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20 octobre 2023
Cour d’appel de Toulouse
RG n°
22/01387
20/10/2023
ARRÊT N°2023/390
N° RG 22/01387 – N° Portalis DBVI-V-B7G-OXEG
FCC/AR
Décision déférée du 02 Mars 2022 – Conseil de Prud’hommes – Formation paritaire de toulouse ( F 20/00210)
SECTION ACTIVITES DIVERSES – NICOLAS P
S.A.S. OKTAL
C/
[Z] [C]
confirmation partielle
Grosse délivrée
le 20 10 2023
à Me Laurent SEYTE
Me Pierre THERSIQUEL
REPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
***
COUR D’APPEL DE TOULOUSE
4eme Chambre Section 2
***
ARRÊT DU VINGT OCTOBRE DEUX MILLE VINGT TROIS
***
APPELANTE
S.A.S. OKTAL
prise en la personne de son représentant légal, domicilié ès qualités audit siège sis [Adresse 4]
Représentée par Me Laurent SEYTE de la SELARL GUYOMARCH-SEYTE AVOCATS, avocat au barreau de TOULOUSE
INTIME
Monsieur [Z] [C]
[Adresse 3]
[Localité 2]
Représenté par Me Pierre THERSIQUEL de l’AARPI HANDBURGER-DARROUS-THERSIQUEL AVOCATS, avocat au barreau de GERS
COMPOSITION DE LA COUR
En application des dispositions des articles 786 et 907 du Code de procédure civile, l’affaire a été débattue le 15 Septembre 2023, en audience publique, les avocats ne s’y étant pas opposés, devant F.CROISILLE CABROL, conseillère chargée du rapport. Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :
C. BRISSET, présidente
F. CROISILLE-CABROL, conseillère
E. BILLOT, vice-présidente placée
Greffier, lors des débats : A. RAVEANE
ARRET :
– contradictoire
– prononcé publiquement par mise à disposition au greffe après avis aux parties
– signé par C. BRISSET, présidente, et par A. RAVEANE, greffière de chambre
EXPOSÉ DU LITIGE
M. [Z] [C] a été embauché selon contrat de professionnalisation à durée déterminée à temps plein prévu du 16 septembre 2019 au 27 septembre 2020 par la SAS Oktal en qualité d’administrateur réseaux ; il était stipulé que le tuteur au sein de l’entreprise serait M. [O], responsable SSI, et que la formation serait dispensée par l’organisme CIEFA du 17 octobre 2019 au 17 septembre 2020.
La convention collective nationale des bureaux d’études techniques des cabinets d’ingénieur conseil et des sociétés de conseils, dite Syntec est applicable.
Par lettre remise en main propre le 15 janvier 2020 contenant mise à pied à titre conservatoire, M. [C] a été convoqué à un entretien préalable au licenciement fixé au 21 janvier 2020, puis licencié pour faute grave par LRAR du 23 janvier 2020. La relation de travail a pris fin au 24 janvier 2020.
Le 11 février 2020, M. [C] a saisi le conseil des prud’hommes de Toulouse aux fins notamment de paiement de l’indemnité de requalification du contrat de professionnalisation à durée déterminée en contrat à durée indéterminée de droit commun, de dommages et intérêts pour non-respect de l’obligation de sécurité, du salaire pendant la mise à pied conservatoire, de dommages et intérêts pour rupture abusive ou à titre subsidiaire pour rupture irrégulière, et de dommages et intérêts pour licenciement vexatoire, et de remise sous astreinte des documents sociaux rectifiés.
Par jugement du 2 mars 2022, le conseil de prud’hommes de Toulouse a :
– dit et jugé que :
* le contrat de travail de M. [C] ne doit pas être requalifié en contrat à durée indéterminée de droit commun,
* la SAS Oktal n’a pas manqué à son obligation de sécurité et de résultat,
* le licenciement était pour cause réelle et sérieuse,
– débouté M. [C] de ses demandes indemnitaires de requalification de son contrat en contrat à durée indéterminée de droit commun, pour manquement à l’obligation de sécurité et pour licenciement vexatoire et irrégulier,
– condamné la SAS Oktal à payer à M. [C] les sommes suivantes :
* 513,89 € de salaires relatifs à la mise à pied à titre conservatoire et 51,39 € pour les congés payés afférents,
* 10.189,06 € pour rupture anticipée du contrat de travail à durée déterminée,
* 1.000 € en application de l’article 700 du code de procédure civile,
– ordonné la rectification du bulletin de salaire du mois de janvier 2020 et des documents sociaux de fin de contrat,
– débouté M. [C] du surplus de ses demandes,
– condamné la SAS Oktal aux dépens.
La SAS Oktal a relevé appel de ce jugement le 8 avril 2022, en énonçant dans sa déclaration d’appel les chefs critiqués.
Par conclusions n° 2 notifiées par voie électronique le 29 août 2023, auxquelles il est expressément fait référence, la SAS Oktal demande à la cour de :
– réformer le jugement en ce qu’il a jugé que le licenciement de M. [C] reposait sur une cause réelle et sérieuse et en ce qu’il a alloué à M. [C] des sommes au titre des salaires, de la rupture anticipée du contrat de travail et de l’article 700 du code de procédure civile,
Et, statuant à nouveau :
– juger que la rupture du contrat de travail repose sur une faute grave,
– débouter M. [C] de l’intégralité de ses demandes,
– confirmer le jugement en ce qu’il a débouté M. [C] de ses demandes au titre de l’obligation de formation, de l’obligation de sécurité et du caractère prétendument vexatoire et irrégulier du licenciement,
– condamner M. [C] au paiement de la somme de 3.000 € sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile, ainsi qu’aux entiers dépens.
Par conclusions notifiées par voie électronique le 2 juin 2022, auxquelles il est expressément fait référence, M. [C] demande à la cour de :
– infirmer ou annuler le jugement,
et statuant à nouveau :
– dire et juger tant recevable que bien fondé M. [C] en son action,
– infirmer le jugement en ses dispositions relatives à l’exécution du contrat, à savoir en ce qu’il a dit et jugé que le contrat de travail de M. [C] ne doit pas être requalifié en contrat à durée indéterminée de droit commun et que la société n’a pas manqué à son obligation de sécurité, et débouté M. [C] de ses demandes de ces chefs,
– constater que le salarié n’a pas pu réaliser l’objet de son contrat de professionnalisation, que l’employeur a manqué à diverses obligations résultant de son contrat de professionnalisation, que de ce fait son contrat de travail doit être requalifié en contrat à durée indéterminée de droit commun,
– condamner la SAS Oktal à verser à M. [C] les sommes suivantes :
* 1.397,83 € au titre de la requalification du contrat de professionnalisation à durée déterminée en contrat de droit commun à durée indéterminée,
* 2.641,20 € au titre des dommages et intérêts pour manquement à l’obligation de sécurité de résultat,
* 513,89 € au titre du paiement de la mise à pied conservatoire et 51,39 € au titre des congés payés afférents,
– infirmer le jugement en sa disposition relative au caractère vexatoire du licenciement, à savoir en ce qu’il a débouté M. [C] de ses demandes indemnitaires au titre du licenciement vexatoire et des irrégularités de licenciement,
– condamner la SAS Oktal à verser à M. [C] la somme de 3.000 € au titre du préjudice pour licenciement vexatoire,
– confirmer le jugement en ses dispositions relatives à l’absence de faute grave, à savoir en ce qu’il a dit et jugé le licenciement de M. [C] pour cause réelle et sérieuse, et a condamné la SAS Oktal au paiement des sommes de 513,89 € pour les salaires relatifs à la mise à pied à titre conservatoire et de 51,39 € pour les congés payés afférents et 10.189,06 € pour rupture anticipée du contrat à durée déterminée et ordonné la rectification du bulletin de salaire du mois de janvier 2020 et des documents sociaux de fin de contrat,
– condamner la SAS Oktal à verser à M. [C] la somme de 10.189,06 € pour rupture abusive du contrat de travail à durée déterminée, ou à titre subsidiaire, celle de 1.650,75 €,
– ordonner la rectification du bulletin de salaire de janvier 2020 sous astreinte de 25 € par jour de retard à compter du 2ème mois suivant la notification du jugement,
– condamner l’employeur en tous les dépens, qui comprendront notamment l’exécution de la décision à intervenir, la somme de 2.400 € sur le fondement de l’article 700 code de procédure civile et ordonner la capitalisation des intérêts à compter du 30 juin 2020 pour les créances salariales du 6 février 2021 (sic) et à compter du 2 mars 2022 pour les créances indemnitaires.
MOTIFS
A titre préliminaire, la cour note que M. [C] demande d’annuler ou d’infirmer le jugement mais sans soumettre à la cour de moyens tendant à l’annulation. Il n’y a donc pas lieu d’annuler le jugement.
1 – Sur la requalification du contrat de professionnalisation à durée déterminée en contrat à durée indéterminée de droit commun :
Le contrat de professionnalisation est un contrat de travail particulier régi par les articles L 6325-1 et suivants du code du travail, ayant pour objet de permettre d’acquérir une des qualifications prévues à l’article L 6314-1 et de favoriser l’insertion ou la réinsertion professionnelle ; il associe des enseignements dispensés par des organismes ou par l’entreprise si elle dispose d’un service de formation, et l’acquisition d’un savoir-faire par l’exercice en entreprise d’une ou plusieurs activités professionnelles en relation avec les qualifications recherchées ; l’employeur s’engage à assurer une formation au salarié lui permettant d’acquérir une qualification professionnelle et à lui fournir un emploi en relation avec cet objectif pendant la durée du contrat à durée déterminée.
Ainsi, l’obligation de formation constitue un élément essentiel du contrat de professionnalisation et à défaut de formation, ce contrat doit être requalifié en contrat de travail de droit commun, c’est-à-dire à durée indéterminée.
M. [C], qui demande l’infirmation du jugement en ce qu’il l’a débouté de ses demandes de requalification du contrat de professionnalisation à durée déterminée en contrat de travail de droit commun à durée indéterminée et de paiement d’une indemnité de requalification, soutient que la SAS Oktal n’a pas respecté son obligation de formation et qu’elle a dévoyé l’objet du contrat en lui faisant effectuer en majorité des tâches de déménageur au lieu d’administrateur réseaux.
M. [C] verse aux débats le courrier du 4 février 2020 adressé à la SAS Oktal par l’inspection du travail saisie par le salarié et l’un de ses collègues M. [H] et ayant procédé à une enquête. L’inspection du travail indiquait que M. [C] n’avait fait aucune tâche liée à sa formation en raison du déménagement des locaux et avait exécuté majoritairement des tâches physiques liées à ce déménagement (déplacement des bennes, démontage et remontage des meubles, démontage de batteries d’onduleurs, mise en palettes et en cartons, utilisation d’un véhicule utilitaire…) ; elle rappelait à la SAS Oktal ses obligations en matière de contrat de professionnalisation faute de quoi celle-ci encourait la requalification du contrat et estimait qu’en laissant un salarié en contrat de professionnalisation seul elle se mettait dans l’illégalité.
La SAS Oktal réplique que le courrier de l’inspection du travail ne repose que sur les seuls dires de MM. [C] et [H] lesquels ne s’étaient plaints de rien auprès de la société, que l’ensemble des salariés de l’entreprise a participé à ‘donner un coup de main’ au déménagement, y compris M. [C], et que celui-ci a seulement aidé à déplacer des cartons pendant une journée. Toutefois, elle ne justifie pas de ce que la participation de M. [C] au déménagement n’aurait duré qu’une journée et de ce que, tous les autres jours, il était en formation au poste d’administrateur réseaux ; elle ne produit aucune attestation sur le contenu et l’importance du tutorat et de la formation ; le formulaire d’évaluation – non daté – renseigné après la période d’essai se bornait à rappeler les objectifs fixés au salarié et leur degré d’atteinte (‘à améliorer’), sans évoquer le tutorat et la formation ; quant à la formation ‘pratique APTELEC’ dispensée par Adecco Training le 13 décembre 2019, elle ne suffit pas pour prouver que la SAS Oktal a rempli ses obligations.
Infirmant le jugement, la cour ordonnera donc la requalification du contrat de professionnalisation à durée déterminée en contrat à durée indéterminée de droit commun ce qui ouvre droit à une indemnité qui ne peut être inférieure à un mois de salaire.
M. [C] réclame, à titre d’indemnité de requalification, non pas un mois de salaire, mais la différence entre les salaires qu’il a perçus dans le cadre du contrat de professionnalisation et les salaires qu’il aurait dû percevoir dans le cadre d’un contrat de travail de droit commun au vu des minima conventionnels, de septembre 2019 à janvier 2020, soit un total de 1.397,83 €. Il sera simplement alloué à M. [C] une indemnité égale à son salaire mensuel brut perçu soit 1.320,60 €.
2 – Sur l’obligation de sécurité :
En application de l’article L 4121-1 du code du travail, l’employeur prend les mesures nécessaires pour assurer la sécurité et protéger la santé physique et mentale des travailleurs. Il lui incombe d’établir que, dès qu’il a eu connaissance du risque subi par le salarié, il a pris les mesures suffisantes pour y remédier.
M. [C], qui demande l’infirmation du jugement qui l’a débouté de sa demande de dommages et intérêts, se plaint d’avoir effectué le déménagement sans formation ni évaluation des risques, notamment sur le port de charges lourdes, ni protection suffisante (simples gants en latex).
La SAS Oktal réplique que M. [C] a simplement déplacé des cartons ponctuellement dans un véhicule utilitaire ce qui ne nécessitait ni consignes ni formations particulières.
Or, dans son courrier du 4 février 2020, l’inspection du travail a relevé que M. [C] ne s’était pas contenté de transporter du matériel informatique, mais qu’il avait manipulé des charges lourdes (déplacement de bennes, démontage de meubles…) et utilisé le véhicule utilitaire ; elle a reproché à la SAS Oktal de ne pas avoir évalué les risques préalables ni donné au salarié des informations et formations adaptées à ces tâches, et demandé à la société les documents obligatoires de consultation du comité social et économique concernant le déménagement. Le fait que l’inspection du travail n’ait pas dressé de procès-verbal à l’encontre de la SAS Oktal ne suffit pas à prouver que la société a rempli son obligation de sécurité.
M. [C] a ainsi subi un préjudice qui sera réparé à hauteur de 500 €.
3 – Sur la rupture du contrat de travail :
La lettre de rupture était ainsi motivée :
‘Vous avez été engagé le 16 septembre 2019 en contrat de professionnalisation à durée déterminée en qualité d’Administrateur Réseaux.
En date du mardi 17 décembre 2019 au matin, et dans le cadre des missions que vous aviez ce jour, il vous a été demandé de transférer à l’aide de notre utilitaire Peugeot Boxer des cartons de matériels informatiques d’un de nos halls d’intégration à un autre de nos halls d’intégration situés tout deux à la même adresse [Adresse 1].
Lors de cette mission, vous vous êtes mis au volant de l’utilitaire pour le sortir du garage d’un de nos sites.
En sortant du garage, de manière rapide et trop proche du mur situé sur votre gauche, vous avez accidenté notre utilitaire sur toute la partie de gauche.
Lors du choc, l’utilitaire s’est retrouvé coincé avec le mur. Vous avez donc été dans l’obligation de faire une marche arrière pour le dégager.
Une fois votre mission terminée, vous avez stationné en fin de matinée l’utilitaire devant le hall n°1, en présence de notre Directeur Général M. [X] [J] sans l’informer, sans informer votre responsable ou un membre de la Direction de la société de l’accident survenu, puis vous êtes parti prendre votre pause déjeuner.
Notre Directeur Général M. [X] [J], s’est aperçu des dégâts sur l’utilitaire peu de temps après votre départ en pause déjeuner.
Quand M. [M] [U], Responsable de la Maintenance, est venu vous demander si vous étiez l’auteur des dégâts, vous avez affirmé que cela n’était pas vous.
A votre retour de pause déjeuner, notre Directeur Général M. [X] [J] vous a interrogé sur l’incident survenu. Vous avez répondu dans un premier temps que cela n’était pas vous.
Notre Directeur Général M. [X] [J] a alors rappelé que le site est équipé d’un dispositif de vidéosurveillance (dûment déclaré auprès de la CNIL, faisant l’objet d’un affichage spécifique à l’entrée de chaque bâtiment mentionnant que le site est sous vidéosurveillance), et qu’il est facile de vérifier ce qui s’était passé.
Malgré cela, face à notre Directeur Général M. [X] [J] et alors que les faits sont avérés, vous avez refusé de reconnaître votre responsabilité. Vous avez maintenu votre version en affirmant que vous n’aviez rien senti.
Notre Directeur Général M. [X] [J] vous a, à ce moment précis, demandé si vous vous moquiez de lui compte tenu des dégâts occasionnés sur le véhicule utilitaire, en présence des salariés de la société Solutio, présents sur les lieux.
Plus tard, notre Directeur Général M. [X] [J] a donc visionné les images de la vidéosurveillance, qui ont montré d’une part que vous étiez conducteur, et d’autre part que vous ne pouviez ignorer avoir eu cet incident, les images montrant que vous vous êtes encastré sur le montant de la porte sectionnelle gauche, occasionnant un ripage de plus d’un mètre du camion, que vous vous êtes retrouvé coincé dans cette situation, nécessitant une marche arrière pour vous dégager.
Objectivement, vous ne pouviez donc nier n’avoir rien senti. Vous vous êtes enfoncé dans le mensonge.
En date du lundi 13 janvier 2020, dans le cadre d’une entrevue ayant pour seul objectif d’échanger sur les faits qui se sont déroulés le 17/12/19, vous avez maintenu déloyalement votre position en niant une responsabilité pourtant évidente.
De tels faits, au regard de votre fonction sont inacceptables.
Ces faits sont constitutifs d’un manquement particulièrement grave :
‘ A la discipline générale de l’entreprise ;
‘ A votre obligation de loyauté envers l’entreprise ;
Votre attitude mensongère entraîne une perte de confiance et plus globalement porte atteinte aux intérêts de l’entreprise. Votre maintien dans l’entreprise s’avère impossible.
C’est dans ce contexte que nous vous avons convoqué le 15 janvier 2020 à un entretien qui a eu lieu le mardi 21 janvier 2020 à 9h30, avec pour objet d’écouter vos explications quant aux faits qui vous sont reprochés.
Au cours de cet entretien, vous nous avez exposé votre version des faits.
Vos explications n’ont pas été de nature à remettre en cause notre appréciation des faits.
Après réflexion, nous vous informons, par la présente, que nous prenons la décision de vous licencier pour faute grave pour les faits évoqués ci-dessus…’
La faute grave est celle qui résulte d’un fait ou d’un ensemble de faits imputables au salarié qui constituent une violation des obligations découlant du contrat de travail d’une importance telle qu’elle rend impossible le maintien du salarié au sein de l’entreprise ; la charge de la preuve de la faute grave pèse sur l’employeur.
Du fait de la requalification du contrat de professionnalisation à durée déterminée en contrat de travail de droit commun, les règles spécifiques relatives à la rupture du contrat à durée déterminée (sauf accord entre les parties, rupture uniquement en cas de faute grave, de force majeure ou d’inaptitude) ne s’appliquent pas et toute faute même simple peut fonder la rupture.
Dans la lettre de rupture, la SAS Oktal ne reproche pas à M. [C] d’avoir accroché le véhicule utilitaire qu’il conduisait le 17 décembre 2019 pendant le déménagement, mais d’avoir manqué à son obligation de loyauté en niant être l’auteur de l’accrochage ou en affirmant ne pas s’en être aperçu, ce qui a nécessité de visionner la vidéosurveillance pour identifier le conducteur et pour constater le choc.
Ainsi, les arguments de M. [C], dans ses conclusions, tenant à son inexpérience dans la conduite d’un véhicule utilitaire, à l’absence d’évaluation des risques et de formation au déménagement et à la conduite et au fait que le véhicule était assuré, sont inopérants. Dans ses écritures, M. [C] ne conteste pas que la vidéosurveillance a permis de l’identifier comme étant le conducteur, ni l’importance des dégâts, le véhicule ayant ripé de plus d’un mètre et ayant été coincé contre le mur ce qui montre la violence du choc qui n’a pas pu lui échapper, mais il maintient sa version comme il l’a déjà fait le jour de l’accident, lors de l’entretien du 13 janvier 2020, lors de l’entretien préalable du 21 janvier 2020, et par mail (sa pièce n° 5).
Cette attitude mensongère caractérise, dans les circonstances ci-dessus décrites ayant amené à la requalification du contrat, non pas une faute grave, mais une faute simple constitutive d’une cause réelle et sérieuse.
M. [C] peut donc prétendre au salaire pendant la mise à pied conservatoire soit 513,89 € bruts outre congés payés de 51,39 € bruts.
Du fait de la requalification en contrat à durée indéterminée et de l’existence d’une cause réelle et sérieuse, M. [C] ne peut donc pas prétendre à des dommages et intérêts pour rupture abusive, ni d’un montant égal aux rémunérations que le salarié aurait perçues jusqu’au terme du contrat à durée déterminée, ni d’un montant moindre.
Il convient d’infirmer le jugement qui a alloué des dommages et intérêts de 10.189,06 €, et de débouter M. [C] de sa demande.
A titre subsidiaire, M. [C] réclame des dommages et intérêts pour non-respect du délai de 5 jours ouvrables entre la convocation du 15 janvier 2020 et l’entretien préalable du 21 janvier 2020 (le 19 janvier étant un dimanche) et non-respect du délai de 2 jours ouvrables entre l’entretien du 21 janvier 2020 et la notification du licenciement du 23 janvier 2020. La SAS Oktal ne nie pas ces non-respects. Il demeure que M. [C] ne justifie d’aucun préjudice de sorte qu’il sera débouté de sa demande de dommages et intérêts.
M. [C] sollicite également des dommages et intérêts pour licenciement vexatoire au motif qu’il a été licencié pour avoir effectué des tâches ne relevant pas de sa mission, notamment la conduite d’un véhicule utilitaire. Toutefois, il a été dit que l’accrochage ne constituait pas le motif du licenciement. M. [C] ne caractérisant aucune circonstance vexatoire, il sera débouté de sa demande.
4 – Sur le surplus des demandes :
Les condamnations à paiement de créances salariales (513,89 € et 51,39 €) portent intérêts au taux légal à compter de la réception par l’employeur de la convocation devant le bureau de conciliation et d’orientation du conseil de prud’hommes soit le 24 février 2020 avec capitalisation des intérêts échus pour une année à compter des conclusions déposées en vue de l’audience du conseil de prud’hommes du 1er décembre 2021, et les condamnations à paiement de créances indemnitaires (1.320,60 € et 500 €) portent intérêts au taux légal à compter de la mise à disposition du présent arrêt, avec capitalisation à compter de la mise à disposition de l’arrêt.
La remise des documents de fin de contrat conformes sera ordonnée, sans qu’il y ait lieu à astreinte, le jugement étant confirmé de ce chef.
L’employeur qui perd sur une partie des demandes principales doit supporter les dépens de première instance et d’appel, ainsi que ses propres frais irrépétibles, et ceux exposés par le salarié en première instance (1.000 €). Il n’y a pas lieu d’allouer au salarié une somme au titre des frais irrépétibles exposés en appel.
PAR CES MOTIFS,
Confirme le jugement en ce qu’il a :
– condamné la SAS Oktal à payer à M. [Z] [C] les sommes de 513,89 € au titre de la mise à pied conservatoire outre congés payés de 51,39 € et 1.000 € en application de l’article 700 du code de procédure civile,
– débouté M. [Z] [C] de ses demandes de dommages et intérêts pour licenciement vexatoire et irrégulier,
– ordonné la rectification du bulletin de paie de janvier 2020 et des documents sociaux de fin de contrat,
– condamné la SAS Oktal aux dépens de première instance,
Infirme le jugement pour le surplus,
Statuant à nouveau sur les dispositions infirmées et y ajoutant,
Ordonne la requalification du contrat de professionnalisation à durée déterminée en contrat à durée indéterminée de droit commun,
Dit que la rupture du contrat de travail était fondée, non sur une faute grave, mais sur une faute simple constitutive d’une cause réelle et sérieuse,
Condamne la SAS Oktal à payer à M. [Z] [C] les sommes suivantes :
– 1.320,60 € d’indemnité de requalification,
– 500 € de dommages et intérêts pour non-respect de l’obligation de sécurité,
Déboute M. [Z] [C] de sa demande de dommages et intérêts pour rupture abusive,
Rappelle que les condamnations à paiement de créances salariales (513,89 € et 51,39 €) portent intérêts au taux légal à compter du 24 février 2020 et ordonne la capitalisation des intérêts échus pour une année entière à compter du 1er décembre 2021,
Rappelle que les condamnations à paiement de créances indemnitaires (1.320,60 € et 500 €) portent intérêts au taux légal à compter de la mise à disposition du présent arrêt et ordonne la capitalisation des intérêts échus pour une année entière à compter de la mise à disposition de l’arrêt,
Dit n’y avoir lieu à application de l’article 700 du code de procédure civile en cause d’appel,
Condamne la SAS Oktal aux dépens d’appel.
Le présent arrêt a été signé par Catherine Brisset, présidente, et par Arielle Raveane, greffière.
La greffière La présidente
A. Raveane C. Brisset.