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Cession d’actions : 15 septembre 2022 Cour d’appel de Grenoble RG n° 21/01117

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Cession d’actions : 15 septembre 2022 Cour d’appel de Grenoble RG n° 21/01117

N° RG 21/01117 – N° Portalis DBVM-V-B7F-KY3E

C8

Minute N°

Copie exécutoire

délivrée le :

la SELARL CADRA

Me Fabrice BARICHARD

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D’APPEL DE GRENOBLE

CHAMBRE COMMERCIALE

ARRÊT DU JEUDI 15 SEPTEMBRE 2022

Appel d’un jugement (N° RG 2019J145)

rendu par le Tribunal de Commerce de GRENOBLE

en date du 15 janvier 2021

suivant déclaration d’appel du 02 mars 2021

APPELANTE :

S.A.R.L. P2H immatriculée au Registre du Commerce et des sociétés de GRENOBLE, sous le numéro 800 499 204 RCS GRENOBLE, représentée par son gérant en exercice, domicilié es qualités audit siège.

[Adresse 5]

[Localité 2]

représentée et plaidant par Me Jean-Pascal CHAZAL de la SELARL CADRA, avocat au barreau de la DROME,

INTIMÉ :

M. [R] [U]

né le 30 Novembre 1953 à [Localité 4]

de nationalité Française

[Adresse 3]

[Localité 1]

représenté et plaidant par Me Fabrice BARICHARD, avocat au barreau de GRENOBLE

COMPOSITION DE LA COUR :

LORS DES DÉBATS ET DU DÉLIBÉRÉ :

Mme Marie-Pierre FIGUET, Présidente,

Mme Marie-Pascale BLANCHARD, Conseillère,

M. Lionel BRUNO, Conseiller,

Assistés lors des débats de Madame Sarah DJABLI, Greffier placé.

DÉBATS :

A l’audience publique du 25 mai 2022, Mme FIGUET, Présidente, a été entendue en son rapport,

Les avocats ont été entendus en leurs conclusions et plaidoiries,

Puis l’affaire a été mise en délibéré pour que l’arrêt soit rendu ce jour,

EXPOSE DU LITIGE

Par acte sous seing privé du 28 mars 2014, monsieur [R] [U], madame [I] [O] épouse [U], madame [N] [U] et monsieur [M] [T] ont cédé à la société P2H la totalité des titres composant le capital social de la société PACO DIFFUSION moyennant le prix de 600.000 € payé comptant par un chèque de 388.660,19 € à monsieur [R] [U] qui détenait 6.672 actions, un chèque de 71.067,96 € à madame [I] [O] épouse [U] qui détenait 1.220 actions, un chèque de 138.407,77 € à madame [N] [U] qui détenait 2.376 actions et un chèque de 1.864,08 € à monsieur [M] [T] qui détenait 32 actions.

L’acte prévoyait un complément de prix devant être versé en fonction des résultats futurs de la société au cours des exercices clos le 30 septembre 2014, le 30 septembre 2015 et le 30 septembre 2016 dans les conditions suivantes :

– si le résultat net comptable moyen des trois exercices ci-dessus est supérieur de 20% au moins au résultat net de référence, le complément de prix sera égal à 250.000 €,

– si le résultat net comptable moyen des trois exercices ci-dessus est supérieur de 10% au moins au résultat net de référence, tout en restant inférieur à 20 % dudit résultat, le complément de prix sera égal à 187.500 €,

– si le résultat net comptable moyen des trois exercices ci-dessus est inférieur à 10% du résultat net de référence tout en restant supérieur ou égal au résultat net de référence, le complément de prix sera égal à 87.500 €,

– si le résultat net comptable moyen des trois exercices ci-dessus est inférieur au résultat net de référence, aucun complément de prix ne sera dû.

Le résultat net de référence était fixé à la somme de 107.000 €.

Suivant avenant du 30 mars 2015, il a été stipulé que le complément de prix sera dû à monsieur [R] [U].

Au vu d’un résultat net comptable de 153.061,38 € au 30 septembre 2014 et de 114.566,62 € au 30 septembre 2015, la société P2H a versé à monsieur [R] [U] un acompte de 93.399,59 € en 2014 et de 33.809,79 € en 2015.

Par courrier du 28 mars 2017, la société P2H a indiqué à monsieur [R] [U] que le résultat net comptable de l’exercice clos au 30 septembre 2016 était de 82.479 €, soit une hausse de 9,06 % sur la moyenne des 3 ans par rapport au résultat net de référence. Elle a donc sollicité la restitution de la somme de 39.709,38 €.

Monsieur [R] [U] a contesté le résultat du dernier exercice au motif que le calcul des provisions du stock a changé au cours de cet exercice.

Sur saisine de monsieur [R] [U], par ordonnance du 13 février 2018, la juridiction des référés a désigné en qualité d’expert monsieur [R] [H] pour déterminer le complément de prix dû à monsieur [R] [U].

L’expert a déposé son rapport le 21 novembre 2018.

Par acte d’huissier du 2 avril 2019, Monsieur [R] [U] a assigné la société P2H devant le tribunal de commerce de Grenoble en paiement du complément de prix.

Par jugement du 15 janvier 2021, le tribunal de commerce de Grenoble a :

– jugé les demandes de Monsieur [U] recevables et bien fondées,

– constaté que les parties ont convenu d’une procédure contractuelle de détermination du prix en vertu de l’article 1592 du code civil,

– constaté qu’une expertise judiciaire a été ordonnée au sens de l’article 143 du code de procédure civile pour déterminer le complément de prix,

– constaté qu’aucune des parties n’a contesté en la forme et le délai requis la procédure ordonnée par le juge, donnant force de loi aux parties cette demande d’expertise au sens de l’article 143 du code de procédure civile,

– entériné le rapport d’expertise,

– dit que l’expert n’a pas outrepassé sa mission,

– jugé que le complément de prix doit être fixé à 250 000 euros,

– condamné la société P2H à payer à Monsieur [R] [U] la somme de 122.790.62 euros en paiement du complément de prix outre les intérêts au taux légal à compter du jour de l’assignation et capitalisés dans les conditions de l’article 1343-2 du code civil,

– jugé qu’il n’y a pas eu dol de la part de Monsieur [R] [U],

– rejeté toutes les autres demandes de la société P2H,

– condamné la société P2H à payer à Monsieur [U] la somme de 7 000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile ainsi qu’aux entiers dépens y compris les frais d’expertise engagés pour la cause,

– liquidé les dépens de l’instance à la somme inscrite en première page au titre des frais de greffe.

Par déclaration du 2 mars 2021, la société P2H a interjeté appel du jugement du 15 janvier 2021 en ce qu’il a :

– jugé les demandes de Monsieur [U] recevables et bien fondées,

– entériné le rapport d’expertise,

– dit que l’expert n’a pas outrepassé sa mission,

– jugé que le complément de prix doit être fixé à 250 000 euros,

– condamné la société P2H à payer à Monsieur [R] [U] la somme de 122.790.62 euros en paiement du complément de prix outre les intérêts au taux légal à compter du jour de l’assignation et capitalisés dans les conditions de l’article 1343-2 du code civil,

– jugé qu’il n’y a pas eu dol de la part de Monsieur [R] [U],

– rejeté toutes les autres demandes de la société P2H,

– condamné la société P2H à payer à Monsieur [U] la somme de 7 000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile ainsi qu’aux entiers dépens y compris les frais d’expertise engagés pour la cause,

– liquidé les dépens de l’instance à la somme inscrite en première page au titre des frais de greffe.

Prétentions et moyens de la société P2H

Dans ses dernières conclusions remises le 26 novembre 2021, elle demande à la cour de :

– réformer le jugement en ce qu’il a :

* jugé les demandes de Monsieur [R] [U] recevables et bien fondées.

* entériné le rapport de l’expert,

* dit que l’expert n’a pas outrepassé sa mission,

* jugé que le complément de prix doit être de 250.000 €,

* condamné la société P2H à payer à Monsieur [R] [U] la somme de 122.790,62 € en paiement du complément de prix outre les intérêts au taux légal à compter du jour de l’assignation et capitalisés dans les conditions de l’article 1343-2 du code civil,

* jugé qu il n y a pas eu dol de la part de Monsieur [R] [U],

* rejeté toutes les autres demandes de la société P2H,

* condamné la société P2H à payer à Monsieur [R] [U] la somme de 7.000,00 € à titre d’indemnité sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile,

* condamné la société P2H aux entiers dépens y compris les frais d’expertise engagés pour la cause,

* liquidés les dépens de la présente instance à la somme indiquée au bas de la 1ère page de la présente décision,

Statuant à nouveau,

A titre principal,

– constater que les parties sont convenues d’une procédure contractuelle de détermination du complément de prix dans la convention de cession faisant application de l’article 1592 du code civil,

– constater qu’une expertise judiciaire, simple mesure d’instruction, a été ordonnée, et qu’aucun tiers estimateur au sens de l’article 1592 du code civil n’a été désigné,

– dire et juger en conséquence irrecevable l’action intentée par Monsieur [R] [U] à l’encontre de la société P2H,

A titre subsidiaire,

– constater qu’un rapport d’expertise demandé sur le fondement de l’article 143 du code de procédure civile n’a pas de force obligatoire entre les parties, et constitue une simple mesure d’instruction,

– dire et juger que l’expert a outrepassé sa mission et violé la loi contractuelle en abaissant le seuil de déclenchement du paiement du complément de prix, à savoir le résultat net comptable à hauteur de 107.000 €,

– dire en conséquence que ce dépassement de mission et que cette violation de la loi contractuelle constituent une erreur grossière,

– dire et juger en conséquence qu’après rectification des trois exercices comptables affectés par l’irrégularité constatée, à savoir les années 2014, 2015 et 2016, le complément de prix dû à [R] [U] est de 87.500 €,

– débouter Monsieur [R] [U] de toutes ses demandes,

A titre reconventionnel,

– dire et juger que [R] [U] a reçu, à titre d’acompte sur le complément de prix, un trop-perçu de 39.709,38 €,

– condamner [R] [U] à restituer la somme de 39.709,38 € à la société P2H, avec intérêts au taux légal à compter de la perception, et ce avec capitalisation,

– dire et juger que [R] [U] a commis un dol par réticence en présentant des comptes annuels de référence inexacts et irréguliers,

– condamner [R] [U] à indemniser les préjudices subis par la société P2H à raison de cette réticence dolosive,

– condamner [R] [U] à payer, à titre de dommages et intérêts à la société P2H, la somme de 162.250 €, et ce avec intérêts au taux légal avec capitalisation à compter de la demande,

– condamner [R] [U] à payer la somme de 15.000 € en application de l’article 700 du code de procédure civile ainsi qu’aux entiers dépens y compris les frais d’expertise.

Sur l’irrecevabilité de la demande, elle fait valoir :

– que le contrat de cession d’actions stipule qu’en cas de désaccord sur le résultat net moyen dans un délai de 4 mois et 30 jours, le montant du complément de prix est arrêté conformément aux dispositions de l’article 1592 du code civil, le défaut d’accord sur le nom de la personne chargé de déterminer le complément de prix devant entraîner la saisine du président du tribunal de commerce de Grenoble aux fins de désignation d’un tiers estimateur, statuant en la forme des référés, sans recours possible,

– que cette procédure n’a pas été suivie,

– que l’ordonnance du 13 février 2018 est une décision ordonnant une mesure d’expertise sur le fondement de l’article 143 du code de procédure civile

et non pas une décision désignant un tiers estimateur dont l’estimation lierait les parties au sens de l’article 1592 du code civil,

– que les modalités de rémunération de l’expert ont été déterminées comme en matière d’expertise judiciaire et l’expert a respecté les règles de procédure régissant l’expertise judiciaire,

– que l’avis émis par l’expert judiciaire ne lie pas le juge contrairement à l’estimation du tiers qui est obligatoire pour le juge et les parties,

– que le fait que le juge cite la convention de cession d’actions dans son dispositif ne change en rien le fondement de l’expertise qui est l’article 143 du code civil,

– que le tribunal a considéré à tort qu’une telle expertise pouvait fixer le prix sur le fondement de l’article 1592 du code civil,

– que le régime de l’estimation du prix par un tiers est complètement distinct de celui d’une expertise judiciaire,

– que dans ses conclusions, l’expert n’a pas estimé le prix mais a considéré que le complément de prix doit être fixé à 250.000 €,

– que dès lors, la procédure contractuelle de détermination de l’éventuel complément de prix n’a pas été respectée,

– qu’à défaut de respecter la procédure prévue par le contrat s’imposant aux parties, l’action en justice introduite prématurément ou en contradiction avec la procédure contractuelle est irrecevable.

Sur le mal fondé de la demande, elle expose :

– que l’expertise a montré que les comptes annuels de la société PACO DISTRIBUTION établis par Monsieur [R] [U] étaient irréguliers et inexacts en ce qu’ils ne comportaient aucune méthode comptable d’évaluation des stocks,

– que l’absence de dépréciation des stocks a faussé les comptes annuels antérieurs à la cession en surévaluant la rentabilité de la société,

– que l’expert a corrigé le résultat de référence alors que celui-ci avait été contractuellement fixé par les parties et que les conventions légalement formées ne peuvent être modifiées et s’imposent au juge et à fortiori à l’expert,

– que ce n’est qu’en abaissant le résultat de référence que l’expert a pu conclure que le complément de prix était de 250.000 €; qu’il est allé au-delà de sa mission,

– que la règle de la permanence comptable ne permettait pas à l’expert d’outrepasser sa mission et de retraiter les comptes annuels de 2013,

– que le tribunal n’a pas répondu sur ces points,

– que le retraitement effectué par l’expert revient à abaisser le seuil de déclenchement du complément de prix de 107.000 € à 81.783 € alors même que la société P2H a acquis les parts au vu de comptes annuels irréguliers et a donc payé un prix artificiellement surévalué en l’absence de provision pour dépréciation du stock.

S’il était considéré que le rapport d’expertise était une estimation au sens de l’article 1592 du code civil, la société P2H fait remarquer :

– que l’estimation est entachée d’erreurs grossières en ce que l’expert a porté atteinte au contrat en modifiant le résultat de référence et en allant au-delà de sa mission,

– qu’en présence d’une erreur grossière, la détermination du prix peut être remise en cause,

– que pour déterminer le complément du prix, il est possible de retraiter le résultat des exercices 2014, 2015 et 2016 en rejetant la modification du résultat de référence,

– que la moyenne des 3 derniers exercices n’étant pas supérieure à 10% du résultat net de référence, le complément de prix de Monsieur [R] [U] est de 87.500 € qui ont déjà été payés,

– que contrairement à ce qu’a conclu l’expert, il n’y a pas eu de changement de méthode comptable,

– que l’expert a seulement constaté que la société PACO DIFFUSION sous la direction de Monsieur [R] [U] ne pratiquait pas la dépréciation des stocks, ce qui n’est pas conforme aux règles de l’art, et que la nouvelle direction de la société PACO DIFFUSION a réalisé de façon correcte les dépréciations,

– qu’en considérant qu’il y a eu un prétendu changement de méthode, l’expert a commis une erreur grossière.

Elle indique que le complément de prix étant de 87.500 €, Monsieur [R] [U] doit lui restituer la somme indûment payée à hauteur de 39.709,38 €.

Sur sa demande fondée sur le dol, elle expose :

– que la garantie d’actif et de passif stipule que les comptes arrêtés à la date d’arrêté des comptes figurant en annexe ont été établis conformément aux normes comptables en vigueur et aux méthodes énoncées dans leur annexe,

– qu’afin de respecter le principe de prudence, il est nécessaire d’effectuer des provisions pour dépréciation des stocks; qu’à défaut les actifs sont surévalués et la valeur de la société artificiellement gonflée; que l’expert a indiqué que la méthode de dépréciation apparaît plus prudente et même nécessaire,

– que si l’expert a retraité les bilans 2014, 2015, 2016 et même 2013, c’est qu’il considérait que les comptes annuels de la société PACO DIFFUSION étaient irréguliers,

– que dès lors, les comptes antérieurs à la cession ne sont pas conformes aux réglementations comptables,

– que l’acquéreur a été induit en erreur sur la valeur réelle de la société et informé correctement, il n’aurait pas contracté dans les conditions dans lesquelles il l’a fait,

– que la rentabilité réelle est inférieure de 23,6 % par rapport à la rentabilité escomptée.

Prétentions et moyens de Monsieur [R] [U]

Dans ses dernières conclusions remises le 9 février 2022, il demande à la cour de :

– confirmer le jugement rendu en toutes ses dispositions, au besoin par substitution de motif,

– débouter la société P2H de toutes ses demandes,

Y ajoutant en cause d’appel,

– condamner la Société P2H au paiement à Monsieur [U] en cause d’appel d’une somme de 5 000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile, ainsi qu’aux entiers dépens.

Sur la recevabilité de sa demande, il expose:

– qu’il a saisi le président du tribunal en la forme des référés pour obtenir la désignation d’un expert sur le fondement des articles 1134 et 1592 du code civil,

– que l’expert a été nommé sur la base des dispositions contractuelles, le président du tribunal ayant mentionné que l’expertise est prévue contractuellement et ayant visé l’article 1134 du code civil,

– que la décision a bien nommé un expert comme le prévoit le contrat avec pour mission de fixer le complément de prix en respectant les stipulations contractuelles convenues et donc en qualité d’arbitre devant respecter le principe du contradictoire,

– que si le président du tribunal a visé de façon superfétatoire l’article 143 du code civil, l’expert a été désigné sur la base du contrat et dans le respect dudit contrat,

– que l’expertise ordonnée n’est pas une simple mesure d’instruction mais une décision nommant un expert comme le prévoit le contrat pour déterminer le complément de prix,

– que le fait que le juge a fixé une provision et a rendu une ordonnance de taxe est sans effet sur la nature de la mission de l’expert, la taxation des honoraires n’étant interdite par aucun texte,

– que l’expert a bien fixé le prix à la somme de 25.000 €, que l’emploi du terme ‘je considère’ est une réponse aux dires des parties et n’indique pas qu’il se contente de proposer un prix,

– que sa demande n’est pas irrecevable.

Sur le bien fondé des demandes, il indique :

– que le complément de prix déterminé par l’expert s’impose aux parties,

– que l’expert indique clairement qu’en 2016, il y a eu une nouvelle méthode comptable relative à la dépréciation des stocks en violation des stipulations contractuelles; que la société P2H a violé la règle de la permanence de la méthode comptable et l’expert a recalculé le prix dans le respect des stipulations contractuelles,

– que s’agissant de l’erreur grossière alléguée, ce n’est que dans le cadre d’une des hypothèses de calcul à la demande de la société P2H que l’expert a indiqué qu’il aurait fallu recalculer le bilan 2013 pour être cohérent; que dans tous les cas, le prix complémentaire est de 250.000 €,

– que l’expert a appliqué la même méthode comptable qu’en 2013 et respecté la législation comptable pour aboutir à sa conclusion,

– que l’acquéreur a décide de déprécier suivant une nouvelle méthode en 2016 et a dû réintégrer des provisions injustifiées en 2017,

– que l’expert a pu se convaincre que la société P2H a modifié volontairement la méthode de dépréciation du stock en 2016 dans le seul but de diminuer le complément de prix.

Sur la demande reconventionnelle de la société P2H fondée sur le dol, Monsieur [R] [U] fait valoir :

– que toute référence à la garantie d’actif et de passif est inopérante car celle-ci est prescrite,

– que l’audit réalisé par l’acquéreur n’a rien révélé d’anormal,

– que le prix a été fixé au regard de l’excellente santé financière de la société, de son importante trésorerie, de l’importance du chiffre d’affaire et de la constance des bénéfices,

– que monsieur [U] a déprécié au réel selon le caractère invendable ou non d’un produit et a évité tout risque de redressements fiscaux pour dépréciation fictive de stocks,

– que le stock était sincère au regard de sa valeur réelle,

– que si la société P2H a souhaité changé de méthode et mettre en place une méthode par roulement, cela ne signifie pas que les comptes des années antérieures ne sont pas fidèles et sincères à la réalité de l’entreprise,

– que seule la mauvaise gestion de l’acquéreur a entraîné l’abandon d’une partie des stocks de sa part,

– qu’au demeurant, les comptes ont été présentés en 2014 et 2015 avec la même méthode de dépréciation que celle de 2013 et ont été validés par l’expert-comptable et validées par le commissaire aux comptes,

– que le fait que l’expert indique que la nouvelle méthode mise en oeuvre en 2016 est plus prudente ne signifie pas que la précédente méthode n’était pas prudente et d’autre part que les comptes n’étaient pas sincères,

– que l’expert a rappelé que la dotation des provisions pour dépréciation des stocks n’est pas obligatoire mais utile si nécessaire ; qu’il n’a pas remis en cause les comptes des années antérieures,

– que la dépréciation ne peut pas être exacte à un euro près, que la différence minime de 15.000 € sur un stock de 515.000 € constatée 3 ans après l’évaluation initiale ne prouve aucun dol.

Pour le surplus des demandes et des moyens développés, il convient de se reporter aux dernières écritures des parties en application de l’article 455 du code de procédure civile.

La clôture de l’instruction a été prononcé le 5 mai 2022.

MOTIFS DE LA DECISION

A titre préliminaire, il convient de relever que les demandes tendant à voir ‘dire et juger ‘ ou ‘constater’ qui ne font que développer des moyens ne constituent pas des prétentions. Il n’y sera donc pas répondu dans le dispositif.

1) Sur la recevabilité de la demande de Monsieur [U]

Le contrat de cession du 28 mars 2014 stipule en son article 2-2 dans son paragraphe intitulé Complément de prix :

‘En cas de désaccord sur le résultat net moyen, ou sur tout montant d’acompte, les parties tenteront de résoudre amiablement leur désaccord.

A défaut d’accord dans les 30 jours suivant le délai de 4 mois énoncé ci-avant, le montant du complément de prix sera arrêté conformément aux dispositions de l’article 1592 du code civil, par un expert désigné, à défaut d’accord entre les parties sur le nom de l’expert dans un délai de 10 jours suivant l’expiration du délai de 30 jours mentionné ci-dessus, en référé par le président du tribunal de commerce de Grenoble, statuant en la forme des référés et sans recours possible.

L’expert ne pourra modifier les points faisant l’objet d’un accord des parties. Il devra respecter les principes comptables et les méthodes de détermination des résultats pratiquées par la société conformes aux principes et à la réglementation comptable française. Il devra veiller au respect du principe du contradictoire et notifier son rapport aux parties dans un délai de 3 mois suivant sa désignation.’

En application de l’article 1592 du code civil en vigueur lors de l’acte de cession, le prix de vente peut être laissé à l’arbitrage d’un tiers ; si le tiers ne veut ou ne peut faire l’estimation, il n’y a point de vente.

En l’espèce, par acte d’huissier délivré le 14 novembre 2017, Monsieur [R] [U] a assigné la société P2H devant le président du tribunal de commerce de Grenoble statuant en la forme des référés pour voir sur le fondement des articles 1134 et 1592 du code civil ordonner une expertise comptable aux fins de déterminer le résultat net de la société PACO DIFFUSION pour les années 2013/2014, 2014/2015 et 2015/2016 ainsi que le résultat net moyen de ladite société sur ces trois années et de nommer tel expert comptable qu’il plaira au président du tribunal.

Dès lors, contrairement à ce que soutient la société P2H, Monsieur [R] [U] a bien respecté les dispositions contractuelles imposant aux parties, à défaut d’accord entre elles sur le montant du complément de prix et sur le nom de l’expert, de saisir le président du tribunal de commerce de Grenoble, statuant en la forme des référés, aux fins de désignation d’un expert.

Même si l’acte de cession fait état de la désignation d’un expert et non d’un tiers arbitre, il se réfère expressément à l’article 1592 du code civil ce qui implique que la demande de désignation d’un expert en application des dispositions contractuelles constitue bien une demande de désignation d’un tiers arbitre ou estimateur au sens de l’article 1592 avec les effets qui s’y rattachent.

Dans son ordonnance du 13 février 2018, en réponse à l’irrecevabilité soulevée par la société P2H pour expiration des délais conventionnels pour agir, le président du tribunal de commerce a dit que la convention de cession d’actions du 28 mars 2014 ne fixe pas de délai pour saisir le président du tribunal de commerce de Grenoble, statuant en la forme des référés et a débouté la société P2H de sa demande d’irrecevabilité. Il s’en déduit que le président du tribunal a bien statué sur la demande de désignation d’un expert en ce qu’elle était fondée sur les dispositions contractuelles de l’acte du 28 mars 2014 qui se référaient à l’article 1592 du code civil.

Il a rappelé que la demande d’expertise est prévue contractuellement. Il a confié à l’expert la mission de déterminer le complément de prix dû à Monsieur [R] [U] en fonction des stipulations prévues à l’article 2.2 de la convention de cession d’actions.

Dès lors, la désignation de Monsieur [R] [H] aux fins de déterminer le complément de prix est bien celle prévue en application des dispositions contractuelles relatives au complément de prix se référant à l’article 1592 du code civil. Elle n’a pas été opérée sur le fondement de l’article 145 du code de procédure civile prévoyant la possibilité pour le juge des référés d’ordonner une expertise judiciaire.

La seule référence dans l’ordonnance du 13 février 2018 à l’article 143 du code de procédure civile disposant que les faits dont dépend la solution du litige peuvent être l’objet de toute mesure d’instruction ne saurait changer le fondement de la désignation de Monsieur [R] [H] sollicitée de façon claire et précise sur le fondement des articles 1134 et 1592 du code civil d’autant que l’ordonnance se réfère expressément à l’article 1134.

Le fait que le président a fixé une provision à valoir sur la rémunération de l’expert, mis cette avance à la charge de Monsieur [R] [U] et la société H2O pour moitié chacun et taxé la rémunération au montant de la provision ne permet pas non plus d’en déduire qu’il s’agit d’une expertise judiciaire ordonnée dans le cadre des pouvoirs du juge des référés dès lors que le contrat de cession ne contient aucune stipulation s’agissant de la rémunération de l’expert désigné et qu’il appartenait alors au juge dans le cadre de la désignation d’en fixer les modalités.

Par ailleurs, le respect du principe du contradictoire dans les opérations d’expertise imposé par le président du tribunal de commerce au tiers expert ne peut changer le fondement de la désignation du tiers estimateur, étant observé que l’acte de cession stipule que l’expert devra veiller au respect du principe du contradictoire.

Dans son rapport, Monsieur [R] [H] a déterminé le complément de prix en le fixant à la somme de 250.000 euros répondant ainsi à sa mission de détermination du complément du prix. L’emploi des termes ‘je considère’ ne permet pas de qualifier cette détermination du complément de prix de simple avis, le tiers estimateur étant particulièrement ferme dans sa détermination du prix après avoir répondu aux dires dans le respect du principe du contradictoire.

En conséquence, contrairement à ce que soutient la société H2O, Monsieur [R] [H] a bien respecté la procédure contractuelle de détermination du prix prévue à l’acte de cession du 28 mars 2014 en sollicitant et en obtenant du président du tribunal de commerce de Grenoble la désignation d’un expert tiers estimateur.

La décision du tribunal sera confirmée en ce qu’elle a déclaré recevables les demandes de Monsieur [R] [U] par substitution de motifs.

2) Sur le montant du complément du prix

Le montant fixé par le tiers expert ne peut être contesté qu’en présence d’une erreur grossière commise par le tiers.

Le contrat de cession du 28 mars 2014 stipule en son article 2-2 dans son paragraphe intitulé Complément de prix :

‘ Les comptes et le résultat net moyen des trois exercices 2014 à 2016 inclus servant de référence au calcul du complément de prix seront arrêtés contradictoirement par les parties selon les mêmes méthodes que celles appliquées au titre de l’exercice de référence et conformément à la réglementation et à la législation comptables applicables.

(…) L’expert ne pourra modifier les points faisant l’objet d’un accord des parties. Il devra respecter les principes comptables et les méthodes de détermination des résultats pratiquées par la société conformes aux principes et à la réglementation comptable française.’

Il en résulte que pour le calcul du complément de prix, les comptes doivent être arrêtés en respectant le principe de la permanence des méthodes. Par ailleurs, le droit comptable ne rend obligatoire la constitution de provision que si elle s’avère nécessaire à la bonne présentation des comptes et au respect de l’image fidèle des comptes.

L’expert a relevé que dans les bilans arrêtés au 30 septembre 2013, au 30 septembre 2014 et au 30 septembre 2015, le montant de la provision pour dépréciation des stocks était de 35.000 euros.

Monsieur [U] a indiqué que la dépréciation portait uniquement sur les articles et lots qu’il ne pensait pas pouvoir revendre ultérieurement. L’expert a reçu la justification de cette dépréciation de stock de 35.000 euros portant sur deux lots. Il en conclut que la méthode retenue était une non dépréciation des stocks en dehors de deux lots, méthode au demeurant retenue par la société H2O pour les exercices arrêtés au 30 septembre 2014 et au 30 septembre 2015.

Dans le bilan arrêté au 30 septembre 2016, l’expert a noté la mise en place d’une politique de dépréciation basée sur la vitesse d’écoulement des produits en stock, cette méthode de dépréciation étant précisée dans l’annexe des comptes arrêtés au 30 septembre 2026. L’expert a relevé que le stock a alors été déprécié à hauteur de 103.164 euros ; que l’exercice arrêté au 30 septembre 2016 s’est alors vu imputer d’une provision de 103.164 euros au lieu de 35.000 euros sur les autres exercices et que ce changement de méthode a fait diminuer le résultat de l’exercice, la moyenne pour le complément de prix et en conséquence le complément de prix pour un montant de 165.000 euros.

Il a indiqué que si la nouvelle méthode de dépréciation paraît plus prudente, la méthode précédente n’était pas illégale et avait d’ailleurs été reprise par la société H2O pour les exercices arrêtés au 30 septembre 2014 et au 30 septembre 2015. Il a considéré que la méthode appliquée en 2016 ne constitue pas une correction d’erreur qui aurait alors fait l’objet d’une présentation spécifique dans les comptes.

La société H2O produit l’avis d’un ancien expert comptable, Monsieur [W], qui considère qu’il n’y a pas eu de changement de méthode pour la détermination des comptes clos le 30 septembre 2016 mais une simple évolution du montant de la provision pour dépréciation des stocks dès lors que ni l’expert-comptable de la société H2O, ni le commissaire aux comptes, en tant que professionnel du chiffre, ne relèvent de changement de méthode.

Ce seul avis n’est pas de nature à établir que Monsieur [H] a commis une erreur grossière en considérant qu’il y a eu un changement de méthode.

Le complément de prix ne pouvait être calculé qu’en respectant le principe de permanence des méthodes. En retraitant l’exercice 2016, mission qui lui avait été confiée, dans le respect de la permanence des méthodes, l’expert en a déduit un complément de prix de 250.000 euros.

En retraitant, dans le cadre d’une autre hypothèse, les exercices 2014 et 2015 selon la méthode appliquée en 2016 à la dépréciation des stocks, mais également l’exercice 2013, exercice de référence, selon le principe de la permanence des méthodes, l’expert a abouti également à un complément de prix de 250.000 euros.

Si le résultat net de référence a été fixé par les parties à une somme déterminée dont la convention ne prévoyait pas la modification pour calculer le complément de prix, ce n’est que pour explorer l’intégralité des possibilités et afin de respecter le principe de la permanence des méthodes que l’expert a effectué le retraitement de l’exercice 2013.

En tout état de cause, ce calcul est indifférent puisqu’il ne modifie pas le montant du complément de prix fixé en retraitant l’exercice 2016 dans le respect des règles contractuelles.

Aucune erreur grossière n’est caractérisée. Le jugement doit être confirmé en ce qu’il a dit que le complément de prix est de 250.000 euros et a condamné la société P2H à payer à Monsieur [R] [U] la somme de 122.790, 62 euros en paiement du complément de prix outre intérêt à compter de l’assignation et capitalisation des intérêts.

3) Sur le dol

Aux termes de l’article 1116 du code civil dans sa rédaction applicable lors de la conclusion du contrat, le dol est une cause de nullité de la convention lorsque les manoeuvres pratiquées par l’une des parties sont telles qu’il est évident que sans ces manoeuvres l’autre partie n’aurait pas contracté.Il ne se présume pas et doit être prouvé.

Il doit être démontré que son auteur a agi intentionnellement pour tromper son cocontractant et le déterminer ainsi à conclure

La société P2H soutient qu’en ne procédant pas à des provisions pour dépréciation, les cédants n’étaient pas en conformité avec la réglementation comptable et ont volontairement dissimulé la réalité des comptes à l’acquéreur, induisant celui-ci en erreur quant à la valeur réelle de la société.

Dans son rapport, répondant aux observations des parties, Monsieur [H] a précisé que le droit comptable ne rend pas obligatoire la constitution d’une provision mais qu’elle doit être dotée si cela s’avère nécessaire à la bonne présentation des comptes. Il a relevé que la méthode retenue avant la cession était une non dépréciation des stocks en dehors de deux lots, méthode au demeurant retenue par la société H2O pour les exercices arrêtés au 30 septembre 2014 et au 30 septembre 2015.

Sur interrogation de l’expert, Monsieur [U] a soutenu qu’une provision n’était pas nécessaire à une fidèle présentation des comptes, la bonne santé financière de la société attestant de l’absence de perte latente dans les stocks. Il a indiqué que seuls étaient dépréciés les produits qu’il pensait ne pas pouvoir revendre immédiatement ce qui explique la dépréciation forfaitaire de 35.000 euros portant sur deux lots, justifiée par la production d’un détail du stock par fournisseurs.

L’expert estimateur [H] a conclu qu’une présentation plus prudente des comptes au 30 septembre 2013 peut se poser sans toutefois affirmer que lesdits comptes n’étaient pas en conformité avec la réglementation comptable. Le rapport rédigé par Monsieur [W] et produit par la société H2O n’établit pas non plus que les comptes arrêtés au 30 septembre 2013 ne sont pas conformes aux règles comptables. Monsieur [W] a au contraire mentionné: ‘La méthode appliquée pendant tous ces exercices ne peut pas être illicite’.

Comme relevé par le tribunal, la méthode d’absence de dépréciation à l’exception d’une dépréciation forfaitaire sur deux lots a toujours été utilisée avant la vente et avant l’évaluation de l’entreprise.

Il n’est donc pas rapporté la preuve que Monsieur [U] a présenté faussement les comptes en vue de tromper son cocontractant et le déterminer à conclure.

Aucun dol n’étant caractérisé, le jugement sera confirmé en ce qu’il a rejeté la demande de dommages et intérêts pour dol formée par la société P2H.

La société P2H qui succombe dans son appel en supportera les entiers dépens et devra payer à Monsieur [R] [U] la somme de 4.000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS

La Cour statuant publiquement, contradictoirement, par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du Code de procédure civile, après en avoir délibéré conformément à la loi,

Confirme le jugement déféré en ses dispositions soumises à la cour.

Y ajoutant,

Condamne la société P2H aux entiers dépens d’appel.

Condamne la société P2H à payer à Monsieur [R] [U] la somme de 4.000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile.

SIGNÉ par Mme FIGUET, Présidente et par Mme RICHET, Greffière à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

La GreffièreLa Présidente

 


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