COUR D’APPEL
DE RIOM
PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE
Du 6 décembre 2022
N° RG 21/00990 – N° Portalis DBVU-V-B7F-FS3T
-DA- Arrêt n°
[J] [L], [V] [L] / S.A.R.L. DEMENAGEMENTS RIVALIER, enseigne DEMECO
Jugement Au fond, origine TJ hors JAF, JEX, JLD, J. EXPRO, JCP de CLERMONT-FERRAND, décision attaquée en date du 03 Février 2021, enregistrée sous le n° 19/02914
Arrêt rendu le MARDI SIX DECEMBRE DEUX MILLE VINGT DEUX
COMPOSITION DE LA COUR lors des débats et du délibéré :
M. Philippe VALLEIX, Président
M. Daniel ACQUARONE, Conseiller
Mme Laurence BEDOS, Conseiller
En présence de :
Mme Marlène BERTHET, greffier lors de l’appel des causes et du prononcé
ENTRE :
M. [J] [L]
et Mme [V] [L]
[Adresse 5]
[Localité 2]
Représentés par Me Philippe GATIGNOL de la SCP TEILLOT & ASSOCIES, avocat au barreau de CLERMONT-FERRAND
Timbre fiscal acquitté
APPELANTS
ET :
S.A.R.L. DEMENAGEMENTS RIVALIER, enseigne DEMECO
[Adresse 1]
[Localité 4]
Représentée par Me Fabienne BLANCHET, avocat au barreau de CLERMONT-FERRAND
Timbre fiscal acquitté
INTIMEE
DÉBATS : A l’audience publique du 17 octobre 2022
ARRÊT : CONTRADICTOIRE
Prononcé publiquement le 6 décembre 2022 par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile ;
Signé par M. VALLEIX, président et par Mme BERTHET, greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
I. Procédure
Le 7 octobre 2016, les époux [J] et [V] [L] ont passé avec SARL RIVALIER, exerçant sous l’enseigne « DEMECO », une convention de garde-meubles mentionnant l’entrepôt de 15 conteneurs de 8 m3 pour la valeur déclarée de 10 000 euros.
Le mobilier a été récupéré par l’entreprise le 7 décembre 2016 et stocké le 9 décembre 2016 dans le cadre d’un contrat de déménagement distinct du contrat de garde-meuble.
Le 15 mars 2017, les époux [L] se sont rendus sur le lieu de stockage pour constater que leurs meubles avaient été conservés à l’extérieur du bâtiment de stockage dans une caisse mobile présentant des problèmes d’étanchéité.
Le 16 mars 2017, les époux [L] ont accepté avec réserve la livraison d’une partie des meubles, ayant constaté des dégâts sur plusieurs d’entre eux. Ils ont fait constater par huissier le 21 mars 2017 que les meubles stockés dans le conteneur étaient pour la plupart dégradés en raison d’une infiltration d’eau, le toit du conteneur étant troué par endroits.
Le 31 mars 2017, une partie des meubles stockés a été livrée au domicile des époux [L], qui ont apposé en observation la mention « sous réserve d’ouverture des cartons », tandis que le responsable de la livraison a précisé « reprise ce soir du mobilier refusé ».
Par courrier ensuite du 4 avril 2017, la SARL RIVALIER a sollicité la communication d’éléments relatifs au préjudice déclaré par les époux [L] et leur a demandé le règlement du solde de sa prestation.
En réponse, par courrier du 27 avril 2017, les époux [L] ont adressé à la SARL RIVALIER une liste de 286 meubles endommagés, puis le 15 juin 2017 ils ont mis en demeure l’entreprise afin d’obtenir réparation de leur préjudice.
Devant le refus de la SARL RIVALIER, les époux [L] l’ont assignée en référé devant le président du tribunal de grande instance de Clermont-Ferrand le 24 octobre 2017 pour obtenir une mesure d’expertise judiciaire.
Par ordonnance du 5 décembre 2017, M. [Y] [E] a été désigné en qualité d’expert. Il a achevé son rapport le 7 décembre 2018.
Enfin, par exploit du 24 juillet 2019 les époux [L] ont fait assigner au fond la SARL RIVALIER devant le tribunal de grande instance de Clermont-Ferrand afin d’obtenir diverses réparations : 20 000 EUR pour le remplacement des biens détruits ; 5000 EUR au titre de la perte des éléments irremplaçables ; 5000 euros en réparation de leur préjudice de jouissance ; 5000 EUR au titre de leur préjudice moral ; 2105,60 EUR au titre du remboursement des frais de gardiennage, et 3000 EUR en application de l’article 700 du code de procédure civile.
À l’issue des débats, par jugement du 3 février 2021, le tribunal judiciaire de Clermont-Ferrand a rendu la décision suivante le 3 février 2021 :
« Le tribunal, statuant par jugement public contradictoire rendu en premier ressort par mise à disposition au greffe,
CONDAMNE la SARL DEMECO DÉMÉNAGEMENTS RIVALIER à verser Monsieur [J] [L] et Madame [V] [L] la somme de 8416 euros en réparation de leur préjudice matériel,
CONDAMNE la SARL DEMECO DÉMÉNAGEMENTS RIVALIER à verser Monsieur [J] [L] et Madame [V] [L] la somme de
1000 euros au titre du préjudice de jouissance
REJETTE la demande formée par Monsieur [J] [L] et Madame [V] [L] au titre du préjudice moral,
REJETTE la demande de restitution des frais de gardiennage formée par Monsieur [J] [L] et Madame [V] [L],
CONDAMNE Monsieur [J] [L] et Madame [V] [L] à la SARL DEMECO DÉMÉNAGEMENTS RIVALIER la somme de 2542 euros avec intérêts au taux légal à compter du 16 mars 2017
CONDAMNE la SARL DEMECO DÉMÉNAGEMENTS RIVALIER à verser Monsieur [J] [L] et Madame [V] [L] la somme de 2000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile
CONDAMNE la SARL DEMECO DÉMÉNAGEMENTS RIVALIER aux entiers dépens, en ce compris les frais de l’expertise judiciaire et du constat d’huissier
ORDONNE la compensation judiciaire des créances réciproques de Monsieur [J] [L] et Madame [V] [L] et de la SARL DEMECO DÉMÉNAGEMENTS RIVALIER,
ORDONNE l’exécution provisoire de la présente décision. »
Par jugement ensuite du 14 avril 2021 le tribunal a rectifié une erreur purement matérielle.
Dans les motifs de sa décision du 3 février 2021, le premier juge a notamment écrit:
A. Sur la responsabilité de la SARL DEMECO concernant les dégradations constatées par huissier le 21 mars 2017
Au titre de l’article 1915 du code civil, « Le dépôt, en général, est un acte par lequel on reçoit la chose d’autrui, à la charge de la garder et de la restituer en nature »
En application de l’article 1928 du code civil, « Le dépositaire doit apporter, dans la garde de la chose déposée, les mêmes soins qu’il apporte dans la garde des choses qui lui appartiennent ».
En l’espèce, les époux [L] prouvent la réalité du dépôt et des objets stockés dont la liste se trouve dans la déclaration de valeurs, ladite liste correspondant bien aux objets cités par l’expert comme dégradés. Il résulte du rapport d’expertise et du constat d’huissier que les dommages constatés le 21 mars 2017 par l’huissier sur les meubles conservés dans le garde-meuble à [Localité 4] sont consécutifs à une infiltration d’eau dans le conteneur en raison du toit percé. L’expert affirme que les dégâts sont très manifestement la conséquence du défaut d’étanchéité du conteneur et qu’ils sont survenus lors de la prestation de garde-meubles de la SARL DEMECO. Celle-ci a en effet stocké les meubles dans un conteneur extérieur présentant des trous dans la toiture, et ces défauts sont à l’origine d’infiltrations d’eau ayant dégradé les meubles contenus.
Bien que le contrat ne précise pas le lieu de stockage précis, il résulte des documents commerciaux et des devis remis au client que le mobilier doit être entreposé dans un local spécialement adapté, ce qui sous-entend l’usage d’un local fermé. Par ailleurs, la SARL DEMECO ne conteste pas sa responsabilité dans la dégradation des seuls meubles entreposés à [Localité 4] faisant l’objet du constat d’huissier et du rapport d’expertise. Il est constaté que la défenderesse n’a pas traité avec le soin attendu les meubles qui étaient sous sa garde et a ainsi manqué à ses obligations contractuelles.
La responsabilité de la SARL DEMECO est engagée. Elle est tenue de réparer le préjudice lié à la dégradation des meubles stockés à [Localité 4] dont la liste est établie par le rapport d’expertise.
B. Sur la responsabilité de la SARL DEMECO concernant la dégradation des biens livrés les 16 et 31 mars 2017 [‘]
Il est certain que l’ensemble des biens donnés en stockage parles demandeurs l’ont été dans le seul conteneur extérieur défaillant, la défenderesse l’indiquant dans ses écritures et aucune preuve n’étant versée au débat de l’existence d’un second lieu de stockage. Par conséquent, les biens livrés les 16 et 31 mars 2017 provenaient bien du même conteneur défaillant que les meubles endommagés retrouvés à l’intérieur. La SARL DEMECO assurant tant le stockage que la livraison, il peut en être déduit que les biens détériorés livrés les 16 et 31 mars ont été chargés tels quels dans le camion de livraison depuis le lieu de stockage. La défenderesse n’est pas fondée à opposer la présomption de livraison conforme, renversée par l’inexécution défaillante du dépôt. La SARL DEMECO est déclarée responsable des dégradations relatives aux meubles livrés les 16 et les 31 mars 2017.
***
Les époux [L] ont fait appel de ce jugement le 28 avril 2021, précisant :
« Objet/Portée de l’appel : Appel partiel sur les chefs de jugement suivants : – CONDAMNE la SARL DEMECO DÉMÉNAGEMENTS RIVALIER à verser à Monsieur [J] [L] et Madame [V] [L] la somme de 8 416 euros en réparation de leur préjudice matériel ; – CONDAMNE la SARL DEMECO DÉMÉNAGEMENTS RIVALIER à verser à Monsieur [J] [L] et Madame [V] [L] la somme de 1 000 euros au titre du préjudice de jouissance ; – REJETTE la demande formée par Monsieur [J] [L] et Madame [V] [L] au titre du préjudice moral ; – REJETTE la demande de restitution des frais de gardiennage formée par Monsieur [J] [L] et Madame [V] [L] – REJETTE la demande de restitution des frais de gardiennage formée par Monsieur [J] [L] et Madame [V] [L] -CONDAMNE Monsieur [J] [L] et Madame [V] [L] à payer à la SARL DEMECO DÉMÉNAGEMENTS RIVALIER la somme de 2 542 euros avec intérêts aux taux légal à compter du 16 mars 2017 ; – CONDAMNE la SARL DEMECO DÉMÉNAGEMENTS RIVALIER à verser Monsieur [J] [L] et Madame [V] [L] la somme de 2 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile. – ORDONNE la compensation judiciaire des créances réciproques de Monsieur [J] [L] et Madame [V] [L] et de la SARL DEMECO DÉMÉNAGEMENTS RIVALIER. »
Dans leurs conclusions ensuite du 20 juillet 2021 les époux [L] demandent à la cour de :
« Vu les articles 1219, 1231-1 et suivants et 1915 du Code civil,
Déclarer l’appel de [J] et [V] [L] recevable et bien fondé,
Réformer le jugement rendu par le Tribunal judiciaire de CLERMONT-FERRAND du 3 février 2021 en ce qu’il a :
– Condamné la SARL DEMECO DÉMÉNAGEMENTS RIVALIER à verser à [J] et [V] [L] la somme de 8416,00 € en réparation de leur préjudice matériel
– Condamné la SARL DEMECO DÉMÉNAGEMENTS RIVALIER à verser à [J] et [V] [L] la somme de 1.000,00 € au titre du préjudice de jouissance
– Rejeté la demande formée par [J] et [V] [L] au titre du préjudice moral
– Rejeté la demande de restitution des frais de gardiennage formée par [J] et [V] [L]
– Condamné [J] et [V] [L] à verser la SARL DEMECO DÉMÉNAGEMENTS RIVALIER la somme de 2.542,00 € avec intérêts au taux légal à compter du 16 mars 2017
– Condamné la SARL DEMECO DÉMÉNAGEMENTS RIVALIER à verser à [J] et [V] [L] la somme de 2.000,00 € au titre de l’article 700 du Code de procédure civile
– Condamné la SARL DEMECO DÉMÉNAGEMENTS RIVALIER aux entiers dépens, en ce y compris les frais de l’expertise judiciaire et du constat d’huissier
– Ordonné la compensation judiciaire des créances réciproques de [J] et [V] [L] et de la SARL DEMECO DÉMÉNAGEMENT RIVALIER
– Ordonné l’exécution provisoire de la présente décision
En conséquence,
Débouter la SARL DEMECO DÉMÉNAGEMENTS RIVALIER de l’ensemble de ses demandes, fins et prétentions,
Condamner la SARL DEMECO DÉMÉNAGEMENTS RIVALIER à payer et porter à [J] et [V] [L] les sommes de :
– 20.000,00 € au titre du coût de remplacement des biens détruits,
– 5.000,00 € au titre de la perte des éléments irremplaçables,
– 5.000,00 € au titre de leur préjudice de jouissance,
– 5.000,00 € au titre de leur préjudice moral,
– 2.105,60 € au titre du remboursement des frais de gardiennage,
Condamner la SARL DEMECO DÉMÉNAGEMENTS RIVALIER à payer et porter à [J] et [V] [L] la somme de 3.000,00 € au titre de l’article 700 du CPC,
Condamner la SARL DEMECO DÉMÉNAGEMENTS RIVALIER aux entiers dépens qui comprendront notamment les frais d’expertise judiciaire et des actes d’huissier. »
***
La SARL RIVALIER a conclu le 30 août 2021 pour demander à la cour de :
« Confirmer le jugement en ce qu’il a condamné M. et Mme [L] au paiement de la somme de 2.542 € au titre du solde du prix du déménagement avec intérêts au taux légal à compter du 16 mars 2017.
Infirmer le jugement en ce qu’il a condamné la société Rivalier au paiement de la somme de 9.416 € au titre de l’indemnisation des préjudices de M. et Mme [L].
Et statuant à nouveau,
Limiter les réclamations de M. et Mme [L] à la somme de 810 €.
Subsidiairement, limiter les réclamations de M. et Mme [L] à la somme de 2.087 €.
Prononcer la compensation judiciaire.
Condamner M. et Mme [L] au paiement de la somme de 1.500 € sur le fondement de l’article 700 CPC.
Condamner les mêmes aux entiers dépens. »
***
La cour, pour un plus ample exposé des faits, de la procédure, des demandes et moyens des parties, fait ici expressément référence au jugement entrepris ainsi qu’aux dernières conclusions déposées, étant précisé que le litige se présente céans de la même manière qu’en première instance.
Une ordonnance du 8 septembre 2022 clôture la procédure.
II. Motifs
Il résulte du dossier les éléments suivants.
Le 7 octobre 2016 M. [J] [L] a conclu avec la SARL RIVALIER, enseigne DEMECO, un contrat de garde-meuble suivant lequel l’entreprise « garde en conteneurs individuels » divers objets confiés par le client. Le contrat précise que la valeur déclarée des objets confiés est de 10’000 EUR. Le prix de la prestation est fixé à la somme mensuelle de 564 EUR TTC.
Lors de la conclusion du contrat M. [L] s’est vu remettre une brochure commerciale portant le logo « DEMECO » où il est notamment indiqué : « Votre mobilier est entreposé dans des locaux adaptés spécialement pour cette activité ». En regard de ce paragraphe ventant la qualité du service proposé, figure une photographie montrant de grands conteneurs en bois clair stockés à l’intérieur d’un bâtiment.
Ces éléments contractuels étant précisés, il convient de rappeler les dispositions légales applicables en pareille situation, soit les articles 1927 et 1928 du code civil :
L’article 1927 dispose :
Le dépositaire doit apporter, dans la garde de la chose déposée, les mêmes soins qu’il apporte dans la garde des choses qui lui appartiennent.
L’article 1928 précise :
Les dispositions de l’article précédent doivent être appliquées avec plus de rigueur [‘] 2° s’il a été stipulé un salaire pour la garde du dépôt [‘]
Or le contrat de dépôt n’a pas été exécuté par la SARL RIVALIER avec toute la rigueur nécessaire d’autant plus qu’il s’agissait d’une prestation rémunérée.
Le contrat de garde-meuble est en date du 7 octobre 2016. Une facture du 13 décembre 2016 montre que les loyers ont commencé à courir le 9 décembre 2016. Le 21 mars 2017 un huissier mandaté M. [J] [L] s’est rendu sur le site de l’entreprise RIVALIER, où il a constaté que les objets confiés par les époux [L] étaient conservés non pas à l’intérieur du bâtiment mais « dans un vieux caisson de transport amovible stocké à l’extérieur de l’entrepôt. » Des photographies montrent ce caisson garé le long de la façade du bâtiment de l’entreprise.
Pénétrant à l’intérieur du caisson l’huissier constate l’état fortement dégradé des objets qui y sont entreposés, en raison d’infiltrations d’eau à travers la toiture du caisson qui n’était pas étanche. L’huissier note : « je constate que le mobilier de M. [L] composé notamment de deux canapés en cuir, de tableaux, de livres, de bandes dessinées anciennes, de mobilier ‘ est imbibé d’eau avec présence de moisissures. » Les photographies jointes au procès-verbal sont édifiantes, on y voit la toiture du caisson où perlent des gouttes d’eau, et des paquets complètement abîmés, mouillés, des cartons, meubles et objets couverts de moisissures, notamment un canapé des livres, des tableaux’
Pénétrant ensuite à l’intérieur du bâtiment de la SARL RIVALIER, l’huissier ajoute: « Je constate également la présence de marques d’exposition à de l’eau sur la partie du mobilier qui a pu être retirée du caisson et qui est actuellement stockée dans le hangar. » Une photographie illustre encore cette constatation, où l’on voit posés sur une palette en bois des cartons et objets manifestement atteints aussi par l’humidité et la moisissure.
Il est donc ainsi démontré que durant les trois mois et demi de stockage, en cette période hivernale de décembre 2016 à mars 2017, le contenu du caisson a été abondamment imprégné d’eau et a moisi en raison du manque d’aération.
Missionné par le juge des référés, M. [Y] [E] a rendu un rapport d’expertise le 7 décembre 2018 où il distingue deux situations : les meubles entreposés dans le conteneur sur le site de l’entreprise à [Localité 4] , et les meubles déjà livrés aux époux [L] dans leur nouveau domicile de [Localité 3]. De cette expertise l’on comprend en effet que dans un premier temps, le 15 mars 2017, les époux [L] ont reçu à leur domicile une partie du déménagement et constaté la dégradation de leurs biens. C’est pourquoi le 21 mars 2017 ils ont mandaté un huissier afin de constater sur place au siège de l’entreprise RIVALIER les conditions de stockage de la seconde partie de leurs meubles qui ne leur avaient pas encore été livrés.
Dans son rapport M. [Y] [E], confirme d’abord le constat de l’huissier à propos des objets qui avaient été entreposés à [Localité 4], et note à son tour que le container défectueux « est bien percé au niveau du toit ». Il ajoute : « Le mobilier et objets suivants, correspondent bien à l’inventaire dressé par voie d’huissier de justice en date du 21 mars 2017, et sont réellement endommagés. » L’expert établit ensuite une liste d’objets avec leurs valeurs à neuf et en occasion. Il conclut que les meubles et objets confiés à l’entreprise ont été soit détruits, soit abîmés dans le cadre de la prestation du garde-meuble, étant précisé que « l’ensemble des meubles et objets était d’occasion. »
Concernant les objets qui avaient déjà été livrés au nouveau domicile des époux [L] à [Localité 3], avant la réalisation du constat le 21 mars 2017, qui sont en moindre quantité, l’expert constate également qu’ils sont « abîmés », mais il précise toutefois que « rien n’indique un lien un cause à effet entre la prestation du déménageur et la dégradation des immeubles. »
La SARL RIVALIER soutient que seuls les meubles faisant l’objet du constat d’huissier du 21 mars 2017 peuvent être considérés comme ayant subi des avaries, alors que rien ne prouve que les meubles précédemment livrés au nouveau domicile des époux [L] étaient en mauvais état.
Cependant, cet argument n’est d’aucune portée dans la mesure où le jour de la livraison les époux [L] ont mentionné des réserves écrites sur la lettre de voiture, conformément à l’article 16 des conditions générales du contrat. Dans le contexte particulier de ce dossier où des meubles et objets dégradés ont été ensuite constatés par huissier, non seulement dans le caisson dont le toit étaient percé mais également dans l’entrepôt lui-même après avoir été sortis en mauvais état de ce caisson, ces réserves sont suffisamment probantes et la SARL RIVALIER ne saurait valablement leur opposer une quelconque présomption de livraison conforme.
D’évidence la SARL RIVALIER a donc totalement manqué à ses obligations ; dès lors elle ne peut se départir de sa responsabilité professionnelle, eu égard aux textes du code civil ci-dessus rappelés qui imposent au dépositaire plus de rigueur dans la garde de la chose déposée lorsque le contrat est onéreux comme c’est le cas en l’espèce, et en considération également de ses propres dispositions contractuelles et documents commerciaux où elle promet d’apporter le plus grand soin aux objets qui lui sont confiés.
Il convient maintenant d’apprécier le préjudice des époux [L]. D’emblée, il convient d’écarter la limitation de responsabilité que la SARL RIVALIER souhaiterait voir opposer aux époux [L], mais qui cède devant les fautes commises qu’il n’est pas difficile de qualifier de lourdes tant leur grossièreté et leur intensité sont flagrantes. Les objets en dépôt confiés à la SARL RIVALIER ont été en effet traités sans soins, et au final dégradés à cause de l’impéritie de cette entreprise qui était censée les conserver dans les meilleures conditions possibles afin de les restituer intacts.
Et c’est par un argumentaire particulièrement spécieux et inefficace que l’intimée entend soutenir contre toute évidence qu’aucune faute lourde ne peut être retenue contre elle en raison de l’infiltration d’eau par des trous sur le toit du conteneur, aux motifs que ces trous avaient « échappé à la société concluante car ils étaient situés sur le toit » et qu’il « n’y a pas de faute lourde du dépositaire à ne pas inspecter régulièrement le toit des conteneurs » (cf. conclusion de la SARL RIVALIER page 17). Par cette argumentation plus que surprenante la SARL RIVALIER fait fi de ses propres conditions contractuelles et de la promesse de qualité à laquelle elle s’engage auprès de ses clients dans ses documents commerciaux. La faute lourde en pareille situation n’est pas discutable et permet la réparation intégrale du préjudice des époux [L] sans tenir compte de la déclaration de valeur des objets dégradés.
Concernant le préjudice matériel des époux [L], ceux-ci sollicitent 20’000 EUR au titre du coût de remplacement des biens détruits. À juste titre le tribunal a considéré ici qu’il fallait appliquer un coefficient de vétusté à partir de l’estimation expertales, étant donné que les biens dont il est question n’étaient pas neufs. Sur cette base le premier juge a retenu la somme de 8416 EUR correspondant à 40 % du prix du neuf évalué par l’expert à 21’040 EUR. La cour estime pour sa part, au vu des pièces produites, que le coefficient de vétusté doit être réduit de telle sorte que les époux [L] reçoivent 60 % de la valeur du neuf soit : 12’624 EUR.
Concernant la « perte de biens irremplaçables », s’agissant d’objets décrit par les appelants comme étant « pour l’essentiel des biens de famille » les époux [L] n’apportent à ce propos aucune pièce suffisamment probante.
Le préjudice de jouissance des époux [L], compte tenu des circonstances particulières de cette affaire où l’essentiel de leurs meubles et objets ont été livrés en mauvais état dans leur nouveau domicile, ne saurait être discuté et mérite d’être évalué à la somme de 3000 EUR.
Le préjudice moral des époux [L], est par ailleurs constitué au regard de la confiance qu’ils avaient vainement accordée à la SARL RIVALIER sur la foi de dispositions contractuelles et de documents commerciaux rassurants. Ce dommage particulier, distinct en l’espèce du préjudice de jouissance, sera apprécié à la valeur de 2000 EUR.
Il n’y a pas lieu enfin à remboursement des frais de gardiennage puisque la prestation a été exécutée même si de manière particulièrement défectueuse. Et par ailleurs, la dispense de ces frais reviendrait à allouer aux époux [L] une réparation finalement supérieure à leur préjudice.
3000 EUR sont justes pour l’article 700 du code de procédure civile.
La SARL RIVALIER supportera les dépens d’appel.
PAR CES MOTIFS
La cour, statuant publiquement et par arrêt contradictoire,
Confirme le jugement, sauf en ce que le tribunal évalue le préjudice matériel et le préjudice de jouissance des époux [L], et rejette leur demande au titre du préjudice moral ;
Statuant à nouveau du chef infirmé :
‘ Condamne la SARL RIVALIER à payer aux époux [L] ensemble la somme unique de 12’624 EUR en réparation de leur préjudice matériel ;
‘ Condamne la SARL RIVALIER à payer aux époux [L] ensemble la somme unique de 3000 EUR en réparation de leur préjudice de jouissance ;
‘ Condamne la SARL RIVALIER à payer aux époux [L] ensemble la somme unique de 2000 EUR en réparation de leur préjudice moral ;
Condamne la SARL RIVALIER à payer aux époux [L] ensemble la somme unique de 3000 EUR en application de l’article 700 du code de procédure civile devant la cour ;
Condamne la SARL RIVALIER aux dépens d’appel.
Le greffier, Le Président,