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9ème Ch Sécurité Sociale
ARRÊT N°
N° RG 19/04390 – N° Portalis DBVL-V-B7D-P4VD
Société [9]
C/
URSSAF BRETAGNE
Copie exécutoire délivrée
le :
à :
Copie certifiée conforme délivrée
le:
à:
RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
COUR D’APPEL DE RENNES
ARRÊT DU 25 JANVIER 2023
COMPOSITION DE LA COUR LORS DES DEBATS ET DU DÉLIBÉRÉ :
Président : Madame Aurélie GUEROULT, Présidente de chambre,
Assesseur : Madame Véronique PUJES, Conseillère,
Assesseur : Madame Anne-Emmanuelle PRUAL, Conseillère,
GREFFIER :
Monsieur Philippe LE BOUDEC, lors des débats et lors du prononcé
DÉBATS :
A l’audience publique du 09 Novembre 2022
ARRÊT :
Contradictoire, prononcé publiquement le 25 Janvier 2023 par mise à disposition au greffe comme indiqué à l’issue des débats ;
DÉCISION DÉFÉRÉE A LA COUR:
Date de la décision attaquée : 25 Avril 2019
Décision attaquée : Jugement
Juridiction : Tribunal de Grande Instance de RENNES – Pôle Social
Références : 16/00463
****
APPELANTE :
La Société [9] venant aux droits de la SAS [6]
[Adresse 1]
[Localité 3]
représentée par Me Christelle BOULOUX-POCHARD, avocat au barreau de RENNES
INTIMÉE :
L’UNION DE RECOUVREMENT DES COTISATIONS DE SÉCURITÉ SOCIALE ET D’ALLOCATIONS FAMILIALES BRETAGNE
[Adresse 10]
[Adresse 5]
[Localité 4]
représentée par Madame [W] [Z] en vertu d’un pouvoir spécial
EXPOSÉ DU LITIGE :
A la suite d’une vérification de l’application de la législation sociale concernant les infractions aux interdictions de travail dissimulé effectuée par les services de police et dont le procès-verbal a été transmis au parquet, l’Union de recouvrement des cotisations de sécurité sociale et d’allocations familiales Bretagne (l’URSSAF) a notifié à la SARL [8] devenue la SAS [6] puis la SARL [9] (la société), une lettre d’observations du 26 octobre 2015 d’un montant total de 4 944 euros, portant sur les deux chefs de redressement suivants :
– travail dissimulé avec verbalisation – dissimulation d’emploi salarié : redressement forfaitaire (chef n° 1) ;
– annulation des réductions Fillon suite au constat de travail dissimulé (chef n° 2).
Par lettre du 25 novembre 2015, la société a fait valoir ses observations sur le chef de redressement n°1, concernant le constat d’un travail dissimulé de M. [I] [O].
En réponse, par lettre du 10 décembre 2015, l’inspecteur a maintenu ce chef de redressement.
L’URSSAF lui a adressé une mise en demeure du 23 décembre 2015 tendant au paiement des cotisations notifiées dans la lettre d’observations et des majorations de retard y afférentes, pour un montant de 6 423 euros.
Le 13 janvier 2016, la société a saisi la commission de recours amiable de l’organisme à l’encontre du chef de redressement relatif au travail dissimulé par dissimulation d’emploi salarié, soulevant :
– l’absence de lien de subordination avec M. [O], associé de la société ;
– l’absence de caractérisation de l’infraction de travail dissimulé suite au classement sans suite de la procédure pénale.
Après rejet de sa réclamation par décision implicite, la société a porté son litige devant le tribunal des affaires de sécurité sociale d’Ille-et-Vilaine le 6 avril 2016.
Par décision du 22 septembre 2016, la commission a confirmé le bien-fondé des redressements contestés.
Par jugement du 25 avril 2019, ce tribunal, devenu le pôle social du tribunal de grande instance de Rennes, a :
– écarté des débats les conclusions de la société communiquées le 29 janvier 2019 ;
– confirmé la décision de la commission de recours amiable de l’URSSAF en date du 22 septembre 2016 et débouté la société de son recours ;
– validé le chef de redressement n°1 relatif à la dissimulation d’emplois salariés avec verbalisation d’un montant de 4 054 euros et le chef de redressement n° 2 relatif à l’annulation des réductions Fillon suite au constat de travail dissimulé d’un montant de 890 euros, auxquels s’ajoutent les 1 014 euros de majorations de redressement et 464 euros de majorations de retard et condamné en tant que de besoin la société à payer ces montants à l’URSSAF ;
– condamné la société aux dépens.
Par déclaration adressée le 28 juin 2019, la société a interjeté appel de ce jugement qui lui avait été notifié le 5 juin 2019.
Par ses écritures n°3 parvenues au greffe le 17 mai 2022 auxquelles s’est référé son conseil à l’audience, la société demande à la cour de :
A titre principal,
– infirmer le jugement entrepris en toutes ses dispositions ;
Et statuant de nouveau,
– annuler, en conséquence, la décision de la commission et donc, intégralement le redressement notifié par l’URSSAF, par mise en demeure du 23 décembre 2015, pour un montant de 6 423 euros, y compris les majorations ;
– débouter l’URSSAF de toutes ses demandes et la condamner à lui verser la somme de 2 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile et la condamner aux entiers dépens ;
A titre éminemment subsidiaire,
– réduire le montant du redressement de cotisations à 31,70 euros, les majorations de redressement à 7,79 euros ;
– ordonner à l’URSSAF de recalculer les majorations de retard et le redressement notifié au titre des réductions Fillon ;
– débouter l’URSSAF de toutes ses demandes.
Par ses écritures parvenues au greffe le 3 octobre 2022 auxquelles s’est référé son représentant à l’audience, l’URSSAF demande à la cour de :
Sur la forme :
– constater l’absence de non-respect des dispositions de l’article R. 133-8 du code de la sécurité sociale ;
– constater l’absence d’irrégularité du principe du contradictoire ;
– dire et juger l’absence d’irrégularité de la procédure de contrôle ;
Sur le fond :
– confirmer en toutes ses dispositions le jugement entrepris ;
– confirmer le redressement pour travail dissimulé ;
– confirmer la décision de la commission de recours amiable du 22 septembre 2016 ;
– débouter la société de l’ensemble de ses demandes et prétentions ;
– constater la démonstration d’un lien de subordination caractérisé ;
– condamner la société au paiement de la somme de 6 423 euros, sans préjudice des majorations de retard complémentaires ;
– condamner la société au paiement de la somme de 2 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile.
Pour un plus ample exposé des moyens et prétentions des parties, la cour, conformément à l’article 455 du code de procédure civile, renvoie aux conclusions susvisées.
MOTIFS DE LA DÉCISION :
1 – Sur la régularité de la procédure de contrôle :
1.1 – Sur le signataire de la lettre d’observations :
Aux termes de l’article R. 133-8 du code de la sécurité sociale dans sa version en vigueur du 1er janvier 2014 au 1er janvier 2020 :
‘Lorsqu’il ne résulte pas d’un contrôle effectué en application de l’article L. 243-7 du présent code ou de l’article L. 724-7 du code rural et de la pêche maritime, tout redressement consécutif au constat d’un délit de travail dissimulé est porté à la connaissance de l’employeur ou du travailleur indépendant par un document daté et signé par le directeur de l’organisme de recouvrement, transmis par tout moyen permettant de rapporter la preuve de sa date de réception.
Ce document rappelle les références du procès-verbal pour travail dissimulé établi par un des agents mentionnés à l’article L. 8271-7 du code du travail et précise la nature, le mode de calcul et le montant des redressements envisagés. Il informe l’employeur ou le travailleur indépendant qu’il a la faculté de présenter ses observations dans un délai de trente jours et de se faire assister par une personne ou un conseil de son choix.
A l’expiration de ce délai et, en cas d’observations de l’employeur ou du travailleur indépendant, après lui avoir confirmé le montant des sommes à recouvrer, le directeur de l’organisme de recouvrement met en recouvrement les sommes dues selon les règles et sous les garanties et sanctions applicables au recouvrement des cotisations de sécurité sociale’.
L’article R. 122-3 du code de la sécurité sociale dispose :
‘Il [le directeur] peut déléguer, sous sa responsabilité, une partie de ses pouvoirs à certains agents de l’organisme. Il peut donner mandat à des agents de l’organisme en vue d’assurer la représentation de celui-ci en justice et dans les actes de la vie civile’.
Enfin, l’article 4 de la loi n° 2000-321 du 12 avril 2000 relative aux droits des citoyens dans leurs relations avec les administrations, applicable aux organismes de sécurité sociale en vertu de son article 1, en vigueur du 13 avril 2000 au 1er janvier 2016, énonce :
‘Dans ses relations avec l’une des autorités administratives mentionnées à l’article 1er, toute personne a le droit de connaître le prénom, le nom, la qualité et l’adresse administratives de l’agent chargé d’instruire sa demande ou de traiter l’affaire qui la concerne ; ces éléments figurent sur les correspondances qui lui sont adressées. Si des motifs intéressant la sécurité publique ou la sécurité des personnes le justifient, l’anonymat de l’agent est respecté.
Toute décision prise par l’une des autorités administratives mentionnées à l’article 1er comporte, outre la signature de son auteur, la mention, en caractères lisibles, du prénom, du nom et de la qualité de celui-ci’.
En l’espèce, la lettre d’observations du 26 octobre 2015 comporte en en-tête les éléments suivants :
‘ INSPECTION
Affaire suivie par MICHELE LUCAS
Tel (ligne directe 02 98 76 XX XX)
Courriel (mémoire)
Adresse de correspondance
[Adresse 5]
[Adresse 10]
[Localité 4]’
Elle se termine par ‘Le Directeur de l’URSSAF BRETAGNE’ suivie d’une signature.
La société fait valoir que le document n’est pas signé par le directeur de l’organisme de recouvrement mais probablement par une inspectrice, Mme [J] [S], son nom étant mentionné sur la lettre d’observations comme gestionnaire du dossier.
L’URSSAF réplique que la lettre d’observations adressée à la société a été signée par un agent possédant la délégation de signature du directeur de l’organisme. Elle verse aux débats une pièce n°8 intitulée « délégation de signature », datée du 10 février 2015, établie par le directeur de l’URSSAF Bretagne, au profit de Mme [F] [T] exerçant la fonction de responsable service contrôle. Cette délégation l’autorise à ‘signer les lettres d’exploitation des procès-verbaux pénaux dressés par les partenaires dans le cadre de la lutte contre le travail illégal’.
La société relève que les nom et prénom de Mme [F] [T] n’apparaissent pas dans les documents qui lui ont été transmis et qu’une décision telle qu’un redressement ne peut être notifiée au cotisant sans qu’il lui soit permis d’identifier la signature de l’auteur par ses prénom, nom et qualité.
Cependant, l’absence de la mention légalement requise des nom, prénom, qualité du signataire d’une décision administrative, exigence dont la finalité est l’identification par le citoyen de l’auteur d’un acte qui le concerne, peut être suppléée par des éléments extrinsèques portés à la connaissance de l’intéressé pourvu qu’ils établissent cette nécessaire information. (1e Civ., 18 juin 2014, pourvoi n° 13-16.363)
Par la comparaison des signatures présentes sur la délégation de signature du 10 février 2015 et sur la lettre d’observations, il est possible de déterminer la personne effectivement signataire de cette dernière, qui s’avère être titulaire d’une délégation de signature en bonne et due forme établie antérieurement à la lettre d’observations.
Ce moyen sera en conséquence écarté.
1.2 – Sur le respect du principe du contradictoire découlant de la communication du procès-verbal de travail dissimulé :
La société fait valoir que le procès-verbal de police est la pièce sur laquelle se fonde le redressement et qu’il doit être communiqué au cotisant dès le courrier notifiant ce redressement, dans le cadre de la phase dite contradictoire.
Or, le procès-verbal constatant le délit de travail dissimulé à l’origine du redressement opéré par l’URSSAF n’a pas à figurer dans les documents communiqués à l’employeur par l’organisme de recouvrement à l’issue du contrôle (2e Civ., 14 février 2019, pourvoi n° 18-12.150).
Il demeure cependant qu’en phase contentieuse, l’URSSAF doit produire le procès-verbal de travail dissimulé adressé au procureur de la république fondant le redressement, en application de l’article 16 du code de procédure civile.
En l’espèce, l’URSSAF produit ce procès-verbal aux débats. La date à laquelle l’organisme a déféré à la demande de la société importe peu dans la mesure où cette dernière a pu en prendre connaissance avant l’audience et présenter des observations.
Ce moyen sera rejeté.
2 – Sur le bien-fondé du redressement :
La lettre d’observations du 26 octobre 2015 mentionne les constatations suivantes :
‘ Le 16 juillet 2014 à 16h40, vous avez fait l’objet d’un contrôle de la part de la direction générale de la police nationale, commissariat de police central de Rennes, dans votre débit de boisson portant l’enseigne ‘[8]” situé [Adresse 2].
À cette occasion, il a été constaté qu’un salarié travaillait pour votre compte en tant que responsable de l’établissement, sans être déclaré (absence de déclaration unique d’embauche, absence de bulletin de paie, absence de contrat de travail). Cette infraction a été constatée par procès-verbal n°2014/01231 du 16 juillet 2014.
En l’absence d’éléments probants relatifs à la durée d’emploi et au montant des rémunérations dans le procès-verbal, le redressement est calculé forfaitairement sur la base de six fois le SMIC mensuel en vigueur au moment du constat de l’infraction pour le salarié suivant :
M. [O] [I], né le 12/02/1976 à [Localité 7] (Morbihan).
Soit 8672 euros (1445,38 euros x 6).
Soit une régularisation de 4054 euros […].
Pour ce motif, le montant de la majoration de redressement complémentaire pour infraction de travail dissimulé prévu par l’article L. 243-7-7 du code de la sécurité sociale est de 4 054 x 25%, soit 1014 euros’.
Le procès-verbal transmis au procureur de la république a fait l’objet d’une décision de classement sans suite, laquelle est sans effet sur le sort de la présente action en recouvrement des cotisations sociales.
Il ressort des statuts de la société que M. [O] est associé de celle-ci à hauteur de 10 % du capital social (sa pièce n°8). Il n’en est pas le gérant.
L’URSSAF souligne que M.[O] était seul présent au sein de l’établissement lors du contrôle de police, qu’il incarnait le responsable de l’établissement et que sa présence était nécessaire au bon fonctionnement de celui-ci, voire indispensable pour la société selon ses propres déclarations; qu’il n’est qu’un associé minoritaire non gérant et que cette qualité ne lui offre pas la possibilité de travailler pour la société sans affiliation au régime général de sécurité sociale.
Certes, le fait que M. [O] soit associé n’exclut pas d’emblée l’existence d’une situation de salariat.
Néanmoins, cela suppose la démonstration d’un lien de subordination vis-à-vis de la société, caractérisé par l’exécution d’un travail sous l’autorité d’un employeur qui a le pouvoir de donner des ordres et des directives, d’en contrôler l’exécution et de sanctionner les éventuels manquements de l’intéressé.
Le seul constat dans la lettre d’observations de ce que M. [O] était en situation de travail en qualité de responsable de l’établissement le jour du contrôle, laquelle situation n’est pas détaillée, est insuffisant à établir les conditions dans lesquelles cette activité était exercée. Le lien de subordination vis-à-vis de la société n’est de ce fait pas caractérisé ; du reste, il ne saurait l’être par la seule affirmation de l’organisme selon laquelle l’activité objet du redressement était nécessaire au bon fonctionnement de l’établissement.
Enfin, est sans emport le fait qu’à la suite du contrôle, la société a régularisé avec M. [O] un contrat de travail à hauteur de 24 heures mensuelles.
Il s’ensuit qu’au regard de ces éléments, l’URSSAF est mal fondée à poursuivre le redressement opéré, lequel sera annulé dans son intégralité et le jugement infirmé dans toutes ses dispositions.
3 – Sur les frais irrépétibles et les dépens :
Il n’apparaît pas équitable de laisser à la charge de la société ses frais irrépétibles.
L’URSSAF sera en conséquence condamnée à lui verser à ce titre la somme de 2 000 euros.
S’agissant des dépens, l’article R.144-10 du code de la sécurité sociale disposant que la procédure est gratuite et sans frais en matière de sécurité sociale est abrogé depuis le 1er janvier 2019.
Il s’ensuit que l’article R.144-10 précité reste applicable aux procédures en cours jusqu’à la date du 31 décembre 2018 et qu’à partir du 1er janvier 2019 s’appliquent les dispositions des articles 695 et 696 du code de procédure civile relatives à la charge des dépens.
En conséquence, les dépens de la présente procédure exposés postérieurement au 31 décembre 2018 seront laissés à la charge de l’URSSAF qui succombe à l’instance et qui de ce fait ne peut prétendre à l’application des dispositions l’article 700 du code de procédure civile.
PAR CES MOTIFS :
La COUR, statuant publiquement par arrêt contradictoire mis à disposition au greffe,
INFIRME le jugement dans toutes ses dispositions ;
Statuant à nouveau et y ajoutant :
PRONONCE l’annulation du redressement constaté dans la lettre d’observations du 25 octobre 2015 et de la mise en demeure subséquente ;
CONDAMNE l’Union de recouvrement des cotisations de sécurité sociale et d’allocations familiales Bretagne à verser à la société [9] une indemnité de 2 000 euros sur le fondement des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile ;
CONDAMNE l’Union de recouvrement des cotisations de sécurité sociale et d’allocations familiales Bretagne aux dépens, pour ceux exposés postérieurement au 31 décembre 2018.
LE GREFFIER LE PRÉSIDENT