faire cesser et que le juge des référés n’était pas compétent, s’agissant d’un conflit de voisinage relevant du juge du fond, en ce compris l’indemnisation du préjudice de jouissance.

Par déclaration reçue le 27 mars 2023, Madame [H] [X] a interjeté appel de cette ordonnance.

Par conclusions notifiées le 22 mai 2023, l’appelante demande à la cour au visa des articles 834 et 835 du code de procédure civile et 673 du code civil, d’infirmer l’ordonnance de référé rendue le 22 mars 2023 par Madame la Présidente du tribunal judiciaire de Reims (RG n°22/00334) en toutes ses dispositions,

Et statuant à nouveau,

– de constater, au jour où le premier juge a statué, l’existence d’un trouble manifestement illicite comme procédant d’une violation manifeste des dispositions de l’article 673 du code civil imputable à Monsieur [L] [U] et Madame [F] [M],

Au vu de l’évolution du litige née de l’abattage des arbres litigieux le 10 mai 2023, dont les intimés n’ont justifié que dans leurs conclusions n°2 notifiées par RPVA le 22 mai 2023, veille de l’ordonnance de clôture,

– de constater que la demande de condamnation de Monsieur [L] [U] et Madame [F] [M] à procéder à l’élagage des branches de leurs arbres dépassant la limite de propriété et surplombant la parcelle appartenant à Madame [H] [X] est devenue sans objet,

– de condamner solidairement Monsieur [L] [U] et Madame [F] [M] à payer à Madame [H] [X] la somme provisionnelle de 700 € à valoir sur la réparation de son préjudice de jouissance,

– de débouter Monsieur [L] [U] et Madame [F] [M] de toutes leurs demandes,

– de condamner solidairement Monsieur [L] [U] et Madame [F] [M] à payer à Madame [H] [X] la somme de 3 500 € au titre des frais irrépétibles exposés en application de l’article 700 du code de procédure civile tant en première instance qu’à hauteur d’appel,

– de condamner solidairement Monsieur [L] [U] et Madame [F] [M] aux entiers dépens de première instance et d’appel.

L’appelante explique qu’elle a tenté un règlement amiable avec diverses mises en demeure de ses voisins, sans obtenir de réponse de leur part. Elle rappelle que la cour doit apprécier si le référé était justifié au moment où le premier juge a statué, soit le 22 mars 2023 date à laquelle il n’y avait eu aucune mesure concrète, ce qui est démontré par le second procès verbal de constat qu’elle fournit en date du 3 avril 2023.

Elle indique que les arbres ont fait l’objet d’un abattage le 10 mai 2023, soit pendant la procédure d’appel et que même si cet abattage rend sans objet la demande d’élagage, il appartient à la cour de dire s’il existait un trouble manifestement illicite au jour où le premier juge a statué et d’en tirer les conséquences de droit (frais irrépétibles et dépens), étant observé que le trouble manifeste existait puisque les intimés ont procédé à l’abattage des arbres.

Elle affirme que ce trouble est manifestement illicite puisque contraire au droit imprescriptible conféré par l’article 673 du code civil auquel il n’avait pas été remédié au jour où le premier juge a statué et que dans le procès verbal de constat du 3 avril 2023, l’huissier constate que les arbres litigieux sont d’une hauteur de plus de 22 mètres et que leurs branches débordent sur la propriété de Madame [X] de plus de 7 mètres. Elle soutient qu’elle n’était pas informée du projet d’abattage des arbres malgré les courriers de mises en demeure qu’elle a adressés à ses voisins.

Par conclusions notifiées le 22 mai 2023, Monsieur [L] [U] et Madame [F] [M], intimés, demandent à la cour, au visa des articles 31, 484, 834 du code de procédure civile, de’:

– confirmer la décision attaquée en toutes ces dispositions ,

Y ajoutant’:

– condamner Madame [X] à payer la somme de 3 000 € à Monsieur [U] et Madame [M] au titre des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile,

– condamner Madame [X] aux entiers dépens, dont distraction est requise au profit de Maître Vincent Nicolas, avocat aux offres de droit.

A titre principal, les intimés considèrent que la demande est irrecevable. Ils affirment avoir entrepris des diligences considérables afin de satisfaire aux exigences de Mme [X]’; que les deux cèdres litigieux sont en bonne santé selon l’Office National des Forêts (ONF) et qu’ils nécessitent une procédure d’élagage spécifique, sans quoi ils seraient affaiblis’; qu’ils ne présentent pas de défaut visible pouvant préjuger de leur dangerosité’; qu’ils produisent une facture d’élagage de 2016′; qu’en 2021 ils se sont rapprochés de l’ONF aux fins d’abattage des cèdres litigieux et fournissent à ce titre un bon de commande signé le 16 décembre 2021 aux fins d’abattage des cèdres prévu en janvier/février 2022′; que les travaux ont pris du retard, pour des raisons qui leur sont étrangères, et notamment compte tenu de la complexité du chantier (sécurisation de la rue), et qu’ils n’ont cessé de relancer la société Artopia en charge de l’intervention’; que la demande en justice de Madame [X] est sans objet en ce qu’elle est intervenue postérieurement aux démarches des intimés.

Ils soulignent que le procès-verbal de constat du 3 avril 2023 constate la présence d’aiguilles, ne relevant aucun dommage lié à cette présence, pas plus qu’elle ne rapporte la preuve d’un évènement passé ayant abouti à la dégradation de son fonds et en lien direct avec la présence des deux arbres.

Ils soulignent qu’en tout état de cause, l’abattage des deux cèdres litigieux a eu lieu le 10 mai 2023.

A titre subsidiaire, ils soulignent que le fondement précis du référé (article 834 ou 835 du code de procédure civile) n’est pas justifié, que le caractère d’urgence n’est pas démontré et qu’il existe une contestation sérieuse à la demande.

MOTIFS DE LA DECISION’:

L’article 835 du code de procédure civile dispose que le président du tribunal judiciaire dans les limites de sa compétence peut toujours, même en présence d’une contestation sérieuse, prescrire en référé les mesures conservatoires ou de remise en état qui s’imposent, soit pour prévenir un dommage imminent, soit pour faire cesser un trouble manifestement illicite.

Ce texte a vocation à s’appliquer sans avoir à justifier d’un caractère d’urgence particulier et même sans avoir à prendre en compte l’existence d’une contestation sérieuse.

Un trouble manifestement illicite est constitué lorsqu’il existe une violation évidente d’une règle de droit.

La cour, saisie de l’appel d’une ordonnance de référé, doit se placer au moment où le premier juge a statué pour déterminer si la demande était justifiée et ce même si le référé est devenu sans objet.

Il ressort des éléments de la procédure et plus particulièrement du constat dressé par Maître [P] le 3 avril 2023 après un premier constat du 3 juin 2022 qu’au jour où le juge des référés a statué, les deux cèdres litigieux propriétés de M. [U] et de Mme [M], empiétaient de manière considérable sur la propriété de Mme [X] puisque le commissaire de justice relève dans le second constat que les branches des cèdres débordent de plus de sept mètres sur la propriété de Mme [X], la majorité du volume de ces arbres surplombant sa propriété en y créant des nuisances (gouttières bouchées , terrasse constellée d’aiguilles, branches tombées sur la propriété).

Il s’agit pour le propriétaire du fonds qui en est victime d’une entrave au droit de jouir de sa propriété tel que fixé à l’article 544 du code civil mais également du droit imprescriptible et absolu qu’il détient de contraindre le voisin à couper les branches des arbres qui dépassent sur sa propriété en vertu de l’article 673 du même code.

Il en ressort qu’un trouble manifestement illicite à la propriété d’autrui a été commis par M. [U] et Mme [M] qui, malgré plusieurs mises en demeure qui leur ont été adressées avant l’introduction de la demande afin de procéder à l’élagage des arbres (dont la première le 3 juillet 2021), n’y ont pas déféré et que le litige ne s’inscrit donc pas dans le cadre d’un simple conflit de voisinage comme l’a estimé le premier juge.

Il y a donc lieu d’infirmer la décision, de considérer qu’au moment où le juge des référés a statué, Mme [X] était non seulement recevable à agir mais également bien fondée en son action, le trouble manifestement illicite étant avéré.

La demande d’élagage’:

Cette demande est désormais sans objet dans la mesure où M. [U] et Mme [M] justifient avoir abattu les deux cèdres objets du litige le 10 mai 2023, soit quelques jours avant la clôture.

Le préjudice de jouissance’:

Le trouble manifestement illicite est constitué à tout le moins et de manière objective depuis le premier constat dressé le 3 juin 2022 et il s’est poursuivi jusqu’à l’abattage des cèdres en mai 2023.

Le préjudice de jouissance subi par Mme [X] est avéré par les multiples nuisances qu’elle a subies telles qu’elles ont été ci-dessus décrites.

Par ailleurs, si ses voisins justifient avoir contacté un professionnel, la société Artopia, pour mettre fin aux troubles, c’est à juste titre que Mme [X] leur objecte qu’à aucun moment, ils ne l’ont informée de leurs démarches.

Le préjudice subi sera utilement réparé par l’allocation d’une somme provisionnelle de 500 euros au paiement de laquelle M. [U] et Mme [M] seront condamnés in solidum.

L’article 700 du code de procédure civile’:

La décision sera infirmée en ce qu’elle a condamné Mme [X] au paiement de la somme de 2 000 euros à ce titre.

L’équité commande qu’il lui soit alloué pour l’ensemble de la procédure, y compris celle d’appel, la somme de 2 500 euros.

M. [U] et Mme [M], parties succombantes, ne peuvent prétendre à une indemnité sur ce fondement.

Les dépens’:

La décision sera infirmée.

M. [U] et Mme [M] seront condamnés in solidum aux dépens de première instance et d’appel.

PAR CES MOTIFS’:

Statuant publiquement et par arrêt contradictoire’;

Infirme en toutes ses dispositions l’ordonnance rendue le 22 mars 2023 par le juge des référés du tribunal judiciaire de Reims.

Statuant à nouveau’;

Dit qu’au moment où le premier juge a statué, il existait pour Mme [H] [X] un trouble manifestement illicite causé par M. [L] [U] et Mme [F] [M].

Constate que la demande de condamnation de M. [L] [U] et de Mme [F] [M] à procéder à l’élagage des arbres dépassant la limite de propriété est devenue sans objet du fait de leur abattage en cours de procédure d’appel.

Condamne in solidum M. [L] [U] et Mme [F] [M] à payer à Mme [H] [X] la somme provisionnelle de 500 euros au titre du préjudice de jouissance subi.

Condamne in solidum M. [L] [U] et Mme [F] [M] à payer à Mme [H] [X] la somme de 2 500 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile.

Déboute M. [L] [U] et Mme [F] [M] de leur demande à ce titre.

Condamne in solidum M. [L] [U] et Mme [F] [M] aux dépens de première instance et d’appel.

Le greffier Le conseiller faisant fonction de présidente de chambre

 


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