Nullité de dessin et modèle : 13 avril 2022 Cour de cassation Pourvoi n° 20-16.566

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Nullité de dessin et modèle : 13 avril 2022 Cour de cassation Pourvoi n° 20-16.566

COMM.

CH.B

COUR DE CASSATION
______________________

Audience publique du 13 avril 2022

Rejet non spécialement motivé

M. RÉMERY, conseiller doyen
faisant fonction de président

Décision n° 10259 F

Pourvoi n° V 20-16.566

R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________

DÉCISION DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, FINANCIÈRE ET ÉCONOMIQUE, DU 13 AVRIL 2022

La société Chirurgiens-Dentistes [B] et autres, société civile professionnelle, dont le siège est [Adresse 2], a formé le pourvoi n° V 20-16.566 contre l’arrêt rendu le 27 février 2020 par la cour d’appel de Versailles (3e chambre), dans le litige l’opposant à la société Dentsply Sirona France, société par actions simplifiée, dont le siège est [Adresse 1], anciennement dénommée société Dentsply France HI, défenderesse à la cassation.

La société Dentsply Sirona France a formé un pourvoi incident additionnel éventuel contre le même arrêt.

Le dossier a été communiqué au procureur général.

Sur le rapport de Mme Fontaine, conseiller, les observations écrites de la SCP Fabiani, Luc-Thaler et Pinatel, avocat de la société Chirurgiens-Dentistes [B] et autres, de la SCP Alain Bénabent, avocat de la société Dentsply Sirona France, après débats en l’audience publique du 1er mars 2022 où étaient présents M. Rémery, conseiller doyen faisant fonction de président, Mme Fontaine, conseiller rapporteur, Mme Vaissette, conseiller, Mme Henry, avocat général, et Mme Mamou, greffier de chambre,

la chambre commerciale, financière et économique de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu la présente décision.

1. Le moyen de cassation du pourvoi principal annexé, qui est invoqué à l’encontre de la décision attaquée, n’est manifestement pas de nature à entraîner la cassation.

2. En application de l’article 1014, alinéa 1er, du code de procédure civile, il n’y a donc pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ce pourvoi.

EN CONSÉQUENCE, et sans qu’il y ait lieu de statuer sur le pourvoi incident additionnel qui est éventuel, la Cour :

REJETTE le pourvoi principal ;

Condamne la société Chirurgiens-Dentistes [B] et autres aux dépens ;

En application de l’article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;

Ainsi décidé par la Cour de cassation, chambre commerciale, financière et économique, et prononcé par le président en son audience publique du treize avril deux mille vingt-deux.

MOYENS ANNEXES à la présente décision

Moyen produit AU POURVOI PRINCIPAL par la SCP Fabiani, Luc-Thaler et Pinatel, avocat aux Conseils, pour la société Chirurgiens-Dentistes [B] et autres.

Le moyen fait grief à l’arrêt infirmatif attaqué d’AVOIR débouté la SCP [B] de toutes ses demandes,

AUX MOTIFS QUE ” L’action en indemnisation liée à la garantie des vices cachés suppose la preuve d’un vice caché au sens de l’article 1641 du code civil, soit d’un défaut inhérent à la chose, rendant la chose impropre à l’usage auquel on la destine ou diminuant tellement cet usage que l’acheteur ne l’aurait pas acquise ou n’en aurait donné qu’un moindre prix s’il l’avait connu, antérieur à la vente, et d’un lien de causalité entre les vices allégué et le préjudice. La charge de la preuve incombe à l’acquéreur.
Au terme de leur mission destinée à déterminer l’existence de défauts affectant les implants ayant connu des incidents et d’exclure l’imputabilité de ces incidents à une mauvaise utilisation par le praticien, les experts ont conclu à l’absence de défaut des matériels au sens des normes applicables en notant, sur la base d’examens métallurgiques, que le matériau utilisé est conforme, que la matière des piliers est saine et que les éléments ne présentent pas de défauts de surface. Cette conclusion n’est pas remise en cause.
En revanche, ils ont relevé que les ruptures constatées sont toutes des ruptures de fatigue, survenant à la base du filetage de la vis, et que la conception des matériels les rend sensibles à l’apparition de phénomènes de fatigue expliquant ces incidents.
Pour conclure ainsi à une erreur de conception, les experts ont fondé leur avis sur le dessin des piliers. Ils observent que celui-ci fait jouer un rôle essentiel pour la bonne tenue mécanique à la qualité de la connexion entre les deux cônes emboités présents sur le pilier et l’implant, que la connexion doit être intime pour que les efforts axiaux et transverses exercés sur la partie supérieure de la prothèse soient correctement transmis à l’implant et à l’os et qu’il suffit qu’elle ne le soit plus, à raison d’un léger desserrage ou dévissage, pour que les efforts ne transitent plus par le double cône et portent directement sur la vis qui se rompt.
Mais, ni dans le corps de leur rapport, ni dans leur réponse aux dires, les experts ne caractérisent précisément en quoi le dessin litigieux, notamment au niveau de la ‘connexion’ et du ‘cône’ ci-dessus évoqués, présenterait des zones de fragilité et favoriserait l’apparition de phénomènes de fatigue, sauf à l’affirmer.
En outre, comme le relève à juste titre la société Dentsply, cet avis n’est étayé par aucun test mécanique ou de résistance. Il ne s’appuie pas davantage sur des considérations scientifiques portant sur l’exercice des ‘efforts’ en présence au regard de la configuration en cause.

Par ailleurs, les experts soulignent que dans la quasi-totalité des cas litigieux, la fracture résulte à l’origine d’un desserrement et relèvent qu’outre le design prothétique pouvant présenter des points de faiblesse, plusieurs paramètres peuvent intervenir dans le processus de desserrage : les parafonctions, en particulier le bruxisme, les surcharges occlusales dues à une mauvaise répartition des forces, l’anatomie proprement dite de la prothèse sur implants, une force de serrage initiale trop ou pas assez importante, l’absence de contrôle occlusal dans le temps, l’implantation non optimale. Autrement dit, selon les experts eux-mêmes, d’autres causes que l’erreur de conception envisagée peuvent être à l’origine des fractures constatées.
Or, la société Dentsply se prévaut précisément de causes étrangères tenant à la pratique de l’opérateur et les experts ont du reste écarté 18 dossiers pour de tels motifs.
En effet, l’expert clinicien indique n’avoir pu se prononcer de façon formelle sur un certain nombre d’incidents : ‘9 dossiers patient laissent apparaître une insuffisance de prise en compte du contexte occlusal et 9 autres ne pouvant justifier un contrôle clinique régulier des restaurations prothétiques sur implants, ce qui pourrait expliquer la survenue des incidents’. Il ne retient in fine que 9 dossiers dans lesquels il n’a constaté aucun paramètre clinique et/ou choix thérapeutique ayant pu en être la cause.
S’agissant des 18 dossiers écartés par les experts, les éléments se rapportant à chaque patient invoqué par la SCP [B] ne sont pas susceptibles de remettre en cause l’avis des experts puisqu’ils n’ont pas modifié leur réponse à la suite de ses dires en faisant état.
S’agissant des 9 autres dossiers, il convient de souligner que l’expert clinicien précise n’avoir relevé aucun paramètre clinique et/ou choix thérapeutique pouvant intervenir de façon ‘iatrogène’ sur les dispositifs médicaux mis en cause, ‘en fonction des éléments communiqués’. Les experts concluent que dans ces 9 cas, ‘il n’est pas exclu que la conception fragile du pilier soit le paramètre essentiel responsable des dévissages et des fractures’.
Mais outre que, comme le fait valoir la société Dentsply, cette formulation constitue celle d’une hypothèse, non d’une certitude, force est de constater que les experts se sont prononcés sur la base des dossiers communiqués par la SCP [B] dont ils ont admis, dans la réponse aux dires de la société Dentsply, qu’ils n’étaient pas exhaustifs. S’ils ont ajouté que le biais partiel pouvant en résulter est compensé par le nombre important de dossiers cliniques communiqués en rapport avec les incidents, ce raisonnement ne peut être suivi dès lors que 9 dossiers seulement ont été en définitive retenus par les experts et qu’ils ont eux-mêmes souligné l’importance des facteurs propres à chaque patient et à chaque traitement dans la survenue des incidents. Le caractère incomplet des dossiers, dont la société Dentsply a déploré en particulier qu’ils ne comprennent pas de radiographie 3D et de photographies du contexte occlusal permettant d’évaluer le volume osseux du patient, prive de pertinence les conclusions des experts s’agissant de ces 9 dossiers, d’autant qu’ils n’ont pas répondu aux observations de la société Dentsply faisant valoir de manière détaillée pour plusieurs de ces patients des incohérences, négligences ou pratique défaillante au vu des dossiers même incomplets. Il s’ensuit que rien n’exclut que les incidents constatés dans ces dossiers soient imputables à des causes autres qu’un vice de conception.
En définitive, les experts se bornent à relever une confirmation indirecte de leur diagnostic par deux éléments : la modification apportée à son dessin par le concepteur en introduisant à la base du cône du pilier une petite partie cylindrique visant, selon eux, à assurer un meilleur maintien de la transmission des efforts entre le pilier et l’implant et l’absence de description de problèmes de dévissage dans les dossiers des patients à la suite du remplacement des piliers litigieux par le nouveau modèle.
Mais cet avis sur le nouveau dessin n’est pas davantage étayé par des considérations scientifiques précises ou des tests des experts, lesquels disent d’ailleurs que cette modification ‘laisse à penser que des progrès étaient souhaitables’, ce qui ne traduit pas l’expression d’une certitude.
La société Dentsply conteste pour sa part toute modification en raison d’une résistance insuffisante du modèle en cause et produit un rapport sur des tests de fatigue du 6 mars 2008 selon lequel le pilier litigieux est nettement plus résistant que le précédent dont le docteur T. ne s’est jamais plaint.
La résistance insuffisante du modèle litigieux ne saurait être établie par les courriels ou rapport provenant de quatre praticiens produits par la SCP [B] évoquant les mêmes difficultés que celles dénoncées par elle. En effet, la société Dentsply fournit quant à elle un courriel et une lettre émanant de deux autres praticiens, dont l’un est titulaire de D.U. d’implantologie et de chirurgie pré et péri-implantaire, enseignant à l’université, disant au contraire avoir fait nombre de poses du dispositif litigieux sans avoir rencontré de fractures, sauf une fois en raison d’une perte osseuse.
Il n’y a pas lieu d’écarter ces éléments au motif des liens unissant lesdits praticiens à la société Dentsply dans la mesure où la SCP [B] ne justifie pas de la nature précise de ces liens en l’état des pièces communiquées par elle et non écartées des débats. Surtout, le rapport d’expertise établit que les fractures peuvent en tout état de cause avoir d’autres origines qu’une erreur de conception, notamment des manquements des praticiens.
Quant à l’absence de survenue de nouveaux incidents à la suite du remplacement des piliers litigieux par le nouveau modèle relevé par les experts dans les dossiers, elle est insuffisante à justifier du défaut de conception allégué du modèle litigieux au regard du faible nombre de dossiers finalement retenus par les experts, de leur caractère incomplet et des autres paramètres pouvant expliquer les dévissages initiaux.
L’existence du vice caché allégué, soit d’un défaut de conception des matériels à l’origine des incidents non concernés par la prescription, n’est ainsi démontrée ni par le rapport d’expertise, ni par les pièces produites. La SCP [B] sera déboutée de ses demandes d’indemnisation au titre des divers préjudices invoqués, sans qu’il y ait lieu d’ordonner une nouvelle expertise dès lors qu’une mesure d’instruction ne peut être ordonnée pour suppléer la carence des parties dans l’administration de la preuve et qu’il incombait à la SCP [B] de communiquer des dossiers de patients complets. Elle sera aussi déboutée de sa demande de dommages et intérêts pour résistance abusive, les énonciations précédentes démontrant que la société Dentsply s’est justement opposée à son action ”

1°) ALORS QUE tout jugement ou arrêt doit être motivé à peine de nullité ; qu’en se bornant, au titre de sa motivation, à reproduire sur tous les points en litige le contenu du dire du 13 mai 2019 de la société Dentsply, la cour a statué par une apparence de motivation pouvant faire peser un doute sur l’impartialité de la juridiction et a violé les articles 455, 458 et 6 § 1 de la Convention européenne des droits de l’homme.

2°) ALORS QUE les juges du fond ne peuvent accueillir ou rejeter les demandes dont ils sont saisis sans examiner les éléments de preuve qui leur sont soumis par les parties au soutien de leurs prétentions ; qu’en relevant, pour écarter tout vice de conception, que le rapport d’expertise se borne à affirmer que le design prothétique du pilier de grade 4 présente des zones de fragilité et favoriserait l’apparition de phénomènes de fatigue mais que cet avis n’est étayé par aucun test mécanique ou de résistance sans prendre en considération les tests mécaniques ou de résistance communiqués par la société Dentsply sur l’alliage du Titane grade 5 comparé au titane grade 4 (pièce 107), ni les résultats des tests ISO 14801 : 2007 mentionnés dans le catalogue Dentsply versé aux débats (pièce n° 129), ni les courriels échangés entre M. [B] et le docteur [P] au terme desquels ce dernier lui a enjoint de jeter les anciens piliers de grade 4 et de les remplacer par les nouveaux de grade 5 (pièce n° 109), ni l’expertise métallurgique des piliers dentaires en titane rompus en cours de fonctionnement (pièce n° 10), la cour a violé l’article 455 du code de procédure civile.

3°) ALORS QUE le juge a l’obligation de ne pas dénaturer l’écrit qui lui est soumis ; qu’en considérant que les experts avaient conclu, dans les 9 dossiers cliniques restants, à la simple hypothèse, et non à une certitude, que la conception fragile du pilier soit le paramètre exclusif quand ceux-ci affirmaient clairement en précisant n’avoir relevé ” aucun paramètre clinique et/ou choix thérapeutique pouvant intervenir de façon ” iatrogène ” sur les dispositifs médicaux mis en cause “, après avoir préalablement écarté 9 dossiers patients faisant apparaître une insuffisance de prise en compte du contexte occlusal et 9 autres ne pouvant justifier d’un contrôle clinique régulier des restaurations prothétiques sur implants, que pour les 9 dossiers restants la conception fragile du pilier était le paramètre essentiel et exclusif responsable des dévissages et des fractures et que cette conclusion était confortée par la modification du design par la société Dentsply, la cour a dénaturé le sens des termes clairs et précis du rapport d’expertise et violé le principe précité.

4°) ALORS (subsidiairement) QU’en tout état de cause, il appartient au juge qui estime que le rapport de l’expert judiciaire, désigné à l’occasion du litige, est insuffisamment précis, d’interroger l’expert ou le cas échéant, d’ordonner un complément d’expertise ; qu’en relevant que les experts ont conclu, pour les 9 dossiers restants, par une formulation hypothétique, et non certaine, de l’existence d’un vice de conception, la cour a violé les articles 1641 et 245 du code de procédure civile.

5°) ALORS QUE le juge a l’obligation de ne pas dénaturer l’écrit qui lui est soumis ; qu’en se fondant, pour écarter tout vice de conception, sur le caractère incomplet des 9 dossiers restants en relevant que la société Dentsply aurait déploré avec pertinence qu’ils ne comportent pas de photographies du contexte occlusal permettant d’évaluer le volume osseux du patient ce qui priverait de pertinence les conclusions des experts s’agissant de ces 9 dossiers d’autant qu’il n’ont pas répondu aux observations d la société Dentsply faisant valoir de manière détaillée pour plusieurs de ces patients des incohérences, négligences ou pratique défaillante au vu des dossiers même incomplets quand en réponse au dire de la société Dentsply du 13 mai 2019, les experts avaient réfuté cette argumentation en constatant que ” Dans le dire, il est fait référence à l’implant dentaire, son choix, et son implantation largement critiqué par le défendeur. Or, la problématique concerne le pilier prothétique et en particulier la forme de la connectique et que si aucune anomalie de structure n’a été relevée, l’expert en métallurgie, comme l’expert clinicien, ont noté un design offrant des zones de fragilité au niveau de la partie haute du pas de vis (lieu de toutes les fractures observées) du dispositif médical concerné ” (cf. rapport p. 15), la cour a dénaturé les termes clairs et précis du rapport d’expertise et violé le principe précité.

6°) ALORS QUE tout jugement ou arrêt doit être motivé à peine de nullité ; que la contradiction de motifs équivaut à un défaut de motifs ; qu’en retenant, pour écarter tout vice de conception, le caractère incomplet des 9 dossiers restants au motif que la société Dentsply aurait déploré avec pertinence qu’ils ne comportent pas de photographies du contexte occlusal permettant d’évaluer le volume osseux du patient (cf. arrêt p. 11, § 4), ce qui priverait de pertinence les conclusions des experts s’agissant de ceux-ci, tout en ayant pourtant précédemment constaté que les experts avaient préalablement écarté neuf dossiers patients sur les 18 dossiers écartés au motif qu’ils laissaient apparaître une insuffisance de prise en compte du contexte occlusal (cf. arrêt p. 10, dernier §), la cour a entaché sa décision d’une contradiction de motifs et violé l’article 455 du code de procédure civile.

 


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