Une ancienne candidate de l‘émission Koh Lanta a (elle aussi) obtenu la requalification de sa participation à l’émission en contrat de travail. La Cour de cassation a rappelé les conditions de la requalification d’une collaboration (quelle qu’elle soit) en contrat de travail. En effet, l’existence d’une relation de travail ne dépend ni de la volonté exprimée par les parties ni de la dénomination qu’elles ont donnée à leur convention mais des conditions de fait dans lesquelles est exercée l’activité des travailleurs.
Concept de Koh Lanta
Pour rappel, le concept de Koh Lanta est basé sur le principe suivant : seize candidats vivent dans un ou plusieurs lieux isolés pendant une durée d’environ cinquante jours, et avec le minimum de ressources à partager avec les autres candidats. La production suit la vie des candidats au quotidien dans un style “reportages”. La production organise également différentes épreuves. À intervalles réguliers, se tient un “conseil” au cours duquel un ou plusieurs des candidats peuvent être éliminés du jeu par les membres de leur équipe. Le dernier candidat restant est le vainqueur du programme (gagnant de 100 000 euros).
Requalification du règlement de participation
Le règlement de participation à l’émission comportait des dispositions plaçant les participants sous l’autorité du producteur audiovisuel qui disposait d’un pouvoir de sanction. Le candidat s’engageait à participer au jeu pendant toute la durée où sa présence serait nécessaire à la production pour le tournage et pour tous les besoins du programme. Il acceptait également d’être filmé à tout moment et s’engageait à participer à toutes les interviews et/ou témoignages et répondre de bonne foi aux questions. Le candidat devait participer loyalement aux différents jeux et aux réunions du conseil, voter pour éliminer un ou plusieurs autres candidats, étant observé que tout manquement par le candidat donnait droit au producteur d’en tirer les conséquences pouvant aller jusqu’à son élimination du jeu.
Le tournage se déroulant à l’étranger, dans un lieu clos (une île), sans que le participant puisse maintenir des contacts avec ses proches, les juges ont conclu à une prestation de travail exécutée sous la subordination du producteur et ayant pour objet la production d’une « série télévisée ». La prestation consistait pour les participants, pendant un temps et dans un lieu sans rapport avec le déroulement habituel de leur vie personnelle, à prendre part à des activités imposées, ce qui distinguait l’émission du seul enregistrement de leur vie quotidienne.
Contrat de travail et Contrat de jeu
La Cour de cassation a confirmé que le programme en cause ne pouvait se réduire à l’organisation d’un jeu mais consistait en une véritable prestation de travail des candidats. Le contrat organisait pour l’essentiel la participation des candidats à une émission constituant un bien audiovisuel ayant une forte valeur économique, le jeu constituant seulement une partie du contenu de l’émission. Cette dernière comportait des scènes de tournage des « épreuves » qui correspondaient à la part du jeu, mais aussi des « interviews » sur le ressenti des candidats, des scènes de tournage de portraits et de « conseils » au cours desquelles il était demandé aux participants d’éliminer l’un d’entre eux suivant des règles purement subjectives, ainsi que le tournage de scènes documentaires dans lesquels figurent des participants (préparation de plats cuisinés locaux, découverte d’un volcan en activité, etc.), autant d’éléments ne relevant pas de la catégorie du jeu.
Lien de subordination établi
Les candidats étaient bien placés dans un état de subordination vis-à-vis du producteur : les candidats s’engageaient à participer au jeu et à être disponibles pendant toute la durée du tournage, à participer à toutes les interviews et témoignages, à participer aux épreuves et réunions du conseil et acceptaient d’être filmés à tout moment en disposant néanmoins de phases de répit (les horaires de l’activité étaient déterminés par la société de production). Le non respect du lien de subordination était sanctionné par une mesure pouvant aller jusqu’à l’exclusion du jeu.
Rémunération des candidats
La rémunération des candidats prenait une forme multiple : le producteur prenait en charge le prix du billet aller-retour sur le site de tournage et versait une somme de 23 euros par jour destinée à compenser la destruction d’effets personnels dans le cadre du jeu, d’éventuels frais médicaux et l’organisation matérielle d’une absence ainsi qu’une somme forfaitaire au titre d’une obligation de confidentialité.
Mots clés : Requalification de contrat de travail
Thème : Requalification de contrat de travail
A propos de cette jurisprudence : juridiction : Cour de cassation, ch. soc. | Date : 25 juin 2013 | Pays : France