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Cession d’actions : 13 septembre 2022 Cour d’appel de Besançon RG n° 21/01105

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Cession d’actions : 13 septembre 2022 Cour d’appel de Besançon RG n° 21/01105

ARRÊT N°

FD/SMG

COUR D’APPEL DE BESANÇON

ARRÊT DU 13 SEPTEMBRE 2022

CHAMBRE SOCIALE

Audience publique

du 24 mai 2022

N° de rôle : N° RG 21/01105 – N° Portalis DBVG-V-B7F-EMNM

S/appel d’une décision

du Conseil de Prud’hommes – Formation paritaire de BESANCON

en date du 26 mai 2021

Code affaire : 80O

Demande de requalification du contrat de travail

APPELANT

Monsieur [M] [V], demeurant [Adresse 2]

représenté par Me Franck BOUVERESSE, avocat au barreau de BESANCON, présent

INTIME

S.A.S. LUSTRAL, sise [Adresse 1]

représentée par Me Carlos DE CAMPOS, avocat au barreau de REIMS, présent

COMPOSITION DE LA COUR :

Lors des débats du 24 Mai 2022 :

Monsieur Christophe ESTEVE, Président de Chambre

Madame Bénédicte UGUEN-LAITHIER, Conseiller

Mme Florence DOMENEGO, Conseiller

qui en ont délibéré,

Mme MERSON GREDLER, Greffière lors des débats

Les parties ont été avisées de ce que l’arrêt sera rendu le 13 Septembre 2022 par mise à disposition au greffe.

**************

Statuant sur les appels interjetés les 17 juin et 24 juin 2021 par M. [M] [V] et la Sas Lustral du jugement rendu le 26 mai 2021 par le conseil de prud’hommes de Besançon qui, dans le cadre du litige les opposant, a :

– constaté l’existence d’un accroissement temporaire de l’activité dans le contrat à durée déterminée

– débouté M. [V] de ses demandes afférentes à la requalification de son contrat de travail à durée déterminée en contrat à durée indéterminée

– condamné la Sas Lustral à payer à M. [V] la somme de 348 euros en remboursement du solde des frais exposés au mois de décembre 2019

– condamné M. [V] à régler à la Sas Lustral la somme de 500 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile

– débouté M. [V] du surplus de ses demandes

– reçu la demande reconventionnelle de la Sas Lustral au titre des dommages et intérêts pour procédure abusive et injustifiée et l’en a déboutée

– débouté la Sas Lustral du surplus de ses demandes

– condamné M. [V] aux entiers dépens de l’instance.

Vu les dernières conclusions en date du 9 novembre 2021, aux termes desquelles M. [M] [V], appelant, demande à la cour de:

– infirmer le jugement rendu par le conseil des prud’hommes le 26 mai 2021 en ce qu’il a :

– jugé qu’il était mal fondé en ses prétentions ;

– constaté l’existence d’un accroissement temporaire de l’activité dans le contrat

à durée déterminée ;

– l’a débouté de toutes ses demandes afférentes à la requalification de son contrat à durée déterminée en contrat à durée indéterminée ;

– l’a condamné à régler à la Sas Lustral la somme de 500 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile

– l’a débouté du surplus de ses demandes ;

– l’a condamné aux entiers dépens de l’instance.

Et statuant à nouveau :

– requalifier le contrat de travail unissant les parties en un contrat à durée indéterminée

– condamner la Sas Lustral à lui payer la somme de 40 524 euros à titre d’indemnité de requalification.

– condamner la Sas Lustral à lui payer les sommes de :

‘ 40 524 euros à titre d’indemnité compensatrice de préavis,

‘ 4 052 euros à titre d’indemnité compensatrice de congés payés sur préavis

– condamner la Sas Lustral à lui payer la somme de 3 095,58 euros à titre d’indemnité de licenciement.

– condamner la Sas Lustral à lui payer la somme de 13 508,30 euros à titre d’indemnité pour rupture abusive

– condamner la Sas Lustral à lui payer la somme de 13 508 euros à titre d’indemnité pour non-respect de la procédure à titre subsidiaire

– condamner la Sas Lustral à lui rembourser la somme de 534,5 euros en remboursement de ses frais exposés au mois décembre 2019

– condamner la Sas Lustral à lui payer la somme de 500 euros à titre de dommages et intérêts pour retard dans l’exécution d’obligation

– condamner la Sas Lustral à lui payer la somme de 10 000 euros en réparation du préjudice subi à raison de l’inexécution de bonne foi du contrat

– condamner la Sas Lustral à lui payer la somme de 3 000 euros sur le fondement de l’article 700 du CPC au titre de l’instance devant le conseil des prud’hommes

– condamner la Sas Lustral à lui payer la somme de 3 000 euros sur le fondement de l’article 700 du CPC au titre de l’instance devant la cour d’appel ;

Vu les dernières conclusions en date du 4 mai 2022, aux termes desquelles la Sas Lustral, appelante, demande à la cour de:

– confirmer le jugement entrepris en ce qu’il a dit n’y avoir lieu à requalification du contrat à durée déterminée de M. [V]

– confirmer le jugement entrepris en ce qu’il a débouté M. [V] de toutes ses demandes afférentes à la requalification de son CDD en CDI,

– infirmer le jugement attaqué en ce qu’il l’a condamné à verser une somme de 348 euros au titre des notes de frais et la déboute de sa demande de dommages et intérêts,

– condamner M. [V] à la restitution d’une somme de 3 505,76 euros au titre de versement pour des notes de frais indues,

– infirmer le jugement attaqué en ce qu’il l’a déboutée de ses demandes de dommages et intérêts pour procédure abusive et injustifiée,

– condamner M. [V] au paiement d’une somme de 5 000 euros à titre de dommages et intérêts pour exécution déloyale de son contrat et procédure abusive et injustifiée,

– condamner M. [V] au paiement d’une somme de 3 000 euros au titre des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile ;

Pour l’exposé complet des moyens des parties, la cour se réfère à leurs dernières conclusions susvisées, conformément aux dispositions de l’article 455 du code de procédure civile ;

Vu l’ordonnance de jonction des deux procédures d’appel en date du 14 avril 2022 ;

Vu l’ordonnance de clôture rendue le 12 mai 2022 ;

SUR CE ,

EXPOSE DU LITIGE :

Souhaitant renforcer sa présence dans le Doubs, la SAS Lustral a été mise en en relation avec M. [M] [V] exploitant lui-même le Groupe Orchestral Services constitué des sociétés Enett services Haute Saone, Hom’Service, Enett Belfort, Enett ‘ entreprise de nettoyage industriel, Enett Services, Enett Tunisie, Enett Suisse, Enett Maintenance, Hdb, Enett Montbéliard, Societe Nouvelle Dellenet et Agrément Services.

Le 20 décembre 2018, un protocole de cession d’actions a été régularisé, aux termes duquel M. [V] s’est engagé à céder 100 % des actions du Groupe Orchestral Services à la SAS Lustral pour un prix global de 5 000 000 euros.

Ce protocole prévoyait la remise par l’acquéreur au vendeur ‘d’un contrat de travail définissant les fonctions d’accompagnement et présentation, d’une durée minimale de 12 mois moyennant une rétribution annuelle de 140 000 euros, outre remboursement des frais professionnels sur présentation des justificatifs, à hauteur de 1 500 euros maximum par mois’.

Lors de la conclusion définitive de l’acte de cession le 8 février 2019, M. [M] [V] a été embauché par la SAS Lustral en qualité de directeur commercial jusqu’au 31 décembre 2019, selon contrat à durée déterminée du même jour.

La SAS Lustral a donné congé pour les locaux occupés à [Localité 3] et a procédé au déménagement de son établissement le 26 décembre 2019, vidant de l’ensemble de ses meubles le bureau de M. [V] et déposant dans des cartons ses effets personnels, compte-tenu de son absence.

C’est dans ces conditions qu’estimant avoir été privé d’emploi au 27 décembre 2019 et contestant la nature et les conditions d’exécution de son contrat de travail, M. [V] a saisi le 17 février 2020 le conseil de prud’hommes de Besançon, saisine qui a donné lieu au jugement entrepris.

MOTIFS DE LA DÉCISION :

– sur la requalification du contrat de travail :

Aux termes de l’article L 1242-1 du code du travail, un contrat de travail à durée déterminée, quel que soit son motif, ne peut avoir ni pour objet ni pour effet de pourvoir durablement un emploi lié à l’activité normale et permanente de l’entreprise. Il ne peut être conclu par ailleurs que pour l’exécution d’une tâche précise et temporaire dans les cas spécifiquement énumérés aux articles L 1242-2 et L 1242-3 du code du travail.

En l’espèce, le contrat à durée déterminée régularisé entre M. [V] et la SAS Lustral stipule que ce dernier est embauché à compter du 8 février 2019 jusqu’au 31 décembre 2019 en qualité de directeur commercial aux fins, ‘dans un contexte de croissance externe et de rachat par la société Lustral des sociétés du Groupe Orchestral Services, d’assurer la sécurisation de la clientèle des sociétés du Groupe Orchestral Services, procéder au développement et à l’accompagnement commercial des diverses sociétés du Groupe Orchestral Services et des établissements de la société Lustral’.

L’objet du contrat prévoit par ailleurs ‘que la société Lustral est en phase d’acquisition du Groupe Orchestral Services ; que cette opération de croissance externe entraîne le rachat d’une entité de taille importante et l’intégration de la clientèle et du chiffre d’affaires correspondant, ce qui implique un accroissement temporaire d’activité pour la société Lustral ; qu’il convient en effet de définir une stratégie commerciale, prospecter la clientèle, sécuriser les marchés existants et trouver de nouveaux marchés et clients pour assurer la pérennité de l’entreprise consécutivement à l’acquisition’.

Si M. [V] soutient à hauteur d’appel que ce contrat de travail n’était pas un contrat d’accompagnement, habituellement utilisé en matière de transmission de sociétés, mais un contrat valant ‘ comme une sorte de période d’essai avant d’être commué très rapidement en CDI’ dont le recours avait été privilégié au fil de ‘l’évolution des tractations entre les parties’, il ne produit cependant aucun élément permettant de confirmer de telles allégations.

Au contraire, les pièces produites par la SAS Lustral, contemporaines à la rédaction du contrat, établissent que la commune intention des parties a été de convenir d’un accompagnement temporaire par M. [V] de la transmission des sociétés composant le Groupe Orchestral Services à la SAS Lustral, à l’exclusion de toute autre mission.

En témoignent ainsi d’une part, le courriel du 9 novembre 2018 adressé par M. [V] à M. [Y], président de la SAS Lustral, aux termes duquel il se propose d’accompagner lui-même cette transmission ‘pendant un an’ avec pour mission de ‘ présenter et rassurer les clients, poursuivre les démarches en cours, transmettre tous les outils et informations capitales’ selon un ‘statut de salariat rémunéré à hauteur de 140 000 euros bruts, avec remboursement des frais professionnels à hauteur de 1 500 euros par mois’, et d’autre part, le protocole de cessions d’actions daté du 20 décembre 2018 faisant état ‘d’un contrat de travail définissant les fonctions d’accompagnement et de présentation, d’une durée minimale d’un an et prévoyant une rémunération annuelle de 140 000 euros et le remboursement des frais à hauteur de 1 500 euros mensuels’, dont l’ensemble des conditions ainsi posées en faveur du salarié a été repris dans le contrat de travail aujourd’hui litigieux.

Les termes du contrat de travail sont par ailleurs clairs et précis et comportent dans leur entête la mention ‘contrat à durée déterminée’, de telle sorte que M. [V] n’a pu à aucun moment se méprendre sur la nature et l’étendue du contrat de travail signé avec la SAS Lustral, ce que confirme l’article de l’Est Républicain du 25 avril 2019 reprenant les déclarations de ce dernier (pièce 52) assurant de sa présence juste ‘quelques mois’ dans le groupe.

Si M. [V] soutient que l’emploi ainsi occupé par ses soins était en fait justifié par une activité durable, normale et permanente, le recours au contrat à durée déterminée est cependant parfaitement admis en matière de transmission d’entreprise dès lors d’une part, que l’accompagnement ainsi proposé à l’acquéreur constitue une activité nouvelle au sein de la société en lien exclusif avec la cession et nécessairement provisoire pour faciliter la transition avec les salariés, collaborer sur les dossiers et contrats en cours et présenter le nouveau dirigeant aux clients et fournisseurs et d’autre part, que cette activité entraîne un surcroît d’activité temporaire, notamment dans la prospection de tous les clients pour les informer de la cession et consolider les contrats.

Aucun élément ne permet d’établir qu’au-delà de l’accompagnement ainsi contractuellement prévu et que le salarié a indéniablement effectué selon les courriels produits par la SAS Lustral, (pièces 19 à 30), M. [V] aurait rempli des fonctions relevant de l’activité pérenne et habituelle de la société.

Aucune pièce ne vient ainsi confirmer les missions de développement commercial et de stratégie pour le compte de la SAS Lustral que ce dernier soutient avoir menées. Cette preuve ne saurait résulter de l’attestation de l’hypermarché Leclerc et du devis signé de la société Mogra, ces deux documents étant en effet établis au nom de la société Eneth Services, représentée par M. [V], et étant insuffisants pour démontrer la participation effective du salarié dans la détermination de la politique commerciale de la SAS Lustral, dans la gestion du pôle commercial et de ses équipes, dans la définition des prix et dans la réalisation des entretiens d’évaluation des collaborateurs. M. [V] ne justifie pas plus d’avoir rendu compte régulièrement de ses activités à son supérieur hiérarchique, ce dont s’est plaint M. [Y] dans son courrier du 29 décembre 2019, et d’avoir participé à des comités de direction avec les autres directeurs stratégiques de la société, missions pourtant fondamentales du poste qu’ il revendique sans succès avoir occupé.

Le recours au contrat à durée déterminée est en conséquence parfaitement régulier et conforme aux dispositions des articles L 1242-1 et suivants du code du travail susvisés.

C’est donc à bon droit que les premiers juges ont débouté M. [V] de sa demande de requalification de son contrat de travail à durée déterminée en contrat de travail à durée indéterminée et des demandes financières afférentes.

Le jugement entrepris sera en conséquence confirmé de ces chefs.

– sur la rupture du contrat de travail :

Aux termes de l’article L 1242-7 du code du travail, le contrat de travail à durée déterminée comporte un terme fixé avec précision dès sa conclusion, sauf exceptions limitativement énumérées.

Il ne peut être rompu avant l’échéance du terme qu’en cas de faute grave, de force majeure ou d’inaptitude constatée par le médecin du travail, en application de l’article L 1243-1 du code du travail.

En l’espèce, M. [V] soutient avoir été évincé le 27 décembre 2019 de ses fonctions, avec résiliation de tous abonnements téléphoniques dès le mois de novembre 2019 et démolition de la porte de son bureau , déménagement de l’intégralité de son mobilier de travail et de ses affaires personnelles, sans son autorisation et avant l’expiration de son contrat.

M. [V] ne justifie cependant pas d’avoir été privé d’abonnement téléphonique, son courrier du 27 décembre 2019 et son dépôt de plainte du 28 décembre 2019 n’y faisant nullement référence.

Quant à l’évincement de son bureau, il résulte du courriel de M. [I], Responsable relations sociales, en date du 30 décembre 2019 que contrairement à ce qu’il soutient, M. [V] avait été informé du déménagement que la société opérait des locaux loués à [Localité 3] en raison de la résiliation du bail au 31 décembre 2019 et qu’il avait été invité à se présenter à plusieurs reprises pour venir ouvrir ledit bureau et ôter ses effets personnels, ce qu’il avait refusé de faire. M. [V] ne peut pas plus nier cette connaissance de la fin du bail commercial, dès lors qu’il était propriétaire par le biais d’une SCI desdits locaux et que cette résiliation du bail avait été actée expressément dans l’acte de cession ( page 9).

M. [V] a enfin été payé de la totalité de sa rémunération pour le mois de décembre 2019.

Sa demande de remboursement de frais professionnels produite dans la présente instance atteste par ailleurs que ce dernier a facturé des indemnités kilométriques et des frais de restauration pour les journées des 27, 30 et 31 décembre 2019.

En conséquence, quand bien même le salarié a été dans l’incapacité d’accéder matériellement à son bureau le vendredi 27, le lundi 30 et le mardi 31 décembre 2019, aucun élément ne permet d’établir que le salarié aurait été privé d’emploi et que le contrat aurait été rompu prématurément.

Tout autant, le caractère ‘traumatisant’ de cette rupture n’est aucunement établi, cette dernière étant intervenue au terme fixé et sans conditions humiliantes ou vexatoires pour le salarié, lequel a ‘subi’ le déménagement comme l’ensemble des autres salariés installés sur le site de [Localité 3].

C’est donc à bon droit que les premiers juges ont débouté M. [V] de sa demande de dommages et intérêts présentée pour rupture abusive.

Le jugement entrepris sera en conséquence confirmé.

– sur les frais professionnels :

En l’espèce, M. [V] sollicite le remboursement de ses frais professionnels pour le mois de décembre 2019 à hauteur de 534,50 euros et la SAS Lustral sollicite reconventionnellement la restitution de la somme de 3 505,76 euros au titre des frais indûment remboursés à son salarié.

Contrairement à ce qu’ont retenu les premiers juges, la SAS Lustral est parfaitement recevable à solliciter la répétition des sommes qu’elle a pu rembourser indûment à M. [V], dès lors que cette demande n’est pas atteinte de la prescription prévue à l’article L 3245-1 du code du travail. (Cass soc- 12 juillet 2006 – n°04-48 687)

L’article 1302 du code civil ne subordonne pas en effet la restitution à la démonstration que le solvens a effectué le paiement avec les précautions commandées par la prudence, de telle sorte que ‘le défaut de contrôle et de vérifications de la société’ ne saurait la priver de l’examen de sa demande.

Au regard des justificatifs produits par les parties, les frais professionnels sur le mois de décembre 2019 doivent être fixés à la somme de 1 065,60 euros correspondant à :

– 298,80 euros au titre des frais de restauration, conformément aux vérifications faites par le conseil de prud’hommes compte-tenu des doubles présentations de certaines factures par M. [V] sur lesquelles l’appelant ne s’explique pas

– 766,80 euros au titre des frais kilométriques

Pour autant, si les montants des indemnités kilométriques sollicités sur les autres mois de la relation contractuelle n’appellent pas d’observations particulières de l’employeur, les notes de frais de repas ont cependant été établies de manière erronée par M. [V], lequel a pu ainsi présenter des factures identiques sur deux mois différents ou des factures sans le justificatif des personnes concernées et sur des dates (samedi midi et soir, ou soir de semaine) n’établissant pas ou ne laissant pas présumer que les frais ainsi engagés l’aient été pour les besoins de la SAS Lustral.

Si M. [V] conteste cette appréciation des premiers juges que la cour adopte, il ne démontre cependant pas que de telles dépenses auraient été générées pour les besoins de son activité professionnelle et entreraient dans le champ des frais pris en charge contractuellement, dans la limite de 1 500 euros mensuels.

Seront cependant maintenues à la charge de l’employeur les frais de restauration du midi ‘sans justificatif’ pour les mois de juin et novembre 2019, dès lors que les sommes concernées demeurent modestes et que l’employeur, en les acquittant sans solliciter plus d’observations de son salarié, n’a manifestement pas remis en cause en son temps leur caractère professionnel. Seront cependant exclues les notes du Chateau de Germigney ( 160,88 euros) et du Bistrot Rétro ( 104 euros), en totale disproportion avec les frais habituellement engagés par ce salarié.

Au regard du décompte présenté par la SAS Lustral dans sa pièce 34 et déduction faite desdits remboursements sans justificatif, l’employeur a indument versé la somme de 2 708,76 euros.

Après compensation entre les parties des deux créances, M. [V] demeure débiteur de la somme de 1 643,16 euros.

Il y a donc lieu d’infirmer le jugement entrepris et de condamner M. [V] à payer à la SAS Lustral cette somme en remboursement des sommes indument perçues.

Le jugement entrepris sera confirmé en ce qu’il a débouté M. [V] de sa demande de dommages et intérêts pour retard dans l’exécution par l’employeur de ses obligations, la SAS Lustral n’étant pas débitrice de ce dernier au regard du décompte ci-dessus fait.

– sur l’exécution déloyale du contrat de travail :

Aux termes de l’article L 1222-1 du code du travail, le contrat de travail doit être exécuté de bonne foi.

En l’espèce, si M. [V] invoque la mauvaise foi de la SAS Lustral, ce dernier ne démontre cependant pas que l’employeur l’aurait ‘ mis devant le fait accompli’ lors de la signature du contrat de travail à durée déterminée, lui aurait fait croire que le contrat avait vocation à perdurer et aurait rompu unilatéralement la relation contractuelle au 27 décembre 2019.

Les motifs ci-dessus détaillés démontrent au contraire que M. [V] a bénéficié d’un contrat de travail à durée déterminée parfaitement régulier, qu’il n’a jamais été entretenu dans l’idée que ce contrat ouvrirait droit à un contrat à durée indéterminée et qu’il n’a pas été confronté à la rupture abusive de son contrat de travail, ce dernier ayant été rompu, certes dans un contexte de tensions indéniables entre le salarié et son employeur, mais à son terme.

L’exécution déloyale par l’employeur de ses obligations n’est en conséquence pas démontrée.

Le jugement entrepris sera en conséquence confirmé en ce qu’il a débouté M. [V] de ce chef de demande.

Quant à l’exécution déloyale que reproche à hauteur d’appel la SAS Lustral à M. [V], les éléments ci-dessus retenus mettent en exergue que ce salarié a manifestement déclaré de manière erronée les frais qu’il engageait aux fins de majorer indûment ses remboursements.

Pour autant, la responsabilité pécuniaire du salarié à l’égard de l’employeur ne peut être engagée qu’en cas de faute lourde, laquelle suppose l’intention de nuire à l’entreprise ( Cass soc 3 février 2021 n° 19-24 102), intention qui n’est en l’état pas démontrée et qui ne saurait au surplus résulter de l’exécution de la cession du Groupe Orchestrals Service , sans lien avec le présent contrat de travail.

La SAS Lustral sera déboutée de sa demande de dommages et intérêts présentée sur ce fondement à l’encontre de M. [V].

– sur la procédure abusive :

Aux termes de l’article 1240 du code civil, tout fait de l’homme qui cause à autrui un dommage oblige celui par la faute duquel il est arrivé à le réparer, à charge pour le demandeur de rapporter la preuve d’une faute, d’un préjudice et d’un lien de causalité.

En l’espèce, si la SAS Lustral soulève le caractère abusif de la présente procédure, cette dernière s’inscrit cependant dans un contentieux certain opposant M. [V] à la SAS Lustral depuis la réalisation de la transmission de patrimoine de la société Groupe Orchestral Services, lequel pouvait légitimement conduire le salarié à soumettre à la juridiction prud’homale les conditions de la conclusion et de la rupture de son contrat de travail, ainsi que les modalités financières l’assortissant.

L’accès au juge demeure par ailleurs un droit protégé par l’article 6 de la convention de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales, dont l’usage ne saurait dégénérer en abus du seul fait que la partie a présenté une interprétation erronée des stipulations contractuelles ou a commis des manquements dans ses propres obligations.

Le jugement entrepris sera en conséquence confirmé en ce qu’il a débouté la SAS Lustral de sa demande de dommages et intérêts pour procédure abusive.

– sur les autres demandes :

Le jugement entrepris sera confirmé en ce qu’il a statué sur les dépens et les frais irrépétibles.

Partie perdante, M. [V] supportera les dépens d’appel et sera condamné à payer à la SAS Lustral la somme de 2 000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS

La cour, statuant par arrêt contradictoire mis à disposition au greffe, après débats en audience publique et après en avoir délibéré,

Confirme le jugement du conseil de prud’hommes de Besançon du 26 mai 2021, sauf en ce qu’il a débouté la SAS Lustral de sa demande reconventionnelle en restitution des sommes indûment versées au titre des notes de frais et a condamné la SAS Lustral à payer à M. [V] la somme de 348 euros au titre du solde des frais exposés au mois de décembre 2019

Statuant à nouveau des chefs infirmés et y ajoutant :

Condamne, après compensation avec les sommes dues au salarié au titre de la note de frais de décembre 2019, M. [M] [V] à payer à la SAS Lustral la somme de 1 643,16 euros en répétition des frais indument remboursés entre janvier et décembre 2019

Déboute la SAS Lustral de sa demande de dommages et intérêts pour exécution déloyale du contrat de travail

Condamne M. [M] [V] à payer à la SAS Lustral la somme de 2 000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile

Déboute M. [M] [V] de sa demande présentée sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile

Condamne M. [M] [V] aux dépens d’appel.

Ledit arrêt a été prononcé par mise à disposition au greffe le treize septembre deux mille vingt deux et signé par Christophe ESTEVE, Président de chambre, et Mme MERSON GREDLER, Greffière.

LA GREFFIÈRE,LE PRÉSIDENT DE CHAMBRE,

 


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