Troubles du voisinage : 12 octobre 2023 Cour d’appel de Paris RG n° 22/17410

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Troubles du voisinage : 12 octobre 2023 Cour d’appel de Paris RG n° 22/17410
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Copies exécutoires REPUBLIQUE FRANCAISE

délivrées aux parties le : AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

COUR D’APPEL DE PARIS

Pôle 4 – Chambre 3

ARRET DU 12 OCTOBRE 2023

(n° , 10 pages)

Numéro d’inscription au répertoire général : N° RG 22/17410 – N° Portalis 35L7-V-B7G-CGQYZ

Décision déférée à la Cour : Jugement du 18 Mars 2019 -Tribunal d’Instance de Paris – RG n° 1118212850

APPELANT

Monsieur [Y] [K]

[Adresse 6]

[Localité 4]

Représenté et assisté par Me Vincent SENEJEAN, avocat au barreau de PARIS, toque : D1144

INTIMEE

Etablissement Public [Localité 10] HABITAT-OPH

[Adresse 2]

[Localité 5]

Représentée et assistée par Me Catherine HENNEQUIN de la SELAS LHUMEAU GIORGETTI HENNEQUIN & ASSOCIES, avocat au barreau de PARIS, toque : P0483 substituée à l’audience par Me Emmanuel LEPARMENTIER, même cabinet, même toque

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions des articles 805 et 907 du code de procédure civile, l’affaire a été débattue le 13 Septembre 2023, en audience publique, les avocats ne s’y étant pas opposés, devant Mme Anne-Laure MEANO, Présidente de chambre, chargé du rapport.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, entendu en son rapport, composée de :

François LEPLAT, président

Anne-Laure MEANO, président

Aurore DOCQUINCOURT, conseiller

Greffier, lors des débats : Mme Joëlle COULMANCE

ARRET :

– contradictoire

– par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile.

– signé par François LEPLAT, Président de chambre et par Joëlle COULMANCE, Greffière, présente lors de la mise à disposition.

*****

EXPOSÉ DU LITIGE

Par acte sous seing privé en date du 27 juin 1983, l’établissement public [Localité 10] habitat – OPH a donné à bail à Mme [U] [Z] veuve [M] un logement de quatre pièces situé[Adresse 1], à [Localité 11].

Mme [Z] est décédée le [Date décès 3] 2014.

M. [Y] [K], fils de Mme [Z] qui vivait avec sa mère dans ce domicile, n’a pas informé le bailleur du décès de sa mère et a continué à lui transmettre des documents au nom de sa mère.

Le bailleur, informé du décès de Mme [Z] par l’administration fiscale en 2018, a assigné M. [K] devant le tribunal d’instance de Paris, par acte d’huissier de justice du 25 mai 2018, en résiliation de plein droit du bail au décès de la locataire, expulsion de M. [K] et condamnation à payer une indemnité d’occupation.

Pour s’y opposer, M. [K] s’est prévalu du transfert du bail intervenu à son profit.

Le bailleur a notamment invoqué la prescription de cette dernière demande.

Par jugement contradictoire entrepris du 18 mars 2019, le tribunal d’instance de Paris a ainsi statué :

Dit que la demande de transfert de bail est recevable et n’est pas prescrite ;

Dit que les conditions légales requises pour le transfert de bail à M. [K] ne sont pas réunies;

Déboute M. [K] de l’intégralité de ses demandes ;

Dit que le bail du logement [Adresse 1] à [Localité 11] est résilié de plein droit au jour du décès de Mme [Z], soit le [Date décès 3] 2014 ;

Dit que M. [K] est un occupant sans droit ni titre depuis le 24 juin 2014 du logement sis [Adresse 1] à [Localité 11] ;

Ordonne en conséquence à M. [K] de libérer les lieux et de restituer les clés dans le délai de quinze jours à compter de la signification du présent jugement ;

Dit qu’à défaut pour M. [K] d’avoir volontairement libéré les lieux et restitué les clés dans ce délai, [Localité 10] Habitat pourra, deux mois après la signification d’un commandement de quitter les lieux, faire procéder à son expulsion ainsi qu’à celle de tous occupants de son chef, y compris le cas échéant avec le concours d’un serrurier et de la force publique ;

Dit n’y avoir lieu à prononcer une astreinte ;

Dit n’y avoir lieu à ordonner l’enlèvement, le transport et la séquestration des meubles éventuellement laissés sur place, leur sort étant régi par les dispositions des articles L.433-1 et suivants et R. 433-1 et suivants du code des procédures civiles d’exécution ;

Condamne M. [K] à payer à [Localité 10] Habitat une indemnité mensuelle d’occupation à compter du 1er juillet 2014 jusqu’à la libération effective et définitive des lieux ;

Dit que cette indemnité mensuelle d’occupation est égale au montant du loyer et des charges tels qu’ils avaient été calculés à la signature du bail de Mme [Z], soit 351,50 euros par mois ;

Dit que pour la période du 1er juillet 2014 au 31 décembre 2018, M. [K] devra payer à [Localité 10] Habitat la somme de 4.240 euros correspondant à l’indemnité d’occupation, déduction faite des sommes qu’il a versées à [Localité 10] Habitat, avec intérêts à taux légal à compter du présent jugement ;

Déboute [Localité 10] Habitat de sa demande de dommages et intérêts ;

Condamne M. [K] aux dépens ;

Condamne M. [K] à payer à [Localité 10] Habitat la somme de 800 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile ;

Déboute M. [K] de sa demande faite en application de l’article 700 du code de procédure civile ;

Déboute les parties des demandes plus amples ou contraires.

Ordonne l’exécution provisoire.

Par déclaration du 4 avril 2019, M. [Y] [K] a interjeté appel de ce jugement.

Par arrêt contradictoire du 12 janvier 2021, la cour d’appel de Paris a ainsi statué :

Infirme le jugement entrepris en ce qu’il a déclaré la demande de M. [Y] [K] recevable et non prescrite et en ce qu’il a fixé l’indemnité d’occupation due par M. [Y] [K] à la somme mensuelle de 351,50 euros,

Le confirme pour le surplus,

Statuant à nouveau et y ajoutant,

Déclare prescrite et donc irrecevable l’action de M. [Y] [K] tendant à bénéficier du transfert du bail conclu par [U] [Z] veuve [M] portant sur un appartement situé à [Localité 11], [Adresse 1],

Fixe le montant de l’indemnité d’occupation mensuelle due par M. [Y] [K] depuis le 1er juillet 2014 et jusqu’au 1er février 2021 à la somme de 175,75 euros plus les charges,

Fixe le montant de l’indemnité d’occupation mensuelle due par M. [Y] [K] à compter du 1er février 2021 à la somme de 255 euros

Condamne M. [Y] [K] à verser cette indemnité d’occupation, sous déduction de l’ensemble des sommes déjà versées à [Localité 10] Habitat au titre de l’occupation de cet appartement,

Déboute les parties de leurs demandes plus amples ou contraires,

Dit n’y avoir lieu à l’application de l’article 700 du code de procédure civile,

Condamne M. [Y] [K] aux dépens dont distraction au profit de la S.E.L.A.S. LGH & associés, prise en la personne de Maître Catherine Hennequin, avocat, dans les conditions de l’article 699 du code de procédure civile.

M. [Y] [K] a formé un pourvoi en cassation.

Par arrêt du 28 septembre 2022, pourvoi n° 21-11.533, la 3ème chambre civile de la Cour de cassation a ainsi statué :

“CASSE ET ANNULE, en toutes ses dispositions, l’arrêt rendu le 12 janvier 2021, entre les parties, par la cour d’appel de Paris ;

Remet l’affaire et les parties dans l’état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d’appel de Paris autrement composée ;

Condamne la société Etablissement public industriel et commercial [Localité 10] Habitat-OPH aux dépens ;

En application de l’article 700 du code de procédure civile, rejette la demande formée par la société Etablissement public industriel et commercial [Localité 10] Habitat-OPH et la condamne à payer à M. [K] la somme de 3 000 euros ;”

PRÉTENTIONS DES PARTIES

Vu la déclaration de saisine formée le 6 octobre 2022 par M. [Y] [K];

Vu les dernières conclusions remises au greffe le 11 mai 2023 par lesquelles M. [Y] [K] demande à la cour de :

Vu la loi n°89-462 du 6 juillet 1989,

Vu l’arrêt de la Cour de cassation du 28 septembre 2022,

Infirmer le jugement n°11-18-212850 du Tribunal d’instance de Paris en date du 18 mars 2019 en ce qu’il dit :

– que les conditions légales requises pour le transfert du bail à M. [K] ne sont pas réunies;

– déboute M. [K] de l’intégralité de ses demandes ;

– dit que le bail du logement [Adresse 1] est résilié de plein droit au jour du décès de Mme [U] [Z], soit le [Date décès 3] 2014;

– dit que M. [K] est occupant sans droit ni titre depuis le 24 juin 2014;

– Ordonne à M. [K] de libérer les lieux et de restituer les clés dans le délai de quinze jours à compter de la signification du jugement;

– dit qu’à défaut pour M. [K] d’avoir volontairement libéré les lieux et restitué les clés dans ce délai, [Localité 10] Habitat pourra, deux mois après la signification d’un commandement de quitter les lieux, faire procéder à son expulsion ainsi qu’à celle de tous occupants de son chef, y compris le cas échéant avec le concours d’un serrurier et de la force publique;

– condamne M. [K] à verser à [Localité 10] Habitat une indemnité mensuelle d’occupation à compter du 1er juillet 2014 jusqu’à la libération effective et définitive des lieux;

– dit que cette indemnité mensuelle d’occupation est égale au montant du loyer et des charges tels qu’ils avaient été calculés à la signature du bail de Mme [Z], soit 351,50 euros par mois;

– dit que pour la période du 1er juillet 2014 au 31 décembre 2018, M. [K] doit payer à [Localité 10] Habitat la somme de 4240 euros correspondant à l’indemnité d’occupation, déduction faite des sommes qu’il a versés à [Localité 10] Habitat, avec intérêts à taux légal à compter du présent jugement;

– condamne M. [K] aux dépens ;

– Condamne M. [K] à payer à [Localité 10] Habitat la somme de 800 euros au titre de l’article 700 du Code de procédure civile;

– déboute M. [K] de sa demande faite en application de l’article 700 du Code de procédure civile ;

– déboute M. [K] de ses autres demandes tendant à voir dire et juger qu’il remplit les conditions de transfert du bail prévues à l’article 40 de la loi du 6 juillet 1989 et qu’en conséquence, M. [K] a bénéficié du transfert du bail initialement consenti à Mme [M] [U] née [Z] ;

– en ce que le jugement déboute M. [K] de ses autres demandes tendant à voir ordonner, en tant que de besoin, à [Localité 10] Habitat de conclure avec M. [Y] [K] un bail soumis aux dispositions de la loi du 6 juillet 1989 afin de régulariser l’occupation du logement qu’il occupe au [Adresse 1] à [Localité 11] ;

– en ce que le tribunal d’instance a ordonné l’exécution provisoire de son jugement

Statuant à nouveau :

Dire et juger recevables et bien fondées les demandes de M. [Y] [K] ;

Dire et juger que M. [Y] [K] remplit les conditions de transfert du bail prévues à l’article 40 de la loi du 6 juillet 1989 ;

Dire et juger, en conséquence, que M. [K] a bénéficié du transfert du bail initialement consenti à Mme [M] [U] née [Z] ;

Ordonner à [Localité 10] Habitat de reloger M. [K] dans un logement comparable et adapté à sa situation familiale, dans un délai d’un mois à compter de la signification de l’arrêt à intervenir et sous astreinte de 500 euros par jour au-delà ;

Ordonner en tant que de besoin à [Localité 10] Habitat de conclure avec M. [Y] [K] un bail soumis aux dispositions de la loi du 6 juillet 1989 afin de régulariser l’occupation du logement dans lequel il sera réintégré ou relogé ;

Infirmer le jugement entrepris en ce qui concerne le montant de l’indemnité d’occupation, laquelle ne saurait dépasser la somme de 175,75 euros pour la période du 1er juillet 2014 au 26 juillet 2022 ;

En tout état de cause :

Condamner [Localité 10] Habitat à verser à M. [K] la somme de 2028,74 euros au titre du trop versé de loyer arrêté au mois de juillet 2022, ainsi que le surplus des indemnités d’occupation versées du 1er juillet 2014 au 26 juillet 2022, calculées conformément au dispositif de l’arrêt à intervenir;

Débouter [Localité 10] Habitat de l’ensemble de ses demandes

Condamner [Localité 10] Habitat à régler la somme de 3.000 euros sur le fondement de l’article 700 du Code de procédure civile.

Condamner [Localité 10] Habitat aux entiers dépens de l’instance d’appel.

Vu les dernières conclusions remises au greffe le 23 janvier 2023 au terme desquelles l’EPIC [Localité 10] Habitat OPH demande à la cour de :

Vu les articles 14 et 40 de la loi n°89-462 du 6 juillet 1989,

Vu les articles 1104 et 1240 du Code civil,

Vu les articles L441-1 et L442-12 du code de la construction et de l’habitation

Vu les articles 194 et 196 du CGI,

Vu les articles 696 et 700 du Code de procédure civile,

Déclarer [Localité 10] Habitat-OPH recevable en ses conclusions d’intimé,

Déclarer M. [K] mal fondé en son appel,

Débouter M. [K] de toutes ses demandes,

Infirmer le jugement entrepris en ce qu’il a débouté [Localité 10] Habitat-OPH de sa demande de dommages et intérêts,

Confirmer le jugement du 18 mars 2019 en toutes ses autres dispositions,

Statuant à nouveau sur les chefs du jugement infirmés,

Condamner M. [K] à payer à [Localité 10] Habitat-OPH la somme de 15.000,00 euros à titre de dommages et intérêts,

A titre subsidiaire,

Prononcer la résiliation judiciaire du contrat de location consenti à M. [K],

Confirmer le jugement du 18 mars 2019 en toutes ses dispositions,

Y ajoutant, et en tout état de cause,

Condamner M. [K] à verser à [Localité 10] Habitat-OPH une indemnité de 3.500 euros en application de l’article 700 du Code de Procédure Civile,

Condamner M. [K] aux entiers dépens dont distraction au profit de la S.E.L.A.S. LGH & Associés, prise en la personne de Maître Catherine Hennequin, Avocat aux offres de droit, conformément aux dispositions de l’article 699 du code de procédure civile

Pour un plus ample exposé des prétentions et des moyens des parties, la cour, conformément à l’article 455 du code de procédure civile, renvoie aux conclusions remises au greffe et au jugement déféré.

MOTIFS DE LA DÉCISION

Sur la portée de la cassation

L’arrêt du 28 septembre 2022 prononce la cassation de l’arrêt de la cour d’appel de Paris du 12 janvier 2021 en toutes ses dispositions, dans les termes suivants :

” Vu les articles 14 et 40, I, de la loi n° 89-462 du 6 juillet 1989 :

4. Il résulte du premier de ces textes que, lors du décès du locataire, le contrat est transféré automatiquement aux descendants qui vivaient avec lui depuis au moins un an à la date du décès.

5. Selon le second, le transfert du contrat prévu à l’article 14 est applicable aux logements appartenant aux organismes d’habitations à loyer modéré, à condition que le bénéficiaire remplisse les conditions d’attribution et que le logement soit adapté à la taille du ménage.

6. Pour déclarer M. [K] irrecevable en sa demande tendant à bénéficier du transfert du bail, l’arrêt retient que, si ce transfert présente en principe un caractère automatique, l’exercice par l’occupant du droit existant à la date du décès doit donner lieu à une action tendant à faire reconnaître la réalité de ce droit.

7. En statuant ainsi, alors que le transfert du bail à l’occupant qui remplit les conditions, opère par l’effet même de la loi à la date du décès du locataire, la cour d’appel a violé les textes précités.

PAR CES MOTIFS, et sans qu’il y ait lieu de statuer sur les autres griefs, la Cour :

CASSE ET ANNULE, en toutes ses dispositions, l’arrêt rendu le 12 janvier 2021, entre les parties, par la cour d’appel de Paris ;

Remet l’affaire et les parties dans l’état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d’appel de Paris autrement composée ;

(…)”.

Aux termes des dernières conclusions récapitulatives de [Localité 10]-Habitat, cette dernière ne conteste plus la recevabilité de la demande de transfert du bail formée par M. [K].

Le jugement entrepris sera donc confirmé en ce qu’il a dit que la demande de transfert de bail est recevable et n’est pas prescrite.

Sur le droit à transfert du bail et sa portée

M. [K], qui a été expulsé le 26 juillet 2022 (pièce n°98), demande l’infirmation du jugement en ce qu’il a rejeté sa demande tendant à bénéficier du transfert du bail et demande à la cour de reconnaître son droit au transfert du bail et d’ordonner son relogement.

Selon l’article 14 de la loi n°89-462 du 6 juillet 1989 tendant à améliorer les rapports locatifs , lors du décès du locataire, le contrat de location est transféré aux descendants qui vivaient avec lui depuis au moins un an à la date du décès.

L’article 40 de la même loi dispose que l’article 14 est applicable aux logements appartenant aux organismes d’habitations à loyer modéré à condition que le bénéficiaire du transfert remplisse les conditions d’attribution et que le logement soit adapté à la taille du ménage.

Le transfert du bail au bénéfice du descendant qui remplit les conditions légales a un caractère automatique, ainsi qu’il a déjà été dit, s’opérant de plein droit dès la date du décès, sans qu’il soit besoin d’une quelconque manifestation de volonté ; les conditions de transfert du bail s’apprécient ainsi à la date du décès du locataire auquel se substitue le bénéficiaire du transfert (3e Civ., 19 juillet 1995, no 92-11.512, 3e Civ., 28 juin 2018, no 17- 20.409).

La durée de la cohabitation entre le locataire défunt et le descendant doit être effective et continue (3e Civ., 12 juin 2001, no 98-21.451) et est fixée légalement à un an.

C’est par des motifs exacts et pertinents, qui ne sont pas utilement contredits par l’appelant, lequel ne produit en cause d’appel aucun élément nouveau de nature à remettre en cause l’appréciation faite par le tribunal, et que la cour adopte, que le premier juge a retenu, au regard des pièces produites pour la période d’un an précédant le décès de Mme [Z] :

-qu’il résulte des avis d’imposition, factures d’abonnement téléphoniques, pièces médicales produits que M. [K] résidait bien depuis au moins un an à l’adresse litigieuse ;

-que le logement n’était cependant pas adapté à la taille du ménage à la date du décès et ce au regard de l’article L. 441-1 du code de la construction et de l’habitation qui indique que le nombre de personnes vivant au foyer doit, pour un logement de 4 pièces, être au moins de deux personnes.

Il en effet résulte de l’article L. 442-12 du même code, dans sa version en vigueur à la date du décès de la locataire, que sont considérées comme personnes vivant au foyer au titre des articles L. 441-1, L. 441-4 et L. 445-4, notamment, les personnes réputées à charge au sens des articles 194,196,196 A bis et 196 B du code général des impôts.

L’article 196 de ce code dispose que “sont considérés comme étant à la charge du contribuable, que celle-ci soit exclusive, principale ou réputée également partagée entre les parents, à la condition de n’avoir pas de revenus distincts de ceux qui servent de base à l’imposition de ce dernier :

1° Ses enfants âgés de moins de 18 ans (…)”.

Il convient donc, en tout état de cause, que l’enfant réside exclusivement, principalement ou au moins en garde partagée chez le contribuable.

L’article L. 442-12 tel que modifié par la loi dite ELAN du 23 novembre 2018, comporte certes une nouvelle catégorie de personnes considérées comme vivant au foyer, « les enfants qui font l’objet d’un droit de visite et d’hébergement. » ; toutefois cette disposition ne saurait avoir de portée rétroactive de sorte que l’intéressé ne saurait s’en prévaloir.

Comme devant le premier juge, M. [K] soutient que ses deux enfants mineurs , [V] et [N], nés respectivement en [Date naissance 9] 2003 et [Date naissance 7] 1999, résidaient chez lui de façon alternée.

Comme précédemment indiqué, la preuve doit en être rapportée à la date du décès de la locataire c’est-à-dire au mois de [Date décès 3] 2014.

Les pièces produites portant sur les années suivantes ne sont donc pas pertinentes.

Pour mémoire, il convient de rappeler qu’alors que Mme [Z] est décédée, en [Date décès 3] 2014, des déclarations de revenus continuaient à être remplies à son nom pour les années 2015 et 2016, l’administration fiscale n’ayant cependant pas envisagé de poursuites judiciaires “en l’absence d’enjeu fiscal” (courrier de la Direction générale des finances publiques et avis d’imposition correspondants, pièces n°3 et 5 de la défenderesse au renvoi) et les enquêtes relatives au supplément de loyer de solidarité (SLS) 2016, 2017 et 2018 ont été remplies pour son compte (pièce n°6 de la défenderesse au renvoi), déclarant deux enfants mineurs vivant dans le logement.

Au regard de ces circonstances, les déclarations effectuées au titre des SLS 2013 et 2014, qui indiquent également que les deux enfants mineurs de M. [K] occupent les lieux, et comportent la même signature que les déclarations des années suivantes, sont suspectes, n’ayant manifestement pas été remplies par la locataire elle même et n’étant d’ailleurs pas corroborées par les avis d’imposition de M. [K] dont les déclarations fiscales au titre des revenus des années 2013 et 2014 mentionnent une seule part et aucune personne à charge.

La réalité de la résidence de l’enfant [V] n’est pas démontrée, étant observé qu’il était domicilié principalement à [Localité 8] chez sa mère et non chez son père, et qu’il résulte en outre de cette circonstance que la résidence alternée alléguée n’est ni possible ni plausible.

Par ailleurs, l’attestation établie par Mme [J], mère de l’enfant [N], le 6 octobre 2018, mentionne une résidence alternée « chez son père une semaine sur deux depuis 2004 jusqu’à ce jour » ; toutefois cette attestation ne respecte pas les règles édictées par l’article 202 du code de procédure civile (absence de la mention prévue à l’alinéa 2 de cet article et de certaines mentions de l’alinéa 1) ; la 2ème attestation établie le 13 avril 2019, et réitérant l’existence d’une garde alternée depuis 2004 n’est en tout état de cause pas corroborée précisément par d’autres pièces, voire se trouve contredite.

La cour observe, à l’instar de la partie adverse, qu’il est étonnant que les plaintes et déclarations faites aux service de police, entre 2008 et 2010, par Mme [M] et M. [K] au sujet d’un important conflit de voisinage et de menaces imputées à leurs voisins de l’étage inférieur, ayant abouti à une procédure correctionnelle, ne mentionnent que leur propre anxiété et aucune inquiétude sur l’impact de cette situation pour l’un ou l’autre des petits enfants de la locataire ; dans leurs déclarations ils indiquent d’ailleurs occuper seuls le logement. (Pièces n°22 à 25 de M. [K]).

Il résulte d’un courrier adressé à la locataire le 12 mai 2010, dans le cadre de ce conflit de voisinage, qu’une proposition de relogement faite par le bailleur dans un T4 a été refusée par la commission d’attribution des logements au regard de la composition familiale déclarée par la locataire elle même “à savoir vous-même et votre fils M. [K]” (pièce 26 de M. [K]).

Ces éléments contredisent donc plus particulièrement les attestations de Mme [J].

S’il résulte des pièces produites devant la cour, notamment de certaines attestations (Mme [R], Mme [E], M. [I], Mme [F]) que les enfants de M. [K], notamment [N], lui ont rendu visite dans le logement litigieux courant 2013 et 2014, elles ne permettent cependant pas de rapporter la preuve de ce qu’au moins l’un des deux enfants vivait effectivement au foyer de son père, au sens des dispositions légales précitées, et ce à la date du décès de la locataire.

La cour observe très surabondamment que le fait que l’intéressé se soit abstenu délibérément de signaler au bailleur le décès de la locataire tend à confirmer qu’à tout le moins il doutait de son droit au transfert du bail compte tenu de sa situation familiale.

Le premier juge a donc retenu à raison que le ménage était constitué d’une seule personne, c’est à dire M. [K] lui même au mois de [Date décès 3] 2014, au décès de sa mère, de sorte qu’il ne peut soutenir qu’il aurait bénéficié d’un droit au transfert du bail, sans qu’il soit besoin d’examiner s’il remplissait les conditions de ressources.

Le jugement sera donc confirmé en ce qu’il a dit que le bail du logement [Adresse 1] à [Localité 11] était résilié de plein droit au jour du décès de Mme [Z], le [Date décès 3] 2014, et que M. [K] était occupant sans droit ni titre depuis cette date, sauf à constater qu’il n’y a plus lieu d’ordonner l’expulsion ni de statuer sur le sort des meubles.

Par conséquent sa demande de relogement sera également rejetée.

Sur l’indemnité d’occupation

Il est constant qu’il résulte d’un jugement du 22 mai 2003, que Mme [Z] bénéficiait, en raison de l’état dégradé du logement qui devait faire l’objet de travaux, d’une remise de 80 euros par mois sur le montant du loyer, lequel s’élevait donc à 175,75 euros mensuels.

Le jugement entrepris a fixé l’indemnité d’occupation à la somme de 351,50 euros par mois, au titre du loyer et des charges, conformément à la demande de [Localité 10] habitat OPH, qui demande la confirmation du jugement au motif que cette remise de 80 euros n’a pas lieu d’être au profit de M. [K] devenu occupant sans droit ni titre.

M. [K] fait observer que le raisonnement du premier juge et du bailleur aurait dû aboutir à la fixation de l’indemnité d’occupation à la somme de 255,75 euros, correspondant au montant du loyer après réintégration de la remise (soit 175,75 euros +80 euros) ; il demande en tout état de cause l’infirmation du jugement et la fixation de l’indemnité d’occupation à la somme de 175,75 euros par mois, laquelle correspondait à l’état réel du logement et ce jusqu’à la date de l’expulsion, le 26 juillet 2022.

L’indemnité due par l’occupant sans droit ni titre d’un local trouve son fondement dans la protection des droits du propriétaire et dans l’article 1240 (ancien1382) du code civil, en raison de la faute délictuelle commise par celui qui se maintient sans droit dans les lieux.

Ayant pour objet de réparer l’entier préjudice qui résulte pour le propriétaire de la privation de son bien, elle a une double nature, compensatoire et indemnitaire et peut en particulier compenser les pertes de loyers subies par le propriétaire ; elle répond au principe fondamental de la réparation intégrale des préjudices, visant à rétablir aussi exactement que possible l’équilibre détruit par le dommage et de replacer la victime, aux dépens du responsable, dans la situation où elle se serait trouvée si l’acte dommageable ne s’était pas produit, sans qu’il en résulte pour elle ni perte ni profit.

Au regard de l’ensemble des éléments du dossier, et du fait qu’il n’est pas contesté que les désordres du logement n’ont pas été réparés, il est conforme au caractère indemnitaire et compensatoire de l’indemnité d’occupation de fixer celle-ci à la somme de 200 euros par mois au titre des loyers outre les provisions pour charge, et ce du 25 juin 2014 jusqu’au 26 juillet 2022, date de libération des lieux.

Le jugement sera donc infirmé sur ce point ainsi qu’en ce qui concerne la condamnation subséquente de M. [K] à payer la somme de 4.240 euros “correspondant à l’indemnité d’occupation, déduction faite des sommes qu’il a versées à [Localité 10] Habitat, avec intérêts à taux légal à compter du présent jugement “.

M. [K] n’établissant pas exactement les sommes déjà payées, ni un décompte alternatif, sa demande de paiement de la somme de 2.028,74 euros au titre du trop versé sera rejetée.

Il appartiendra donc aux parties de faire les comptes étant observé qu’aucun impayé n’est reproché à M. [K] par [Localité 10] Habitat et que la cour n’est saisie de la part de ce dernier d’aucune demande de mise à jour du décompte locatif.

Sur la demande de dommages-intérêts de [Localité 10] Habitat

[Localité 10] Habitat demande l’infirmation du jugement en ce qu’il a rejeté sa demande de dommages-intérêts et la condamnation de la partie adverse à lui payer une somme de 15.000 euros en réparation de son préjudice moral.

Il convient de relever que les dispositions légales applicables n’organisent pas l’information du bailleur en cas de décès du locataire ou d’abandon du logement, ni n’obligent l’éventuel bénéficiaire du transfert du droit au bail à se manifester d’une manière quelconque auprès de lui.

[Localité 10] Habitat ne démontre en tout état de cause pas avoir subi un préjudice indépendant de celui qui est suffisamment réparé par l’octroi d’une indemnité d’occupation.

Sur l’article 700 du code de procédure civile

Il est équitable de ne pas faire application de l’article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS

La cour, statuant par arrêt contradictoire,

Confirme, en ses dispositions frappées d’appel, le jugement entrepris, sauf en ce qui concerne le montant de l’indemnité mensuelle d’occupation et en ce qu’il dit que pour la période du 1er juillet 2014 au 31 décembre 2018, M. [Y] [K] devra payer à [Localité 10] Habitat la somme de 4.240 euros correspondant à l’indemnité d’occupation, déduction faite des sommes qu’il a versées à [Localité 10] Habitat, avec intérêts à taux légal à compter du jugement ;

Et statuant à nouveau,

Dit que l’indemnité mensuelle d’occupation due par M. [Y] [K] est égale à 200 euros par mois outre le montant des charges qui auraient été dues si le bail s’était poursuivi ;

Dit que cette somme est due par M. [Y] [K] à [Localité 10] Habitat OPH pour la période du 25 juin 2014 au 26 juillet 2022, date de l’expulsion ;

Constate que les dispositions relatives à l’expulsion sont devenues sans objet ;

Rejette toutes demandes plus amples ou contraires,

Et y ajoutant,

Condamne M. [Y] [K] aux dépens d’appel, avec droit de recouvrement direct, par application de l’article 699 du code de procédure civile,

Rejette toutes autres demandes.

La Greffière Le Président

 


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