Savoir-faire : 21 novembre 2023 Cour d’appel de Nîmes RG n° 21/01067

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Savoir-faire : 21 novembre 2023 Cour d’appel de Nîmes RG n° 21/01067
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21 novembre 2023
Cour d’appel de Nîmes
RG n°
21/01067

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

ARRÊT N°

N° RG 21/01067 – N° Portalis DBVH-V-B7F-H7KM

MS/EB

CONSEIL DE PRUD’HOMMES – FORMATION PARITAIRE DE NIMES

26 février 2021

RG :F19/00118

[VV]

C/

S.A.S. SPIE INFOSERVICES

Grosse délivrée le 21 novembre 2023 à :

– Me

– Me

COUR D’APPEL DE NÎMES

CHAMBRE CIVILE

5ème chambre sociale PH

ARRÊT DU 21 NOVEMBRE 2023

Décision déférée à la Cour : Jugement du Conseil de Prud’hommes – Formation paritaire de NIMES en date du 26 Février 2021, N°F19/00118

COMPOSITION DE LA COUR LORS DES DÉBATS :

M. Michel SORIANO, Conseiller, a entendu les plaidoiries en application de l’article 805 du code de procédure civile, sans opposition des avocats, et en a rendu compte à la cour lors de son délibéré.

COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DÉLIBÉRÉ :

Monsieur Yves ROUQUETTE-DUGARET, Président

Madame Leila REMILI, Conseillère

M. Michel SORIANO, Conseiller

GREFFIER :

Mme Emmanuelle BERGERAS, Greffier, lors des débats et du prononcé de la décision.

DÉBATS :

A l’audience publique du 09 Mars 2023, où l’affaire a été mise en délibéré au 06 Juin 2023 prorogé à ce jour

Les parties ont été avisées que l’arrêt sera prononcé par sa mise à disposition au greffe de la cour d’appel.

APPELANT :

Monsieur [KI] [VV]

né le 27 Septembre 1968 à [Localité 5]

[Adresse 3]

[Localité 2]

Représenté par Me Emmanuelle VAJOU de la SELARL LEXAVOUE NIMES, avocat au barreau de NIMES

Représenté par Me Jean-philippe PASSANANTE de la SELARL NUMA AVOCATS, avocat au barreau d’AIX-EN-PROVENCE

INTIMÉE :

S.A.S. SPIE INFOSERVICES

[Adresse 1]

[Localité 4]

Représentée par Me Flore ASSELINEAU de la SELAS ASSELINEAU & ASSOCIES, avocat au barreau de PARIS

ORDONNANCE DE CLÔTURE rendue le 23 Février 2023

ARRÊT :

Arrêt contradictoire, prononcé publiquement et signé par Monsieur Yves ROUQUETTE-DUGARET, Président, le 21 novembre 2023, par mise à disposition au greffe de la Cour.

FAITS PROCÉDURE ET PRÉTENTIONS :

M. [KI] [VV] a été engagé par la société IDC Gestion par contrat de travail à durée indéterminée à compter du 1er mars 2000, en qualité de technicien de maintenance en réseaux informatiques, catégorie ETAM, de la convention collective des bureaux d’études techniques.

Par la suite, une partie de la société IDC Gestion a été rachetée par la société Apogea Méditerranée, et le contrat de travail de M.[VV] a été transféré au sein de cette dernière à compter du 1er octobre 2002.

Suite au rachat de la Société Apogea Méditerranée par la société Repro Diffusion Informatique (RDI), le contrat de travail de M.[VV] a de nouveau été transféré au sein de cette dernière à compter du 8 juillet 2004, conformément à l’article L. 1224-1 du code du travail.

A cette occasion, M.[VV] évoluait au poste de technicien informatique, statut cadre, position II, coefficient 100 suivant la convention collective des ingénieurs et cadres de la métallurgie.

Au cours de l’année 2017, la société RDI a fait l’objet d’une transmission universelle de patrimoine à effet du 4 janvier 2018, au bénéfice de la société Spie Infoservices. Cette dernière reprenait les salariés de RDI (dont M. [KI] [VV]) au sein de ses effectifs, conformément à l’article L.1224-1 du code du travail.

En dernier lieu, M. [VV] exerçait la fonction de consultant infrastructure, statut cadre, position 2.3, coefficient 150 de la convention collective Syntec.

Par lettre du 3 septembre 2018, M.[VV] était convoqué à un entretien préalable en vue d’un éventuel licenciement fixé au 17 septembre 2018.

Par lettre du 21 septembre 2018, il était licencié aux motifs suivants :

‘(…) Vous occupez le poste de consultant infrastructure au sein de la Société SPIE INFOSERVICES depuis le 1er mars 2000.

Nous avons constaté à plusieurs reprises que votre comportement démontrait un défaut de jeu collectif, vous ne démontrez pas de volonté à contribuer à l’intérêt collectif, vous n’allez pas au bout des missions et plans d’actions convenus, et vous remettez systématiquement en cause votre Management, ainsi que la stratégie de l’entreprise.

Pour preuve, vous étiez référent pour le client [YM]. Le déroulement de cette prestation était alors compliqué. En tant que référent, vous portiez cette relation client. Nous avons malheureusement constaté que vous n’avez pas tenu ce rôle, vous n’avez pas mis en place les actions ‘quick win’ identifiées et demandées par votre hiérarchie, alors même que cela faisait partie intégrante de vos missions. C’est ensuite un collègue qui a été contraint de reprendre cette mission de référent. Cette illustration démontre un manque de prise d’initiative, de proactivité, que nous serions pourtant en droit d’attendre de votre part, du fait de votre fonction et de votre expérience dans le domaine.

Pour second exemple, nous pouvons citer la migration des archives office 365 du groupe SPIE. Vous étiez alors pilote de la mise en place de la partie ‘run’ de la prestation. Face aux difficultés, vous avez alors précisé à votre manager ne pas vouloir mener à bien cette mission… alors même que cela faisait partie intégrante de votre travail et donc de vos prérogatives ! Vous n’êtes pas sans savoir que la mission a été reprise depuis, avec succès, par des collègues du Crystal Center de [Localité 6].

Dernièrement, en juin 2018, votre manager a souhaité vous faire bénéficier d’une montée en compétences sur la technologie CITRIX pour vous permettre de retrouver un niveau technique suffisant au regard de la contribution attendue liée à votre fonction. Cette évolution a été partagée avec vous au préalable. Nous vous avons octroyé un temps de formation en ligne à hauteur de 10 demi-journées sur une période de 2 semaines (soit 10 après-midi consécutifs, du 11 juin au 22 juin). En réalité, nous avons constaté que vous n’avez pas exploité totalement ce potentiel de 40 heures. Lorsque votre manager vous a demandé la raison pour laquelle vous n’aviez pas terminée votre cursus de formation, vous ne lui avez donné aucune explication. Pire encore, vous n’avez pas daigné mettre en pratique vos niveaux acquis en intervenant sur des tickets CITRIX ou suggérer toutes autres actions qui auraient pu être mises en oeuvre dans la foulée afin d’exploiter ce temps que votre management a permis de mobiliser. Je vous rappelle, qu’un tuteur ([V] [D], expert CITRIX) vous avait été attribué pour cette montée en compétence. Nous déplorons ainsi votre manque de volonté et votre désinvolture dans chaque mission proposée.

Nous attendons d’un collaborateur cadre expérimenté comme vous (18 ans d’ancienneté) une toute autre contribution. En effet, votre posture devrait nous permettre de vous identifier comme une personne pilier de l’équipe, vers laquelle vos collègues pourraient se référer tant d’un point de vue technique, que savoir-faire métier. Au lieu de cela, votre manager ne peut pas compter sur vous, par manque de fiabilité à mener à bien des plans d’action. Aujourd’hui, vous gérez essentiellement des tickets généralistes, ce qui n’est pas en cohérence avec votre statut de cadre expérimenté et le niveau de rémunération qui est le vôtre. Pour exemple, ces tickets généralistes sont globalement gérés par les équipes niveau Etam. Vous avez, de votre fait, perdu en expertise, vous n’êtes plus au niveau attendu. Nous ne pouvons malheureusement pas compter sur vous.

Par ailleurs, nous sommes au regret de constater que votre comportement vis-à-vis de votre entourage n’est pas professionnel. En effet, vous critiquez vos collègues directs ou indirects, dénigrez leur travail et ceci en toute transparence vis-à-vis de nos clients. Cela n’est pas acceptable et met à mal notre image vis-à-vis des clients et ampute notre potentiel de développement long terme avec eux.

Dernièrement, vous avez ouvertement écrit au client Sakata un e-mail remettant clairement en cause les équipes commerciales et architectes. Je vous laisse imaginer l’image de SPIE laissée au client…

Enfin, votre attitude toujours négative vis-à-vis de l’organisation et en défiance mangériale constante déstabilise l’équipe. Vous êtes constamment à remettre en question les propos de votre hiérarchie, y compris lors des réunions de service ; vous revenez systématiquement sur les mêmes sujets relatifs à des cas individuels, pourtant déjà traités par ailleurs. Ainsi, vous contrebalancez négativement les efforts faits par le management et certains collaborateurs pour transformer nos services, avancer, satisfaire et gagner les clients. Dans ce contexte actuel de décroissance de volume de l’ordre de 10%, nous avons particulièrement besoin d’une cohésion d’équipe, et de l’énergie de chacun pour avancer positivement. Votre manager est excédé par ce comportement. Il se retrouve dans une situation de souffrance.

Tous ces éléments nous amènent à constater votre non-implication dans votre poste, votre choix de ne plus vous maintenir au niveau d’expertise normalement attendu de par votre fonction, et ce alors même que nous vous donnons les moyens de vous former et développer vos compétences. Et enfin, votre comportement de défiance constante justifie la notification de votre licenciement.’.

Contestant la légitimité de la mesure prise à son encontre et soutenant avoir été victime de harcèlement moral, le 25 février 2019, M. [VV] saisissait le conseil de prud’hommes de Nîmes en paiement d’indemnités de rupture et de diverses sommes lequel, par jugement contradictoire du 26 février 2021, a :

– dit que le licenciement de M. [KI] [VV] est bien fondé,

– dit que M. [KI] [VV] n’a pas été victime de harcèlement moral

– dit que la société Spie Infoservices n’avait pas connaissance de l’imminence de sa candidature aux élections professionnelles de septembre 2018 organisée au sein de la société,

– constaté la nullité du forfait annuel en jours de M. [KI] [VV]

– dit que la moyenne des trois derniers mois de salaire s’établit à la somme de 3832,34 euros.

En conséquence,

– rejeté la nullité du licenciement de M. [KI] [VV],

– reconnu la cause réelle et sérieuse du licenciement de M. [KI] [VV],

– condamné la société Spie Infoservices à verser à M. [KI] [VV] :

* 13 080,76 euros bruts à titre de rappel d’heures supplémentaires,

* 1308 euros bruts au titre des congés payés,

– condamné la société Spie Infoservices à remettre à M. [KI] [VV] ses documents de fin de contrat rectifiés,

– débouté M. [KI] [VV] de toutes autres demandes,

– débouté la société Spie Infoservices de sa demande reconventionnelle au titre de l’article 700 du code de procédure civile,

– dit que les dépens seront partagés entre les parties.

Par acte du 15 mars 2021, M. [KI] [VV] a régulièrement interjeté appel de cette décision.

Aux termes de ses dernières conclusions en date du 22 février 2023, M. [KI] [VV] demande à la cour de :

– le recevoir en ses écritures et le dire bien fondé à solliciter

– à ce titre, l’infirmation du jugement rendu en ce qu’il a :

* jugé que son licenciement était bien fondé,

* jugé qu’il n’avait pas été victime de harcèlement moral,

* jugé que la société Spie Infoservices n’avait pas connaissance de l’imminence de sa candidature aux élections professionnelles de septembre 2018 organisées au sein de la société,

* rejeté en conséquence la nullité de son licenciement,

* reconnu en conséquence la cause réelle et sérieuse du licenciement de ce dernier,

* l’a débouté en conséquence de toutes ses autres demandes,

* jugé que les dépens seraient partagés entre les parties.

En conséquence,

– dire et juger que son licenciement est nul, ou en tout état de cause dénué de cause réelle et sérieuse ;

– condamner la SPIE ICS anciennement dénommée Spie Infoservices, venant aux droits de la Société RDI, au paiement des sommes suivantes :

‘ A titre principal :

– 91 976,16 euros à titre de dommages et intérêts pour licenciement nul (24 mois de salaire brut),

– 5 000 euros à titre de dommages et intérêts pour harcèlement moral,

– 5 000 euros à titre de dommages et intérêts pour circonstances vexatoires de la rupture,

– 7 405, 13 euros au titre de rappel d’indemnité de licenciement,

– 2.500 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile,

– entiers dépens.

‘ A titre subsidiaire :

– 57 608,21 euros à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse (14,5 mois de salaire brut),

– 5 000 euros à titre de dommages et intérêts pour harcèlement moral,

– 5 000 euros à titre de dommages et intérêts pour circonstances vexatoires de la rupture,

– 7 405,13 euros au titre de rappel d’indemnité de licenciement,

– 2.500 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile,

– entiers dépens.

‘ En tout état de cause :

Concernant les demandes reconventionnelles de la société Spie Infoservices :

* à titre principal, les juger irrecevables.

* à titre subsidiaire, débouter la SPIE ICS anciennement dénommée Spie Infoservices de sa demande reconventionnelle au titre du remboursement de la prétendue majoration de salaire liée à l’application du forfait jour.

– condamner la SPIE ICS anciennement dénommée Spie Infoservices à la remise des documents de fin de contrat rectifiés sous astreinte de 100 euros par jour de retard.

– se déclarer compétent pour liquider l’astreinte susvisée.

– débouter la SPIE ICS anciennement dénommée Spie Infoservices de toutes ses demandes, fins et prétentions plus amples ou contraires, outre de son appel incident.

Il soutient que :

– sur la nullité du licenciement

– depuis de nombreuses années, il a subi les dénigrements répétés et les remarques désobligeantes de son supérieur hiérarchique, M. [H] [I], ce dernier n’hésitant pas à le rabaisser et parfois même à l’insulter en public,

– les pièces produites démontrent la réalité de ce harcèlement (attestations, emails, conversations Skype, compte-rendu extraordinaire du CHSCT du 3 octobre 2018),

– en outre, il était de notoriété publique qu’il souhaitait se présenter aux élections professionnelles de la société prévues en septembre 2018, et ce depuis le début d’année

2018,

– les attestations produites démontrent que la direction avait parfaitement connaissance de son intention de se présenter aux élections professionnelles,

– l’employeur s’est dès lors empressé de le licencier avant les élections,

– sur la cause réelle et sérieuse du licenciement

– l’employeur s’appuie sur sa prétendue mauvaise gestion de trois dossiers, à savoir le client [YM], la mission Office 365, et la formation Citrix,

Le dossier [YM]

– l’employeur lui reproche de ne pas avoir tenu son rôle de « référent » et de ne pas avoir mis en place les actions identifiées et demandées par sa hiérarchie,

– il a pleinement joué son rôle à l’occasion de cette mission et le fait qu’il en ait été déchargé tient exclusivement au mécontentement du client vis-à-vis de son binôme, M. [XJ],

– l’employeur lui a même confié le dossier Sakata à compter du 1er octobre 2017 en échange, qui représente un chiffre d’affaires plus important que celui du client [YM], ce qui démontre la pleine et entière confiance que la société avait dans son travail,

Le dossier Office 365

– l’employeur lui reproche de ne pas avoir voulu mener à bien sa mission, alors que cela faisait partie « intégrante » de son travail,

– cette mission a été particulièrement difficile à réaliser et il s’en est ouvert auprès de son supérieur hiérarchique, sans que ce dernier ne lui apporte la moindre réponse à ses nombreuses sollicitations,

– il n’a donc jamais été mis en mesure de mener cette mission à son terme, du fait de ses conditions de travail, et notamment de l’absence totale de soutien et de réponse de sa hiérarchie à ses interrogations,

– les faits reprochés dans ces deux dossiers se sont déroulés en 2017 et étaient prescrits lorsqu’il a été convoqué à l’entretien préalable au licenciement,

Le dossier Citrix

– l’employeur lui reproche d’avoir refusé de suivre l’intégralité de la formation « Citrix » et de ne pas avoir mis en pratique ses nouveaux acquis en intervenant sur des tickets relatifs à cette formation,

– il n’a jamais refusé de suivre cette formation en ligne. En réalité, la société lui a accordé 40 heures pour la suivre, mais cette formation était réalisable seulement en 27 heures, ce qu’il a fait,

– le relevé produit par la société sur ce point démontre qu’il a suivi la totalité de cette formation,

– à la fin de cette formation en ligne, aucun accompagnement pratique ne lui a été proposé et son abonnement en ligne n’a pas été renouvelé, l’empêchant ainsi de se familiariser avec le produit, ce qu’il dénonçait par courriel du 8 août 2018,

Les autres griefs

– dans la lettre de licenciement du 21 septembre 2018, la société lui reproche également d’avoir « écrit au client Sakata un e-mail remettant clairement en cause les équipes

commerciales et architectes » de Spie Infoservices, ce qui aurait terni l’image de cette dernière aux yeux de ce client,

– c’est le client Sakata lui-même qui a exprimé son mécontentement des équipes commerciales et architectes de Spie, mécontentement qu’il n’a fait que retranscrire de manière factuelle dans son compte-rendu de comité de pilotage, comme cela lui est habituellement demandé,

– il produit d’ailleurs une attestation du client confirmant cette affirmation,

– l’employeur prétend également que son manager ne peut pas compter sur lui « par manque de fiabilité à mener à bien des plans d’action », qu’il ne s’impliquerait plus dans son poste, qu’il dénigrerait le travail de ses collègues et qu’il déstabiliserait l’équipe en adoptant une attitude constante de « défiance managériale »,

– ces allégations ne renferment aucun fait concret ni précis, mais elles sont surtout

totalement contraires à la réalité ainsi qu’il résulte des nombreuses attestations qu’il verse au débat,

– il lui est encore reproché de « gérer essentiellement des tickets généralistes, ce qui n’est pas en cohérence avec [son] statut de cadre expérimenté et le niveau de rémunération qui est le [sien] »,

– or, il n’avait aucunement le choix des dossiers qui lui étaient attribués,

– il lui est également reproché « son attitude et son refus de se former », ce qui est contredit par le relevé des auto formations effectuées,

– sur la nullité du forfait jours

– la convention individuelle de forfait-jours est nulle, l’employeur n’ayant jamais respecté les conditions d’application relatives à ce forfait,

– il travaillait toutes les semaines 39 heures, de 8 heures à 17 heures, de 9 heures à 18 heures ou de 10 heures à 19 heures, selon les choix de la direction,

– lorsqu’il devait s’absenter plus tôt, il devait demander l’autorisation à son supérieur

hiérarchique, lequel lui demandait de rattraper ses heures les jours suivants,

– il n’avait donc aucune liberté dans la gestion de son emploi du temps,

– il peut par conséquent prétendre au paiement des heures supplémentaires qu’il a accomplies au titre des trois années ayant précédé son licenciement,

– la demande reconventionnelle présentée par la société au titre de la nullité du forfait jours est irrecevable du fait de la méconnaissance du principe de concentration des prétentions dans les premières conclusions,

– or, cette demande est apparue dans le troisième jeu de conclusions de la société intimée,

– les demandes de l’employeur à titre de remboursement des jours de réduction de temps de travail (RTT) et de remboursement de la prétendue majoration du salaire due en cas de forfait jour sont nouvelles en cause d’appel,

– sur la demande infondée de remboursement des majorations de salaires

– la société ne démontre par aucun élément versé au débat que l’augmentation de sa

rémunération l’était au titre de la majoration de 20% prévue par la convention collective nationale des bureaux d’études techniques, des cabinets d’ingénieurs-conseils et des sociétés de conseils, dite « Syntec », en cas de forfait jour,

– son augmentation salariale intervenue en début d’année 2018 n’était que la conséquence de négociations contractualisées au titre d’un protocole d’accord transactionnel en date de février 2018.

En l’état de ses dernières écritures en date du 22 février 2023, contenant appel incident, la SAS Spie ICS (anciennement dénommée Spie Infoservices) demande à la cour de :

– confirmer le jugement rendu par le conseil de prud’hommes de Nîmes le 26 février 2021en ce qu’il a :

* dit que le licenciement notifié à M. [KI] [VV] le 21 septembre 2018 était bien fondé,

* dit que M. [KI] [VV] n’avait pas été victime de harcèlement moral et l’a débouté de sa demande de dommages et intérêts à ce titre,

* dit qu’elle n’avait pas connaissance de l’imminence de la candidature de M. [KI] [VV] aux élections professionnelles de septembre 2018 organisée au sein de l’entreprise,

* rejeté la nullité de son licenciement invoquée par M. [KI] [VV] et l’a débouté de sa demande de dommages et intérêts pour licenciement nul,

* reconnu la cause réelle et sérieuse de la mesure de licenciement prononcé et débouté M. [KI] [VV] de sa demande de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,

* constaté la nullité du forfait annuel en jours de M. [KI] [VV]

* débouté M. [KI] [VV] de sa demande de dommages et intérêts pour prétendues circonstances vexatoires de la rupture de son contrat de travail

* débouté M. [KI] [VV] de sa demande à titre de rappel d’indemnité de licenciement,

* débouté M. [KI] [VV] de sa demande au titre de l’article 700 du code de procédure civile,

– la recevoir en son appel incident,

– et infirmer le jugement rendu par le conseil de prud’hommes de Nîmes le 26 février 2021 en ce qu’il :

* l’a condamnée à verser à M. [KI] [VV] la somme de 13 080,76 euros à titre de rappel d’heures supplémentaires,

* l’a condamnée à verser à M. [KI] [VV] la somme de 1308 euros bruts au titre des congés payés y afférents.

Statuant à nouveau :

– juger que les demandes présentées par M. [KI] [VV] à titre de rappels d’heures supplémentaires sur la période du 22 septembre 2015 au 25 février 2016 sont prescrites,

– juger recevable sa demande reconventionnelle,

– condamner M. [KI] [VV], sur le fondement de la répétition de l’indu, à lui rembourser les sommes suivantes indument perçues dès lors que la convention de forfait annuel en jours est nulle :

* 390,31 euros bruts au titre des jours RTT sur la période du 26 février 2016 au 31 décembre 2017,

* 14.355,88 euros bruts au titre de sa rémunération du 1er janvier au 22 décembre 2018,

* 1.014,35 euros bruts au titre des jours RTT du 1er janvier au 22 décembre 2018,

* 1.915,55 euros nets au titre de son indemnité conventionnelle de licenciement,

– limiter le montant des condamnations dues à M. [KI] [VV] aux sommes suivantes :

* 9045,77 euros à titre de rappels d’heures supplémentaires,

* 904,57 euros bruts au titre des congés payés y afférents,

– condamner M. [KI] [VV] à lui verser la somme de 3000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile,

– ordonner en tout état de cause la compensation judiciaire entre toutes les sommes auxquelles les parties seront condamnées,

– condamner M. [KI] [VV] aux entiers dépens.

Elle fait valoir que :

– sur le licenciement

Le dossier [YM]

– M. [VV] a fait preuve d’un manque d’investissement et n’a pas mené à bien certaines de ses missions, ce qui a nécessairement contribué à la dégradation des relations entre la société et sa cliente,

– les manquements étaient tels que le rôle de référent a d’ailleurs été attribué à un autre salarié,

– le courriel extrêmement véhément adressé par M. [EN] à M. [VV] le 25 juillet 2017 fait état de lacunes dans les missions de support,

– l’entretien du 12 mars 2018, intervenu après le courriel de M. [EN] met l’accent sur les manquements constatés sur cette mission,

Le dossier Office 365

– incapable de faire face aux difficultés mineures inhérentes à la gestion d’un tel projet, M. [VV] indiquait à son manager ne plus vouloir s’en charger,

– le salarié a obtenu des réponses de la part de M. [R] [J], responsable pôle architecte de la société SPIE,

– le manque de motivation du salarié transparait très clairement dans les emails produits,

– un fait antérieur de plus de 2 mois à l’engagement des poursuites disciplinaires peut être invoqué à l’appui de poursuites disciplinaires concernant d’autres faits commis dans le délai de prescription des faits fautifs,

L’exécution partielle de la formation Citrix

– il n’est pas reproché au salarié de ne pas avoir effectué la formation Citrix mais de ne pas l’avoir réalisée dans sa globalité et surtout de ne pas avoir mis ses nouvelles compétences au service de la société,

– l’abonnement de M. [VV] n’avait pas à être renouvelé puisque cette formation devait uniquement se dérouler sur la période du 11 au 26 juin 2018,

– le salarié n’a toutefois jamais complété la première des 4 phases de sa formation puisqu’il a effectué moins de 28 heures de formation sur les 40 prévues,

Le dossier Sakata, la critique de ses collègues de travail et la défiance managériale de M.[VV]

– le salarié est tenu à un devoir de réserve et ne peut porter atteinte à son employeur en adoptant une attitude ouvertement critique à l’égard de l’entreprise et de ses salariés,

– la défiance de M.[VV] étant systématique, elle a, par conséquent, un caractère excessif et constitue donc une cause réelle et sérieuse de licenciement,

– le courriel envoyé à la société Sakata est tout à fait révélateur du comportement nocif du salarié,

– M. [VV] s’occupait de simples tickets généralistes alors qu’elle prenait à c’ur de lui faire suivre des formations qu’il n’effectuait que partiellement,

– en effet,elle pouvait difficilement lui confier des dossiers à traiter plus complexes sachant qu’il ne terminait pas ses formations et refusait d’être affecté sur des missions plus « challengeantes »,

– la majorité des attestations versées aux débats par M.[VV] se limitent à indiquer que ce dernier était apprécié de ses collègues et de plusieurs clients, ce qui n’est pas de nature à remettre en cause la réalité et le bien-fondé des faits qui lui sont reprochés,

– sur le harcèlement moral

– si M. [I] a pu avoir un comportement exagéré, cela l’a été de manière ponctuelle et il s’en est toujours excusé immédiatement après, comme l’a d’ailleurs reconnu le salarié lors de l’entretien préalable,

– l’absence de réponses immédiates de la société aux sollicitations incessantes de son salarié ne peut en aucun cas constituer des faits de harcèlement moral,

– sur la participation de M. [VV] aux élections professionelles

– M. [VV] a reçu sa convocation à un entretien préalable le 3 septembre 2018 alors

que sa candidature a été déposée le 12 septembre 2018,

– cette candidature est donc intervenue, opportunément, alors que la procédure de licenciement avait été déclenchée,

– le salarié ne rapporte en aucun cas la preuve matérielle de la connaissance par l’employeur de sa volonté de se présenter aux élections professionnelles,

– sur la convention de forfait

– la convention de forfait est bel et bien nulle,

– dès lors que la convention de forfait annuel en jours est nulle, le salarié ne peut plus prétendre aux bénéfices en découlant, devenus indus,

– concernant l’augmentation de salaire du salarié, elle était tenue par la force obligatoire des dispositions de la convention collective SYNTEC relativement à cette majoration de salaire pour les salariés cadres soumis à une convention de forfait annuel en jours,

– M. [VV] ne saurait donc, dans ces conditions, prétendre que l’augmentation de salaire dont il a bénéficié à compter du 1er janvier 2018 ne résulterait pas de la majoration de 120 % attachée à la convention de forfait annuel en jours dont il bénéficiait,

– sur les heures supplémentaires

– les demandes du salarié portent sur une période de trois ans (21 septembre 2015 ‘

21 septembre 2018).

Or, la requête de M. [VV] a été enregistrée au Greffe du conseil de prud’hommes le 25 février 2019.

Par conséquent, la demande de M. [VV] ne peut porter que sur les heures supplémentaires qu’il aurait pu effectuer à partir du 26 février 2016,

– en outre, le salarié commet une erreur dans le décompte présenté, en n’excluant pas les semaines pendant lesquelles il a bénéficié d’un jour férié,

– M. [VV] ne tient pas davantage compte de ses congés payés, ainsi que de ses RTT,

– elle produit ainsi aux débats un tableau récapitulatif, tenant compte de l’ensemble de ces éléments.

Pour un plus ample exposé des faits et de la procédure, ainsi que des moyens et prétentions des parties, il convient de se référer à leurs dernières écritures.

Par ordonnance en date du 29 novembre 2022, le conseiller de la mise en état a prononcé la clôture de la procédure à effet au 23 février 2023. L’affaire a été fixée à l’audience du 09 mars 2023.

MOTIFS

Sur la nullité du licenciement

M. [VV] invoque les faits suivants pour solliciter la nullité de son licenciement :

– il a fait l’objet d’un harcèlement moral

– il a été licencié alors que son employeur avait connaissance de sa candidature aux élections professionnelles devant se tenir au mois de septembre 2018.

Le harcèlement moral

Aux termes de l’article L. 1152-1 du code du travail, aucun salarié ne doit subir des agissements répétés de harcèlement moral qui ont pour objet ou pour effet une dégradation des conditions de travail susceptible de porter atteinte à ses droits et à sa dignité, d’altérer sa santé physique ou mentale ou de compromettre son avenir professionnel.

En application de l’article L. 1154-1 du même code, lorsque le salarié présente des éléments de fait laissant supposer l’existence d’un harcèlement moral, il incombe à l’employeur de prouver que ces agissements ne sont pas constitutifs d’un tel harcèlement et que sa décision est justifiée par des éléments objectifs, étrangers à tout harcèlement.

Il résulte de ces dispositions que, pour se prononcer sur l’existence d’un harcèlement moral, il appartient au juge d’examiner l’ensemble des éléments invoqués par le salarié, en prenant en compte les documents médicaux éventuellement produits, et d’apprécier si les faits matériellement établis, pris dans leur ensemble, permettent de présumer ou laissent supposer l’existence d’un harcèlement moral au sens de l’article L. 1152-1 du code du travail.

Dans l’affirmative, il revient au juge d’apprécier si l’employeur prouve que les agissements invoqués ne sont pas constitutifs d’un tel harcèlement et que ses décisions sont justifiées par des éléments objectifs étrangers à tout harcèlement.

Une situation de harcèlement moral se déduit essentiellement de la constatation d’une dégradation préjudiciable au salarié de ses conditions de travail consécutive à des agissements répétés de l’employeur révélateurs d’un exercice anormal et abusif par celui-ci de ses pouvoirs d’autorité, de direction, de contrôle et de sanction.

Le juge forme sa conviction après avoir ordonné, en cas de besoin, toutes les mesures d’instruction qu’il estime utiles.

M. [VV] invoque les faits suivants, constitutifs, selon lui, d’actes de harcèlement :

– des dénigrements répétés et des remarques désobligeantes de son supérieur hiérarchique, M. [H] [I], ce dernier n’hésitant pas à le rabaisser et parfois même à l’insulter en public.

– une rétention d’informations de la part de l’employeur, notamment sur les formations qu’il demandait à effectuer, sur celles qu’il avait déjà réalisées ou sur ses comptes-rendus d’entretiens individuels.

– pendant toute la procédure de licenciement, laquelle a duré plus de deux semaines, il a été dispensé d’activité, coupé de l’ensemble de ses accès informatiques et enlevé des listes de distribution de la société, alors que cette dernière a elle-même admis qu’il n’avait commis aucune faute grave.

Pour étayer ses affirmations, M. [VV] produit les éléments suivants :

Les dénigrements répétés et des remarques désobligeantes de son supérieur hiérarchique, M. [H] [I], ce dernier n’hésitant pas à le rabaisser et parfois même à l’insulter en public

– la pièce n°37 : un échange de courriels du 5 décembre 2013 avec M. [A] [C], directeur d’activités, support et infogérance, dans lesquels il se plaint d’avoir été traité de ‘connard devant tout le monde’ par M. [I],

– la pièce n°38 : un échange de courriels du 3 juillet 2018 avec M. [I], dans lequel il lui demande l’autorisation de partir une demi heure plus tôt le même jour, lequel lui a donné son accord mais à la condition qu’il rattrape cette demi-heure le lendemain.

– la pièce n°39 : un email de M. [I] du 5 juillet 2018 adressé à M. [VV] et Mme [DK] [M], dont copie à Mme [LX], demandant aux deux premiers de venir le voir dès qu’ils sont à leur poste.

– la pièce n°40 : un courriel que lui a adressé Mme [LX] le 16 septembre 2018, dans lequel elle indique, ‘étant encore responsable du planning de Mr [VV], j’atteste avoir modifié ces horaires de la semaine de juillet ayant été planifié par le manager sur 40 h au lieu de 39 h initialement.

Étant parti une demie heure plus tôt il a été contraint de récupérer le lendemain jour où lequel pour une urgence professionnelle il a du rester plus de temps que prévu.

J’ai donc re ajuster son horaire au plus vite ce qui m’a valu un mail du manager sur la raison de cette modification et qui a engendré notre entretien avec Mr [VV] dans le bureau des managers sans avoir pu nous justifier, cet entretien n’ayant porté uniquement sur de des reproches à l’encontre de Mr [VV].’

– la pièce n°41 : un courriel que lui a adressé Mme [LX] le 11 septembre 2018, dans lequel elle ‘atteste avoir été témoin dans le bureau des Managers ou nous avons été convoqués tous les deux pour une histoire de planning et avoir assisté aux reproches sur la qualité de ton travail « tu travailles mal », « tu fais du mauvais travail pour le client Sakata et tu es un mauvais référent » et autres’ [‘]

Cette conversation n’étant pas d’ordre privé, la porte ouverte, ouvrant à tout le personnel du service le soin d’entendre les propos tenus à l’encontre de M. [VV].’

– la pièce n°34 : une attestation de Mme [US] [K], collègue de bureau, dans lequel elle indique ‘avoir été témoin d’une altercation ayant eu lieu dans le bureau de M. [H] [I] le 5/07/2018. [‘] J’ai entendu Mr [I] convoquer Mme [LX] et Mr [KI] [VV] dans son bureau. Il a laissé la porte grande ouverte et a parlé bien fort, ce qui m’a surpris car ce n’est pas son habitude quand il s’agit d’un entretien avec un employé.

Le ton est rapidement monté quand Mr [I] a accusé Mr [VV] de mal travailler et lui a demandé de justifier un changement de planning concernant un lundi matin. J’ai été interloquée par ce dernier reproche car Mr [VV] n’a jamais été en charge de son propre planning…’

– la pièce n°22 : une attestation de M. [GC] [O] qui fait état du ‘bon travail’ de M. [VV] en tant que référent technique pour la société Sakata, précisant que le rapport établi par le salarié à la suite d’une réunion était conforme et n’a engendré aucune mauvaise image de la société Spie infoservices.

– la pièce n°42 : un échange de courriels des 3 et 5 juillet 2018 concernant la demi heure devant être rattrapée par M. [VV], ce dernier indiquant à M. [I] qu’il subissait un traitement différent par rapport à un collègue qui avait également demandé à partir plus tôt et auquel il n’a jamais été demandé de récupérer la demi heure le lendemain ou un autre jour.

– la pièce n°43 : s’agissant d’un courriel de M. [E] [CK] adressé à M. [VV] le 10 septembre 2018 et qui confirme les déclarations de ce dernier et n’avoir jamais reçu d’instruction pour récupérer le temps de travail.

– la pièce n°44 : un échange de courriels des 4 et 5 juillet 2018, M. [I] écrivant non seulement à M. [VV] mais également à MM [EZ] [Z] et [T] [X], les reproches du premier concernant ainsi ces trois personnes.

L’attestation de M. [X] en pièce n°73 ne permet pas plus de retenir un reproche adressé personnellement à M. [VV].

– la pièce n°45 : un email adressé par M. [VV] à M. [I] dans lequel le premier fait au second des reproches sur la qualité de son travail devant des collègues.

– la pièce n°46 : discussion entre M. [VV] et M. [I], le premier se plaignant de n’avoir aucun retour sur une question précise.

– la pièce n°47 : courriel du 12 juin 2018 de M. [VV] à ‘Assistance infra équipe global’, dont copie notamment à M. [I], dans lequel il se plaint de l’absence de validation de ses congés posés depuis dix jours, ajoutant que M. [I] ne les validera pas tant que toutes les personnes n’auront pas envoyé leurs dates de vacances, M. [VV] demandant ainsi à ses collègues de bien vouloir poser leurs vacances d’été.

Une rétention d’informations de la part de l’employeur, notamment sur les formations qu’il demandait à effectuer, sur celles qu’il avait déjà réalisées ou sur ses comptes-rendus d’entretiens individuels

– la pièce n°48 : un échange de courriels des 8 août, 13 et 14 septembre 2018 dans lequel M. [VV] sollicite la communication de son tableau de formation et se plaint de n’avoir aucune réponse.

– la pièce n°49 : un échange de courriels des 10 et 12 décembre 2018, M. [VV] demandant la communication de ses entretiens individuels et se plaignant du refus qui lui a été opposé.

Pendant toute la procédure de licenciement, laquelle a duré plus de deux semaines, il a été dispensé d’activité, coupé de l’ensemble de ses accès informatiques et enlevé des listes de distribution de la société, alors que cette dernière a elle-même admis qu’il n’avait commis aucune faute grave

– la pièce n°50 : courriels des 5 et 6 septembre 2018 démontrant que :

– le compte de M. [VV] était désactivé et qu’il ne pouvait plus exécuter les tâches habituelles sur ‘l’infra RDI’.

– le compte standard de M. [VV] n’était pas désactivé mais ce dernier n’avait plus aucun ‘access’.

– M. [VV] a été retiré de la liste de distribution du support, des experts.

Par email du 23 août 2018, M. [VV] informait M. [I] du fait que son mot de passe ne fonctionnait plus.

M. [VV] vise également dans ses écritures les éléments suivants :

– la pièce n°79 : le compte-rendu extraordinaire du CHSCT du 3 octobre 2018 duquel il résulte que :

– Mme [N] [B], responsable département RH IDF, reconnaît que tous les accès professionnels de production de M. [VV] ont été coupés ‘par mesure de sécurité’ pendant la procédure disciplinaire. Elle ajoute que tous les autres accès Spie étaient actifs.

– Mme [B] reconnaît que la procédure de licenciement est de nature disciplinaire puis quelques lignes après, elle indique ‘on n’est pas dans une procédure disciplinaire’, ‘on est pas sur du disciplinaire’ et ce à plusieurs reprises.

– le CHSCT a pris la résolution suivante à l’unanimité :

‘Suite au droit d’alerte du 21/09/2018, les élus du CHSCT réuni en séance extraordinaire le 3 octobre 2018, prennent acte de la décision de licenciement de M. [VV], néanmoins nous émettons de nombreuses réserves quant aux méthodes employées.

Le CHSCT note qu’il ne s’agit pas d’une sanction disciplinaire, la période comprise entre la signification de la dispense de travail et la convocation dépasse les 15 jours, ce qui nuit gravement à la santé morale et psychique du collaborateur, les 3 mois de dispense d’activité professionnelle risque de dégrader encore plus sa situation morale et psychique.

En effet certaines situations si elles sont mal gérées ou mal appréhendées peuvent avoir des conséquences néfastes voire graves sur les salariés à raison sur les risques psychosociaux. Nous demandons que le CSE et la commission santé qui nous succéderont au CHSCT restent vigilants sur le sujet.’

– la pièce n°59 : un courriel de Mme [M] du 14 septembre 2018 à Assistance équipe d’astreinte (GUD) pour les astreintes de fin d’année, le tableau y figurant ne comportant pas le nom de M. [VV].

Il apparaît en effet que la lettre de convocation à l’entretien préalable à un éventuel licenciement est du 3 septembre 2018, celui-là devant se dérouler le 17 septembre, soit postérieurement au courriel susvisé.

M. [VV] a ainsi été exclu du tableau des astreintes avant l’entretien préalable, tendant ainsi à démontrer que son licenciement était déjà acté.

– la pièce n°60 : un courrier de M. [KI] [HR], délégué syndical, adressé au président du groupe, ainsi libellé :

‘…

Aujourd’hui nous vous contactons pour un sujet de la plus haute importance.

En effet, l’un des candidats aux élections professionnelles, Monsieur [KI] [VV], est convoqué à [Localité 4], en vue d’un entretien pouvant conduire à un licenciement.

Par ailleurs, bien qu’à ce jour il ne soit pas mis à pied, le service informatique a déjà vérouillé l’ensemble de ses accès informatiques, tendant à considérer que la décision de le licencier soit déjà prise.

Nous tenons à rappeler que son encadrement est parfaitement au courant qu’il se présente aux élections professionnelles, puisqu’il en a ouvertement discuté avec eux.

Nous avons rencontré Madame [AH], afin d’obtenir des explications, mais il ne nous a été donné aucune précision sur cette procédure.

Prendre la décision de s’attaquer directement à un candidat est une discrimination envers cette personne et notre organisation syndicale.

Comme vous vous en doutez, il n’est pas concevable pour nous qu’un candidat aux élections puisse être licencié, et nous utiliserons tous les recours légaux pour le défendre.

Nous vous demandons donc d’annuler cette procédure et de rétablir Monsieur [VV] dans ses fonctions.

…’

Ces éléments, pris dans leur ensemble, laissent supposer l’existence d’un harcèlement moral et il appartient à l’employeur de prouver que ces agissements ne sont pas constitutifs d’un tel harcèlement et que ses décisions sont justifiées par des éléments objectifs étrangers à tout harcèlement.

L’employeur conteste le harcèlement moral et soutient que le salarié évoque des épisodes isolés qui ne peuvent constituer des agissements répétés de harcèlement.

Il reconnaît cependant que M. [I] ait pu avoir un comportement ‘exagéré’ mais uniquement de manière ponctuelle ‘et il s’en est toujours excusé immédiatement après, comme l’a d’ailleurs reconnu le salarié lors de l’entretien préalable’.

Les écarts de langage de M. [I] envers ses subordonnés et notamment M. [VV] ne sont pas contestés ni contestables à la lecture des pièces produites par l’appelant, les brimades intervenant souvent devant des collègues de travail ou porte du bureau de M. [I] ouverte.

Les excuses présentées par celui-là ne peuvent en aucun cas éluder lesdits écarts de langage et l’impact de ces derniers sur M. [VV].

Un management agressif, doublé d’insultes et de dénigrements récurrents constituent des actes de harcèlement, alors surtout que la direction et les supérieurs hiérarchiques de M. [I] étaient informés de l’attitude de ce dernier.

L’employeur soutient ainsi à tort que les remarques de M. [I] étaient justifiées par les manquements de M. [VV].

Il convient de rappeler que peuvent caractériser un harcèlement moral les méthodes de gestion mises en oeuvre par un supérieur hiérarchique dès lors qu’elles se manifestent pour un salarié déterminé par des agissements répétés ayant pour objet ou pour effet d’entraîner une dégradation des conditions de travail susceptibles de porter atteinte à ses droits et à sa dignité, d’altérer sa santé physique ou mentale ou de compromettre son avenir professionnel.

Dans un tel contexte, c’est l’organisation du travail dans son ensemble, et particulièrement la mise en oeuvre de certaines pratiques managériales prévues par elle, qui est sanctionnée, plus que des agissements résultant d’une intention de nuire à un salarié en particulier.

Les pièces produites par M. [VV] démontrent ainsi des agissements répétés de la part de M. [I], lesquels ont entraîné une réaction de la part du salarié, sans que l’employeur n’agisse pour les faire cesser, et ce, peu importe si les reproches du supérieur hiérarchique étaient ou non justifiés.

La cour relève encore que l’employeur ne donne aucune explication sur le traitement différencié entre M. [VV] et M. [CK] quant à la récupération d’une demi heure de travail, demandée au premier mais pas au second.

M. [VV] justifie par ailleurs avoir été suivi par Mme [L] [AR], psychologue du travail, en consultation de soutien et d’accompagnement psychologique depuis le mois de décembre 2018 pour un mal être dû à son licenciement.

Il en résulte que l’employeur échoue à démontrer que les faits matériellement établis par le salarié sont justifiés par des éléments objectifs étrangers à tout harcèlement.

Infirmant le jugement, il sera alloué au salarié la somme de 2000 euros à titre de dommages et intérêts pour harcèlement moral.

Il a été licencié alors que son employeur avait connaissance de sa candidature aux élections professionnelles devant se tenir au mois de septembre 2018

L’article L.1132-1 du code du travail prévoit qu’aucune personne ne peut être licenciée en raison de ses activités syndicales ou mutualistes.

L’article L.2411-7 du code du travail, dans sa version en vigueur du jour de la convocation à l’entretien préalable, dispose que « L’autorisation de licenciement est requise pendant six mois pour le candidat, au premier ou au deuxième tour, aux fonctions de membre élu de la délégation du personnel du comité social et économique, à partir de la publication des candidatures. La durée de six mois court à partir de l’envoi par lettre recommandée de la candidature à l’employeur.

Cette autorisation est également requise lorsque la lettre du syndicat notifiant à l’employeur la candidature aux fonctions de membre élu à la délégation du personnel du comité social et économique a été reçue par l’employeur ou lorsque le salarié a fait la preuve que l’employeur a eu connaissance de l’imminence de sa candidature avant que le candidat ait été convoqué à l’entretien préalable au licenciement ».

En l’espèce, M. [VV] a été licencié par courrier recommandé avec accusé de réception du 21 septembre 2018. Il soutient qu’il était de notoriété publique qu’il souhaitait se présenter aux élections professionnelles de la société prévues en septembre 2018, et ce depuis le début d’année 2018, s’étant affilié à la CFDT depuis le mois de janvier 2018, ce dont tout le monde avait connaissance.

L’appelant produit à ce titre les documents suivants :

– un échange de courriels du 27 janvier 2018 avec M. [G] [W], délégué syndical national CFDT, SPIE Infoservices, M. [VV] faisant part de sa volonté de se présenter ‘pour la future élection en mars/avril’.

– un échange de courriels du 14 mai 2018 avec M. [W], M. [VV] confirmant son intention de se présenter aux prochaines élections professionnelles.

– un échange de courriels du 29 août 2018 entre M. [W] et M. [S], consultant infrastructure, Crystal Center [Localité 6], la liste des candidats étant annexée et M. [VV] apparaissant comme candidat titulaire du 3è collège, en première position.

Le salarié fait également état de la configuration des bureaux en open space pour démontrer que les collègues de travail ne pouvaient ignorer son intention de se présenter aux élections professionnelles.

M. [VV] produit à ce titre les attestations de Mme [LX], M. [S], Mme [K], M. [NL], M. [F], desquelles il ressort que M. [VV] allait se présenter aux élections professionnelles et en parlait dans les locaux de la société, et que, compte tenu de la configuration des lieux, les supérieurs hiérarchiques de l’appelant ‘ne pouvaient qu’avoir entendu’ ou il est ‘fort probable’ qu’ils aient entendu les conversations.

Ces attestations sont confirmées par des courriers et des emails de M. [Y], Mme [RD], M. [X], M. [CK], M. [Z], M. [P], M. [U], Mme [UG], sans pour autant que ces personnes attestent de manière positive sur la connaissance par la hiérarchie de M. [VV] de la volonté de ce dernier de se présenter aux élections professionnelles, mais procédant par des déductions eu égard à la nature ‘open space’ des bureaux.

Il en résulte que si ces salariés savaient que M. [VV] allait se présenter sur la liste CFDT, aucun élément ne permet de démontrer que l’employeur avait connaissance de l’imminence de sa candidature avant qu’il ait été convoqué à l’entretien préalable au licenciement.

En effet, cet élément ne permet pas de démontrer qu’au jour de la convocation à l’entretien préalable, le 3 septembre 2018, l’employeur avait connaissance de l’imminence de la candidature de M. [VV] aux élections professionnelles, la liste des candidats ayant été déposée le 12 septembre 2018.

Dès lors, M. [VV] ne peut bénéficier de la procédure de licenciement applicable aux candidats aux élections professionnelles.

Sur la nullité du licenciement

Aux termes de l’article L. 1152-3 du code du travail, toute rupture du contrat de travail intervenue en méconnaissance des dispositions des articles L. 1152-1 et L. 1152-2, toute disposition ou tout acte contraire est nul.

La cour ayant retenu le harcèlement moral existant jusqu’à la rupture du contrat de travail, le licenciement litigieux doit être déclaré nul.

Le jugement querellé sera dans ces circonstances réformé de ce chef.

Sur les conséquences financières de la nullité du licenciement

Il résulte des dispositions de l’article L1235-3-1 du code du travail que l’article L. 1235-3 n’est pas applicable lorsque le juge constate que le licenciement est entaché d’une des nullités prévues au deuxième alinéa du présent article. Dans ce cas, lorsque le salarié ne demande pas la poursuite de l’exécution de son contrat de travail ou que sa réintégration est impossible, le juge lui octroie une indemnité, à la charge de l’employeur, qui ne peut être inférieure aux salaires des six derniers mois.

M. [VV] justifie avoir retrouvé un emploi avec un salaire inférieur et un statut employé alors qu’il était cadre au sein de la société intimée.

Eu égard notamment aux circonstances de la rupture, au montant de la rémunération versée à M. [VV], à son âge à la date du licenciement (50 ans), à son ancienneté de plus de 18 ans, aux conséquences du licenciement à son égard, tels qu’ils résultent des pièces et des explications fournies, la cour est en mesure de lui allouer la somme de 55000 euros à titre d’indemnité pour licenciement nul.

L’appelant sollicite également une somme de 5000 euros de dommages et intérêts pour circonstances vexatoires du licenciement.

L’empressement de la société d’éloigner le salarié et de le dispenser d’activité dès la convocation à l’entretien préalable alors même que des mesures conservatoires n’étaient pas justifiées par les motifs du licenciement pour insuffisance professionnelle, l’employeur indiquant qu’il n’y avait aucun motif disciplinaire, est constitutif d’un abus et justifie l’allocation au salarié de dommages et intérêts pour licenciement vexatoire à hauteur de la somme de 2000 euros, justifiant la réformation du jugement querellé.

Sur le forfait jour

Les parties conviennent que le forfait jour appliqué à la relation de travail est privé d’effet.

Le salarié peut par conséquent prétendre au paiement d’heures supplémentaires dont il convient de vérifier l’existence et le nombre.

Aux termes de l’article L3171-4 du code du travail, en cas de litige relatif à l’existence ou au nombre d’heures de travail effectuées, l’employeur doit fournir au juge les éléments de nature à justifier les horaires effectivement réalisés par le salarié ; le juge forme sa conviction au vu de ces éléments et de ceux fournis par le salarié à l’appui de sa demande après avoir ordonné, en cas de besoin, toutes les mesures d’instruction qu’il estime utiles.

Si le décompte des heures de travail accomplies par chaque salarié est assuré par un système d’enregistrement automatique, celui-ci doit être fiable et infalsifiable.

En cas de litige relatif à l’existence ou au nombre d’heures de travail accomplies, il appartient au salarié de présenter, à l’appui de sa demande, des éléments suffisamment précis quant aux heures non rémunérées qu’il prétend avoir accomplies afin de permettre à l’employeur, qui assure le contrôle des heures de travail effectuées, d’y répondre utilement en produisant ses propres éléments.

Le juge forme sa conviction en tenant compte de l’ensemble de ces éléments au regard des exigences rappelées aux dispositions légales et réglementaires précitées.

À défaut d’éléments probants fournis par l’employeur, les juges se détermineront au vu des seules pièces fournies par le salarié

Après analyses des pièces produites par l’une et l’autre des parties, dans l’hypothèse où il retient l’existence d’heures supplémentaires, il évalue souverainement, sans être tenu de préciser le détail de son calcul, l’importance de celles-ci et fixe les créances salariales s’y rapportant.

En l’espèce, M. [VV] soutient qu’il travaillait toutes les semaines 39 heures, de 8 heures à 17 heures, de 9 heures à 18 heures ou de 10 heures à 19 heures, selon les choix de la direction.

Le salarié produit les éléments suivants :

– l’avenant du 15 juillet 2005 prévoyant les horaires de travail suivants :

Du lundi au jeudi :

‘ soit 8h-12h / 13h ‘ 17h

‘ ou 10h-13h / 14h ‘ 19h

‘ ou 9h -13h / 14h ‘ 18 h

Le vendredi :

‘ soit 8h-12h / 13h-16h

‘ ou 11h – 13h / 14h -19h

‘ ou 9h ‘ 13h / 14h ‘ 17h

soit 39 heures par semaine.

L’employeur soulève dans un premier temps la prescription d’une partie des demandes présentées par le salarié, soutenant que les prétentions de ce dernier ne peuvent porter que sur les heures supplémentaires qu’il aurait pu effectuer à partir du 26 février 2016, soit trois ans avant la saisine du conseil de prud’hommes.

L’article L. 3245-1 du code du travail (article 21 de la loi n 2013-504 du 14 juin 2013) dispose que : ‘l’action en paiement ou en répétition du salaire se prescrit par trois ans à compter du jour où celui qui l’exerce a connu ou aurait dû connaître les faits lui permettant de l’exercer. La demande peut porter sur les sommes dues au titre des trois dernières années à compter de ce jour où lorsque le contrat de travail est rompu, sur les sommes dues au titre des trois années précédant la rupture.’

Il y a lieu d’observer que cette disposition applicable depuis l’entrée en vigueur de la loi n° 2013-504 du 14 juin 2013 comporte deux mentions relatives au temps :

– la première mention fixe un délai pour agir pour saisir le tribunal,

– la seconde mention (« les sommes dues au titre des trois dernières années») n’est pas un délai de prescription mais une limite dans le temps imposée par le législateur à l’assiette de la créance d’arriérés de salaires, celle-ci, bien qu’étant d’une durée égale en valeur absolue, pouvant être circonscrite, selon les cas, à une période différente de la période gouvernant la recevabilité de l’action.

La demande peut dès lors porter sur les sommes dues au titre des trois dernières années à compter du jour où celui qui l’exerce a connu ou aurait dû connaître les faits lui permettant de l’exercer ou, lorsque le contrat de travail est rompu, sur les sommes dues au titre des trois années précédant la rupture du contrat.

M. [VV] a saisi le conseil de prud’hommes le 25 février 2019 pour obtenir le paiement d’un rappel de salaire pour les années 2015 (à compter du 21 septembre) à 2018.

Conformément à l’application des dispositions des articles L. 3242-1 et L. 3141-22 du code du travail, M. [VV] peut ainsi prétendre aux salaires pour la période au titre des trois années précédant la rupture du contrat de travail, laquelle est intervenue le 21 septembre 2018.

La demande présentée par le salarié portant sur des salaires qui seraient dus à compter de l’année 2015 n’est dans ces circonstances pas prescrite.

L’employeur conteste les heures supplémentaires réclamées par le salarié et produit un décompte tenant compte des jours fériés, des congés et des RTT, et estime que le rappel de salaire devant revenir à M. [VV] s’élève à la somme brute de 9.045,77 euros et non de 13.080,76 euros.

La cour relève que M. [VV] ne formule aucune critique sur le décompte ainsi produit par l’employeur, lequel est particulièrement précis contrairement à celui produit par le salarié, les calculs ayant été réalisés à partir des bulletins de salaire de l’appelant, de sorte qu’il sera retenu.

Le jugement querellé mérite dès lors réformation sur le quantum de la somme accordée à M. [VV] au titre des heures supplémentaires, et ce dernier se verra attribuer un montant de 9.045,77 euros, outre celui de 904,57 euros bruts pour les congés payés afférents.

Sur l’indemnité forfaitaire pour travail dissimulé

Il résulte de l’article L8223-1 du code du travail que le salarié dont le travail a été dissimulé par l’employeur a droit en cas de rupture de la relation de travail à une indemnité forfaitaire égale à six mois de salaire.

Le travail dissimulé par dissimulation d’emploi salarié est notamment caractérisé par le fait pour l’employeur de mentionner intentionnellement sur les bulletins de paie, un nombre d’heures de travail inférieur à celui réellement accompli.

Toutefois, le caractère intentionnel ne peut se déduire de la seule absence de mention des heures supplémentaires sur les bulletins de paie.

Le seul fait d’avoir soumis à tort un salarié à une convention de forfait privée d’effet ne suffit pas, en soi, à caractériser le caractère intentionnel d’une dissimulation d’emploi salarié.

En l’espèce, si l’employeur a pu se méprendre sur la portée réelle de ses obligations en matière de suivi de la charge de travail, le salarié appelant n’apporte aucun élément susceptible de démontrer un tel élément intentionnel dans l’établissement des bulletins de paie ne mentionnant pas les heures supplémentaires, et ce alors que l’employeur le croyait valablement soumis à une convention individuelle de forfait en jour.

La décision déférée sera donc confirmée sur ce point.

Sur la perte des avantages issus de la convention de forfait annuel en jours et la répétition de l’indu

M. [VV] soulève l’irrecevabilité de la demande ainsi présentée pour la première fois en cause d’appel.

Il résulte de l’article 564 du code de procédure civile qu’à peine d’irrecevabilité relevée d’office les parties ne peuvent soumettre à la cour de nouvelles prétentions, si ce n’est pour opposer compensation, faire écarter les prétentions adverses ou faire juger les questions nées de l’intervention d’un tiers ou de la survenance ou de la révélation d’un fait.

L’article 565 du code de procédure civile prévoit que les prétentions ne sont pas nouvelles dès lors qu’elles tendent aux mêmes fins que celles soumises au premier juge même si leur fondement juridique est différent.

L’article 566 du même code dispose que les parties ne peuvent ajouter aux prétentions soumises au premier juge que les demandes qui en sont l’accessoire, la conséquence ou le complément nécessaire.

En l’espèce, la société intimée forme pour la première fois devant la cour d’appel une demande de remboursement des jours de réduction du temps de travail accordés en application de la convention de forfait et la part des salaires correspondant à la majoration conventionnelle de 20 % pour les salariés cadres soumis à un forfait annuel en jours.

Dès lors que le salarié sollicitait déjà en première instance le prononcé de la nullité de la convention de forfait et que si celle-ci est accueillie, comme en l’espèce, ce sont les dispositions relatives à la durée légale du travail qui s’appliquent, la demande reconventionnelle de l’employeur, qui contestait en première instance le décompte produit par le salarié au titre des heures supplémentaires, est recevable comme étant au sens de l’article 566 du code de procédure civile une demande qui est l’accessoire, la conséquence ou le complément nécessaire de la prétention initiale.

Lorsque la convention de forfait à laquelle le salarié était soumis est privée d’effet, le paiement des jours de réduction du temps de travail accordés en exécution de la convention est devenu indu.

Il convient, au vu des éléments justificatifs versés aux débats de ce chef et notamment des bulletins de paie afférents à la période litigieuse et du tableau établi par l’employeur sur la base des bulletins de salaire, de condamner le salarié à payer à l’employeur la somme totale de 1014,35 euros bruts à titre de remboursement des jours de réduction du temps de travail devenus indus, le montant n’étant d’ailleurs pas contesté par M. [VV].

La société employeur sollicite également le remboursement de la majoration de 20 % appliquée à M. [VV] :

– sur le salaire mensuel brut de base,

– sur les indemnités compensatrices de congés payés,

– sur l’indemnité de licenciement.

Dans l’hypothèse d’une annulation d’une convention de forfait, l’employeur ne peut obtenir le remboursement des majorations de salaire découlant de l’application de la convention de forfait nulle que dans le cas où cette majoration conventionnelle de salaire est précisément et contractuellement prévue dans le calcul de la rémunération.

Il appartient ainsi à l’employeur de justifier qu’il a majoré la rémunération de M. [VV] afin de tenir compte du forfait-jours auquel le salarié était contractuellement tenu.

En l’espèce, l’employeur se fonde sur la force obligatoire des dispositions de la convention collective Syntec relativement à cette majoration de salaire de 120 % pour les salariés cadres soumis à une convention de forfait annuel en jours.

M. [VV] estime que l’augmentation de salaire dont il a bénéficié résulte d’un protocole d’accord transactionnel conclu avec l’employeur en février 2018, lequel n’a aucun lien avec le forfait en jours litigieux.

Le protocole transactionnel du mois de février 2018 a été conclu au motif que M. [VV] estimait que ‘son évolution de statut au regard de la convention collective métallurgie qui lui est applicable ne correspond pas à ce qu’elle aurait dû être.

La société n’a pas la même interprétation au regard de la situation de Monsieur [VV] concernant les différents éléments constituants sa rémunération entrant dans l’assiette servant à comparer les minima conventionnels.

Il [M. [VV]] estimait :

– que son statut n’était pas au bon niveau et ce durant plusieurs années

– qu’en conséquence le minima conventionnel n’était pas appliqué comme il aurait dû

– qu’il avait un manque à gagner conséquent par rapport à ce minima’

L’article 1er du protocole est intitulé de la manière suivante :

‘Acquiescement et confirmation du mode de calcul des sommes dues sur les années 2015-2016-2017 au regard du minima conventionnel’

La cour relève qu’il n’est en aucune manière fait référence au forfait jours applicable entre les parties et d’un rattrapage de salaire pour tenir compte du dudit forfait.

L’accord vise seulement un rattrapage de statut et de niveau et l’application du salaire correspondant, de sorte que la demande de l’employeur tendant au remboursement de de salaires indus sera rejetée.

Sur l’indemnité de licenciement

Les parties sont en désaccord sur les conditions d’application de l’article 4 de l’accord d’adaptation du statut des salariés en provenance des sociétés RDI-ADI au statut collectif de la Société Spie Infoservices qui prévoit :

« La Convention Collective Métallurgie précédemment applicable chez RDI/ADI prévoit dans ses termes :

D’une part pour les cadres [‘]

Dans le cas où la personne est âgée d’au moins 50 ans et de moins de 55 ans et avec 5 ans d’ancienneté dans l’entreprise : majoration du montant de l’indemnité de 20%, sans que le montant total de l’indemnité puisse être inférieur à 3 mois.

[‘]

Les salariés de la société RDI/ADI continueront de bénéficier des dispositions de la convention collective de la Métallurgie s’agissant de l’indemnité de licenciement, si celle-ci leur est plus favorable que l’application des dispositions de la convention collective des bureaux d’étude techniques, des cabinets d’ingénieurs-conseils et des sociétés de conseils, selon les modalités suivantes :

– le salarié doit avoir une ancienneté minimum de 5 ans effectuées dans l’entreprisesous la Convention Collective de la Métallurgie.

– En cas de licenciement il sera appliqué à l’intéressé les dispositions de la Métallurgie pour les 5 ans d’ancienneté ‘ ou plus ‘ effectuée sous la Convention Collective Métallurgie (les 5 ans d’ancienneté étant la condition de déclenchement de ce principe de transition).

– L’ancienneté acquise par la suite sous la Convention collective des bureaux d’études techniques des cabinets d’ingénieurs-conseils et des sociétés de conseil, sera réglée par les dispositions de cette même convention. »

M. [VV] estime qu’il y a lieu d’appliquer l’article 29 de la convention collective des ingénieurs et cadres de la Métallurgie dans son intégralité et qui précise que ‘pour le calcul de l’indemnité de licenciement, l’ancienneté et, le cas échéant, les conditions d’âge de l’ingénieur ou cadre sont appréciées à la date de fin du préavis exécuté ou non.’

L’employeur considère que dès lors que M. [VV] a eu 50 ans après l’envoi de la lettre de rupture, il était soumis à la convention collective Syntec depuis le 1er janvier 2018.

L’accord d’adaptation susvisé prévoit l’application de l’article 29 de la convention collective de la métallurgie traitant de l’indemnité de licenciement, mais sans reprendre l’intégralité des dispositions y figurant, les termes ‘selon les modalités suivantes’ signifiant que seuls les points visés bénéficient aux anciens salariés de RDI/ADI à l’exclusion de ceux qui ne sont pas repris.

Il en est ainsi de la précision selon laquelle la condition de l’âge de 50 ans s’apprécie à la date de fin du préavis.

Dès lors, et sauf disposition conventionnelle contraire et opposable, les conditions d’ouverture du droit à l’indemnité conventionnelle de licenciement sont calquées sur celles de l’indemnité légale, de sorte que la date d’appréciation du droit à l’indemnité conventionnelle est fixée, à défaut, le jour où l’employeur envoie la lettre notifiant la rupture.

M. [VV] ayant atteint l’âge de 50 après l’envoi de la lettre de licenciement ne peut prétendre à la majoration de 20% prévue à ce titre, justifiant la confirmation du jugement querellé de ce chef.

L’employeur sera condamné à remettre au salarié les documents de fin de contrat rectifiés conformément à la présente décision, sans qu’il y ait lieu à fixation d’une astreinte.

Pour une bonne administration de la justice il y a lieu d’ordonner la compensation des créances respectives.

Il convient d’ordonner le remboursement par la SAS Spie Infoservices aux organismes concernés des indemnités de chômage versées à M. [VV] dans la limite de quatre mois.

Sur les demandes accessoires

L’équité commande de faire application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile au profit de l’appelant.

Les dépens de première instance et d’appel seront mis à la charge de la SAS Spie Infoservices.

PAR CES MOTIFS

LA COUR,

Par arrêt contradictoire, rendu publiquement en dernier ressort

Confirme le jugement rendu le 26 février 2021 par le conseil de prud’hommes de Nîmes en ce qu’il a :

– constaté la nullité de la convention de forfait annuel en jours de M. [KI] [VV],

– condamné la SAS Spie Infoservices à payer à M. [KI] [VV] les heures supplémentaires suite à la nullité de la convention de forfait, mais le réforme sur le quantum des sommes mises à la charge de l’employeur,

– débouté M. [KI] [VV] de sa demande d’indemnité forfaitaire pour travail dissimulé,

– débouté M. [KI] [VV] de sa demande de complément d’indemnité de licenciement,

Le réforme pour le surplus

Et statuant à nouveau sur les chefs infirmés

Dit le licenciement de M. [KI] [VV] nul,

Condamne la SAS Spie Infoservices à payer à M. [KI] [VV] les sommes suivantes :

– 55 000 euros de dommages et intérêts pour licenciement nul,

– 2 000 euros de dommages et intérêts pour licenciement vexatoire,

– 2 000 euros de dommages et intérêts en réparation du préjudice moral subi au titre du harcèlement moral,

Condamne la SAS Spie Infoservices à payer à M. [KI] [VV] la somme brute de 9.045,77 euros au titre des heures supplémentaires dues, outre celle de 904,57 euros bruts pour les congés payés afférents,

Déclare recevable la demande en répétition de l’indu présentée par la SAS Spie Infoservices,

Condamne M. [KI] [VV] à payer à la la SAS Spie Infoservices la somme de 1014,35 euros bruts à titre de remboursement des jours de réduction du temps de travail devenus indus,

Ordonne la compensation entre les condamnations prononcées réciproquement entre les parties,

Dit que les sommes à caractère alimentaire allouées au titre des rémunérations et indemnités mentionnées à l’article R1454-14 et 15 du code du travail porteront intérêts au taux légal à compter de la réception par l’employeur de la convocation à comparaître devant le bureau de conciliation,

Dit que les sommes à caractère indemnitaire porteront intérêts au taux légal à compter de la date de la présente décision,

Ordonne la remise par la SAS Spie Infoservices à M. [KI] [VV] des documents de fin de contrat conformes à la présente décision dans le délai d’un mois suivant la notification de l’arrêt,

Ordonne le remboursement par l’employeur aux organismes concernés de tout ou partie des indemnités de chômage payées au salarié licencié du jour de son licenciement au jour du prononcé de la présente décision, dans la limite de quatre mois d’indemnités de chômage, et dit qu’une copie certifiée conforme de la présente sera adressée à ces organismes conformément aux dispositions de l’article L 1235-4 du code du travail,

Déboute les parties du surplus de leur demandes,

Condamne la SAS Spie Infoservices à payer à M. [KI] [VV] la somme de 2500 euros sur le fondement des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile,

Condamne la SAS Spie Infoservices aux dépens de première instance et d’appel,

Arrêt signé par le président et par la greffiere.

LE GREFFIER, LE PRÉSIDENT,

 


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