Nullité de dessin et modèle : 24 juin 2022 Cour d’appel de Paris RG n° 20/06164

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Nullité de dessin et modèle : 24 juin 2022 Cour d’appel de Paris RG n° 20/06164

Copies exécutoiresRÉPUBLIQUE FRANÇAISE

délivrées aux parties le :AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D’APPEL DE PARIS

Pôle 5 – Chambre 2

ARRÊT DU 24 JUIN 2022

(n°103, 15 pages)

Numéro d’inscription au répertoire général : n° RG 20/06164 – n° Portalis 35L7-V-B7E-CBXM2

Décision déférée à la Cour : jugement du 07 février 2020 -Tribunal Judiciaire de PARIS – 3ème chambre 2ème section – RG n°17/15974

APPELANTE AU PRINCIPAL et INTIMEE INCIDENTE

S.A.S. MV INDUSTRIE, agissant en la personne de son représentant légal domicilié en cette qualité au siège social situé

[Adresse 5]

[Localité 1]

Immatriculée au rcs de Romans sous le numéro 393 669 833

Représentée par Me Emmanuel JARRY de la SELARL RAVET & ASSOCIES, avocat au barreau de PARIS, toque P 209

Assistée de Me Anne-Florence RADUCAULT, avocate au barreau de LYON

INTIMEES AU PRINCIPAL et APPELANTES INCIDENTES

Société OTTO GRAF GMBH KUNSTSTOFFERZEUGNISSE, société de droit allemand, prise en la personne de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité au siège social situé

Carl-Zeiss-Strasse 2-6

[Localité 4]

ALLEMAGNE

S.A.S.U. GRAF DISTRIBUTION, prise en la personne de son président domicilié en cette qualité au siège social situé

[Adresse 2]

[Localité 3]

Immatriculée au rcs de Saverne sous le numéro 493 157 044

Représentées par Me Anne GRAPPOTTE-BENETREAU de la SCP GRAPPOTTE BENETREAU, avocate au barreau de PARIS, toque K 111

Assistées de Me Stéphanie ZELLER, avocate au barreau de PARIS, toque C 1907

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions des articles 805 et 905 du code de procédure civile, l’affaire a été débattue le 14 avril 2022, en audience publique, les avocats ne s’y étant pas opposés, devant Mme Agnès MARCADE, Conseillère, chargée d’instruire l’affaire, laquelle a préalablement été entendue en son rapport

Mme Agnès MARCADE a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :

Mme Brigitte CHOKRON, Présidente

Mme Laurence LEHMANN, Conseillère

Mme Agnès MARCADE, Conseillère

Greffière lors des débats : Mme Carole TREJAUT

ARRET :

Contradictoire

Par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile

Signé par Mme Laurence LEHMANN, Conseillère, Faisant Fonction de Présidente, en remplacement de Mme Brigitte CHOKRON, Présidente, empêchée, et par Mme Carole TREJAUT, Greffière, présente lors de la mise à disposition.

Vu le jugement contradictoire rendu le 7 février 2020 par le tribunal judiciaire de Paris.

Vu l’appel interjeté le 27 avril 2020 par la société Mv Industrie.

Vu les dernières conclusions remises au greffe et notifiées par voie électronique le 8 septembre 2021 par la société Mv Industrie, appelante.

Vu les dernières conclusions remises au greffe et notifiées par voie électronique le 4 janvier 2022 par les sociétés Otto Graf GmbH Kunststofferzeugnisse et Graf Distribution, intimées et appelantes incidentes.

Vu l’ordonnance de clôture du 6 janvier 2022.

SUR CE, LA COUR,

Il est expressément renvoyé, pour un exposé complet des faits de la cause et de la procédure à la décision entreprise et aux écritures précédemment visées des parties.

La société Mv Industrie a pour activités déclarées la fabrication, la transformation, l’achat et la vente d’articles en matière plastique et similaires. Elle se présente comme spécialisée dans les dispositifs d’injection plastique et indique avoir développé depuis 2003 des produits innovants dans le domaine du potager, qui sont commercialisés sous différentes appellations dont « Pouss’Vert » et « [E] [K] ».

Elle expose être titulaire des brevets français suivants :

– FR 2 857 561 déposé le 15 juillet 2003 ayant pour intitulé ‘tunnel de forçage rigide’ ;

– FR 2 892 598 déposé le 27 octobre 2005 ayant pour intitulé ‘élément de tunnel de jardin’ ;

– FR 2 949 292 déposé le 25 août 2009 ayant pour intitulé ‘cloches de protection de cultures’.

La société de droit allemand Otto Graf GmbH Kunststofferzeugnisse, qui produit et commercialise des articles en matière plastique notamment dans le secteur de la récupération des eaux pluviales, a développé une gamme d’articles d’aménagement pour le jardin qu’elle distribue sous sa marque « Garantia ». Elle est titulaire de plusieurs dessins et modèles communautaires et d’un brevet européen EP 3 117 702 délivré le 13 septembre 2017, portant sur un système d’interconnexions de plusieurs éléments de tunnel.

Elle indique commercialiser ses produits en France par l’intermédiaire de la société française Graf Distribution.

Au cours de l’année 2015, la société Mv Industrie a fourni à la société Otto Graf GmbH Kunststofferzeugnisse des tunnels de forçage et des cloches de culture dans le cadre de relations d’affaires qui ne se sont pas poursuivies l’année suivante.

Par assignation en référé devant le tribunal de commerce de Romans-sur-Isère, la société Mv Industrie a demandé qu’il soit, sur le fondement de la concurrence déloyale et parasitaire, fait interdiction aux sociétés Graf ‘de poursuivre la distribution des produits parasitaires tant en Allemagne qu’en France et tout autre pays en Europe tant concernant toutes les formes de tunnel que s’agissant des cloches’ sur lesquels elle prétendait par ailleurs à ce stade détenir des droits d’auteur.

Par décision en date du 24 janvier 2017, le tribunal de commerce de Romans-sur-Isère s’est déclaré incompétent au profit du tribunal de grande instance de Paris au motif que ‘la société Graf Distribution est en mesure de faire état de diverses pièces tendant à établir (…) un commencement de preuve de l’existence d’un droit de propriété intellectuelle suite au dépôt d’une demande de brevet’ et c’est dans ce contexte que par acte du 31 août 2017, la société Mv Industrie a fait assigner les sociétés Otto Graf GmbH Kunststofferzeugnisse et Graf Distribution (les sociétés Graf) devant le tribunal de grande instance (devenu tribunal judiciaire) de Paris en contrefaçon de brevets, sollicitant des mesures d’interdiction et le bénéfice du droit d’information.

Parallèlement le 10 avril 2018, les sociétés Graf ont fait assigner la société Mv Industrie devant le tribunal de commerce de Paris pour voir constater des pratiques commerciales trompeuses aux motifs qu’elle présentait comme ‘breveté’ un produit dépourvu des caractéristiques protégées par ses titres de propriété industrielle. Le tribunal de commerce de Paris a ordonné un sursis à statuer fondé sur l’existence de la présente procédure. Un appel a été interjeté contre cette décision et la présente cour, par arrêt du 17 septembre 2019, a renvoyé devant le tribunal de grande instance (devenu tribunal judiciaire) de Paris les demandes reconventionnelles de la société Mv Industrie au titre de la concurrence déloyale et parasitaire, et confirmé le sursis à statuer concernant les demandes principales au titre des pratiques commerciales trompeuses des sociétés Graf.

Le jugement du tribunal judiciaire dont appel a :

– dit que la société Mv Industrie est recevable en ses demandes,

– prononcé la nullité des revendications 1 à 5 du brevet FR 2949292 pour défaut d’activité inventive,

– dit que la décision sera inscrite au registre national des brevets à l’initiative de la partie la plus diligente une fois la décision devenue définitive aux frais de la société Mv Industrie,

– débouté la société Mv Industrie de l’ensemble de ses demandes sur le fondement de la contrefaçon des brevets FR 2949292 et FR 2857561,

– débouté la société Mv Industrie de l’ensemble de ses demandes sur le fondement de la concurrence déloyale et parasitaire,

– débouté la société Mv Industrie de ses demandes au titre de la procédure abusive,

– dit n’y avoir lieu au prononcé d’une amende civile,

– condamné la société Mv Industrie à payer aux sociétés Otto Graf GmbH et Graf Distribution Sarl chacune la somme de 10.000 euros au titre de la procédure abusive,

– condamné la société Mv Industrie à payer aux sociétés Otto Graf GmbH et Graf Distribution Sarl ensemble la somme de 30.000 euros en application de l’article 700 du code de procédure civile,

– condamné la société MV Industrie aux dépens en application des dispositions de l’article 699 du code de procédure civile,

– dit n’y avoir lieu d’ordonner l’exécution provisoire.

La société Mv Industrie a interjeté appel dudit jugement et par ses dernières conclusions, demande à la cour de :

– infirmer le jugement entrepris en ce qu’il a prononcé la nullité des revendications 1 à 5 du brevet français 2949292 pour défaut d’activité inventive,

– constater que les sociétés Graf commercialisent notamment sur le marché français des produits contrefaisants des brevets qu’elle exploite, à savoir les brevets :

– FR 2857561 déposé en 2003 « tunnel de forçage rigide »,

– FR 2949292 déposé en 2009 « cloches de protection de cultures »,

En conséquence :

– infirmer en toutes ses dispositions le jugement rendu le 7 février 2020 par le tribunal de grande instance de Paris,

Statuant à nouveau :

– condamner les sociétés Graf pour contrefaçon des brevets FR 2857561 déposé en 2003 « tunnel de forçage rigide » et FR2949292 déposé en 2009 « cloches de protection de cultures »,

– faire interdiction aux sociétés Graf de commercialiser les produits « tunnels » et « cloches » objets du litige pendant devant la cour sous pénalité de 2.000 euros par infraction constatée,

– faire injonction aux sociétés Graf de communiquer le relevé des ventes et les chiffres d’affaires sur les références « tunnels » et « cloches » objets de la présente instance pour les années 2016, 2017 et jusqu’au jour de la décision à venir, sous astreinte de 500 euros par jour de retard à compter de la signification de la décision pour lui permettre d’établir son préjudice et donc de chiffrer ses pertes,

– faire injonction aux sociétés Graf de produire les dossiers déposés avec les visuels pour le tunnel Sunny dans le cadre des Awards suivants :

–  2017 Reader Award Magazine ‘Selbst Ist Der Mann’ ‘ Category Garden,

–  2017 Pro-K Award,

–  2017 Plus X Award in the Innovation High Quality Easy of Use Functionality categories,

–  2018 German Design Award Winner ,

– faire injonction aux sociétés Graf de produire aux débats les bons de commandes réalisés par les sociétés Graf dans le cadre du salon Cofaq pour les années 2016, 2017, 2018 et 2019,

– faire injonction aux sociétés Graf de produire aux débats les bons de commandes réalisés dans le cadre du salon Sevea pour les anne’es 2016, 2017, 2018 et 2019,

– réserver la liquidation des pénalités et astreintes au juge de l’exécution de Paris,

En tout état de cause,

– condamner les sociétés Graf à lui payer, une somme équivalente au préjudice subi du fait de la commercialisation de produits contrefaisants, préjudice qui se calculera en fonction de la perte de marge subie par rapport au chiffre d’affaires réalisé par les défenderesses sur les produits contrefaisants et de la baisse des prix,

– condamner les sociétés Graf à lui payer, une somme équivalente au préjudice subi du fait de la commercialisation parasitaire de produits, préjudice qui se calculera en fonction de la perte de marge subie par rapport au chiffre d’affaires réalisé par les défenderesses sur les produits objets de la concurrence déloyale et de la baisse de prix, étant précisé que le calcul du préjudice se fera par application d’un taux de marge calculé en rapport prix de revient/prix de vente sera inclus dans le préjudice la baisse de prix qu’elle a dû consentir pour rester compétitive,

En tout état de cause,

– condamner solidairement nonobstant la demande de communication de pièces, les sociétés Graf à lui payer les sommes suivantes :

– compte tenu des accusations infondées et abusives développées au cours de la présente instance, la somme de 20.000 euros,

– compte tenu de l’utilisation de l’identité visuelle de ses produits pour commercialiser les produits des sociétés Graf et au vu des investissements publicitaires de plusieurs centaines de milliers d’euros annuels de’pense’s par elle, la somme de 100.000 euros,

– compte tenu des agissements parasitaires constitutifs de concurrence déloyale tels que décrits ci-dessus et des investissements de développement des produits en question, une somme provisoire de 200.000 euros en re’paration du préjudice subi. Ces dernie’res demandes indemnitaires seront a’ ajuster en fonction des ventes réelles des sociétés Graf en France et dans le monde, principalement en Allemagne,

– ordonner la publication de la décision à intervenir dans 3 journaux spécialisés ou nationaux de son choix et aux frais des sociétés Graf,

– condamner les sociétés Graf à lui verser la somme de 20.000 euros au titre de l’article 700 du code de proce’dure civile, ainsi qu’aux entiers dépens de l’instance, outre frais de traduction des actes de proce’dure, et frais de conseil en propriété intellectuelle dans le cadre de l’instance, sur justificatif.

Par leurs dernières conclusions, les sociétés Graf demandent à la cour de :

– confirmer le jugement du tribunal de grande instance de Paris en date du 7 janvier 2020 dans toutes ses dispositions, en ce qu’il a :

– prononcé la nullité des revendications 1 à 5 du brevet FR 2949 292 pour défaut d’activité inventive,

– dit que la décision sera inscrite au registre national des brevets à l’initiative de la partie la plus diligente une fois la de’cision devenue définitive aux frais de la société Mv Industrie,

– débouté la société Mv Industrie de l’ensemble de ses demandes sur le fondement de la contrefaçon des brevets FR 2949 292 et FR 2857 561,

– débouté la société Mv Industrie de l’ensemble de ses demandes sur le fondement de la concurrence de’loyale et parasitaire,

– débouté la société Mv Industrie de ses demandes au titre de la procédure abusive, – dit n’y avoir lieu au prononce’ d’une amende civile,

– condamné la société Mv Industrie à payer aux sociétés Otto Graf GmbH Kunststofferzeugnisse et Graf Distribution SASU chacune la somme de 10.000 euros au titre de la proce’dure abusive,

– condamné la société Mv Industrie à payer aux sociétés Otto Graf GmbH Kunststofferzeugnisse et Graf Distribution SASU ensemble la somme de 30.000 euros en application de l’article 700 du code de la proce’dure civile,

– condamné la société Mv Industrie aux dé’pens en application des dispositions de l’article 699 du code de la procédure civile,

Statuant à nouveau,

– juger la société Mv Industrie irrecevable pour défaut de qualité et intérêt à agir,

– écarter des débats les pièces adverses n°6, n°7, n°26, n°34, n°35, n°36 pour défaut de force probante,

– débouter la société Mv Industrie de toutes demandes tendant à la communication de leurs relevés de ventes et chiffres d’affaires, et rejeter de manière générale toutes autres demandes de la société Mv Industrie,

– condamner la société Mv Industrie à leur payer, à chacune, une somme complémentaire de 15.000 euros au titre de la procédure abusive en cause d’appel,

– condamner la société Mv Industrie à leur payer, à chacune, une somme complémentaire de 15.000 euros au titre de l’article 700 du code de la proce’dure civile en cause d’appel ;

A titre subsidiaire,

– prononcer la nullité du brevet FR 2 949 292 en application des dispositions de l’article L.613- 25 c) du code de la propriété intellectuelle, ;

– prononcer la nullité du brevet FR 2 949 292 en application des dispositions de l’article L.613- 25 a) du code de la propriété intellectuelle pour défaut de nouveauté ou d’activité inventive.

La société Mv Industrie reproche aux sociétés Graf des actes de contrefaçon de ses brevets ainsi que des actes fautifs constitutifs de concurrence déloyale et parasitaire. Elle forme diverses demandes à ces titres outre une demande de dommages et intérêts pour procédure abusive.

Les sociétés Graf sollicitent quant à elles de dire la société Mv Industrie non recevable faute de qualité et d’intérêt à agir, rejeter certaines pièces des débats, annuler le brevet FR 2 949 292, débouter la société Mv Industrie de l’ensemble de ses demandes et la condamner pour procédure abusive.

Il sera préalablement relevé par la cour que les sociétés Graf sollicitent que la société Mv Industrie soit déclarée irrecevable faute de qualité et d’intérêt à agir mais ne développent des moyens au soutien de cette fin de non-recevoir qu’au stade de la contrefaçon de brevet. Cette irrecevabilité sera en conséquence abordée lors de l’examen de la contrefaçon de brevet.

Sur la demande de rejet des pièces

Les sociétés Graf demandent que les pièces n°6, n°7, n°26, n°34, n°35 et n°36 communiquées par la société Mv Industrie soient écartées des débats car dépourvues de force probante.

Néanmoins, ces pièces ayant été régulièrement communiquées par l’appelante aux sociétés intimées, il n’y a pas lieu de les écarter des débats, et leur valeur probante sera examinée par la cour dans le cadre de l’examen du fond du litige. Il en va notamment ainsi de la pièce n° 34 qui consiste en un procès-verbal de constat d’achats sur Internet dressé par huissier de justice les 4, 12 et 13 mars 2019 critiqué par les intimées au motif que l’huissier de justice n’a pas respecté son devoir de neutralité et d’impartialité en comparant les deux produits, mais dont la nullité n’est pas sollicitée.

Ainsi, cette demande de rejet des pièces ne sera pas accueillie.

Sur les brevets

La société Mv Industrie dit être titulaire des trois brevets français suivants :

– FR 2 857 561 déposé le 15 juillet 2003 ayant pour intitulé ‘tunnel de forçage rigide’ ;

– FR 2 892 598 déposé le 27 octobre 2005 ayant pour intitulé ‘élément de tunnel de jardin’ ;

– FR 2 949 292 déposé le 25 août 2009 ayant pour intitulé ‘cloches de protection de cultures’.

Elle sollicite toutefois dans le dispositif de ses dernières écritures de : ‘condamner les sociétés Graf pour contrefaçon des brevets FR 2857561 déposé en 2003 « tunnel de forçage rigide » et FR2949292 déposé en 2009 « cloches de protection de cultures », seule cette prétention saisissant la cour en application des dispositions de l’article 954 du code de procédure civile. En conséquence, il y a lieu de considérer que la cour est saisie de demandes en contrefaçon fondées sur les seuls brevets FR 2857561 déposé en 2003 et FR2949292 déposé en 2009.

Les sociétés Graf opposent à ces demandes en contrefaçon de brevet une fin de non-recevoir fondée sur le défaut de justification par la société Mv Industrie du ‘titre officiel’ qui lui permettrait de se prévaloir de sa qualité de breveté. Elle considère en outre que la preuve du maintien des droits sur le brevet FR2949292 par le paiement des annuités n’est pas rapportée.

Néanmoins, la société Mv Industrie fournit aux débats les fascicules des brevets qu’elle invoque soit celui du brevet FR 2 857 561 déposé le 15 juillet 2003 ayant pour intitulé ‘tunnel de forçage rigide’ et celui du brevet FR 2 949 292 déposé le 25 août 2009 ayant pour intitulé ‘cloches de protection de cultures’ tous deux déposés au nom de la société Mv Industrie SARL (pièce 14 MV) et justifie de la modification de sa forme sociale de SARL en SAS par décision de son assemblée générale extraordinaire en date du 21 mai 2013 (pièce 22 MV). Elle justifie également du maintien en vigueur de ces deux brevets par le règlement des annuités s’agissant du brevet FR 2 857 561 et du brevet FR 2 949 292 (pièce 23 MV), ceux-ci étant en vigueur lors de la délivrance de l’assignation.

Aussi, la société MV industrie doit être considérée comme recevable à agir en contrefaçon des brevets en cause et le jugement confirmé en ce qu’il l’a dite recevable en ses demandes.

Le brevet FR 2 857 561 (FR 561) déposé le 15 juillet 2003 a pour intitulé ‘tunnel de forçage rigide’.

Selon la description, l’invention concerne un tunnel de forçage rigide comportant une paroi translucide comprenant une face intérieure ouverte délimitée par un bord inférieur, destiné à être plaqué sur le sol et à délimiter avec celui-ci un volume intérieur permettant d’abriter des plantations caractérisé en ce qu’au moins une cavité ouverte vers le haut formant réservoir destiné à l’eau d’arrosage ou à l’eau de pluie est ménagée sur la partie supérieure de la paroi du tunnel et au moins un orifice est ménagé dans la paroi au niveau d’une cavité communiquant avec le volume intérieur et permettant l’arrosage des plantations.

Le but de l’invention est de proposer un tunnel de forçage sans nécessité de monter un dispositif d’arrosage, le dispositif étant présent sur le tunnel permettant un gain de temps et une fiabilité supérieure aux dispositifs connus. Avantageusement, au moins une rampe d’arrosage ou une buse d’aspersion est reliée à au moins un orifice, du côté du volume intérieur, de façon à réaliser un arrosage continu de faible débit des plantations. Le tunnel est constitué d’au moins deux éléments assemblables.

Ce brevet comporte 9 revendications, la revendication principale 1 et les revendications 2 à 9 qui en sont dépendantes.

La revendication 1 se lit comme suit : ‘tunnel (2) de forçage rigide comportant une paroi translucide (3), comprenant une face inférieure ouverte délimitée par un bord inférieur (5), destiné à être plaqué sur le sol (4) et à délimiter avec celui-ci un volume intérieur (6) permettant d’abriter des plantations, caractérisé en ce qu’au moins une cavité ouverte (17, 25, 26) vers le haut formant réservoir destiné à l’eau d’arrosage ou à l’eau de pluie est ménagée sur la partie supérieure de la paroi (3) du tunnel (2), et au moins un orifice (18) est ménagé dans la paroi (3) au niveau d’une cavité (17, 25, 26) communiquant avec le volume intérieur (6) et permettant l’arrosage des plantations et au moins une rampe d’arrosage ou une buse d’aspersion qui est reliée à au moins un orifice (18) du côté du volume intérieur (6), de façon à réaliser un arrosage continu de faible débit des plantations.’

La validité de ce brevet n’est pas contestée par les sociétés Graf.

Le brevet FR 2 949 292 (FR 292) déposé le 25 août 2009 a pour intitulé ‘cloches de protection de cultures’.

Le but de l’invention est de proposer une cloche de protection de culture comprenant une paroi formant au moins partiellement une enceinte destinée à être plaquée sur le sol par un bord inférieur pour délimiter avec celui-ci un volume intérieur destiné à loger des plantations présentant sur une partie supérieure au moins une cavité destinée au stockage de l’eau, la paroi étant percée au niveau de la cavité pour permettre un écoulement progressif de l’eau à l’intérieur de la cloche de protection, caractérisé en ce que la cloche de protection comprend au moins une fenêtre d’aération ménagée dans une partie supérieure de la paroi de la cloche et un organe d’obturation mobile entre une position d’ouverture de l’au moins une fenêtre d’aération.

Selon l’état de la technique antérieur cité dans la description du brevet, (brevets FR2857561 et FR2892598) sont connus la réalisation d’une cloche avec une paroi rigide translucide comprenant une face inférieure ouverte délimitée par un bord inférieur et des cavités ouvertes vers le haut formant réservoir destinées à l’eau d’arrosage et au moins un orifice ménagé dans la paroi au niveau de la cavité communiquant avec le volume intérieur pour l’arrosage et l’aménagement d’une trappe pour l’aération du tunnel.

L’invention est présentée comme ayant pour but de résoudre les difficultés de l’art antérieur en permettant une utilisation simultanée des réservoirs et de l’ouverture de la trappe et un réglage plus aisé de l’ouverture de la trappe lorsque les réservoirs sont pleins.

Le brevet comportait 5 revendications. En suite du jugement déféré annulant le brevet FR 292 pour défaut d’activité inventive, la société Mv Industrie a présenté le 6 juillet 2020 au directeur général de l’Institut national de la propriété industrielle (INPI) une requête en limitation qui a été acceptée par décision du 30 septembre 2020. Cette limitation consiste en la fusion de la revendication principale 1 et de la revendication dépendante 3. Le brevet comporte désormais 4 revendications qui se lisent comme suit :

1. Cloche de protection de culture comprenant une paroi (2) formant au moins partiellement une enceinte destinée à être plaquée sur le sol par un bord inférieur (3) pour délimiter avec celui-ci un volume intérieur destiné à loger des plantations présentant sur une partie supérieure (5) au moins une cavité (7) destinée au stockage de l’eau, la paroi étant percée au niveau de la cavité (7) pour permettre un écoulement progressif de l’eau à l’intérieur de la cloche de protection, caractérisé en ce que la cloche de protection comprend au moins une fenêtre d’aération (10) ménagée dans une partie supérieure (12) de la paroi de la cloche, et un organe d’obturation (13) mobile entre une position d’ouverture de l’au moins une fenêtre d’aération (10) et une position de fermeture de l’au moins une fenêtre d’aération (10), les fenêtres d’aération (10) étant ménagées dans une partie (12) de la portion de paroi supérieure (5) distincte de celles formant des cavités (7), la partie supérieure (12) de la paroi de la cloche dans laquelle au moins une fenêtre d’aération (10) est ménagée est située au-dessus du niveau des cavités (7).

2. Cloche selon la revendication 1, dans lequel l’organe d’obturation (13) est mobile en rotation par rapport à la paroi de la cloche (2).

3. Cloche selon l’une des revendications précédentes, dans lequel l’organe d’obturation (13) comprend au moin une ouverture (14) destinée à venir en regard des ouvertures (10) de la paroi de la cloche en position d’ouverture.

4. Cloche selon l’une des revendications précédentes, dans lequel l’organe d’obturation (13) comprend au moins une partie en saillie (15).

Le brevet comporte également des figures, dont la figure 2 ainsi présentée :

Les sociétés Graf opposant aux demandes en contrefaçon de la société Mv Industrie la nullité du brevet FR2949292 (FR 292), le validité de ce titre sera en conséquence examinée au préalable par la cour.

Sur la validité du brevet FR 292

Selon les dispositions du troisième alinéa de l’article L. 613-25 du code de la propriété intellectuelle, dans le cadre d’une action en nullité du brevet, son titulaire est habilité à limiter le brevet en modifiant les revendications; le brevet ainsi limité constitue l’objet de l’action en nullité engagée.

Les sociétés Graf sollicitent la nullité de ce brevet limité pour défaut de nouveauté et d’activité inventive et également pour extension au-delà du contenu de la demande, en application des dispositions de l’article L. 613-25, alinéa premier c), du code de la propriété intellectuelle.

La limitation du brevet a consisté à ajouter une nouvelle caractéristique à la revendication 1 soit que : ‘la partie supérieure (12) de la paroi de la cloche dans laquelle au moins une fenêtre d’aération (10) est ménagée est située au-dessus du niveau des cavités (7).

Il convient alors de déterminer si :

– la caractéristique extraite n’est pas inextriquablement liée aux autres carctéristiques du mode de réalisation présentée,

– les cararctéristiques non incorporées dans la revendication indépendante 1 de ce mode de réalisation ne sont pas présentées comme essentielles, ne sont pas indispensables eu égard au problème posé et n’imposent pas d’autre modifications,

– la divulgation générale justifie l’isolement de la caractéristique extraite, conduisant à une généralisation, et son introduction dans la revendication.

Ainsi que précédemment rappelé, l’invention a pour but de résoudre les difficultés de l’art antérieur en permettant une utilisation simultanée des réservoirs et de l’ouverture de la trappe et un réglage plus aisé de l’ouverture de la trappe lorsque les réservoirs sont pleins. Il est précisé en page 2 de la description, lignes 3 à 5, que ‘les dispositions selon l’invention permettent de remplir les fonctions d’aération et d’arrosage sans interactions néfastes entre les deux fonctions’.

Or le mode de réalisation présenté en page 3 de la description détaillée de l’invention précise aux lignes 14 à 24 :

‘La cloche de protection comprend des moyens d’aération de l’intérieur de la cloche. Ces moyens d’aération comportent des fenêtres d’aération 10 ménagées dans une partie 12 de la portion de la paroi supérieure 5 distinctes de celles formant des cavités ou réservoir.

Cette partie 12 est située au-dessus du niveau supérieur des cavités 7. Cette partie de paroi 12 est située au centre de la portion de paroi supérieure 5, et fait saillie par rapport aux cavités 7 et aux cloisons 8 qui l’entourent.’

Ainsi que le font justement valoir les sociétés Graf, cette caractéristique additionnelle isolée, ajoutée à la revendication 1qui mentionne l’emplacement exact de la partie 12, doit préciser non seulement que celle-ci est au-dessus du niveau supérieur des cavités destinées au stockage de l’eau (7) mais également sa situation au centre de la portion de paroi supérieure 5, en saillie par rapport aux cavités 7 et aux cloisons 8 qui l’entourent, ces deux caractéristisques du mode de réalisation étant inextricablement liées, car toutes deux introduites, dans le même paragraphe de la description, par les mots ‘Cette partie de la paroi 12…’ et non pas présentées comme une variante ou un mode de réalisation avantageux.

La caractéristique additionnelle ‘la partie supérieure (12) de la paroi de la cloche dans laquelle au moins une fenêtre d’aération (10) est ménagée est située au-dessus du niveau des cavite’s (7)’ ne pouvait donc être isolée et ajoutée à la revendication 1 sans étendre l’objet de la demande par rapport au contenu de la demande telle que déposée.

La revendication principale 1 du brevet FR292 telle que limitée doit en conséquence être déclarée nulle sur le fondement de l’article L. 613-25 c) du code de la propriété intellectuelle. Il en va de même des revendications 2 à 4 qui sont dépendantes de la revendication 1 annulée.

Le jugement déféré sera en conséquence confirmé en ce qu’il a annulé le brevet FR 292 sauf à préciser que le brevet annulé est celui tel que limité au jour de l’arrêt.

De même le jugement critiqué mérite confirmation en ce qu’il a débouté la société Mv Industrie de l’ensemble de ses demandes au titre de la contrefaçon de ce brevet déclaré nul.

Sur la contrefaçon du brevet FR 561

La société Mv Industrie identifie les tunnels de forçage des sociétés Graf qu’elle considère contrefaisant notamment la revendication principale 1 du brevet français ci-dessus rappelé comme étant les produits de marque Sunny Garantia, modèle ‘Pfanztunnel TS40″ Réf 645050.

Pour montrer la commercialisation en France de tels produits, elle verse au débat un procès-verbal de constat dressé par huissier de justice (pièce 34), des copies de publicités françaises (pièce 36) et argue de l’action en justice introduite par les sociétés Graf devant le tribunal de commerce de Paris par acte du 10 avril 2018 aux fins de voir constater des pratiques déloyales trompeuses.

La société Mv Industrie fournit au débat ainsi que relevé par le tribunal, deux procès-verbaux de constat dressés par huissier de justice, le premier intitulé ‘procès-verbal de constat d’achats sur internet’ dressé les 4 , 12 et 13 mars 2019 et le second intitulé ‘procès-verbal de constat sur Internet’ dressé les 7 et 12 mars 2019. Ces procès-verbaux sont communiqués dans le cadre de la présente instance d’appel respectivement sous les numéros 34 et 34 bis par la société Mv Industrie.

L’article 1er de l’ordonnance n° 45-2592 du 2 novembre 1945 prévoit notamment que les huissiers de justice peuvent ‘commis par justice ou à la requête de particuliers, effectuer des constatations purement matérielles, exclusives de tout avis sur les conséquences de fait ou de droit qui peuvent en résulter’.

Il ressort du ‘procès-verbal de constat d’achats sur internet’ dressé les 4 , 12 et 13 mars 2019 (pièce 34 MV), sur le site asdiscount.com d’un tunnel de forçage de marque ‘Garantia’ modèle ‘Sunny’ et sur le site magellan-bio.fr d’un tunnel de forçage Modul’o, que les tunnels ont été acquis par l’huissier instrumentaire le 4 mars et réceptionnés par celui-ci le 12 mars pour le modèle ‘Garantia’ et le 13 mars pour le modèle ‘Modul’o’, que l’huissier de justice en suite de ces réceptions, a mesuré la hauteur, la largeur et la longueur de chaque tunnel et constaté que ‘les deux modèles sont encastrables l’un dans l’autre permettant la création d’un tunnel plus long. Les modèles s’encastrent parfaitement …Un logo PP est gravé sur les deux produits’.

Ce faisant, il apparaît de ce procès-verbal de constat que l’huissier instrumentaire est allé au-delà de sa mission consistant à effectuer des constatations purement matérielles et a émis un avis sur les conséquences de fait qui peuvent résulter de ses constatations à savoir que les deux modèles sont encastrables et s’encastrent parfaitement. De même, ainsi que relevé par les sociétés Graf, les constatations de l’huissier de justice apparaissent parcellaires, celui-ci omettant de constater l’inscription en grand caractère de la mention ‘Garantia’ sur l’un des tunnels alors qu’il relève qu’un logo PP est gravé sur les deux produits et s’abstenant de décrire chaque tunnel précisément (nombre de cavités, nombre de trous dans chacune des cavités notamment) se contentant de relever les points de ressemblances entre les tunnels en présence.

Il résulte de ce qui précède que l’huissier instrumentaire a outrepassé les pouvoirs qu’il détient de l’article 1er de l’ordonnance du 2 novembre 1945 précitée et n’apparaît pas s’être comporté avec la neutralité, l’indépendance et l’impartialité qui lui incombent.

Le procès-verbal dressé les 4 , 12 et 13 mars 2019 (Pièce 31 Mv) ne peut en conséquence être retenu par la cour comme élément de preuve de nature à démontrer la contrefaçon du brevet FR 561 par la commercialisation en France des tunnels de forçage de marque Sunny Garantia, modèle ‘Pfanztunnel TS40″ Réf 645050.

En outre, le procès-verbal de constat dressé par huissier de justice les 7 et 12 mars 2019 (pièce 34bis Mv) sur le site internet jardinet.fr concerne un tunnel de forçage rigide-translucide dont il n’est pas montré qu’il s’agit de tunnels de forçage commercialisés par les intimés.

Enfin, la pièce 36 constituée de copies de pages internet concernant la commercialisation du tunnel de culture Sunny – Garantia, dont ni la date ni les circonstances de fixation ne sont connues de la cour ne peut être considérée comme ayant une force probante suffisante pour prouver la commercialisation en France des produits critiqués par l’appelante, ce quand bien même la contrefaçon est un fait juridique qui peut être prouvé par tout moyen.

Il doit en conséquence être relevé avec les intimés que la société Mv industrie échoue à justifier de la commercialisation en France des tunnels de forçage de marque Sunny Garantia, modèle ‘Pfanztunnel TS40″ Réf 645050 et partant à prouver quelles caractéristiques essentielles des revendications du brevet FR 561 ce tunnel reproduirait, la société Mv Industrie se bornant à procéder par affirmations.

A cet égard, la société Mv Industrie ne peut utilement faire valoir le principe selon lequel ‘nul ne peut se contredire au détriment d’autrui’ pour considérer que l’action introduite devant le tribunal de commerce de Paris par les sociétés Graf la mettant en cause pour publicité trompeuse et illicite par l’utilisation de la mention ‘breveté’ sur les tunnels Modul’o 40 et Modul’o 60, cette action n’emportant nullement reconnaissance par les sociétés Graf de la commercialisation sur le territoire français des produits de marque Sunny – Garantia, modèle ‘Pfanztunnel TS40″ Réf 645050.

Les demandes de la société Mv Industrie au titre de la contrefaçon du brevet FR 561 doivent être rejetées et le jugement entrepris confirmé de ce chef.

Sur la concurrence déloyale et parasitaire

Selon la société Mv Industrie, les sociétés Graf ont commis des actes de concurrence déloyale et parasitaire en imitant ses produits (tunnel et cloche) et en utilisant son image.

Elle précise que l

es produits sur lesquels reposent ses demandes sont les modèles suivants :

– cloche Modulo 35 REF PV 003 240

– cloche Modulo 35 REF PV 001 240

– tunnel Modulo 40 REF PV 000 210

– tunnel Modulo 40 REF PV 003 210 (pièce 38),

et que les produits qu’elle critique sont

les modèles de tunnels et cloches, commercialisés sous la marque Garantia, et qui portent les références suivantes ‘Sunny Pflanztunnel », tunnel Sunny référence 645050, Sunny Pflanzglocke », cloche Sunny référence 645060 qui correspondent aux tunnels et cloches de la société Otto Graf GmbH, qu’elle a développés et commercialisés à partir du second semestre 2016.

Il n’est pas discuté par les sociétés Graf que la société allemande Otto Graf Gmbh a commercialisé au printemps/été 2015, en Allemagne, sous la marque Garantia des tunnels et cloches fournis par la société Mv Industrie au mois de novembre 2014, les relations d’affaires ayant pris fin en 2015.

Le principe de la liberté du commerce implique qu’un produit qui n’est pas l’objet de droits privatifs peut être librement reproduit et commercialisé à moins que la reproduction ou l’imitation du produit ait pour objet ou pour effet de créer un risque de confusion entre les produits dans l’esprit du public, comportement déloyal constitutif d’une faute au sens de l’article 1240 du code civil.

Le parasitisme consiste, pour un opérateur économique, à se placer dans le sillage d’un autre afin de tirer profit, sans rien dépenser, de ses efforts et de son savoir-faire, de la notoriété acquise ou des investissements consentis.

La demande en concurrence déloyale et parasitaire présente un fondement délictuel et il incombe en conséquence à la société Mv Industrie de rapporter la preuve d’un agissement fautif des sociétés Graf commis à son préjudice par la création d’un risque de confusion et / ou la captation des investissements consentis pour développer un produit phare.

Pour démontrer les actes fautifs des sociétés Graf, la société Mv Industrie invoque le procès verbal de constat dressé les 4, 12 et 13 mars 2019 (pièce 34 Mv) dont il a été précédemment considéré qu’il ne pouvait être retenu par la cour car dépourvu de force probante. Il en va de même de la pièce 36 de l’appelante dont il a été préalablement constaté l’absence de caractère probant.

Elle invoque également une pièce 6 constituée de photographies non datées sur lesquelles sont inscrites de manière manuscrite ‘produits Graf’ dont les circonstances de fixation sont inconnues de la cour. Ces photographies qui n’ont aucune valeur probante ne seront pas retenues par la cour.

La pièce 35 de l’appelante également constituée de clichés photographiques non datés et dont les circonstances de fixation sont inconnues ne pourront être utilement examinées faute de valeur probante.

En outre, la pièce 33 fournie au débat par la société Mv Industrie est rédigée, ainsi que le relèvent avec pertinence les sociétés Graf, en langue allemande, n’est pas traduite, et sa date n’est pas visible. Il s’agit d’un catalogue ‘Garantia’ intitulé ‘Garten pflanzhilfen’ qui présente le tunnel TS 40 et la cloche Confort 35, dont il peut être déduit des maquettes PAO des étiquettes des tunnels, toujours en langue allemande et non traduites, qui portent la date du 3 novembre 2014 (pièce 31 Mv) et visent les mêmes produits sous la même désignation, qu’il s’agit de ceux fournis par l’appelante aux intimées en 2014 et commercialisés sous la référence 645000 pour le tunnel et 645010 pour la cloche, mais ne présente pas le tunnel et la cloche ‘Sunny’ de Garantia commercialisés en suite de l’arrêt des relations commerciales entre les parties sous les références 645050 pour le tunnel et 645060 pour la cloche. En outre, ce catalogue ne montre nullement la commercialisation de ces produits en France. Les pièces 31 et 33 ne peuvent donc être prises en considération par la cour pour fonder les actes de concurrence déloyale et parasitaire reprochés par la société Mv Industrie aux sociétés Graf.

La pièce 30 de l’appelante dont celle-ci reproduit une photographie en page 13 de ses écritures en précisant qu’il s’agit de ‘visuels originaux de Mv Industrie’ est constituée, comme la pièce 29 de l’appelante, de copies d’écran d’un site internet Obi rédigé en langue allemande et non traduit qui ne présente aucune valeur probante, la date et les circonstances de fixation étant totalement inconnues et ne montrent nullement l’utilisation des visuels de l’appelante par les sociétés Graf. Il n’est donc pas établi par la société Mv Industrie que les sociétés Graf ont reproduit les visuels qu’elle utiliserait pour présenter ses propres produits.

La société Mv Industrie échoue donc à démontrer des actes de concurrence déloyale commis par les sociétés Graf, aucune pièce ne permettant à la cour de considérer que les produits incriminés sont commercialisés en France et surtout qu’ils créent un risque de confusion avec les produits commercialisés par l’appelante faute de pièce probante permettant à la cour d’identifier clairement les produits critiqués que ce soit les cloches ou les tunnels qui seraient commercialisés par les sociétés Graf.

De même, la société Mv Industrie qui procède par affirmations ne montre pas que les sociétés Graf ont profité sans bourse délier de son savoir-faire et de ses investissements qu’elle n’établit nullement.

La circonstance que les parties ont été en relations d’affaires au cours des années 2014 et 2015 et que les sociétés Graf, à supposer ce fait établi, ont distribué en France des tunnels de forçage après la fin de ces relations, est inopérante à caractériser des actes déloyaux de parasitisme faute de les démontrer. La société Mv Industrie invoque en vain une déloyauté contractuelle des sociétés Mv pour caractériser des actes au titre du parasitisme.

La société Mv Industrie doit en conséquence être déboutée de l’ensemble de ses demandes au titre de la concurrence déloyale et parasitaire.

Le jugement mérite également confirmation de ce chef.

La société MV ne peut pas plus utilement faire valoir dans le corps de ses écritures au sein de la partie consacrée à la concurrence déloyale et parasitaire, (iii) page 23) des atteintes aux droits d’auteur sur le tunnel et la cloche qu’elle commercialise ou les photographies utilisées pour illustrer le catalogue dont elle reproche aux sociétés Graf d’avoir continué l’utilisation après la rupture de leur relation commerciale. En effet, les atteintes portées aux droits d’un auteur sont prévues et réprimées aux Livres I à III du code de la propriété intellectuelle et non par l’article 1240 du code civil, et l’appelante ne forme aucune prétention au titre de la contrefaçon du droit d’auteur dans le dispositif de ses écritures. La cour n’a donc pas à statuer sur ce point.

Sur les demandes au titre de la procédure abusive

L’exercice d’une action en justice constitue un droit et ne dégénère en abus pouvant donner naissance à des dommages et intérêts que dans le cas de malice, de mauvaise foi, d’erreur grossière équipollente au dol ou de légèreté blâmable.

La société Mv Industrie qui est déboutée de ses demandes au titre de la contrefaçon et de la concurrence déloyale et parasitaire tant en première instance qu’en appel doit être déboutée de ses demandes au titre de la procédure abusive.

Le jugement sera confirmé en ce qu’il a débouté la société Mv Industrie de sa demande à ce titre.

Les sociétés Graf ne rapportent pas quant à elles la preuve d’une telle faute de la société Mv Industrie ce quand bien même celle-ci a été avertie par le juge de la mise en état qui a rejeté ses demandes d’interdiction provisoire en raison de l’absence d’élément de preuve de la contrefaçon de brevet. En effet, l’appelante a pu légitimement se méprendre sur la portée de son droit ce malgré l’existence d’autres procédures. Les sociétés Graf seront en conséquence déboutées de leur demande en dommages et intérêts et le jugement infirmé en ce qu’il a condamné la société Mv Industrie pour procédure abusive.

Le jugement sera en revanche confirmé en ce qu’il a dit n’y avoir lieu au prononcé d’une amende civile.

Sur les autres demandes

Le sens de l’arrêt conduit à confirmer les dispositions du jugement concernant les dépens et les frais irrépétibles.

L’équité commande de condamner la société Mv Industrie à payer à chacune des sociétés Graf la somme de 15.000 euros au titre des frais irrépétibles d’appel, soit une somme globale de 30.000 euros, et de la débouter de sa demande formée à ce même titre.

PAR CES MOTIFS

La cour,

Confirme le jugement entrepris sauf en ce qu’il a condamné la société Mv Industrie à payer aux sociétés Otto Graf GmbH Kunststofferzeugnisse et Graf Distribution SASU chacune la somme de 10.000 euros au titre de la procédure abusive et sauf à préciser que le brevet français 2949292 annulé est celui tel que limité au jour de l’arrêt,

Prononce la nullité des revendications 1 à 4 du brevet français 2949292 tel que limité par décision du directeur général de l’Institut national de la propriété industrielle en date du 30 septembre 2020,

Y substituant et y ajoutant,

Rejette le demande de rejet des pièces n°6, n°7, n°26, n°34, n°35 et n°36 formée par les sociétés Otto Graf GmbH Kunststofferzeugnisse et Graf Distribution SASU,

Déboute les sociétés Otto Graf GmbH Kunststofferzeugnisse et Graf Distribution SASU de leurs demandes au titre de la procédure abusive,

Vu l’article 700 du code de procédure civile,

Condamne la société Mv Industrie à payer aux sociétés Otto Graf GmbH Kunststofferzeugnisse et Graf Distribution SASU la somme complémentaire de 15.000 euros à chacune, soit la somme globale de 30.000 euros,

Condamne la société Mv Industrie aux dépens d’appel qui pourront être recouvrés conformément aux dispositions de l’article 699 du code de procédure civile.

La Greffière La Conseillère, Faisant Fonction de Présidente

 


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