CIV. 1
IK
COUR DE CASSATION
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Audience publique du 17 avril 2019
Rejet non spécialement motivé
Mme BATUT, président
Décision n° 10262 F
Pourvoi n° Y 18-15.549
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
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AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
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LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, a rendu la décision suivante :
Vu le pourvoi formé par M. N… R…, domicilié […] ,
contre les deux arrêts rendus les 31 janvier 2018 et 7 février 2018 par la cour d’appel de Grenoble (chambre des affaires familiales), dans le litige l’opposant à Mme B… U…, épouse R…, domiciliée […] ,
défenderesse à la cassation ;
Vu la communication faite au procureur général ;
LA COUR, en l’audience publique du 19 mars 2019, où étaient présentes : Mme Batut, président, Mme Gargoullaud, conseiller référendaire rapporteur, Mme Wallon, conseiller doyen, Mme Pecquenard, greffier de chambre ;
Vu les observations écrites de la SCP Gatineau et Fattaccini, avocat de M. R…, de la SCP Rocheteau et Uzan-Sarano, avocat de Mme U… ;
Sur le rapport de Mme Gargoullaud, conseiller référendaire, et après en avoir délibéré conformément à la loi ;
Vu l’article 1014 du code de procédure civile ;
Attendu que les moyens de cassation annexés, qui sont invoqués à l’encontre de la décision attaquée, ne sont manifestement pas de nature à entraîner la cassation ;
Qu’il n’y a donc pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée ;
REJETTE le pourvoi ;
Condamne M. R… aux dépens ;
Vu l’article 700 du code de procédure civile, rejette sa demande et le condamne à payer à Mme U… la somme de 3 000 euros ;
Ainsi décidé par la Cour de cassation, première chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du dix-sept avril deux mille dix-neuf.
MOYENS ANNEXES à la présente décision
Moyens produits par la SCP Gatineau et Fattaccini, avocat aux Conseils, pour M. R…
PREMIER MOYEN DE CASSATION
Il est fait grief à l’arrêt d’avoir rejeté la demande de M. R… de révocation de l’ordonnance de clôture du 18 mai 2017 et de report de celle-ci et d’avoir déclaré ses conclusions irrecevables, ainsi que ses pièces n°76 à 100.
AUX MOTIFS QUE « M. R… ne justifiant pas d’une cause grave permettant la révocation de l’ordonnance de clôture et le report de celle-ci, sa demande à ce titre sera rejetée et ses conclusions du 13 novembre 2017 déclarées irrecevables, ainsi que les pièces nouvelles communiquées à la même période (pièces n°76 à 100 de M. R…). »
ALORS QUE les juges du fond apprécient souverainement si la circonstance invoquée caractérise une cause grave justifiant la révocation de l’ordonnance de clôture ; qu’une appréciation relevant du pouvoir souverain doit néanmoins être motivée ; qu’au moment où ils examinent la demande de révocation de l’ordonnance de clôture, les juges du fond doivent, à tout le moins, identifier la circonstance invoquée, fût-ce pour permettre un contrôle quant au point de savoir si les conclusions de la partie qui a sollicité la révocation ont été correctement lues et s’il a bien été statué sur la circonstance invoquée par cette partie ; qu’en l’espèce, M. R… sollicitait la révocation de l’ordonnance de clôture du 18 mai 2017 n’ayant reçu que postérieurement à cette date les éléments de preuve de nature à démontrer la difficulté de sa situation financière au jour du divorce, notamment un compte de résultats simplifié de sa société, des relevés de comptes et des messages de Mme U… reconnaissant qu’il ne travaillait plus ; qu’en déboutant M. R… de sa demande en se bornant à relever que M. R… ne justifiait pas « d’une cause grave permettant la révocation de l’ordonnance de clôture et le report de celle-ci », la cour d’appel a privé sa décision de base légale au regard de l’article 784 du code de procédure civile.
DEUXIEME MOYEN DE CASSATION
Il est fait grief à l’arrêt d’avoir prononcé le divorce des époux R… aux torts exclusifs de M. R….
AUX MOTIFS QUE « M. R… ne conteste pas avoir rencontré Mme P… au cours du mois de juillet 2011 et s’être rapidement installé chez elle à Marseille, le nouveau couple ayant eu un enfant commun, W…, le 5 août 2014, comme le démontrent les pièces versées aux débats par l’épouse, étant précisé que celle-ci a du faire face à une situation difficile après le départ du mari du domicile conjugal, puisqu’il l’a laissée dans une maison dont elle ne pouvait assumer financièrement les charges, lui-même enchaînant les voyages avec sa nouvelle compagne alors que Mme U… se trouvait dans l’impossibilité de régler la facture de fuel permettant d’alimenter la chaudière de la maison au cours de l’hiver 2011/2012 et devait faire appel à ses parents pour l’entretien de celle-ci. Ces faits, qui constituent des violations graves ou renouvelées des devoirs et obligations du mariage, imputables à M. R…, rendent intolérable le maintien de la vie commune. M. R… évoque l’adultère de son épouse pour demander le prononcé du divorce aux torts partagés, celle-ci admettant vivre avec son compagnon depuis le 1er août 2015. Il ne vise toutefois aucune pièce à l’appui de sa demande et ne démontre pas que la relation entre Mme U… et son compagnon soit antérieure au 2 octobre 2012, date de l’ordonnance de non-conciliation. Si le devoir de fidélité reste applicable aux époux y compris durant la procédure du divorce, la durée particulièrement longue de celle-ci conduit, comme le soutient l’épouse, à enlever son caractère de gravité à la faute reprochée, d’autant que Mme U… faisait face depuis des années au comportement injurieux du mari à son égard, manifestement de notoriété publique au vu des pièces produites. C’est donc à juste titre que le premier juge a prononcé le divorce des époux aux torts exclusifs de M. R…, le jugement frappé d’appel devant être confirmé sur ce point. »
ALORS QUE les juges ne peuvent dénaturer les éléments de la cause ; qu’en l’espèce, M. R… affirmait que le couple s’était « séparé d’un commun accord au début du mois d’août 2011 », reconnaissait avoir « après la séparation » rapidement retrouvé une nouvelle compagne et démontrait que Mme U… avait « naturellement fait de même » ; qu’en retenant que M. R… ne contestait pas avoir rencontré sa nouvelle compagne au cours du mois de juillet 2011 pour prononcer le divorce des époux aux torts exclusifs de M. R…, la cour d’appel a dénaturé les conclusions de l’exposant violant l’article 4 du code de procédure civile.
TROISIEME MOYEN DE CASSATION
Il est fait grief à l’arrêt d’avoir condamné M. R… à payer à Mme U… la somme de 120.000 euros en capital à titre de prestation compensatoire.
AUX MOTIFS QUE « le mariage a duré 17 ans, dont plus de 10 ans de vie commune. Le mari est âgé de 47 ans et l’épouse de 44 ans et aucun d’eux n’invoque de problème de santé particulier. M. R… ne conteste pas avoir été très peu disponible pour ses enfants et sa famille durant la vie commune, notamment en raison de ses contraintes professionnelles, occupant un poste à responsabilité ce qui a imposé à Mme U… de prendre un congé parental pour s’occuper des enfants et de la maison, puis de travailler à domicile, pour un salaire modeste, comme assistante maternelle, avant de retrouver un emploi et de se mettre en disponibilité pour rester auprès d’H…, atteint d’un cancer, en 2013/2014, ces choix professionnels, faits par Mme U… pendant la vie commune ou le mariage pour se consacrer à l’éducation des enfants et favoriser le développement de carrière du mari au détriment de la sienne, ayant forcément une incidence sur les droits à retraite de l’épouse. Les époux, mariés sous le régime de la participation aux acquets, vont devoir se partager la somme de 172.947,47 euros provenant de la vente de l’ancien domicile conjugal, une maison sise à Vif, après apurement des prêts immobiliers et charges concernant ce bien, mais il n’est pas certain que la moitié de cette somme revienne à l’épouse, au vu du régime matrimonial applicable et des nombreuses dettes contractées par l’époux durant la vie commune, dont certaines ont permis la saisie-attribution d’une partie de la somme évoquée ci-dessus à un créancier du mari. Mme U…, qui ne dispose d’aucun patrimoine hors de la somme évoquée ci-dessus, à l’exception d’un véhicule Nissan d’une valeur de 9.000 euros, travaille depuis septembre 2016 en cdi comme secrétaire polyvalente pour la société Imer France, pour une rémunération de 1.566,75 euros hors taxes, outre des primes, après une période de chômage et des emplois en intérim en 2016. Son salaire net moyen serait de 1.200 euros par mois, sans toutefois qu’elle en justifie, et elle touche à la Caf des allocations familiales pour 360,09 euros par mois. Son compagnon participe aux charges de la vie commune à hauteur de 450 euros par mois, dont un loyer de 677 euros par mois. M. R…, qui disposait d’un patrimoine plus important que celui de Mme U…, fait état de la liquidation de la société Méca-concept dont il était le gérant, survenue en 2009, l’insuffisance d’actif de la société Ccm à hauteur de 75% du montant de celle-ci et à verser une provision de 450.000 euros dans ce cadre, outre intérêts de droit, pour prétendre être actuellement en difficulté financière, son appartement d’Aix-les-Bains ayant été vendu en cours de procédure et le bâtiment sis à Rochemaure ayant fait l’objet d’une vente sur saisie-immobilière pour 75.000 euros. Toutefois, il ne verse aucun élément permettant d’évaluer l’état actuel de son patrimoine, exposant être propriétaire de la moitié du capital social d’une société propriétaire de garages sans pour autant en indiquer la valeur et omettant de faire état de la valeur de sa collection d’albums et bandes-dessinées et statuettes, estimée à plus d’un million d’euros par l’épouse, ce qu’il ne dément pas dans ses écritures. Si M. R…, qui a une qualification d’ingénieur, a été démis de ses fonctions de directeur général de la société Ap2e à compter du 30 novembre 2014, bien qu’il soit propriétaire de 1.021 actions sur les 38.003 actions que comporte la société, il a bénéficié durant une période de deux ans, soit jusqu’en novembre 2016, d’une indemnité d’assurance venant intégralement compenser sa perte de revenus en cas de révocation, comme le démontrent les pièces contractuelles qu’il verse lui-même aux débats. Les pièces versées par Mme U… démontrent aussi qu’il a trouvé un emploi en mai 2016. Dès lors, la rupture du mariage crée dans les conditions de vie respectives des parties une disparité, qu’il convient de compenser par l’allocation à l’épouse d’une somme de 120.000 euros à titre de prestation compensatoire, le jugement frappé d’appel devant être confirmé sur ce point. »
ALORS QUE les juges ne peuvent dénaturer les éléments de la cause ; qu’en l’espèce, M. R… démontrait que son mandat de dirigeant social de la société Ap2e avait été révoqué par décision du 20 novembre 2014, qu’il n’avait perçu d’indemnités à ce titre de la part de son assurance que jusqu’en novembre 2015 et que le montant de celles-ci ne correspondait qu’à 70% et non à l’intégralité de la rémunération perdue ; qu’en fixant à 120.000 euros le montant de la prestation compensatoire due par M. R… à Mme U… en retenant que celui-ci avait bénéficié jusqu’en novembre 2016 d’une indemnité versée par son assurance venant compenser l’intégralité de ses pertes de revenus, la cour d’appel a dénaturé la notification d’ouverture de droits adressé à M. R… par son assurance, violant le principe sur lequel il est interdit aux juges du fond de dénaturer les documents de la cause.