Bandes-dessinées : 8 novembre 2023 Cour d’appel de Paris RG n° 22/03040

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Bandes-dessinées : 8 novembre 2023 Cour d’appel de Paris RG n° 22/03040

Copies exécutoires RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

délivrées aux parties le : AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D’APPEL DE PARIS

Pôle 5 – Chambre 1

ARRÊT DU 08 NOVEMBRE 2023

(n° 144/2023, 15 pages)

Numéro d’inscription au répertoire général : 22/03040 – N° Portalis 35L7-V-B7G-CFHEE

Décision déférée à la Cour : Ordonnance du Juge de la mise en état du 11 janvier 2022 – Tribunal Judiciaire de PARIS – 3ème chambre – 3ème section – RG n° 20/09742

APPELANTE

S.N.C. RAGEOT ÉDITEUR

Immatriculée au Registre du Commerce et des Sociétés de PARIS sous le numéro 572 022 978

Prise en la personne de son représentant légal

[Adresse 5]

[Localité 13]

Représentée par Me Stéphane FERTIER de la SELARL JRF AVOCATS & ASSOCIÉS, avocat au barreau de PARIS, toque : L0075

Assistée de Me Stéphanie ZAKS de la SELARL Cabinet ZAKS, avocat au barreau de PARIS, toque : L0277

INTIMÉES

Mme [H] [S]

Née le 17 janvier 1957 à [Localité 7] (ALGÉRIE)

De nationalité française

Auteur

Demeurant [Adresse 4]

[Localité 6]

Mme [L] [B]

Née le 02 novembre 1973 à [Localité 8] (SUISSE)

De nationalité française

Auteur et illustratrice

Demeurant [Adresse 1]

[Localité 3]

S.A. L’ÉCOLE / L’ÉCOLE DES LOISIRS

Immatriculée au Registre du Commerce et des Sociétés de PARIS sous le numéro 300 570 181

Prise en la personne de ses représentants légaux domiciliés ès qualités audit siège

[Adresse 2]

[Localité 13]

S.A.S.U. [Adresse 2]

Immatriculée au Registre du commerce et des Sociétés sous le numéro 791 397 789

Prise en la personne de ses représentants légaux domiciliés ès qualités audit siège

[Adresse 2]

[Localité 13]

Représentées par Me François TEYTAUD de l’AARPI TEYTAUD-SALEH, avocat au barreau de PARIS, toque : J125

Assistées de Me Marine LE BIHAN de la SELAS MAPG AVOCATS, avocat au barreau de PARIS

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions de l’article 805 et 905 du code de procédure civile, l’affaire a été débattue le 20 septembre 2023, en audience publique, les avocats ne s’y étant pas opposés devant Mme Isabelle DOUILLET, Présidente de chambre chargée d’instruire l’affaire, laquelle a préalablement été entendue en son rapport et Mme Françoise BARUTEL, conseillère.

Ces magistrates ont rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :

Mme Isabelle DOUILLET, présidente de chambre

Mme Françoise BARUTEL, conseillère

Mme Déborah BOHÉE, conseillère

Greffier, lors des débats : Valentin HALLOT

ARRÊT :

– Contradictoire

– par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile.

– signé par Mme Isabelle DOUILLET, Présidente de chambre et par Karine ABELKALON, Greffière à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

***

EXPOSE DU LITIGE

L’ECOLE DES LOISIRS est une maison d’édition française de littérature pour la jeunesse fondée en 1965 et exploitée par la société L’ECOLE DES LOISIRS.

En 2013, L’ECOLE DES LOISIRS s’est dotée d’une filiale spécialisée dans l’édition de bandes dessinées, dénommée [Adresse 2] et exploitée par la société du même nom.

Au cours de l’année 2003, la société L’ÉCOLE DES LOISIRS a édité, dans sa collection Medium, un roman en quatre tomes écrit par Mme [H] [S], sous le titre « Quatre s’urs », chaque tome portant le prénom de l’une de ces s’urs, « Enid », « Hortense », « Bettina », « Geneviève », une cinquième s’ur, « Charlie », n’ayant pas de tome à son nom.

Ce roman en quatre tomes ayant rencontré un grand succès, il a été réédité en 2004 sous la forme d’un coffret, puis en 2010, en 2013 ainsi qu’en 2020.

En 2011, l »uvre « Enid » a été adaptée sous la forme d’une bande dessinée, écrite par Mme [H] [S] et illustrée par Mme [L] [B], aux Editions DELCOURT, cessionnaire des droits de la société L’ECOLE DES LOISIRS.

À sa création en 2013, la société [Adresse 2] a racheté aux Editions DELCOURT les droits d’adaptation du roman en bande dessinée, et réédité en 2014, l »uvre illustrée « Enid », puis publié les ‘uvres « Hortense », « Bettina », « Geneviève », écrites par Mme [H] [S] (à l’exclusion du tome 4 « Geneviève » écrit par Mme [L] [B]) et illustrées par Mme [L] [B], respectivement en 2015, 2016 et 2018.

Les EDITIONS RAGEOT, exploitées par la société RAGEOT EDITEUR, éditent des romans « jeunesse » depuis 1941.

En 2012, la société RAGEOT EDITEUR a débuté la publication de romans intitulés « Quatre s’urs » et écrits par Mme [P] [Z]. Entre 2012 et 2020, sont ainsi parus : « Quatre s’urs en vacances », « Quatre s’urs à [Localité 10] », « Quatre s’urs dans la tempête », « Quatre s’urs en scène », « Quatre s’urs en colo », « Quatre s’urs et un Noël inoubliable », « Quatre s’urs en direct du collège », « Quatre s’urs à [Localité 9] », « Quatre s’urs à cheval! », « Quatre s’urs en mer », « Quatre s’urs et un hiver de rêve », « Quatre s’urs dansent », « Quatre s’urs et le manoir hanté », « Quatre s’urs et les secrets de [Localité 11] ».

Se plaignant de l’exploitation des ‘uvres de Mme [Z], en particulier ses exploitations dérivées sous la forme de cahiers de vacances, sous le seul titre « Quatre s’urs » ou « 4 s’urs », ainsi que de la reprise des dessins de Mme [B] pour la couverture d’un de ces cahiers, la société L’ECOLE DES LOISIRS a mis en demeure la société RAGEOT EDITEUR de cesser ces agissements, par une lettre du 23 septembre 2019, réitérée le 16 juin 2020.

Ces mises en demeure n’ayant pas été suivies d’effet, les sociétés L’ECOLE DES LOISIRS et [Adresse 2] ont, par acte d’huissier du 10 septembre 2020, fait assigner la société RAGEOT EDITEUR devant le tribunal judiciaire de Paris en contrefaçon du titre de l »uvre « Quatre s’urs » et de la couverture de l »uvre sous la forme d’une bande dessinée « Geneviève », ainsi qu’en concurrence déloyale et parasitaire.

Par des conclusions d’incident notifiées le 21 décembre 2020, la société RAGEOT EDITEUR a soulevé une exception de procédure tirée de la nullité de l’assignation, ainsi que diverses fins de non-recevoir.

Par des conclusions du 15 avril 2021, Mmes [S] et [B] ont déclaré intervenir volontairement à l’instance engagée par les sociétés L’ECOLE DES LOISIRS et [Adresse 2], et se sont associées à leurs demandes.

Par une ordonnance du 11 janvier 2022, le juge de la mise en état du tribunal judiciaire de Paris a :

– écarté l’exception de procédure tirée de la nullité de l’assignation du 10 septembre 2020 ;

– écarté les fins de non-recevoir tirée du défaut de titularité des droits et d’originalité des ‘uvres dont la protection est revendiquée ;

– déclaré irrecevables comme étant prescrites les demandes portant sur les ‘uvres « Quatre s’urs en vacances », « Quatre s’urs à [Localité 10] », « Quatre s’urs dans la tempête », « Quatre s’urs en scène » ;

– réservé les dépens et les demandes au titre de l’article 700 du code de procédure civile ;

– renvoyé l’affaire à la mise en état et invité les parties à faire connaître leur avis sur la proposition qui leur était faite par le juge de la mise en état de procéder entre elles par voie de médiation judiciaire.

Le 17 février 2022, la société RAGEOT EDITEUR a interjeté appel de cette ordonnance. La déclaration d’appel ayant été enregistrée deux fois, sous les numéros de RG 22/03040 et 22/03042, une ordonnance de jonction des deux procédures a été rendue le 22 février 2022 par la conseillère chargée de la mise en état, l’instance se poursuivant sous le n° de RG 22/03040.

Le 24 janvier 2023, une ordonnance sur incident a été rendue par la conseillère chargée de la mise en état qui :

– a déclaré irrecevables les conclusions n°2 notifiées par la société RAGEOT EDITEUR le 1er septembre 2022 mais seulement pour la partie relative au chapitre III situé aux pages 26 à 33,

– a enjoint à la société RAGEOT EDITEUR de notifier des conclusions expurgées du chapitre III situé aux pages 26 à 33 des conclusions n°2 notifiées le 1er septembre 2022,

– s’est déclaré incompétente pour statuer sur la demande d’irrecevabilité des pièces,

– a dit n’y avoir lieu à application de l’article 700 du code de procédure civile,

– a dit que les dépens de l’incident suivront le sort des dépens de l’instance au fond.

Dans ses dernières conclusions récapitulatives numérotées 4, notifiées par RPVA le 20 juin 2023, la société RAGEOT EDITEUR, appelante et intimée à titre incident, demande à la cour de :

Vu les articles 122 et 789 du code de procédure civile

Vu les articles L. 131-3, L. 112-4, L. 113-2, L. 113-3 du code de la propriété intellectuelle

– déclarer recevable et bien fondé l’appel formé par la société RAGEOT EDITEUR à l’encontre de l’ordonnance rendue le 11 janvier 2022,

– à titre liminaire,

– juger que les pièces n°20 à 39 communiquées par la société RAGEOT à l’appui de ses conclusions du 21 février 2023 sont recevables,

– en conséquence, débouter les intimées de leur demande de prononcé de l’irrecevabilité des pièces n°20 à 39,

– infirmer l’ordonnance en ce qu’elle a :

– jugé que le titre « Quatre s’urs » est une ‘uvre collective,

– jugé que [Adresse 2] est titulaire des droits d’adaptation sous une forme graphique du roman de [H] [S] « Quatre s’urs 4 Geneviève »,

– écarté les fins de non-recevoir tirées du défaut de titularité des droits des ‘uvres dont la protection est revendiquée,

– n’a pas statué sur les fins de non-recevoir afférentes aux demandes formées par la société [Adresse 2] sur le fondement de la concurrence déloyale et du parasitisme,

– confirmer l’ordonnance pour le surplus, en particulier en ce qu’elle a déclaré irrecevables comme étant prescrites les demandes portant sur les ‘uvres « Quatre s’urs en vacances », « Quatre s’urs à New-York », « Quatre s’urs dans la tempête », « Quatre s’urs en scène»,

– statuant à nouveau,

– juger que [H] [S] n’a pas cédé ses prétendus droits patrimoniaux sur le titre « Quatre s’urs » à L’ECOLE DES LOISIRS,

– juger que la société L’ECOLE DES LOISIRS n’est pas co-auteur du titre « Quatre s’urs »,

– juger que le titre « Quatre s’urs » n’est pas une ‘uvre collective élaborée sous la direction de la société L’ECOLE DES LOISIRS,

– en conséquence,

– juger que la société L’ECOLE DES LOISIRS n’a pas qualité à agir sur le fondement de la contrefaçon à raison de l’utilisation prétendue du titre « Quatre s’urs » du fait de l’absence de titularité des droits patrimoniaux sur ce titre,

– juger irrecevables les demandes formées par la société L’ECOLE DES LOISIRS sur le fondement de la contrefaçon à raison de l’utilisation prétendue du titre « Quatre s’urs »,

– à titre principal

– juger que le contrat de « droits d’auteur » conclu entre [H] [S] et [Adresse 2] le 11 mars 2014 a pour objet la bande dessinée « QUATRE S’URS TOME 4 GENEVIEVE » adaptée du roman de [H] [S] édité par L’ECOLE DES LOISIRS,

– à titre subsidiaire, si par extraordinaire la cour considérait que ce contrat de « droits d’auteurs » a pour objet le roman de [H] [S] « Quatre s’urs 4. Geneviève » édité par L’ECOLE DES LOISIRS, juger que ce contrat n’emporte pas cession au profit de la société [Adresse 2] des droits d’adaptation sous une forme graphique du roman de [H] [S] « Quatre s’urs 4. Geneviève » édité par la société L’ECOLE DES LOISIRS,

– en conséquence et en tout état de cause,

– juger que la société [Adresse 2] n’a pas qualité à agir sur le fondement de la contrefaçon à raison de la prétendue imitation de la couverture de la bande dessinée « QUATRE S’URS TOME 4 GENEVIEVE »,

– juger irrecevables les demandes formées par la société [Adresse 2] au titre de la contrefaçon à raison de la prétendue imitation de la couverture de la bande dessinée « QUATRE S’URS TOME 4 GENEVIEVE »,

– juger que la société [Adresse 2] n’a été autorisée ni à adapter en bande dessinée le roman de [H] [S] ayant pour titre « Quatre s’urs 4. Geneviève », ni à utiliser le titre « Quatre s’urs »,

– en conséquence,

– juger que la société [Adresse 2] n’a pas qualité à agir au titre de la concurrence déloyale et du parasitisme à raison de la prétendue utilisation du titre « Quatre s’urs » et de la prétendue imitation de la couverture de la bande dessinée « Quatre s’urs 4. Geneviève»,

– juger irrecevables les demandes formées par la société [Adresse 2] au titre de la concurrence déloyale et du parasitisme à raison de la prétendue utilisation du titre « Quatre s’urs » et de la prétendue imitation de la couverture de la bande dessinée « Quatre s’urs 4. Geneviève »,

– en tout état de cause,

– condamner la société L’ECOLE DES LOISIRS, la société [Adresse 2], [H] [S] et [L] [B] à verser chacune à la société RAGEOT EDITEUR la somme de 2 000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile,

– condamner la société L’ECOLE DES LOISIRS, la société [Adresse 2], [H] [S] et [L] [B] aux entiers dépens qui pourront être recouvrés par Me Stéphane FERTIER, avocat à la cour, dans les conditions de l’article 699 du code de procédure civile,

– débouter les intimées de toutes leurs demandes plus amples ou contraires.

Dans leurs dernières conclusions récapitulatives, numérotées 3, notifiées par RPVA le 28 août 2023, les sociétés [Adresse 2] et L’E’COLE DES LOISIRS et Mmes [B] et [S], intimées et appelantes incidentes, demandent à la cour de :

Vu les articles 1353 et 2224 du code civil,

Vu les articles L. 113-1 et L. 131-3 du code de la propriété intellectuelle,

– à titre liminaire,

– déclarer irrecevables les pièces n°20 à 39 visées aux conclusions signifiées le 1er septembre 2022 et aux conclusions signifiées le 21 février 2023 par la société RAGEOT EDITEUR et les écarter,

– déclarer irrecevables toutes conclusions communiquées en première instance éventuellement communiquées en cause d’appel par la société RAGEOT EDITEUR et les écarter,

– juger que la société RAGEOT EDITEUR ne critique plus l’ordonnance du juge de la mise en état en ce qu’elle a :

– écarté l’exception de procédure tirée de la nullité de l’assignation du 10 septembre 2020,

– écarté la fin de non-recevoir tirée du défaut d’originalité des ‘uvres dont la protection est revendiquée,

– réservé les dépens,

– renvoyé l’affaire à l’audience du 10 février 2022,

– juger que la société RAGEOT EDITEUR ne soulève aucune fin de non-recevoir tirée de la prescription à l’endroit de [H] [S] et [L] [B],

– à titre principal,

– confirmer l’ordonnance en ce qu’elle a :

– écarté l’exception de procédure tirée de la nullité de l’assignation du 10 septembre 2020,

– écarté les fins de non-recevoir tirées du défaut de titularité des droits et d’originalité des ‘uvres dont la protection est revendiquée,

– renvoyé l’affaire à l’audience de mise en état du 10 février 2022 à 14 heures et invité pour cette date les parties à faire connaître leur avis sur la proposition qui leur est faite par le juge de la mise en état de procéder entre elles par voie de médiation judiciaire afin de leur permettre de trouver une issue rapide, confidentielle et librement négociée au présent litige,

– infirmer l’ordonnance en ce qu’elle a :

– déclaré irrecevables comme étant prescrites les demandes portant sur les ‘uvres « Quatre s’urs en vacances », « Quatre s’urs à [Localité 10] », « Quatre s’urs dans la tempête », « Quatre s’urs en scène »,

– réservé les dépens et les demandes au titre de l’article 700 du code de procédure civile,

– statuant à nouveau,

– débouter la société RAGEOT EDITEUR de sa demande aux fins de dire irrecevables comme étant prescrites les demandes des sociétés L’ECOLE / L’ECOLE DES LOISIRS et [Adresse 12] fondées sur la publication des romans sous les titres « Quatre s’urs en vacances », « Quatre s’urs à [Localité 10] », « Quatre s’urs dans la tempête », « Quatre s’urs en scène », formées au titre tant de la contrefaçon que de la concurrence déloyale et du parasitisme,

– déclarer les sociétés L’ECOLE / L’ECOLE DES LOISIRS et [Adresse 12] recevables en leurs demandes fondées sur la publication des romans sous les titres « Quatre s’urs en vacances », « Quatre s’urs à [Localité 10] », « Quatre s’urs dans la tempête », « Quatre s’urs en scène », formées au titre tant de la contrefaçon que de la concurrence déloyale et du parasitisme,

– prendre acte que la fin de non-recevoir tirée de la prescription des actions en contrefaçon et en concurrence déloyale a été soulevée par la société RAGEOT EDITEUR à l’encontre de la société L’ECOLE / L’ECOLE DES LOISIRS et de la société [Adresse 2], et non de Mme [H] [S], à Mme [L] [B],

– condamner la société RAGEOT EDITEUR à verser à Mme [H] [S], à Mme [L] [B], à la société L’ECOLE / L’ECOLE DES LOISIRS et à la société [Adresse 2], chacune, la somme de 5.000 euros en application de l’article 700 du code de procédure civile au titre des frais irrépétibles exposés en première instance,

– condamner la société RAGEOT EDITEUR aux entiers dépens de première instance,

– en tout état de cause,

– débouter la société RAGEOT EDITEUR de l’ensemble de ses demandes,

– condamner la société RAGEOT EDITEUR à verser à Mme [S], à Mme [B], à la société L’ECOLE / L’ECOLE DES LOISIRS et à la société [Adresse 2] la somme de 8.000 euros chacune en application de l’article 700 du code de procédure civile au titre des frais irrépétibles exposés en appel,

– condamner la société RAGEOT EDITEUR aux entiers dépens d’appel.

L’ordonnance de clôture a été rendue le 12 septembre 2023.

MOTIFS DE LA DÉCISION

En application des dispositions de l’article 455 du code de procédure civile, il est expressément renvoyé, pour un exposé exhaustif des prétentions et moyens des parties, aux conclusions écrites qu’elles ont transmises, telles que susvisées.

Sur les chefs non critiqués de l’ordonnance du juge de la mise en état

La cour constate que l’ordonnance n’est pas critiquée, et est donc irrévocable, en ce qu’elle a :

– écarté l’exception de procédure tirée de la nullité de l’assignation du 10 septembre 2020 ;

– écarté la fin de non-recevoir tirée du défaut d’originalité des ‘uvres dont la protection est revendiquée ;

– renvoyé l’affaire à la mise en état et invité les parties à faire connaître leur avis sur la proposition qui leur était faite par le juge de la mise en état de procéder entre elles par voie de médiation judiciaire.

Sur la demande des intimées de voir déclarer irrecevables les pièces 20 à 39 de la société RAGEOT EDITEUR, ainsi que toutes conclusions de première instance éventuellement communiquées en cause d’appel par l’appelante

Les intimées soutiennent qu’à la suite de l’ordonnance rendue par la conseillère de la mise en état, la société RAGEOT EDITEUR a expurgé ses écritures de leur chapitre III mais a néanmoins maintenu la communication des pièces 20 à 39 correspondant à ce chapitre ; que ces pièces, artificiellement disséminées dans les nouvelles conclusions expurgées de la société RAGEOT EDITEUR, doivent être jugées irrecevables au même titre que le chapitre III auquel elles étaient initialement intégrées dès lors qu’elles visaient exclusivement à étayer l’argumentation de l’appelante développée dans ce chapitre III, en réponse à leur appel incident visant à voir infirmer l’ordonnance du juge de la mise en état en ce qu’elle a déclaré prescrite une partie de leurs demandes ; que ces pièces n’auraient pas été versées au débat si elles-mêmes n’avaient pas formé appel incident ; qu’aux termes de l’article 906 alinéa 3 du code de procédure civile, « Les pièces communiquées et déposées au soutien de conclusions irrecevables sont elles-mêmes irrecevables » ; qu’il importe peu que ces pièces aient été communiquées et débattues en première instance.

La société RAGEOT EDITEUR répond que la conseillère de la mise en état n’a déclaré irrecevable que le seul chapitre III de ses conclusions n°2 notifiées le 1er septembre 2022 ne développant pas son appel principal ; que la production de pièces au soutien de ses prétentions et moyens par une partie étant libre, elle peut compléter son argumentation et communiquer de nouvelles pièces jusqu’à l’ordonnance de clôture de la mise en état, conformément à l’article 563 du code de procédure civile et au principe de liberté des preuves écrites ; que les pièces concernées ne se rapportent pas au seul chapitre III dont le retrait a été ordonné et ne sont pas nouvelles, ayant été communiquées en première instance, et ont été contradictoirement débattues ; qu’elles sont donc nécessairement dans les débats devant la cour du fait de l’effet dévolutif de l’appel ; qu’en outre, les pièces en cause sous-tendent la motivation de l’ordonnance entreprise, le juge de la mise en état s’y étant référé pour statuer sur la prescription.

Ceci étant exposé, il est constant que la conseillère de la mise en état de cette chambre, constatant que la société RAGEOT EDITEUR avait conclu tardivement (au-delà du délai d’un mois prescrit par l’article 905-2 alinéa 3 du code de procédure civile) en réponse à l’appel incident des sociétés [Adresse 2] et L’E’COLE DES LOISIRS et de Mmes [B] et [S] aux fins d’infirmation de l’ordonnance du juge de la mise en état en ce qu’elle a déclaré prescrites une partie de leurs demandes, a enjoint la société RAGEOT EDITEUR de notifier de nouvelles conclusions expurgées du chapitre III situé aux pages 26 à 33 de ses conclusions numérotées 2 notifiées le 1er septembre 2022. Il est constant également que les pièces 20 à 39 de la société RAGEOT EDITEUR étaient visées dans les développements contenus dans ce chapitre III mais ont été maintenues au débat par l’appelante principale qui les a intégrées dans la partie relative à l’exposé des faits au sein de ses nouvelles conclusions expurgées.

Cependant, la société RAGEOT EDITEUR a interjeté appel de l’ordonnance du juge de la mise en état seulement en ses dispositions lui étant défavorables ‘ à savoir en ce que cette décision a écarté l’exception de procédure tirée de la nullité de l’assignation et les fins de non-recevoir tirées du défaut de titularité des droits et d’originalité des ‘uvres, réservé les dépens, débouté la société RAGEOT EDITEUR de ses demandes plus amples ou contraires et renvoyé l’affaire à la mise en état ‘, et au terme de ses dernières conclusions numérotées 4 précitées, dont la recevabilité n’est pas contestée, demande à la cour de confirmer l’ordonnance pour le surplus, « en particulier en ce qu’elle a déclaré irrecevables comme étant prescrites les demandes portant sur les ‘uvres ‘Quatre s’urs en vacances’, ‘Quatre s’urs à New-York’, ‘Quatre s’urs dans la tempête’, ‘Quatre s’urs en scène’ ». Les pièces litigieuses ne doivent pas être écartées des débats dès lors qu’elles viennent au soutien de la demande, recevable, de la société RAGEOT EDITEUR de confirmation de l’ordonnance en ce qu’elle a déclaré prescrites les demandes concernant les quatre ‘uvres précitées et qu’elles ont pu être débattues contradictoirement. A cet égard, il est relevé que les intimées prennent soin dans leurs écritures (pages 43 et suivantes ; pages 52 et suivantes) de contester la prescription des demandes en contrefaçon et en concurrence déloyale et parasitaire concernant les 4 oeuvres précitées « malgré les pièces versées aux débats par RAGEOT EDITEUR (‘) », ce qui confirme qu’elles ont été à même d’en prendre connaissance et de les discuter.

Les intimées seront donc déboutées de leur demande de rejet des pièces 20 à 39 de la société RAGEOT EDITEUR.

Par ailleurs, la cour observe que la société RAGEOT EDITEUR n’a pas produit en appel ses conclusions de première instance, de sorte qu’il n’y a pas lieu d’examiner la demande de rejet des débats y afférente.

Sur les fins de non-recevoir soulevées par la société RAGEOT EDITEUR

Sur la fin de non-recevoir tirée du défaut de titularité des droits patrimoniaux de la société ECOLE DES LOISIRS sur le titre « Quatre s’urs »

La société RAGEOT EDITEUR soutient que la société L’ECOLE DES LOISIRS n’est pas titulaire des droits patrimoniaux sur le titre du roman « Quatre s’urs », de sorte qu’elle n’a pas qualité à agir en contrefaçon de ce titre et que ses demandes sur ce fondement sont irrecevables, dès lors que Mme [S] ne lui a pas valablement cédé ses droits patrimoniaux sur ce titre, qu’en qualité de personne morale, elle ne peut être co-auteur du titre et que, contrairement à ce qu’a retenu le juge de la mise en état, le titre n’est nullement une ‘uvre collective élaborée à son initiative et sous sa direction.

Les intimées répondent que la société RAGEOT EDITEUR, tiers au contrat de cession, ne peut se prévaloir d’une éventuelle nullité du contrat de cession de droits d’auteur entre Mme [S] et L’ECOLE DES LOISIRS, s’agissant d’une nullité relative ; que Mme [S] a valablement cédé ses droits sur le titre à L’ECOLE DES LOISIRS et ne soutient pas le contraire dans le cadre de cette instance à laquelle elle est partie ; que L’ECOLE DES LOISIRS a donc qualité à agir sur le fondement de la contrefaçon puisqu’elle est titulaire des droits patrimoniaux sur le titre « Quatre s’urs ».

Ceci étant exposé, la cour rappelle que l’exploitation non équivoque d’une oeuvre par une personne physique ou morale sous son nom et en l’absence de revendication du ou des auteurs, fussent-ils identifiés, fait présumer à l’égard du tiers recherché pour contrefaçon, que cette personne est titulaire sur l’oeuvre du droit de propriété incorporelle.

En l’espèce, il est acquis et établi, notamment par les pièces 7, 8, 10 et 32 des intimées, que le roman en 4 tomes écrit par Mme [S] intitulé « Quatre s’urs » a été édité en 2003, puis régulièrement réédité (en 2004, 2010, 2013 et 2020) par les éditions L’ECOLE DES LOISIRS exploitées par la société du même nom. Un article du site de L’Express du 19 janvier 2011 cite ainsi « une saga en quatre tomes publiée à L’Ecole des loisirs et qui s’est écoulée depuis 2003 à plus de 120 000 exemplaires » (pièce 7) ; un article du site de la société RICOCHET et un extrait du catalogue des sélections du ministère de l’éducation nationale mentionnent L’ECOLE DES LOISIRS comme l’éditeur du roman « Quatre s’urs » (pièces 8 et 10) ; dans un extrait du blog Les Litté-Lectrices publié en avril 2017, les « Quatre s’urs » de [H] [S] est cité comme « ‘un classique de la littérature jeunesse’ ou encore ‘un incontournable de l’école des loisirs !’ » (pièce 32).

Par ailleurs, Mme [S], l’auteur du roman, intervient à la procédure aux côtés des sociétés L’E’COLE DES LOISIRS et [Adresse 2] et s’associe à leurs demandes, sans aucunement s’opposer aux prétentions de la société L’E’COLE DES LOISIRS sur les droits patrimoniaux attachés au titre du roman.

Ces éléments suffisent à établir, sans qu’il y ait lieu à ce stade d’examiner le surplus de l’argumentation des parties, l’existence d’une exploitation paisible et non équivoque du titre «Quatre s’urs » par la société L’E’COLE DES LOISIRS depuis l’année 2003, lui permettant de bénéficier d’une présomption de titularité des droits patrimoniaux attachés au titre du roman.

L’ordonnance sera donc confirmée en ce qu’elle a écarté la fin de non-recevoir de la société RAGEOT EDITEUR tirée du défaut de titularité des droits patrimoniaux d’auteur de la société L’E’COLE DES LOISIRS sur le titre « Quatre soeurs ».

Sur la fin de non-recevoir tirée du défaut de titularité des droits de la société [Adresse 2] sur la couverture de la bande dessinée « Quatre s’urs, Tome 4, Geneviève»

La société RAGEOT soutient que Mme [S] n’a pas cédé à la société [Adresse 2] ses droits d’adaptation sur le roman « Quatre s’urs, Tome 4, Geneviève » édité par L’ECOLE DES LOISIRS dès lors que le contrat de cession de droits d’auteur conclu entre Mme [S] et [Adresse 2] (pièce adverse n° 61) n’a pas pour objet le roman « Quatre s’urs, Tome 4, Geneviève » mais la bande dessinée adaptée de ce roman édité par [Adresse 2], ce qui résulte du fait (i) que le contrat de cession conclu entre Mme [B], illustratrice de la BD, et la société [Adresse 2] a pour objet la bande dessinée mentionnée exactement sous le même titre « QUATRE S’URS TOME 4 GENEVIEVE » et (ii) que L’ECOLE DES LOISIRS, selon sa propre argumentation, était déjà cessionnaire des droits, un auteur ne pouvant céder ses droits à deux éditeurs distincts ; qu’en tout état de cause, Mme [S] n’a pas cédé à [Adresse 2] ses droits d’adaptation de ce roman sous une forme graphique, ce qui résulte du fait que la partie de l’article 4 du contrat de cession relative aux « droits d’adaptation, de reproduction et de traduction sur des supports graphiques » ne vise pas de cession de droits d’adaptation mais seulement de droits de reproduction et de traduction, au contraire d’une autre partie de cet article 4 concernant les « droits d’adaptation, de reproduction et de traduction sur des supports autres que graphiques » qui vise, elle, expressément les droits d’adaptation ; que la société [Adresse 2] n’est pas donc pas cessionnaire des droits d’adaptation de ce roman sur une forme graphique et que ses demandes formées à raison de la contrefaçon de la couverture de la bande dessinée « Quatre s’urs, Tome 4, Geneviève » sont irrecevables.

Les intimées objectent que Mme [S] a cédé directement à la société [Adresse 2] les droits d’adaptation sur support graphique du tome 4 « Geneviève » du roman « Quatre s’urs ».

Il ressort de l’article 1 du « contrat de droits d’auteur » en date du 11 mars 2014 conclu entre Mme [S] et la société [Adresse 2] (pièce 61 des intimées) que la première « cède à l’éditeur, qui accepte (‘), le droit exclusif d’exploiter ses droits patrimoniaux, sous toutes formes et sur tous supports, en toutes langues et en tous pays, sur l’ouvrage de sa composition, ci-après dénommée l »uvre : ‘QUATRE S’URS TOME 4 GENEVIEVE’ ». Cette stipulation claire suffit à établir que la cession porte sur le roman et non pas sur la bande dessinée, les droits sur la bande dessinée « Geneviève » ayant d’ailleurs fait l’objet d’une cession distincte par Mme [B] au profit de la société [Adresse 2] selon contrat du 17 mai 2016, portant tant sur le texte que les illustrations puisque Mme [B] est l’auteur à la fois du scenario et des dessins de la bande dessinée « Geneviève » (pièce 65). Pour répondre à l’argumentation de la société RAGEOT EDITEUR relative à une cession antérieure des droits d’adaptation du roman à la société L’ECOLE DES LOISIRS qui aurait empêché une cession à la société [Adresse 2], la cour observe qu’il ressort de la pièce 59 produite par les intimées que selon lettre-accord du 13 septembre 2013, la société [Adresse 2] a racheté aux Editions DELCOURT les droits « de la série d’albums de bande dessinée « Quatre s’urs » qui se décompose comme suit : le tome 1 [« Enid »] paru ; le tome 2 [« Hortense »] en cours de réalisation mais non paru ; les tomes 3 et 4 [« Bettina » et « Geneviève »] qui n’existent pas mais pour lesquels éditions Delcourt a un droit de préférence dans son contrat avec l’école des loisirs » (pièce 59), ce dont il se déduit qu’à la date du 11 mars 2014, la société L’ECOLE DES LOISIRS n’était pas titulaire des droits d’adaptation en bande dessinée des romans, et notamment du roman « Geneviève » (tome 4), de sorte que le contrat antérieur du 11 juin 2003 (pièce 55) par lequel Mme [S] avait cédé à la société ECOLE DES LOISIRS ses droits exclusifs d’exploitation, notamment d’adaptation et de reproduction, sur le roman « QUATRE S’URS : tome 4 GENEVIEVE » ne pouvait être un obstacle à la cession de droits réalisée par le contrat du 11 mars 2014 conclu entre Mme [S] et la société [Adresse 2].

L’article 4 du contrat du 11 mars 2014 conclu entre Mme [S] et la société [Adresse 2] indique : « L’auteur cède à l’éditeur, outre le droit d’édition, tous les droits patrimoniaux, d’adaptation, de reproduction et de représentation afférents à l »uvre (…) La présente cession comporte pour l’éditeur le droit d’exploiter directement ou de céder à tout tiers de son choix notamment les droits suivants :

Pour les droits d’adaptation, de reproduction et de traduction sur des supports graphiques : (‘)

– le droit de reproduire l »uvre en tout ou en partie, avant ou après l’édition en volume, dans les journaux et périodiques, en épisodes ou fascicules, de l’adapter et de la reproduire en digests, en condensés, en extraits (y compris d’une seule case) en tous formats (dessins éventuellement réduits ou agrandis), sur tous supports, en couleurs ou en noir et blanc ;

– le droit de reproduire l »uvre en tout ou en partie, par tout procédé et sur tout support graphique existant ou à venir ;

– le droit de traduire l »uvre et ses adaptations en tout ou en partie, en toutes langues, en tout pays, et de reproduire sous toutes formes d’édition et sur tout support graphique actuel ou futur les traductions qui en seront ainsi faites ;

– le droit d’insérer l »uvre et ses adaptations ou traductions, en tout ou en partie, dans d’autres ‘uvres (‘) ».

Il se déduit de ces stipulations que le contrat emporte bien cession par Mme [S] au profit de la société [Adresse 2] des droits d’adaptation de l’oeuvre sous forme graphique, peu important le libellé de l’article 4 en ce qui concerne « les droits d’adaptation, de reproduction et de traduction sur des supports autres que graphiques ».

Il n’est par ailleurs pas contesté et établi par le « contrat de droits d’auteur » produit en pièce 65 par les intimées que Mme [B], à la fois auteure et illustratrice du volume graphique « Geneviève », a cédé à la société [Adresse 2], le 16 mai 2017, ses droits sur le texte et les illustrations de ladite bande dessinée.

L’ordonnance sera donc confirmée en ce qu’elle a écarté la fin de non-recevoir de la société RAGEOT EDITEUR tirée du défaut de titularité des droits patrimoniaux d’auteur de la société [Adresse 2] sur la couverture de la bande dessinée « Quatre s’urs, Tome 4, Geneviève ».

Sur la fin de non-recevoir tirée de la prescription des actions en contrefaçon et en concurrence déloyale et parasitisme en ce qu’elles portent sur les ‘uvres « Quatre s’urs en vacances », « Quatre s’urs à [Localité 10] », « Quatre s’urs dans la tempête », « Quatre s’urs en scène » éditées par la société RAGEOT EDITEUR 

Les intimées soutiennent que, contrairement à ce qu’a retenu le juge de la mise en état, les demandes en contrefaçon ne sont pas prescrites ; qu’en dehors de ses pièces adverses n°20 à 39 qui doivent être rejetées, la société RAGEOT EDITEUR ne verse aucune pièce ni ne propose aucune argumentation au soutien de sa fin de non-recevoir tirée de la prescription qui ne pourra, de ce fait, qu’être rejetée ; qu’en tout état de cause, quand bien même la cour n’écarterait pas les pièces adverses n°20 à 39, elle devrait également rejeter ladite fin de non-recevoir dès lors que la contrefaçon de droits d’auteur est un délit continu pour lequel le délai de prescription ne commence à courir qu’à compter de la cessation des agissements contrefaisants ; qu’il appartenait à la société appelante, défenderesse à l’action en contrefaçon, de démontrer que l’action serait prescrite, ce qu’elle ne fait pas ; qu’en l’espèce, les quatre ouvrages sont toujours commercialisés, sur le site Internet de RAGEOT EDITEUR comme sur divers autres sites marchands ; qu’il importe peu que ces romans soient désormais commercialisés au format poche sous les seuls titres orthographiés « 4 s’urs en vacances », « 4 s’urs à [Localité 10] », « 4 s’urs dans la tempête » et « 4 s’urs en scène », dès lors que le titre « 4 s’urs », par son homophonie, est également une contrefaçon du titre « Quatre s’urs » des ouvrages édités par L’ECOLE DES LOISIRS ; que le juge de la mise en état n’a pas motivé sa décision sur la prescription des demandes en concurrence déloyale et parasitaire, de sorte que la cour ne pourra faire sienne une telle (absence de) motivation et, en l’absence d’éléments pouvant être invoqués par la société RAGEOT EDITEUR, ne pourra qu’infirmer l’ordonnance sur ce point ; que subsidiairement, elles n’ont découvert les faits de concurrence déloyale et parasitaire qu’en janvier 2017, quand la série « Quatre s’urs » de RAGEOT EDITEUR a commencé à avoir une certaine visibilité du fait de la nouvelle publication des 4 ouvrages sortis de mai 2012 à 2015 en format poche et de l’accélération du rythme de publication des nouveaux albums ; qu’en tout état de cause, la fin de non-recevoir tirée de la prescription des actions en contrefaçon et en concurrence déloyale et parasitaire n’a été soulevée par la société RAGEOT EDITEUR qu’à l’égard des sociétés L’ECOLE DES LOISRS et [Adresse 2], et non de Mmes [S] et [B].

La société RAGEOT demande la confirmation de l’ordonnance de ce chef dont elle indique adopter les motifs en application de l’art 954 alinéa 5 du code de procédure civile (« La partie qui ne conclut pas ou qui, sans énoncer de nouveaux moyens, demande la confirmation du jugement est réputée s’en approprier les motifs »).

Ceci étant exposé, il est précisé que le juge de la mise en état a dit prescrites, au visa de l’article 2224 du code civil, les demandes relatives aux ‘uvres « Quatre s’urs en vacances », « Quatre s’urs à [Localité 10] », « Quatre s’urs dans la tempête » et « Quatre s’urs en scène » éditées par la société RAGEOT EDITEUR, considérant que la société L’ECOLE DES LOISIRS ne démontrait pas qu’elle n’avait eu connaissance des agissements contrefaisants que postérieurement au 10 septembre 2015 (l’assignation étant du 10 septembre 2020), alors que les quatre ‘uvres étaient parues entre mai 2012 et mai 2015 et avaient connu un certain succès, ainsi qu’en attestait la revue de presse produite par la société RAGEOT EDITEUR.

Si, en vertu des articles L.121-1 et L.123-1 du code de la propriété intellectuelle, les droits moraux de l’auteur sont imprescriptibles et que ses droits patrimoniaux s’exercent pendant sa vie durant et persistent au-delà, au bénéfice de ses ayants droit, pendant 70 années, les actions en paiement des créances nées des atteintes portées aux uns ou aux autres de ces droits sont soumises à la prescription de droit commun de l’article 2224 du code civil qui prévoit que’Les actions personnelles ou mobilières se prescrivent par cinq ans à compter du jour où le titulaire d’un droit a connu ou aurait dû connaître les faits lui permettant de l’exercer’.

C’est à juste raison, par des motifs que la cour adopte, que le premier juge a déclaré prescrites les demandes relatives aux oeuvres « Quatre s’urs en vacances », « Quatre s’urs à [Localité 10] », « Quatre s’urs dans la tempête » et « Quatre s’urs en scène » parues respectivement en 2012, 2013, janvier et mai 2015. Il sera ajouté qu’il n’est pas vraisemblable que les sociétés L’E’COLE DES LOISIRS et [Adresse 2] n’aient pas eu connaissance de la sortie de ces quatre ‘uvres, portant des titres reprenant les termes QUATRE S’URS qu’elles revendiquent, au surplus écrits en gros caractères particulièrement mis en avant sur les couvertures des ouvrages litigieux – ainsi qu’elles le soulignent (page 10 de leurs écritures) -, chez un de leur concurrent direct sur le marché des publications destinées à la jeunesse, installé comme elles deux dans le [Localité 13].

Les demandes en contrefaçon portant sur ces quatre ‘uvres doivent donc être déclarées prescrites, l’assignation étant du 10 septembre 2020, peu important que les ouvrages soient toujours commercialisés, notamment sur le site internet de la société RAGEOT EDITEUR.

La prescription de l’action en concurrence déloyale et parasitaire est également régie par l’article 2224 du code civil. Pour les raisons qui viennent d’être exposées, sont donc également prescrites les demandes en concurrence déloyale et en parasitisme relatives aux quatre oeuvres précitées, peu important que les agissements déloyaux et parasitaires dénoncés se soient inscrits dans la durée. Il n’y a donc pas lieu d’infirmer l’ordonnance en ce qui concerne la prescription des demandes en concurrence déloyale et parasitaire portant sur ces 4 oeuvres bien que le juge de la mise en état n’ait pas spécialement motivé sa decision sur ce point.

Il résulte de l’exposé des prétentions des parties figurant dans l’ordonnance du juge de la mise en état que la fin de non-recevoir tirée de la prescription des actions en contrefaçon et en concurrence déloyale a été soulevée seulement à l’encontre des société L’ECOLE DES LOISIRS et [Adresse 2], et non de Mmes [S] et [B].

L’ordonnance sera en conséquence confirmée en ses dispositions concernant la prescription, sauf pour la cour à préciser que les demandes prescrites sont celles des sociétés L’ECOLE DES LOISIRS et [Adresse 2].

Sur la fin de non-recevoir concernant les demandes formées par la société [Adresse 2] sur le fondement de la concurrence déloyale et du parasitisme

La société RAGEOT EDITEUR, soulignant que le premier juge n’a pas statué sur ce point, soutient que la société [Adresse 2] ayant agi en fraude des droits de Mme [S], qui ne l’avait pas autorisée à éditer des bandes dessinées adaptées de ses romans, n’a pas qualité à agir sur le fondement de la concurrence déloyale et du parasitisme à raison tant de la prétendue utilisation du titre « Quatre s’urs » que de la prétendue imitation de la couverture de la bande dessinée « Quatre s’urs Tome 4 Geneviève » ; que les affirmations contraires de Mme [S] désormais partie à l’instance sont dépourvues de toute valeur probante.

La société [Adresse 2] répond qu’elle était autorisée à adapter en bande dessinée les romans « Quatre s’urs », en ce compris le roman « Geneviève », dont l’auteur est Mme [S], et également à utiliser le titre, ce que l’intéressée confirme ; qu’elle a donc qualité à agir contre RAGEOT EDITEUR qui se livre à des agissements constitutifs de concurrence déloyale et de parasitisme en utilisant le titre « Quatre s’urs » de ses bandes dessinées et en reproduisant la couverture du tome 4 « Geneviève » de la bande dessinée dont la publication ne souffre aucune irrégularité.

Comme il a été démontré supra, la société [Adresse 2] est cessionnaire des droits d’adaptation du tome 4 du roman « Geneviève » sous forme graphique en vertu d’un contrat signé avec Mme [S] le 11 mars 2014 (pièce 61) et elle est par ailleurs cessionnaire des droits sur la bande dessinée « Geneviève » que lui a cédés Mme [B] (pièce 65).

Par ailleurs, il est justifié que Mme [S] a cédé ses droits d’adaptation du roman « Bettina » sous forme graphique directement à la société [Adresse 2] selon contrat du 11 mars 2014 (pièce 60) et que ses droits d’adaptation des romans « Enid » et « Hortense » sous forme graphique ont été d’abord cédés à L’ECOLE DES LOISIRS selon contrats du 9 juillet 2002 (pièces 52 et 53), cette dernière les ayant ensuite cédés à la société DELCOURT (pièces 57 et 58), laquelle les a cédés à son tour à la société [Adresse 2] selon la lettre-accord précitée du 13 septembre 2013 (pièce 59).

La société [Adresse 2] n’a donc pas agi en fraude des droits de Mme [S] et a qualité pour agir en concurrence déloyale et parasitaire en invoquant aussi bien la couverture de la bande dessinée « Geneviève » que le titre « Quatre s’ur » des quatre bandes dessinées qu’elle a éditées. La fin de non-recevoir soulevée par la société RAGEOT EDITEUR sera en conséquence rejetée.

L’ordonnance déférée sera complétée en ce sens.

Sur les dépens et les frais irrépétibles

La société RAGEOT EDITEUR, qui succombe, sera condamnée aux dépens de première instance et d’appel et gardera à sa charge les frais non compris dans les dépens qu’elle a exposés à l’occasion de la présente instance, les dispositions prises sur les dépens et frais irrépétibles de première instance étant infirmées.

La somme qui doit être mise à la charge de la société RAGEOT EDITEUR au titre des frais non compris dans les dépens exposés en première instance et en appel par les sociétés L’ECOLE DES LOISIRS et [Adresse 2] et par Mmes [S] et [B] peut être équitablement fixée à 2 000 € pour chacune (8 000 € au total).

PAR CES MOTIFS,

LA COUR,

Confirme l’ordonnance du juge de la mise en état sauf en ce qu’elle a réservé les dépens et les demandes au titre de l’article 700 du code de procédure civile,

Y ajoutant et statuant à nouveau des chefs infirmés,

Déboute les sociétés L’ECOLE DES LOISIRS et [Adresse 2] et Mmes [S] et [B] de leur demande de rejet des pièces 20 à 39 de la société RAGEOT EDITEUR, 

Précise que les demandes prescrites en contrefaçon et en concurrence déloyale et parasitaire portant sur les ‘uvres « Quatre s’urs en vacances », « Quatre s’urs à [Localité 10] », « Quatre s’urs dans la tempête », « Quatre s’urs en scène » éditées par la société RAGEOT EDITEUR sont seulement celles qui sont présentées par les sociétés L’ECOLE DES LOISIRS et [Adresse 2],

Rejette la fin de non-recevoir de la société RAGEOT EDITEUR concernant les demandes formées par la société [Adresse 2] sur le fondement de la concurrence déloyale et du parasitisme,

Condamne la société RAGEOT EDITEUR aux dépens de première instance et d’appel de l’incident et au paiement aux sociétés L’ECOLE DES LOISIRS et [Adresse 2] et à Mmes [S] et [B], chacune, de la somme de 2 000 € (8 000 € au total) en application de l’article 700 du code de procédure civile,

Rejette toutes demandes contraires ou plus amples.

LA GREFFIERE LA PRESIDENTE

 


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