Publicite comparative

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Publicite comparative

Dans les années 1970, le groupe Nestlé a mis au point un concept basé sur le développement de machines à café fonctionnant avec des capsules. En 1986, Nestlé a constitué spécialement une filiale, la société de droit suisse Nestlé Nespresso SA pour développer et promouvoir ce nouveau concept. En France, c’est sa filiale Nespresso France qui assure la promotion de ce système et la distribution des capsules y afférentes.

La société Bodum France fait partie du groupe Bodum qui a été fondé en 1944 au Danemark. Elle commercialise, depuis 1974, une cafetière à piston dénommée ‘French press’, permettant de faire du café sans filtre. Les sociétés Nespresso France et Nestlé Nespresso ont poursuivi la société Bodum pour dénigrement, concurrence déloyale ou parasitaire au titre d’une publicité mettant en scène un amoncellement de capsules percées et déformées assorti du slogan « make taste, not waste ».

Application de la publicité comparative

En l’espèce, la publicité Bodum constituait bien une publicité comparative permettant d’identifier les produits Nespresso. La publicité comparative est celle qui met en comparaison des biens ou services en identifiant, implicitement ou explicitement, un concurrent ou plusieurs concurrents ou des biens ou services offerts par un concurrent ou des concurrents. Les capsules en cause présentent le même aspect en aluminium, colorées et de même forme que les celles commercialisées par Nespresso, au contraire de celles des autres concurrents qui diffèrent toujours au moins par un aspect ( dimensions, matière, forme). Dans la publicité litigieuse laquelle se rapporte sans équivoque à l’univers du café dès lors qu’elle est présentée associée à la cafetière Bodum, compte tenu de la notoriété du système Nespresso, le consommateur ne pouvait manquer d’identifier l’amoncellement des capsules à celles commercialisées par les sociétés Nestlé Nespresso et Nespresso France. Les juges ont également relevé que la publicité comparative ne touche sa cible que si le concurrent visé est au moins implicitement identifiable pour le consommateur.

Licéité de la publicité comparative

Aux termes de l’article L. 121-8 du code de la consommation, toute publicité qui met en comparaison des biens ou services en identifiant, implicitement ou explicitement, un concurrent ou des biens ou services offerts par un concurrent n’est licite que si : i) elle n’est pas trompeuse ou de nature à induire en erreur ; ii) elle porte sur des biens ou services répondant aux mêmes besoins ou ayant le même objectif ; iii) elle compare objectivement une ou plusieurs caractéristiques essentielles, pertinentes, vérifiables et représentatives de ces biens ou services, dont le prix peut faire partie.

La publicité comparative doit mettre en évidence de manière objective les avantages et inconvénients des différents produits comparés et ce dans l’intérêt du consommateur. Il est donc exclu qu’elle porte sur des caractéristiques du produit qui relèvent de l’appréciation personnelle, comme le goût, l’odeur, l’esthétisme, invérifiables par le consommateur. Or, le slogan « make taste not waste » , en français « Faites du goût, pas des déchets » ou « oui au goût, non aux déchets », introduit expressément la référence au goût dans la publicité litigieuse. Si la publicité se bornait à opérer une comparaison entre deux méthodes dont l’une laisse des emballages et l’autre pas, il n’y aurait aucune raison de faire figurer dans le slogan, le terme ‘taste’. La société Bodum ne peut donc prétendre que la comparaison porte exclusivement sur la production de déchets entre les deux systèmes en cause. La production des déchets étant située du côté des capsules, le goût est, en regard, nécessairement l’avantage comparatif énoncé pour l’autre produit, à savoir la cafetière Bodum. Or, le goût n’est pas un élément de comparaison objectif et vérifiable. Sans émettre, explicitement, d’appréciation quant aux qualités gustatives du café Nespresso, en réservant à sa seule cafetière à piston dans son slogan, le terme goût ‘taste’ alors qu’elle situe le système des cafetières à capsules dans le seul registre péjoratif de la production des déchets ‘waste’, la société Bodum opère implicitement en sa faveur une comparaison du goût des cafés et pas uniquement des systèmes pour faire du café, suggérant que le café obtenu avec une cafetière à piston a meilleur goût (avantage subjectif) que celui des cafetières qui ne font que produire des déchets.

La circonstance qu’une publicité puisse comporter une allégation environnementale comparative et qu’un annonceur puisse formuler une allégation environnementale relative à la gestion des déchets comme la volonté alléguée de la société Bodum de mettre en évidence un message de sensibilisation des consommateurs à l’environnement et à l’enjeu écologique lié à la diminution des déchets ne fait pas échapper la publicité litigieuse à l’obligation d’être objective dans la comparaison présentée.

Dénigrement constitué

Il résulte de l’article L. 121-9 du code de la consommation que la publicité comparative ne peut entraîner le discrédit ou le dénigrement des marques, noms commerciaux, autres signes distinctifs, biens, services, activité ou situation d’un concurrent. La publicité comparative a pour objet de démontrer la primauté des produits de l’annonceur par rapport à ceux de son concurrent ; elle autorise donc l’annonceur à mettre en avant les qualités de son produit par rapport à celles du produit de ses concurrents, ce qui en effet peut justifier de mettre en lumière positivement, ou négativement, les défauts, inconvénients ou manques. Elle ne doit cependant pas conduire à jeter le discrédit sur les produits du concurrent, par exemple en leur donnant une image exclusivement et excessivement dépréciée par rapport à ceux de l’annonceur qui ne permette pas au consommateur de se faire une opinion objective sur les avantages et inconvénients des produits comparés et qui aboutit en réalité à fausser la concurrence.

En l’espèce, la publicité litigieuse présente une vison uniquement négative et dévalorisante des produits Nespresso, sous la forme d’un amoncellement de capsules écrasées, percées, tordues, non pas telles qu’elles ressortent effectivement d’une cafetière après usage mais soumises à un traitement de détérioration volontaire, s’apparentant à un tas de détritus suscitant chez le consommateur une réaction de dégoût, associées dans le slogan au terme de déchets ‘waste’, et en vis-à-vis, une cafetière Bodum associée au contraire dans le slogan au terme de goût ‘taste’ et surmontée de ‘clearly the best way to brew coffee’ (assurément la meilleure façon de faire du café). Cette publicité qui met exclusivement en exergue dans la comparaison des produits, une caractéristique négative du système Nespresso en le réduisant à la seule image de fabrication des déchets, en conséquence dans des conditions de nature à jeter le discrédit sur la société Nespresso est donc dénigrante, excluant pour les consommateurs visés par la publicité, toute possibilité de se faire une opinion objective sur les avantages et inconvénients des deux systèmes opposés.

La société Bodum France a été condamnée à payer à chacune des sociétés Nestlé Nespresso et Nespresso France la somme de 35.000 euros à titre de dommages-intérêts en réparation du préjudice subi.

Mots clés : Publicite comparative

Thème : Publicite comparative

A propos de cette jurisprudence : juridiction :  Cour d’appel de Versailles | Date : 19 septembre 2013 | Pays : France


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