Galeriste : 24 novembre 2022 Cour d’appel d’Aix-en-Provence RG n° 22/04302

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Galeriste : 24 novembre 2022 Cour d’appel d’Aix-en-Provence RG n° 22/04302
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COUR D’APPEL D’AIX-EN-PROVENCE

Chambre 1-2

ARRÊT

DU 24 NOVEMBRE 2022

N° 2022/793

Rôle N° RG 22/04302 – N° Portalis DBVB-V-B7G-BJDFC

[G] [A]

S.A.S. CLEMENTINE

C/

[Y] [O]

S.A. SIFRA SOCIÉTÉ D’INVESTISSEMENTS SA

S.A.S. ARTLICES

S.A.S. MOULINSART

Copie exécutoire délivrée

le :

à :

Me Joseph MAGNAN

Me Chloé LANCESSEUR

Me Charles TOLLINCHI

Décision déférée à la Cour :

Ordonnance de référé rendue par le Président du tribunal judiciaire de MARSEILLE en date du 14 mars 2022 enregistrée au répertoire général sous le n° 21/04725.

APPELANTS

Monsieur [G] [A]

intimé dans la procédure 22/4732

né le 27 juillet 1971 à [Localité 14] (CANADA)

de nationalité Française, demeurant [Adresse 2]

représenté par Me Joseph MAGNAN de la SCP MAGNAN PAUL MAGNAN JOSEPH, avocat au barreau d’AIX-EN-PROVENCE substitué par Me Alice DINAHET, avocat au barreau d’AIX-EN-PROVENCE et assisté de Me Pierre LAUTIER, avocat au barreau de PARIS, plaidant

S.A.S. CLEMENTINE prise en son établissement secondaire GALERIE D’ART DAN & DONUTS sis [Adresse 4], prise en la personne de son représentant légal en exercice

intimée dans la procédure 22/4732

dont le siège social est situé [Adresse 20]

représentée par Me Joseph MAGNAN de la SCP MAGNAN PAUL MAGNAN JOSEPH, avocat au barreau d’AIX-EN-PROVENCE substituéepar Me Alice DINAHET, avocat au barreau d’AIX-EN-PROVENCE et assisté de Me Pierre LAUTIER, avocat au barreau de PARIS, plaidant

INTIMES

S.A. SIFRA SOCIÉTÉ D’INVESTISSEMENTS

représentée par son Directeur général en exercice

appelante dans la procédure 22/4732

dont le siège social est situé [Adresse 11] / SUISSE

représentée par Me Chloé LANCESSEUR, avocat au barreau d’AIX-EN-PROVENCE et assistée de Me Isabelle MARCUS MANDEL, avocat au barreau de PARIS, plaidant

S.A.S. ARTLICES

prise en la personne de sa Présidente en exercice

appelante dans la procédure 22/4732

dont le siège social est situé [Adresse 3]

représentée par Me Chloé LANCESSEUR, avocat au barreau d’AIX-EN-PROVENCE et assistée de Me Isabelle MARCUS MANDEL, avocat au barreau de PARIS, plaidant

SA TINTINIMAGINATIO (anciennement S.A.S. MOULINSART

poursuites et diligences de son représentant légal en exercice

dont le siège social est situé [Adresse 1] – BELGIQUE

représentée par Me Charles TOLLINCHI de la SCP TOLLINCHI PERRET VIGNERON, avocat au barreau d’AIX-EN-PROVENCE et assistée de Me Antoine JACQUEMART de la SELARL AKHEOS, avocat au barreau de MARSEILLE, plaidant

Monsieur [Y] [O]

désigné en qualité de mandataire d’inaptitude par décision du Juge de Paix du district d’Aigle en date du 05/03/2021 de Madame [F] [R], légataire universelle testamentaire de feu Monsieur [K] [B].

demeurant en cette qualité [Adresse 10] – SUISSE

représenté par Me Charles TOLLINCHI de la SCP TOLLINCHI PERRET VIGNERON, avocat au barreau d’AIX-EN-PROVENCE et assisté de Me Antoine JACQUEMART de la SELARL AKHEOS, avocat au barreau de MARSEILLE, plaidant

*-*-*-*-*

COMPOSITION DE LA COUR

L’affaire a été débattue le 18 octobre 2022 en audience publique. Conformément à l’article 804 du code de procédure civile, M. PACAUD, Président, a fait un rapport oral de l’affaire à l’audience avant les plaidoiries.

La Cour était composée de :

M. Gilles PACAUD, Président rapporteur

Mme Catherine OUVREL, Conseillère

Mme Angélique NETO, Conseillère

qui en ont délibéré.

Greffier lors des débats : Mme Julie DESHAYE.

Les parties ont été avisées que le prononcé de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le 24 novembre 2022.

ARRÊT

Contradictoire,

Prononcé par mise à disposition au greffe le 24 novembre 2022,

Signé par M. Gilles PACAUD, Président et Mme Julie DESHAYE, greffière auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

***

EXPOSÉ DU LITIGE

Madame [F] [R], veuve de Monsieur [K] [B] (dit [E]), est titulaire des droits moraux et patrimoniaux d’auteur sur l’ensemble de l”uvre d'[E] en sa qualité d’ayant droit. Par décision du juge de paix du district d’Aigle, en date du 5 mars 2020, M. [Y] [O] a été nommé mandataire d’inaptitude de cette dernière.

Par actes notariés successifs, les derniers en date des 5 mai 2014 et 3 octobre 2018, Mme [R] a fait apport à la société anonyme (SA) Moulinsart, devenue Tintinimaginatio, des droits dérivés et secondaires relatifs à l”uvre « Les aventures de Tintin ” à l’exception de l’édition des albums.

Monsieur [G] [A] crée, sous le nom d’artiste de [C], des sculptures représentant notamment les figures de la ‘pop culture’ telles que Snoopy, Popeye ou Mickey en utilisant la technique de la sérigraphie et celle du marouflage, rattachée au mouvement artistique des affichistes.

A partir de l’année 2017, il a commencé à fabriquer et commercialiser des sculptures s’inspirant des éléments originaux extraits de l”uvre d'[E], en particulier le visage et buste de Tintin et la fusée extraite des albums ‘Objectif Lune’ et ‘On a marché sur la Lune’.

La société par actions simplifiées (SAS) Clémentine, immatriculée le 1er mars 2017, est présidée par [G] [A]. Elle a créé, à [Localité 17], sous forme d’établissement secondaire, une galerie d’art, dont l’enseigne est Dan & Donuts Gallery et qui distribue les sculptures fabriquées par son président.

La société Sifra est une société anonyme de droit suisse, qui édite le site internet www.[06].fr. Il s’agit de la société mère du groupe des galeries d’art contemporain Bel Air Fine Art qui sont implantées en France ([Localité 15], [Localité 18], [Localité 19], [Localité 8]…) et à l’étranger ([Localité 19], [Localité 12], [Localité 13]…). Elle propose à la vente, par l’intermédiaire de ses galeries, des sculptures de M. [G] [A].

La société Artlices est détenue par la société Sifra. Elle exploite une galerie, sous l’enseigne Bel Air Fine Art, à [Localité 18].

Le 18 mars 2019, la SA Moulinsart et Mme [F] [R] ont, après avoir fait diligenter une saisie contrefaçon, fait assigner M. [G] [A] et la société 3 Cerises Sur Une Etagère, exploitante d’une galerie, devant le tribunal judiciaire de Marseille, en raison de la commercialisation de 55 bustes de Tintin et 14 sculptures représentant la fusée créée par [E] apparaissant dans les albums ‘Objectif Lune’ et ‘On a marché sur la lune’. Ces 69 ‘uvres étaient nommées par M. [A] à l’aide des titres d’albums d'[E].

Par un jugement en date du 17 juin 2021, le tribunal judiciaire de Marseille a dit que M. [A] et la SARL 3 Cerises sur une Etagère avaient commis des actes de contrefaçons et :

– condamné ces derniers in solidum à verser à la société Molinsart la somme de 114 157 euros de dommages et intérêts correspondant à la confiscation des recettes procurées par la contrefaçon ;

– ordonné à M. [A] de produire, sous astreinte de 100 euros par jour de retard, passé le trentième jour suivant la signification de sa décision :

‘ une attestation de son expert-comptable faisant état de la totalité des ventes en France des oeuvres contrefaisantes, en quantités et chiffres d’affaires sur la période du 18 mars 2016 jusqu’à la date du jugement ;

‘ copie de l’intégralité des factures correspondantes ;

– débouté la SA Moulinsart et Mme [F] [R] de leur demande de provision ;

– condamné in solidum M. [A] et la SARL 3 Cerises Sur Une Etagère à payer à Mme [F] [R] la somme de 10 000 euros de dommages et intérêts en réparation de l’atteinte au droit moral ;

– débouté la SA Moulinsart de sa demande au titre de l’atteinte au droit moral de l’auteur ;

– condamné M. [A] à payer à la SA Moulinsart la somme de 5 000 euros de dommages et intérêts en réparation de son préjudice moral ;

– interdit à M. [A] et à la SARL 3 Cerises Sur Une Etagère d’exposer, d’offrir à la vente et de commercialiser les oeuvres contrefaisantes, dès le lendemain de la date de signification de sa décision ;

– condamné M. [A] et la SARL 3 Cerises Sur Une Etagère à rappeler, dans les 15 jours de la signification du jugement, toutes les oeuvres contrefaisantes telles que décrites aux procès-verbal de constat et saisie contrefaçons des 19 et 20 février 2019 et à retirer de la circulation les catalogues et autres documents commerciaux faisant la promotion et offrant à la vente les oeuvres contrefaisantes et à supprimer toute référence desdites oeuvres sur leurs sites Internet ; – ordonné la destruction aux frais de M. [A] et de la SARL 3 Cerises Sur Une Etagère desdites oeuvres contrefaisantes, catalogues et autres documents commerciaux faisant la promotion ou offrant à la vente les oeuvres contrefaisantes, sous contrôle d’huissier, dans les 15 jours de la significaition du jugement ;

– assorti ces trois dernières dispositions d’une astreinte de 2 000 euros par jour de retard dans leur exécution et ce, pendant 18 mois ;

– ordonné la publication du dispositif du jugement dans trois journaux professionnels ou périodiques français, au choix des demanderesses … ;

– ordonné la publication du dispositif du jugement en première page des sites www.[016].me et www.[09].fr, pendant une durée ininterrompue de 30 jours … ;

– condamné in solidum M. [A] et la SARL 3 Cerises Sur Une Etagère aux dépens et à verser à la SA Moulinsart et Mme [F] [R] la somme de 8 000 euros en application de l’article 700 du code de procédure civile ;

– renvoyé l’affaire à la mise en état pour conclusions des parties au vu des documents à produire par M. [A] en vertu de l’injonction prononcée contre lui.

Par déclaration transmise le 2 juillet 2021, M. [G] a interjeté appel de cette décision.

Par ordonnance en date du 5 mai 2022, le conseiller de la mise en état de la chambre 3-1 de la cour d’appel d’Aix-en-Provence a, sur le fondement des dispositions de l’article 525-1 devenu 517-3 du code de procédure civile :

– ordonné l’exécution provisoire des mesures suivantes prononcées par jugement du tribunal judiciaire de Marseille le 17 juin 2021 :

‘ interdit à M. [A] et à la SARL 3 Cerises Sur Une Etagère d’exposer, d’offrir à la vente et de commercialiser les oeuvres contrefaisantes et ce, dès le lendemain de la date de signification de son ordonnance ;

‘ condamné M. [A] et à la SARL 3 Cerises Sur Une Etagère à retirer de la circulation les catalogues et autres documents commerciaux faisant la promotion ou offrant à la vente les oeuvres contrefaisantes et à supprimer toute référence desdites oeuvres de leurs sites internet et ce, dans un délai de 15 jours de la signification de son ordonnance ;

– débouté les parties de leurs autres demandes ;

– dit n’y avoir lieu à application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile ;

– condamné M. [A] et à la SARL 3 Cerises Sur Une Etagère aux dépens.

Alléguant avoir découvert, postérieurement au jugement de première instance précité, l’existence de nouvelles oeuvres contrefaisantes, à savoir 44 nouveaux bustes de Tintin et deux fusées, ainsi que l’ouverture, le 3 mai 2021, d’une nouvelle galerie à l’enseigne ‘Dan & Donuts’, établissement secondaire de la société Clémentine, la SA Moulinsart et M. [Y] [O] ont, par actes d’huissier en date des 8, 10, 12 et 19 novembre 2021, fait assigner M. [G] [A], la SAS Clémentine, la SA Sifra et la SAS Artlices, devant le président du tribunal judiciaire de Marseille, statuant en référé, à des fins identiques ou voisines, compte tenu du cadre procédural, de celles poursuivies dans le cadre de la première instance au fond.

Par ordonnance contradictoire en date du 14 mars 2022, le juge des référés du tribunal judiciaire de Marseille a :

– fait interdiction à M. [G] [A], la SAS Clémentine, la SA Sifra et la SAS Artlices d’exposer, d’offrir à la vente et de commercialiser les nouvelles oeuvres contrefaisantes visées au procès-verbal de constat du 19 octobre 2021, directement ou par l’intermédiaire de sociétés filiales, dès le lendemain de la date de signification de son ordonnance et ce, sous astreinte solidaire de 2 000 euros par jour de retard et infraction constatée ;

– condamné M. [G] [A], la SAS Clémentine, la SA Sifra et la SAS Artlices à rappeler, dans les 15 jours à compter de la signification de son ordonnance, toutes les nouvelles ‘uvres contrefaisantes visées au procès-verbal de constat du 19 octobre 2021 et à retirer de la circulation les catalogues et autres documents commerciaux faisant la promotion et offrant à la vente les nouvelles ‘uvres contrefaisantes visées au procès-verbal du 19 octobre 2021 et ce, dans un délai de 15 jours à compter de la signification de son ordonnance, et sous astreinte de 2 000 euros par jour de retard, passé ce délai ;

– fait injonction à M. [G] [A], la SAS Clémentine, la SA Sifra et la SAS Artlices de communiquer aux requérants, sous astreinte de 2 000 euros par jour de retard à compter de l’expiration d’un délai de deux mois suivant la signification de son ordonnance :

‘ une attestation de leur expert-comptable faisant état de la totalité des ventes en France des nouvelles ‘uvres contrefaisantes visées au procès-verbal de constat du 19 octobre 2021, en quantité et chiffre d’affaire, sur la période s’écoulant sur les deux années précédant la date de son ordonnance, que ces ventes aient été réalisées directement ou indirectement par le biais de sociétés filiales ;

‘ l’intégralité des factures d’achat et/ou de vente des nouvelles ‘uvres contrefaisantes visées au procès-verbal de constat du 19 octobre 2021, que ces ventes aient été réalisées directement ou indirectement par le biais de sociétés filiales et ce, sur la période s’écoulant sur les deux années précédant la date de son ordonnance ;

– fait injonction à M. [G] [A] de communiquer le lieu de fabrication des nouvelles oeuvres contrefaisantes visées au procès-verbal de constat du 19 octobre 2021 et d’en justifier et ce, sous astreinte de 2 000 euros par jour de retard à compter de l’expiration d’un délai de 15 jours à compter de la signification de la présente ordonnance ;

– dit n’y avoir lieu de se réserver la liquidation des différentes astreintes ;

– condamné in solidum M. [G] [A], la SAS Clémentine, la SA Sifra et la SAS Artlices à verser à la SA Moulinsart et Mme [F] [R] la somme de 30 000 euros à titre provisionnel à valoir sur les dommages-intérêts ;

– condamné in solidum M. [G] [A], la SAS Clémentine, la SA Sifra et la SAS Artlices à verser à la SA Moulinsart et Mme [F] [R] une indemnité de 5 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile et aux dépens du référé ;

– dit que son ordonnance serait exécutoire au seul vu de la minute.

Il a notamment considéré que le trouble manifestement illicite était établi et la créance indemnitaire non sérieusement contestable dès lors que :

– nonobstant le jugement rendu à son encontre le 17 juin 2021 par la première chambre civile du tribunal judiciaire de Marseille, M. [A] a créé 46 nouvelles oeuvres manifestement contrefaisantes, s’agissant de la reproduction servile du personnage de Tintin et, pour deux d’entre elles, de celle de la fusée imaginée par [E] ;

– contrairement à ce qu’il prétend, M. [A] n’apporte aucune note personnelle à ses oeuvres, ces dernières ne faisant, en outre, absolument pas rire, ce qui disqualifie l’exception de parodie.

Selon déclarations reçues au greffe les 22 et 30 mars 2022, M. [G] [A], la SAS Clémentine, la SA Sifra et la SAS Artlices ont interjeté appel de cette décision, lesdits appels portant sur toutes ses dispositions dûment reprises.

Par ordonnance en date du 6 avril 2022, les procédures enregistrées au répertoire général sous les numéros 22/4302 et 22/4732 ont été jointes, l’instruction de l’affaire se poursuivant sous la référence la plus ancienne.

Par dernières conclusions transmises le 4 octobre 2022, auxquelles il est renvoyé pour plus ample exposé des prétentions et moyens, M. [G] [A] et la SAS Clémentine sollicitent de la cour qu’elle infirme l’ordonnance entreprise et, statuant à nouveau :

– à titre principal :

‘ juge que la société Moulinsart est irrecevable en son action en contrefaçon ;

‘ juge que les conditions d’ouvertures du référé ne sont pas remplies ;

‘ juge que M. [G] [A] et la société Clémentine n’ont causé aucun trouble manifestement illicite à la société Moulinsart et Mme [F] [R], qui sont irrecevables à faire valoir leurs demandes à l’égard de ces dernières ;

‘ juge qu’il existe une contestation sérieuse à la demande de la société Moulinsart et Mme [F] [R], rendant irrecevable la demande de provision à l’encontre de M. [G] [A] et la société Clémentine ;

‘ déboute, en conséquence, la société Moulinsart et Mme [F] [R] de l’ensemble de leurs demandes ;

– à titre subsidiaire, si la cour devait estimer M. [G] [A] et la société Clémentine coupables de certains troubles invoqués par le demandeur :

‘ juge que le montant de la provision s’élève à 1 950 euros en rapport avec l’économie générale du dossier ;

‘ juge que le montant du remboursement au titre de l’article 700 du code de procédure civile est de 3 500 euros ;

– en tout état de cause :

‘ condamne la société Moulinsart et Mme [F] [R] à verser, chacune, à M. [G] [A] et la société Clémentine la somme de 5 000 euros au titre du remboursement des frais d’avocat ;

‘condamne la société Moulinsart et Mme [F] [R] aux entiers dépens.

Par dernières conclusions transmises le 6 octobre 2022, auxquelles il est renvoyé pour plus ample exposé des prétentions et moyens, la SA Sifra et la SAS Artlices demandent à la cour d’infirmer l’ordonnance entreprise et, statuant à nouveau, de :

– déclarer la société Moulinsart et M. [O], désigné en qualité de mandataire d’inaptitude de Mme [F] [R], légataire universelle testamentaire de feu [K] [B], irrecevables et mal fondés ;

– prononcer la mise hors de cause de la société Sifra ;

– débouter la société Moulinsart M. [O], désigné en qualité de mandataire d’inaptitude de Mme [F] [R] de toutes leurs demandes, fins et conclusions plus amples ou contraires à l’encontre des concluantes ;

– condamner in solidum la société Moulinsart et M. [O], désigné en qualité de mandataire d’inaptitude de Mme [F] [R] à verser, chacune, aux sociétés Sifra et Artlices une somme de 8 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile ;

– condamner in solidum la société Moulinsart et M. [O], désigné en qualité de mandataire d’inaptitude de Mme [F] [R], aux entiers dépens de l’instance et d’appel en application des articles 695 et 696 du code de procédure civile.

Par dernières conclusions transmises le 10 octobre 2022, auxquelles il est renvoyé pour plus ample exposé des prétentions et moyens, la SA Tintinimaginatio (anciennement Moulinsart) et M. [Y] [O], ès qualité de mandataire d’inaptitude de Mme [F] [R], sollicitent de la cour qu’elle confirme l’ordonnance entreprise et y ajoutant :

– condamne solidairement M. [G] [A], la SAS Clémentine, la SA Sifra et la SAS Artlices à leur payer la somme de 10 000 euros en application de l’article 700 du code de procédure civile ;

– condamne solidairement M. [G] [A], la SAS Clémentine, la SA Sifra et la SAS Artlices aux entiers dépens de la présente instance, distraits au profit de Maître Charles Tollinchi, avocat, sous affirmation de droit, y compris les frais, s’il y a lieu, de l’exécution forcée.

MOTIFS DE LA DÉCISION

Il convient de rappeler, à titre liminaire, que la cour n’est pas tenue de statuer sur les demandes de ‘constater’, ‘donner acte’, ‘dire et juger’ ou ‘déclarer’ qui, sauf dispositions légales spécifiques, ne sont pas des prétentions, en ce qu’elles ne sont pas susceptibles d’emporter des conséquences juridiques, mais des moyens qui ne figurent que par erreur dans le dispositif, plutôt que dans la partie discussion des conclusions d’appel.

Il convient également de souligner qu’avant l’ouverture des débats la cour a interrogé les conseils des parties sur le fait qu’ayant très récemment changé de nom, la SA Moulinsart avait rédigé ses dernières conclusions, datées du 10 octobre 2022, au nom de la SA Tintinimaginatio (anciennement Moulinsart), tant et si bien qu’aucun de ses contradicteurs n’avait visé cette nouvelle dénomination dans ses écritures. Les avocats de M. [A], la SAS Clémentine, la SA Sifra et la SA Artlices ont considéré que cela ne posait pas difficulté s’agissant d’un simple changement de nom, la forme sociale de la société intimée n’étant pas affectée. Celle-ci sera donc dénommée au présent arrêt, et notamment en son dispositif, SA Tintinimaginatio anciennement Moulinsart.

Sur la fin de non recevoir tirée de l’intérêt à agir de la SA Moulinsart et la nécessité de mettre en cause les éditions Casterman

Aux termes de l’article 31 du code de procédure civile, l’action est ouverte à tous ceux qui ont un intérêt légitime au succès ou au rejet d’une prétention, sous réserve des cas dans lesquels la loi attribue le droit d’agir aux seules personnes qu’elle qualifie pour élever ou combattre une prétention ou pour défendre un intérêt déterminé. L’article 32 ajoute qu’est irrecevable toute prétention émise par ou contre une personne dépourvue du droit à agir.

Aux termes de l’article L.113-1 du code de la propriété intellectuelle, la qualité d’auteur appartient, sauf preuve contraire, à celui ou à ceux sous le nom de qui l’oeuvre est divulguée. L’article L. 332-1 du même code précise que tout auteur d’une ‘uvre protégée par le livre Ier de la présente partie, ses ayants droit ou ses ayants cause peuvent agir en contrefaçon.

En application des dispositions de ces textes, l’exploitation non équivoque d’une oeuvre par une personne physique ou morale, sous son nom et en l’absence de revendication du ou des auteurs, fait présumer à l’égard du tiers recherché pour contrefaçon, que cette personne est titulaire sur l’oeuvre, qu’elle soit ou non collective, du droit de propriété incorporelle de l’auteur. Par extension, le licencié exclusif d’une oeuvre protégeable a qualité pour agir en contrefaçon, a fortiori lorsque le propriétaire des droits se joint à son action.

Il résulte d’une attestation rédigée le 4 octobre 2018 par Maître [H] [X], notaire associé à [Localité 7], que, suivant procès-verbal d’assemblée générale extraordinaire … (en date du) 4 octobre 2018, Mme [F] [R], légataire universelle de feu son époux [K] [B] … a fait apport à la société anonyme ‘Moulinsart’, anciennement dénommée ‘Baran International Licensing’ de la jouissance pour une période de 5 ans, prenant effet le 1er novembre 2018 pour prendre fin le 31 octobre 2023, des droits dérivés et secondaires relatifs à l’oeuvre d'[E], à l’exclusion des droit d’édition sous forme d’albums imprimés, numériques et autres formes connues ou à développer. Cette cession, limitée dans le temps, prenait la suite de précédentes, similaires, qui se sont succédées de façon ininterrompue depuis le 5 avril 1983.

Il s’évince de la lecture de l’attestation précitée et des précédentes que la société Tintinimaginatio (ex Moulinsart) est bien la concessionnaire exclusive de l’ensemble des droits d’auteurs dérivés de l’oeuvre d'[E], la société Casterman étant seulement titulaire, depuis 1942, du droit de publier ses albums. Cette concession est, en outre, de notoriété publique et dénuée d’équivoque. Elle n’est enfin nullement contestée par la titulaire des droits cédés, à savoir Mme [R], laquelle se joint à la présente action destinée à faire cesser des actes et détruire des oeuvres argués de contrefaçons.

L’action intentée par la SA Moulinsart, devenue Tintinimaginatio en cours d’instance, est donc parfaitement recevable et ce, nonobstant l’absence d’intervention de la société Casterman.

Sur la mise hors de cause de la société SIFRA

Il n’est pas contesté que, comme elle le soutient, la société Sifra est une société dite holding au sens où ses statuts stipulent qu’elle a pour ‘objet’ la prise de participations dans toutes les entreprises financières, commerciales, industrielles, notamment dans les domaines artistiques et de l’édition, ainsi que toutes les activités en rapport avec la gestion de participations. A ce titre, elle est titulaire de la marque Bel Air Fine Art.

Il résulte du procès-verbal de constat, dressé le 19 octobre 2021, par Maître [I], huissier de justice à [Localité 15], que le site internet www.[06].com est géré par la société Sifra Société D’investissement SA’ immatriculée au régime du commerce du Valais Central et domiciliée [Adresse 11]. Sur la page de garde de ce site apparaissent divers onglets. En cliquant sur celui intitulé ‘Artistes’, l’officier ministériel a accédé à la page ‘[C] Français 1970″, illustrée par un buste de Tintin. En y pénétrant, il a découvert plusieurs ‘fenêtres’ intitulées : Tintin, Spiderman, Mickey, Hulk, Snoopy et Donald. En cliquant sur l’onglet Tintin, il a eu accès aux photographies et fiches de présentation de quatre statues représentant des bustes de Tintin, intitulées ‘Tintin bras croisés-Le manteau de l’enfance-Affaire Tournesol’ (60 cm), ‘Tintin penseur-L’ordre et le chaos-Mix Objectif Lune/On a marché sur la Lune’ (200 cm), ‘Tintin Bras croisés-Le manteau de l’enfance-Objectif Lune’ et ‘Tintin penseur-L’ordre et le chaos-Objectif Lune’ (68 cm). Sous ces dernières figurait la mention ‘disponible’ ainsi qu’une envoloppe permettant d’entrer en contact avec la société éditrice dans une démarche d’achat.

L’huissier de justice a également relevé qu’en cliquant sur l’onglet ‘Galeries’ de la page d’accueil l’internaute avait accès aux différentes galeries exposant et commercialisant les oeuvres de M. [A], dit [C], au premier rang desquelles celle de [Localité 18] exploitée par la société Artlices.

Il a également mis en évidence que la société Sifra éditait également, sur les réseaux sociaux, les comptes Instagram ‘Bel Air Fine Art Officiel’ et Facebook ‘Bel Air Fine Art-Contemporary Art Galleries’ sur lesquels apparaissaient des bustes de Tintin créés par l’artiste [C].

Il s’induit de l’ensemble de ces éléments que la société Sifra participe à la diffusion, à destination du public, des oeuvres de M. [A] et d’informations, notamment des adresses de galeries permettant de les acheter. Elle s’inscrit donc dans un processus de commercialisation et publication des oeuvres arguées de contrefaçon dans le cadre de la présente instance. Il n’y a donc lieu d’accéder à sa demande de mise hors de cause.

Sur les actes de contrefaçon et l’exception de parodie

Aux termes de l’article 834 du code de procédure civile, dans tous les cas d’urgence, le président du tribunal judiciaire ou le juge du contentieux dans les limites de sa compétence, peuvent ordonner en référé toutes les mesures qui ne se heurtent à aucune contestation sérieuse ou que justifie l’existence d’un différend. L’article 835 alinéa 1 du même code dispose que le président du tribunal judiciaire ou le juge du contentieux de la protection dans les limites de sa compétence peuvent toujours, même en présence d’une contestation sérieuse, prescrire en référé les mesures conservatoires ou de remise en état qui s’imposent, soit pour prévenir un dommage imminent, soit pour faire cesser un trouble manifestement illicite.

Une contestation sérieuse survient lorsque l’un des moyens de défense opposés aux prétentions du demandeur n’apparaît pas immédiatement vain et laisse subsister un doute sur le sens de la décision au fond qui pourrait éventuellement intervenir par la suite sur ce point. A l’inverse, sera écartée une contestation que serait à l’évidence superficielle ou artificielle, le montant de la provision n’ayant alors d’autre limite que le montant non sérieusement contestable de la créance alléguée. C’est enfin au moment où la cour statue qu’elle doit apprécier l’existence d’une contestation sérieuse, le litige n’étant pas figé par les positions initiale ou antérieures des parties dans l’articulation de ce moyen.

Le trouble manifestement illicite désigne toute perturbation résultant d’un fait matériel ou juridique qui, directement ou indirectement, constitue une violation évidente de la règle de droit. Pour en apprécier la réalité, la cour d’appel, statuant en référé, doit se placer au jour où le premier juge a rendu sa décision et non au jour où elle statue. En outre, l’urgence n’est pas une condition de mise en oeuvre des dispositions de l’article 835 alinéa 1 du code de procédure civile.

L’article L. 111-1 du code de la propriété intellectuelle dispose : l’auteur d’une oeuvre de l’esprit jouit sur cette oeuvre, du seul fait de sa création, d’un droit de propriété incorporelle exclusif et opposable à tous : ce droit comporte des attributs d’ordre intellectuel et moral ainsi que des attributs d’ordre patrimonial, qui sont déterminés par les livres Ier et III du présent code.

Par application des dispositions de ce texte, une création intellectuelle n’est protégeable que si elle reflète la personnalité de son auteur, autrement dit si elle est originale. L’originalité se distingue de la nouveauté, en sorte que l’oeuvre protégeable est celle qui présente un caractère original, indépendamment de la notion d’antériorité qui est inopérante dans le cadre de l’application du droit de la propriété intellectuelle. Il faut et il suffit que l’oeuvre dont la protection est revendiquée porte une empreinte réellement personnelle et traduise un travail et effort créateur exprimant la personnalité de son auteur pour que celui-ci puisse revendiquer la protection organisée par le code de la propriété intellectuelle.

Aux termes de l’article L. 112-4 de ce code, le titre d’une oeuvre de l’esprit, dès lors qu’il présente un caractère original, est protégé comme l’oeuvre elle-même.

En application des dispositions de ce texte, doit être considérée comme originale toute expression non encore appropriée par le langage courant ou composée de plusieurs mots qui seraient banals pris isolément. L’originalité peut aussi résulter de l’emploi de mots ou expressions qui ne sont ni descriptifs ni génériques. Un titre bénéficiant de la même protection qu’une oeuvre, l’originalité doit s’en apprécier de la même manière c’est à dire en le considérant dans son ensemble et non pour chaque mot qui le compose pris isolément.

L’article L. 122-5 4° dispose que lorsque l’oeuvre a été divulguée, l’auteur ne peut interdire … la parodie, le pastiche et la caricature, compte tenu des lois du genre.

Pour pouvoir être qualifiée de ‘parodie’ l’oeuvre seconde doit évoquer l’oeuvre préexistante et présenter des différences perceptibles par rapport à celle-ci afin qu’il n’y ait aucune confusion avec l’oeuvre parodiée. Elle doit par ailleurs constituer une manifestation d’humour et de raillerie. Il doit être à cet égard souligné que l’humour ne se limite pas à ce qui fait rire mais peut seulement prêter à sourire même intérieurement. En outre, l’adjonction à l’oeuvre parodiée de traits d’humour secondaires est dénuée d’effet si elle ne modifie pas la nature et/ou signifiance de celle-ci mais constitue un détournement de notoriété dans un but commercial.

Enfin l’article L. 331-1-4 du code de la propriété intellectuelle dispose qu’en cas de condamnation civile pour contrefaçon, atteinte à un droit voisin du droit d’auteur ou aux droits du producteur de bases de données, la juridiction peut ordonner, à la demande de la partie lésée, que les objets réalisés ou fabriqués portant atteinte à ces droits, les supports utilisés pour recueillir les données extraites illégalement de la base de données et les matériaux ou instruments ayant principalement servi à leur réalisation ou fabrication soient rappelés des circuits commerciaux, écartés définitivement de ces circuits, détruits ou confisqués au profit de la partie lésée.

Il n’est pas contesté, contrairement à ce qui fût soutenu devant le tribunal judiciaire de Marseille dans le cadre de l’instance clôturée par le jugement du 21 juin 2021, que le personnage de Tintin est une création intellectuelle originale née de l’imagination d'[E], et dont ce dernier à lui même affirmé, dans l’émission Apostrophe du 5 janvier 1979, citée dans la décision précitée, qu’il reflétait sa personnalité. Indépendamment de ses traits de caractère et qualités, indifférents au présent débat relatif à des statues, il est indéniable et, au demeurant, pas discuté, qu’il s’agit d’un personnage ‘typé’ dont le graphisme est caractérisé par des choix esthétiques non contraints, tels que sa figure ronde surmontée d’une houpette relevée, des yeux ronds, un petit nez droit, une bouche fine ou ronde, lesquels constituent autant de particularités essentielles permettant de l’identifier du ‘premier coup d’oeil’.

Il en va de même de la fusée apparaissant sur les albums ‘Objectif Lune’ et ‘On a marché sur la Lune’ qui, si elle s’inspire des fusées V2, utilisées par la Vermarht pour frapper [Localité 12] lors de la seconde guerre mondiale, s’en distingue notamment par sa couleur, sa rondeur, le nombre de ses ailerons faisant office de ‘pieds’ et les amortisseurs sphériques équipant ce tripode ainsi que l’antenne présente sur sa pointe.

Dès lors, sauf parodie, pastiche ou caricature, seule la société Moulinsart, nouvellement dénommée Tintinimaginatio, peut s’inspirer des oeuvres précitées pour commercialiser, comme elle le fait, des bustes de Tintin et ‘fusées objectif Lune’.

Il résulte du procès-verbal de constat dressé le 19 octobre 2021 qu’à cette date, postérieure au jugement précité du tribunal judiciaire de Marseille, M. [A], sous le nom d’artiste de [C], a diffusé et commercialisé via les sites internet, Instagram et Facebook édités par la société Sifra, son propre site www.[016].com et l’intermédiaire des galeries exposant sous les enseignes ‘Dan & Donuts’ et ‘Bel Air Fine Art’ 46 nouvelles oeuvres représentant pour 44 d’entre elles des bustes de Tintin et pour les deux autres la fusée de l’album ‘Objectif Lune’.

La fusée intitulée ‘Fusée R&b craquelée’ est au couleur du damier Rouge et Blanc caractéristique de l’oeuvre originale dont elle reprend toutes les caractéristique, à l’exception de l’antenne prolongeant sa flèche, alors que celle nommée ‘Fusée Puzzle’ mime ce même damier mais en y intégrant des micro-scènes d’albums. Si l’esthétisme de ces oeuvres de ‘pop art’ n’est pas en débat, l’on peut considérer, avec l’évidence requise en référé, qu’il n’en émane aucun humour particulier, et qu’elles ne relèvent pas plus de la notion de parodie que de celle de pastiche ou de caricature. Elles n’apportent rien d’autre, sur le plan intellectuel qu’une déclinaison esthétique de l’oeuvre d'[E] et de la statue produite par la société Moulinsart, cessionnaire des droits d’auteur de ce dernier, dont elle reprend tous les codes et caractéristiques, à l’exception de l’antenne. Elle ne s’en distingue donc pas suffisamment pour être qualifiée de parodie.

S’agissant des 44 bustes de Tintin même si 15 d’entre eux le représentent dans une position bras croisés et non plus dans la position pensive ou interrogative caractérisée par la main droite soutenant son menton, reprise par les statuettes en porcelaine blanche commercialisées par la société Moulinsart, force est de constater que, comme pour les fusées, elles ne correspondent qu’à une déclinaison esthétique de l’oeuvre d'[E] sans apport et/ou interpellation intellectuels spécifiques, ni trait d’humour ou même de dérision.

Au demeurant, M. [A] en convient implicitement puisque, loin d’expliquer l’apport intellectuel et/ou les traits d’humour que recèlent l’ensemble de ces oeuvres, il se contente de faire conclure qu’il s’agit d’une manière pour lui de rendre hommage à l’oeuvre d'[E]. Ce faisant, il apporte crédit à l’idée, soulevée par les intimés, selon laquelle il poursuit une fin commerciale par le truchement d’un détournement de notoriété. Cette impression est en outre renforcée par les noms de ces oeuvres qui, tous, intègrent le nom protégé de ‘Tintin’ et pour leur majorité, les titres des albums d'[E], repris en totalité ou partie, continu ou discontinu, comme :

– Tintin manteau de l’enfance en Amétique ;

– Tintin manteau de l’enfance Lotus Bleu ;

– Tintin Soviet Reverso ;

– Tintin Ultimate collection Congo ;

– Tintin Ultimate collection Cigares des Pharaons ;

– Tintin Mix Objectif Lune/On a marché sur la Lune ;

– Tintin Mix Objectif Lune ;

– Tintin Lotus Bleu en chine ;

– Tintin Le Spectre d’Ottokar ;

– Tintin Rackham le Rouge ;

– Tintin en Amérique ;

– Tintin l’Ordre et la Chaos, Picaros ;

– Tintin l’Ordre et la Chaos, Cigares des Pharaons ;

– Tintin Congo Reverso ;

– Tintin Amérique Reverso ;

– Tintin Or Noir ;

– Tintin L’Ile Noire ;

– Tintin Crabe aux Pinces d’Or ;

– Tintin Bijoux de la Castafiore ;

– Tintin Tibet ;

– Tintin l’Ordre et la Chaos, Vol 714 ;

– Tintin l’Ordre et la Chaos, Secret de la Licorne ;

– Tintin l’Ordre et la Chaos, Objectif Lune ;

– Tintin l’Ordre et la Chaos, On a marché sur la Lune ;

– Tintin l’Ordre et la Chaos, Lotus Bleu ;

– Tintin l’Ordre et la Chaos, Crabe aux Pinces d’Or ;

– Tintin l’Ordre et la Chaos, Congo ;

– Tintin l’Ordre et la Chaos, 7 Boules de Cristal ;

– Tintin Affaire Tournesol ;

– Tintin Bras croisés, Le manteau de l’enfance Affaire Tournesol ;

A cet égard, il ne peut tirer arguement de ce que ses oeuvres seraient de taille, contexture, ni a fortiori de couleurs différentes de celles commercialisées par la SA Moulinsart/Tintinimaginatio ni même qu’il aurait, pour une minorité d’entre elles, légèrement modifié la position des bras, lesquels demeurent croisés. Il ne saurait davantage instuire une contestation sérieuse sur la base d’un précédent constitué par le jugement rendu par le tribunal judiciaire de Rennes le 10 mai 2021, dans une affaire opposant la SA Moulinsart et Mme [R] épouse [O] à M. [T] [D]. En effet, outre le fait que la cour ignore si elle est à ce jour définitive, cette décision portait sur des peintures dans lesquelle l’artiste a soutenu et la juridiction admis, que ces oeuvres considérées individuellement produisaient un effet humoristique, induit par l’incongruité de la situation, ou exprimaient des interrogations légitimement induites par l’oeuvre d'[E] et qu’elles présentent donc une distance suffisante avec l’oeuvre originale pour relever de l’exception de parodie. Or, au cas présent, force est de constater que cette distance et cet apport intellectuel ne sont pas caractérisés avec l’évidence requise en référé.

Ces oeuvres sont donc à l’évidence contrefaisantes et, ce faisant, constitutives d’un trouble manifestement illicite qu’il convient de faire cesser indépendamment de toute notion d’urgence. Au demeurant, même à considérer le présent litige sous le prisme de l’article 834 du code de procédure civile, l’urgence serait caractérisée par l’atteinte actuelle, constante et renouvelée au droit d’auteur dont les intimés sont respectivement propriétaire et cessionnaire et ce, d’autant qu’elles ont été produites postérieurement au jugement rendu par le tribunal judiciaire de Marseille le 21 juin 2021, sont pour certaines encore commercialisée et n’ont pas été retirées de la vente dans les suites de l’ordonnance de référé entreprise (du 14 mars 2022), ainsi qu’en attestent les procès-verbaux de constat dressés par Maîtres [I] et [W], huissiers de justice, les 10 mai, 13 mai et 7 septembre 2022.

L’ordonnance entreprise sera donc confirmée en ce qu’elle a condamné M. [G] [A], la SAS Clémentine, la SA Sifra et la SAS Artlices à rappeler, dans les 15 jours à compter de la signification de son ordonnance, toutes les nouvelles ‘uvres contrefaisantes visées au procès-verbal de constat du 19 octobre 2021 et à retirer de la circulation les catalogues et autres documents commerciaux faisant la promotion et offrant à la vente les nouvelles ‘uvres contrefaisantes visées au procès-verbal du 19 octobre 2021 et ce, dans un délai de 15 jours à compter de la signification de la présente ordonnance, et sous astreinte de 2 000 euros par jour de retard passé ce délai, sauf à préciser, pour éviter toute difficulté d’exécution, que ce rappel ne peut concerner que les oeuvres non encore vendues à des tiers, le préjudice subi du fait de la telles ventes devant être réparé ultérieurement par l’octroi de dommages et intérêts.

Elle sera également confirmée en ce qu’elle a :

– fait interdiction à M. [G] [A], la SAS Clémentine, la SA Sifra et la SAS Artlices d’exposer, d’offrir à la vente et de commercialiser les nouvelles oeuvres contrefaisantes visées au procès-verbal de constat du 19 octobre 2021, directement ou par l’intermédiaire de sociétés filiales, dès le lendemain de s date de signification et ce, sous astreinte solidaire de 2 000 euros par jour de retard et infraction constatée ;

– fait injonction à M. [G] [A], la SAS Clémentine, la SA Sifra et la SAS Artlices de communiquer aux requérants, sous astreinte de 2 000 euros par jour de retard à compter de l’expiration d’un délai de deux mois suivant sa signification :

‘ une attestation de leur expert-comptable faisant état de la totalité des ventes en France des nouvelles ‘uvres contrefaisantes visées au procès-verbal de constat du 19 octobre 2021, en quantité et chiffre d’affaire, sur la période s’écoulant sur les deux années précédant la date de l’ordonnance, que ces ventes aient été réalisées directement ou indirectement par le biais de sociétés filiales ;

‘ l’intégralité des factures d’achat et/ou de vente des nouvelles ‘uvres contrefaisantes visées au procès-verbal de constat du 19 octobre 2021, que ces ventes aient été réalisées directement ou indirectement par le biais de sociétés filiales et ce, sur la période s’écoulant sur les deux années précédant la date de l’ordonnance ;

– fait injonction à M. [G] [A] de communiquer le lieu de fabrication des nouvelles oeuvres contrefaisantes visées au procès-verbal de constat du 19 octobre 2021 et d’en justifier et ce, sous astreinte de 2 000 euros par jour de retard à compter de l’expiration d’un délai de 15 jours à compter de sa signification ;

– dit n’y avoir lieu de se réserver la liquidation des différentes astreintes.

Ces mesures sont, en outre, proportionnées dès lors qu’elles sont nécessaires pour faire respecter les droit d’auteurs détenus par Mme [R] et la société Tintinimaginatio, sont limitées aux oeuvres contrefaisantes identifiées par le procès-verbal de constat du 19 octobre

2021 et n’obèrent en rien la liberté d’expression de M. [A], à condition qu’il trouve, à l’avenir, les modalités adéquates pour faire véritablement oeuvre de création.

Sur la demande de provision

Aux termes de l’article 835 alinéa 2 du code de procédure civile, dans les cas où l’existence de l’obligation n’est pas sérieusement contestable … le président du tribunal judiciaire ou le juge du contentieux de la protection dans les limites de sa compétence … peuvent accorder une provision au créancier ou ordonner l’exécution d’une obligation même s’il s’agit d’une obligation de faire. L’absence de constestation sérieuse implique l’évidence de la solution qu’appelle le point contesté. Il appartient au demandeur d’établir l’existence de l’obligation qui fonde sa demande de provision tant en son principe qu’en son montant, laquelle n’a d’autre limite que le montant non sérieusement contestable de la créance alléguée.

L’article L. 331-1-3 du code de la propriété intellectuelle dispose : Pour fixer les dommages et intérêts, la juridiction prend en considération distinctement :

1° Les conséquences économiques négatives de l’atteinte aux droits, dont le manque à gagner et la perte subis par la partie lésée ;

2° Le préjudice moral causé à cette dernière ;

3° Et les bénéfices réalisés par l’auteur de l’atteinte aux droits, y compris les économies d’investissements intellectuels, matériels et promotionnels que celui-ci a retirées de l’atteinte aux droits.

Toutefois, la juridiction peut, à titre d’alternative et sur demande de la partie lésée, allouer, à titre de dommages et intérêts, une somme forfaitaire. Cette somme est supérieure au montant des redevances ou droits qui auraient été dus si l’auteur de l’atteinte avait demandé l’autorisation d’utiliser le droit auquel il a porté atteinte. Cette somme n’est pas exclusive de l’indemnisation du préjudice moral causé à la partie lésée.

Il résulte de l’attestation rédigée le 9 juin 2022 par Mme [J] [S], expert comptable du Cabinet ABC Consultant de Marseille, que M. [A] lui a remis, pour la période du 14 mars 2020 au 14 mars 2022, des factures correspondant à 12 ventes de sculptures Tintin, dont 11 bustes et une fusée, pour un total de chiffre d’affaire HT de 43 400 euros. Le 20 septembre de la même année, M. [U] [M], expert comptable à [Localité 5], a attesté que dans les ventes réalisées par la Galerie Artlices de [Localité 18] …, pour la période d’octobre 2019 à octobre 2021, apparaissaient 2 ventes de sculptures Tintin Bras croisés … pour un total de chiffre d’affaire de 14 360 euros.

Dans ses écritures du 10 octobre 2022, et plus précisément leur paragraphe II-5, M. [A] a pris soin de rayer la phrase suivante contenue dans ses précédentes conclusions : par déduction, les quarante-trois oeuvres restantes sont revendues par les sociétés Artlices et Sifra.

Enfin, dans son jugement du 21 juin 2021, le tribunal judiciaire de Marseille a établi, pièces comptables à l’appui, que la commercialisation des 55 oeuvres litigieuses (s’élevait) à 114 157 euros sur la période allant de février 2017 à février 2019.

En considération de ces éléments, rapportés au fait que le présent litige porte sur 46 nouvelles oeuvres, la cour peut, à l’instar du premier juge, estimer que le montant non sérieusement contestable du préjudice tant patrimonial que moral subi par la société Tintinimaginatio, anciennement Moulinsart, et Mme [R], peut être fixé à 30 000 euros et ce d’autant que leurs création et commercialisation sont postérieures à la décision précitée.

L’ordonnance entreprise sera donc confirmée de ce chef.

Le caractère solidaire de la condamnation provisionnelle prononcée à l’encontre de M. [A], la SAS Clémentine, la SA Sifra et la SAS Artlices sera en outre maintenu dès lors que chacun de ces appelants, défendeurs en première instance, a participé pour partie, à la création, diffusion et/ou commercialisation des oeuvres contrefaites.

Sur l’article 700 du code de procédure civile et les dépens

Il convient de confirmer l’ordonnance déférée en ce qu’elle condamné in solidum M. [G] [A], la SAS Clémentine, la SA Sifra et la SAS Artlices aux dépens et à verser à la SA Moulinsart et Mme [F] [R] une indemnité de 5 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile et du référé. Elle le sera également en ce que le premier juge a dit que son ordonnance serait exécutoire au seul vu de la minute.

M. [G] [A], la SAS Clémentine, la SA Sifra et la SAS Artlices, qui succombent au litige, seront déboutés de leur demande formulée sur le fondement l’article 700 du code de procédure civile. Il serait en revanche inéquitable de laisser à la charge de la société Tintinimagination et M. [O], agisant ès qualité de mandataire d’inaptitude de Mme [F] [R], les frais non compris dans les dépens, qu’ils ont exposés pour leur défense. Il leur sera donc alloué une somme de 8 000 euros en cause d’appel ;

M. [G] [A], la SAS Clémentine, la SA Sifra et la SAS Artlices supporteront en outre les dépens de la procédure d’appel.

PAR CES MOTIFS

La cour,

Déclare recevable l’action engagée par la SA Tintinimaginatio, anciennement dénommée Moulinsart ;

Rejette la demande de mise hors de cause de la SA Sifra ;

Confirme l’ordonnance entreprise en toutes ses dispositions,

Y ajoutant :

Précise que la condamnation sous astreinte de M. [G] [A], la SAS Clémentine, la SA Sifra et la SAS Artlices à rappeler les nouvelles ‘uvres contrefaisantes visées au procès-verbal de constat du 19 octobre 2021, dans les 15 jours à compter de la signification de l’ordonnance entreprise, ne concernait que les oeuvres non encore vendues à des tiers.

Condamne in solidum M. [G] [A], la SAS Clémentine, la SA Sifra et la SAS Artlices à payer à la société Tintinimaginatio, anciennement dénommée Moulinsart, et M. [Y] [O], agisant ès qualité de mandataire d’inaptitude de Mme [F] [R], la somme de 8 000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile ;

Déboute M. [G] [A], la SAS Clémentine, la SA Sifra et la SAS Artlices de leur demande sur ce même fondement ;

Condamne in solidum M. [G] [A], la SAS Clémentine, la SA Sifra et la SAS Artlices aux dépens d’appel, qui seront recouvrés conformément aux dispositions de l’article 699 du code de procédure civile.

La greffière Le président

 


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