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31/01/2023
ARRÊT N°
N° RG 20/01119
N° Portalis DBVI-V-B7E-NRDP
CR / RC
Décision déférée du 16 Mars 2020
TJ hors JAF, JEX, JLD, J. EXPRO,
JCP de TOULOUSE – 17/02592
M. [Y]
[H] [U]
C/
S.C.P. [L] [G] & [L] [T]
CONFIRMATION
Grosse délivrée
le
à
REPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
***
COUR D’APPEL DE TOULOUSE
1ere Chambre Section 1
***
ARRÊT DU TRENTE ET UN JANVIER DEUX MILLE VINGT TROIS
***
APPELANT
Monsieur [H] [U]
[Adresse 5]
[Localité 4]
Représenté par Me Raphaelle GUIONNET, avocat au barreau de TOULOUSE
INTIMEES
S.C.P. [L] [G] & [L] [T]
Représentée par Maître [I] [E], huissier de justice, ès qualités de mandataire ad hoc de la Scp [L] [G] et [L] [T], nommée à cette fonction par ordonnance du président du tribunal judiciaire de Toulouse du 29 juillet 2022
[Adresse 1]
[Localité 3]
Représentée par Me Marie SAINT GENIEST de la SCP SCP FLINT – SAINT GENIEST – GINESTA, avocat au barreau de TOULOUSE
COMPOSITION DE LA COUR
Après audition du rapport, l’affaire a été débattue le 10 Octobre 2022 en audience publique, devant la Cour composée de :
C. ROUGER, président
J.C. GARRIGUES, conseiller
A. ARRIUDARRE, conseiller
qui en ont délibéré.
Greffier, lors des débats : R. CHRISTINE
ARRET :
– CONTRADICTOIRE
– prononcé publiquement par mise à disposition au greffe après avis aux parties
– signé par C. ROUGER, président, et par N. DIABY, greffier de chambre.
OBJET DU LITIGE ET PROCÉDURE
En juillet 2012, M. [H] [U] a chargé la Scp d’huissiers de justice [L] [G] et [L] [T] du recouvrement d’une créance de 43.763,69 euros qui résultait de différentes décisions judiciaires ayant prononcé condamnation à l’encontre de M.[S] [A], lequel avait constitué par ailleurs une Sci familiale avec ses parents laquelle était propriétaire d’un bien immobilier situé [Adresse 6].
Les mesures d’exécution sur les comptes bancaires sont demeurées infructueuses.
[S] [A] a bénéficié d’une procédure de surendettement à partir du mois d’octobre 2012 jusqu’en juin 2015.
Diverses mesures d’exécution ont été envisagées à l’égard des biens de la Sci et des parts sociales de M.[S] [A] qui n’ont pas abouties et la vente du bien immobilier constituant l’unique actif de la société civile [A] est intervenue en septembre 2015, après le décès du gérant [N] [Z] [A].
Par actes d’huissier de justice du 26 juin 2017, M. [U] a fait assigner la Scp [L] devant le tribunal de grande instance de Toulouse aux fins d’obtenir sa condamnation pour absence de diligences estimant avoir été privé par sa faute de la possibilité de recouvrer sa créance.
Par jugement du 14 février 2019, le tribunal de grande instance de Toulouse a ordonné la réouverture des débats afin d’obtenir les explications des parties sur le devenir de la société civile immobilière [A].
Par jugement contradictoire du 16 mars 2020, le tribunal judiciaire de Toulouse a :
– débouté [H] [U] de ses demandes,
– l’a condamné aux dépens,
– dit n’y avoir à faire application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile,
– dit n’y avoir lieu à exécution provisoire.
Pour statuer ainsi, le premier juge a considéré qu’il n’existait pas de perte de chance raisonnable de succès du recouvrement puisque les différentes actions engagées pour le recouvrement étaient inefficaces en ce que :
– l’inscription d’hypothèque sur le bien de la Sci était impossible car la société n’était pas débitrice,
– l’apport du bien immobilier à la société civile par la mère de M.[A] en 2006 ne constituait pas une organisation d’insolvabilité de ce dernier puisqu’il n’avait aucun droit de propriété sur ce bien, ne pouvant qu’en être éventuellement héritier ; ce bien était grevé d’une hypothèque conventionnelle et d’un privilège de deniers à hauteur de 215.000 € en principal au profit de la Société Générale, inscriptions radiées lors de la vente du bien à des tiers le 4/09/2015, de sorte que les chances pour M.[U] de recouvrement par réintégration de ce bien dans le patrimoine de Mme [M], qui n’était pas sa débitrice, afin qu’il constitue à son décès le gage des créanciers de son fils n’étaient pas raisonnables,
– le nantissement des parts sociales ne constituait pas une mesure efficace puisque qu’il n’interdisait pas la vente du bien, ne permettait pas de bloquer le prix entre les mains du notaire, lequel n’avait aucune obligation d’informer le créancier nanti de la vente, et n’était amené à jouer que lors de la dissolution de la société et le partage du boni de liquidation. Or la société n’était toujours pas dissoute et le sort du prix de vente était inconnu, tout comme le montant distribuable après le remboursement de la Société Générale,
– le fait pour l’huissier de ne pas avoir conseillé à son client de solliciter la dissolution de la Sci au décès de [N] [A] publié dans la presse locale n’avait pas davantage fait perdre une chance raisonnable de recouvrement au créancier dans la mesure où la nomination d’un nouveau gérant était de nature à y faire échec et où, à l’époque, un nantissement ne pouvait pas être pris en raison de la procédure de surendettement en cours, de sorte que, compte tenu des délais de procédure, la prise d’un nantissement et une demande en dissolution n’avaient aucune chance raisonnable d’éviter la vente intervenue en 2015 ni de faire profiter M. [U] de la distribution du prix.
Par déclaration du 16 avril 2020, M. [U] a interjeté appel de l’intégralité des dispositions de cette décision, intimant Me [D] [V], Huissier de justice ès qualités d’administrateur judiciaire de la Scp [L] [G] et [L] [T] .
Par arrêté ministériel du 23 février 2021 publié au Journal Officiel le 4 mars 2021 le Garde des Sceaux a prononcé la dissolution de la Scp [L]. Maître [I] [E], huissier de justice au sein de la société H2O Sud Ouest [Adresse 1]) ayant remplacé la Scp [L] suite à sa dissolution selon le même arrêté ministériel a accepté d’être nommée mandataire ad hoc de la Scp [L] afin de représenter la personne morale dissoute dans le cadre de la présente procédure et a été nommée à cette fonction par ordonnance du président du tribunal judiciaire de Toulouse du 29 juillet 2022.
PRÉTENTIONS DES PARTIES
Dans ses dernières conclusions transmises par voie électronique le 1er juin 2021, M. [H] [U], appelant, demande à la cour, au visa des articles 1231-2, 1341-2, 1991 et suivants, 1844-7 et 1846-1 du code civil, de :
– réformer le jugement dont appel,
– juger que la Scp [L], par manquement à son devoir de conseil et par inertie, a commis une faute,
– juger que cette faute est directement à l’origine de son préjudice,
– juger qu’il existait, par la mise en ‘uvre de certaines mesures d’exécution, au besoin combinées entre elles, une probabilité raisonnable qu’il recouvre tout ou partie des sommes dues par son débiteur, et qu’il a été privé de cette potentialité,
– juger que la Scp [L], par sa faute, l’a privé d’une éventualité favorable, à savoir la possibilité de recouvrer la somme qui lui était due, soit 54 576,02 euros au total, arrêtée au 12 juillet 2016,
– juger que la Scp [L] doit réparer l’entier préjudice qu’il a subi,
– la condamner en conséquence et à titre principal à lui payer une somme de 50 000 euros à titre de dommages et intérêts,
– la condamner à titre subsidiaire à lui régler la somme de 665,39 euros représentant le montant des frais d’inscription d’hypothèque,
– condamner la Scp [L] à lui rembourser le coût de tous les actes mis en ‘uvre par la Scp [L], soit 1 000 euros TTC (hors inscription de l’hypothèque judiciaire),
– condamner en toute hypothèse, la Scp [L] à lui payer la somme de 7 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile, cette somme représentant les frais irrépétibles exposés en première instance et en cause d’appel,
– la condamner aux entiers dépens de première instance et d’appel.
Dans ses dernières conclusions transmises par voie électronique le 10 août 2022, Me [I] [E], huissier de justice, ès qualités de mandataire ad hoc de la Scp [L] [G] et [L] [T], nommée à cette fonction par ordonnance du président du tribunal judiciaire de Toulouse du 29 juillet 2022, intimée, demande à la cour, au visa des articles 1231-2 du code civil, L 331-3-1 du code de la consommation (aujourd’hui article L.722-2 du même code), de :
– confirmer en toutes ses dispositions le jugement dont appel,
En conséquence,
– débouter M. [U] de l’ensemble de ses demandes, fins et conclusions, tant à titre principal
qu’à titre subsidiaire,
– le condamner aux entiers dépens d’appel, outre une indemnité sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile de 5 000 euros.
L’ordonnance de clôture est intervenue le 26 septembre 2022.
SUR CE, LA COUR :
En matière de recouvrement, l’obligation de l’huissier de justice en qualité de mandataire de son client n’est qu’une obligation de moyens. L’huissier de justice doit mettre en ‘uvre tous les moyens pour parvenir au recouvrement des sommes dues à son client et c’est à ce dernier d’apporter la preuve de l’absence ou de l’insuffisance de diligence de l’huissier de justice. La responsabilité de l’huissier de justice dans le cadre de l’accomplissement de son mandat impose pour être engagée outre la preuve d’une faute, la preuve d’un préjudice réel en lien de causalité direct et certain avec ladite faute.
En l’espèce, M.[U] revendique divers manquements professionnels à l’encontre de la Scp [L] par manquement à son devoir de conseil et par inertie lui reprochant :
– de n’avoir pas sollicité au préalable l’autorisation du juge de l’exécution pour inscrire une hypothèque provisoire sur le bien immobilier appartenant à la Sci [A], dès lors que les chances d’obtenir une telle autorisation n’étaient pas nulles, de nombreux éléments faisant apparaître que M. [S] [A] avait de concert avec ses parents organisé son insolvabilité de façon à soustraire le bien immobilier apporté à la Sci par Mme [A] à d’éventuelles revendications des créanciers de [S] [A], et en tous cas, de rendre plus difficile le recouvrement de ses dettes, en déduisant qu’une action paulienne aurait dû être engagée pour faire réintégrer les droits détenus par M.[S] [A] sur le bien immobilier dans son patrimoine, une mesure conservatoire étant dès lors envisageable sur le bien du tiers bénéficiaire de l’opération suspectée de fraude dans l’attente de l’issue de l’action paulienne sous réserve de l’autorisation du juge de l’exécution,
– de n’avoir pas inscrit à compter du 4 juin 2015, terme de la procédure de surendettement dont faisait l’objet M.[S] [A], une inscription de nantissement sur les parts sociales que M.[A] détenait à hauteur de 66% dans la Sci [A], propriétaire du bien immobilier, le privant ainsi de la possibilité de solliciter l’attribution judiciaire desdites parts, et d’assigner la Sci [A] devant le juge des référés pour qu’il lui soit interdit de vendre, d’aliéner ou de disposer de quelque manière de l’immeuble dont elle était propriétaire, de bloquer la vente ne serait-ce que jusqu’à la fin de l’année 2021, ce qui lui aurait permis au regard du montant de sa créance et de celle de la Société Générale de recouvrer selon une probabilité raisonnable tout ou partie de sa créance,
– de ne pas lui avoir conseillé de demander la dissolution anticipée de la société après le décès de M.[A] père, puis la saisie du bien immobilier pour apurer les dettes de M.[S] [A], ce qui était possible dès le mois de février 2015, et ce alors que s’il avait été bénéficiaire d’un nantissement, M. [S] [A] détenant 66,66% des parts de la Sci , Mme [K] [A], qui n’en détenait que 34% après le décès de [N] [A], n’aurait pas pu faire nommer un nouveau gérant et s’opposer à la dissolution.
M.[H] [U] a confié à la Scp [L] en 2012 l’exécution de deux décisions de justice , celle d’un arrêt prononcé par la cour d’appel de Toulouse le 5 juin 2012, confirmant un jugement du tribunal d’instance du Toulouse du 14 septembre 2009 qui n’était pas assorti de l’exécution provisoire, ayant condamné M.[S] [A] à lui payer la somme de 4.920 € en principal outre intérêts au taux légal à compter du 30/07/2009 outre 800 € à titre de dommages et intérêts pour procédure abusive et 600 € sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile outre les dépens, ledit arrêt portant en outre condamnation de M.[A] à lui payer 1.000 € à titre de dommages et intérêts et une indemnité de 1.500 € en application de l’article 700 du code de procédure civile outre les dépens d’appel, ainsi que celle d’un jugement rendu par le tribunal de grande instance de Toulouse le 10 septembre 2012, assorti de l’exécution provisoire, et dont il n’est pas contesté qu’il n’en ait pas été relevé appel, ayant condamné M.[S] [A] à lui payer la somme principale de 33.943,69 € outre intérêts de droit à compter du 5 avril 2011 ainsi qu’une indemnité de 1.000 € sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile et les dépens de l’instance.
Le 1er octobre 2012, la Scp [L] informait M.[U] d’une part, du caractère infructueux de deux saisies attributions diligentées par ses soins, un compte Banque Populaire étant clôturé, un compte Caisse d’Epargne étant nul, un compte Bnp étant au contentieux, d’autre part, de ce que M.[A] avait saisi la Commission de surendettement des particuliers, sa demande étant déclarée recevable, de sorte que cette décision entraînait l’interdiction des procédures d’exécution, lui demandant ses instructions.
Par jugement du 4 juin 2013 le tribunal d’instance de Tarbes statuant sur une contestation de la Caisse d’allocations familiales de la Haute-Garonne à l’encontre des mesures imposées élaborées par la Commission de Surendettement des Particuliers de la Haute-Garonne le 13 décembre 2012 dans le cadre du dossier de surendettement de M.[S] [A], déclarant irrecevable le recours, a homologué les mesures imposées ou recommandées par ladite commission le 13 décembre 2012 dont il n’est pas contesté qu’elles prévoyaient un plan de report de l’intégralité du passif déclaré par M.[A], dont les créances de M.[U], sur 24 mois à 0%, soit jusqu’au 4 juin 2015.
Selon les dispositions de l’article L 331-3 du code de la consommation en vigueur à la date des décisions de recevabilité et d’homologation des mesures recommandées par la commission de surendettement, la décision déclarant la recevabilité de la demande emporte suspension et interdiction des procédures d’exécution diligentées à l’encontre des biens du débiteur ainsi que des cessions de rémunération consenties par celui-ci et portant sur les dettes autres qu’alimentaires. Les procédures et les cessions de rémunération sont suspendues ou interdites, selon les cas, jusqu’à l’approbation du plan conventionnel de redressement prévu à l’article L 331-6, jusqu’à la décision imposant les mesures prévues par l’article L 331-7, jusqu’à l’homologation par le juge des mesures recommandées en application des articles L 331-7-1, L 331-7-2 et L 332-5. Cette suspension et cette interdiction ne peuvent excéder deux ans.
En application des dispositions de l’article L 331-9 les créanciers auxquels les mesures recommandées en application des article L 331-7-1 et L 331-7-2 et rendues exécutoires par application de l’article L 332-1 ou de l’article L 332-2 (suite à contestation) sont opposables ne peuvent exercer des procédures d’exécution à l’encontre des biens du débiteur pendant la durée de l’exécution de ces mesures, soit en l’espèce jusqu’au 4 juin 2015.
Cette situation n’empêchait néanmoins pas la prise de mesures conservatoires par le créancier sur les biens de son débiteur, telles des inscriptions de sûretés afin de préserver ses droits et de lui garantir un rang en cas de réalisation des biens par rapport à d’autres créanciers, mesures ne constituant pas en elles-mêmes des mesures d’exécution forcée, et ce, avec ou sans autorisation du juge de l’exécution, M. [U] disposant déjà de titres exécutoires.
Contrairement à ce qu’a soutenu M.[U] dans son courrier recommandé avec avis de réception adressé à la Scp Ferran le 21/05/2015, il ne pouvait être envisagé de prendre une inscription d’hypothèque sur les droits détenus par M.[S] [A] dans la Sci [A] à Tarbes, s’agissant de droits sociaux.
La Scp [L] a tenté, conformément à ses instructions, en janvier 2016, M. [U] lui ayant adressé à cette fin un chèque le 10/11/2015 destiné à couvrir les frais d’inscription induits, de prendre une inscription d’hypothèque judiciaire à l’encontre de M.[S] [A] sur les droits que ce dernier détenait à hauteur de 32 parts dans la Sci [A] laquelle était censée être propriétaire d’une maison d’habitation cadastrée BM n° [Cadastre 2] lieudit [Adresse 6] (65). Cette demande d’inscription a été refusée par le service des finances publiques du service de la publicité foncière lequel précisait par courrier du 1/02/2016 que l’hypothèque judiciaire ne pouvait être prise que sur des biens immobiliers, donnant en outre l’information selon laquelle la parcelle BM [Cadastre 2] à [Adresse 6] n’appartenait plus à la Sci [A]. En toute hypothèse, même si une demande d’inscription d’hypothèque avait été formalisée avant la vente de cet immeuble intervenue début septembre 2015 et dès l’obtention des titres exécutoires la fondant, M.[U] n’aurait pu en bénéficier, l’immeuble en question n’étant pas propriété de M. [S] [A] mais propriété de la Sci [A] à l’encontre de laquelle M.[U] ne disposait d’aucun titre exécutoire de condamnation à paiement.
En effet, la Sci [A] a été constituée le 9 août 2006 entre M.[N] [A], Mme [K] [R] épouse [A] et M.[S] [A], ayant pour objet l’acquisition, l’administration et l’exploitation par bail, location ou autrement de tous les immeubles bâtis ou non bâtis dont la société pourrait devenir propriétaire, son capital social initial étant fixé à 150 € et divisé en 100 parts de 1.50 € chacune, numérotées de un à cent, attribuées à M.[N] [A] à hauteur de 34 parts numérotées de 01 à 34, à Mme [K] [A] à hauteur de 34 parts numérotées de 35 à 68 et à M.[S] [A] à hauteur de 32 parts, numérotées de 69 à 100, les associés ayant apporté respectivement les sommes de 51 €, 51 € et 48 €.
L’immeuble sis à [Adresse 6] cadastré BM n° [Cadastre 2], ainsi qu’il résulte tant des mentions de la demande de renseignements n° 6504P01 2019 H1389 produite en pièce 32 par l’appelant que du bordereau d’inscription de privilège de deniers et d’hypothèque conventionnelle avec effet jusqu’au 7 novembre 2026 au profit de la Société Générale (pièce 36 de l’appelant), appartenait à l’origine en propre à Mme [K] [R] épouse [A], laquelle par acte notarié de Me [J] [C], notaire à Tarbes, du 27 octobre 2006 l’a vendu, et non apporté comme soutenu, à la Sci [A] pour un prix de 170.000 € intégralement payé par le prêt consenti à ladite Sci par la Société Générale. Sur cet immeuble la Société Générale, en garantie de ce prêt de 170.000 € remboursable en 240 échéances jusqu’au 7 novembre 2026, a pris une inscription de privilège de deniers pour un montant sauf mémoire de 204.000 € ainsi qu’une inscription d’hypothèque conventionnelle pour un montant sauf mémoire de 54.000 €.
Il en ressort que M.[S] [A] n’a jamais détenu aucun droit de propriété sur cet immeuble, de sorte qu’il ne peut être utilement soutenu comme le fait l’appelant qu’il aurait entendu organiser son insolvabilité en soustrayant ledit bien immobilier à d’éventuelles revendications de ses créanciers, et en tous cas, à rendre plus difficile le recouvrement de ses dettes. M. [U] ne peut donc reprocher à la Scp [L] ni de ne pas lui avoir suggéré d’engager une action paulienne totalement vouée à l’échec s’agissant de la réintégration d’un bien dont son débiteur n’avait jamais été propriétaire, ni consécutivement, de n’avoir pas saisi le juge de l’exécution pour tenter d’obtenir une autorisation d’inscription d’hypothèque judiciaire sur le bien immobilier ayant appartenu à la Sci [A] afin de garantir ses droits dans le cadre d’une action totalement inopérante. Pour le surplus, Mme [K] [R] épouse [A] n’ayant jamais été débitrice de M.[U], la vente qu’elle a réalisé de son bien immobilier en octobre 2006 au profit de la Sci [A], époque où de surcroît M.[U] ne disposait d’aucun titre de créance à l’encontre de M.[S] [A], ne pouvait pas davantage fonder une action paulienne de M.[U] ni à son encontre ni à l’encontre de la Sci [A], pas plus que la prise consécutive d’une hypothèque judiciaire sur le bien acquis par ladite Sci.
S’agissant du nantissement des parts sociales détenues par M.[S] [A] dans la Sci [A] la Scp Ferrran a saisi le 15/06/2016 la Scp Laurent huissier de justice à Tarbes afin de faire signifier à la Sci [A] un acte de nantissement judiciaire des parts sociales détenues par M.[S] [A] dans cette société. Lors de la tentative de signification du 12 juillet 2016 il a été révélé à l’huissier instrumentaire d’une part, que l’immeuble constituant le siège de la Sci à laquelle l’acte devait être signifié avait été vendu un an auparavant, d’autre part, que le gérant de la Sci [A], M.[N] [A], était décédé, que Mme [R] veuve [A] refusait quant à elle de recevoir l’acte, précisant que l’immeuble vendu avait été le seul bien de la Sci et que cette dernière n’avait plus de bien immobilier dans son patrimoine, qu’enfin M.[S] [A] serait domicilié sur [Localité 3] sans plus de précisions. L’huissier instrumentaire constatant l’impossibilité dans laquelle il se trouvait de procéder au nantissement des parts sociales détenues par M.[S] [A] au sein de la Sci [A] a dressé un procès-verbal de tentative d’exécution pour faire valoir ce que de droit.
A supposer qu’un nantissement ait pu être valablement inscrit sur les parts sociales de M. [S] [A] dans la Sci [A] dès le 4 juin 2015, M.[U] admet en page 19 de ses écritures que ce nantissement de parts sociales n’interdisait pas la vente du bien immobilier par la Sci mais soutient qu’il aurait pu bloquer la vente du bien immobilier en sollicitant du juge des référés une interdiction pour ladite Sci de vendre, aliéner, transférer, donner, disposer, consentir une hypothèque ou une autre sûreté sur l’immeuble. Outre le fait que M.[U] ne caractérise pas les circonstances qui lui aurait permis d’obtenir une telle décision en référé à l’encontre de la Sci même s’il avait bénéficié d’un nantissement sur les parts sociales de M.[S] [A] à savoir, soit l’urgence, soit la nécessité de prévenir un dommage imminent ou de faire cesser un trouble manifestement illicite, une telle situation ne lui aurait néanmoins donné aucun droit sur le bien immobilier appartenant à la Sci.
Un nantissement ne l’aurait autorisé après l’échéance du plan de surendettement dont avait fait l’objet M.[S] [A] qu’à poursuivre la saisie, et, sous réserve que son débiteur n’exerce pas son droit à procéder à une vente amiable dans les conditions définies désormais par l’article R 221-30 du code des procédures civiles d’exécution, la vente forcée des titres gagés à son profit, sous réserve du respect de la procédure d’agrément prévue s’agissant des sociétés civiles par les articles 1861 et suivants du code civil et les statuts de la société.
Précisément en l’espèce, les statuts de la Sci tels que produits au débat prévoient que toute cession de parts sociales autre qu’au bénéfice d’un associé, d’un ascendant ou descendant d’un associé ou du conjoint d’un associé doit être soumise à l’agrément préalable obtenu par décision unanime des associés. Le décès de M.[N] [A], gérant associé de la Sci, survenu en février 2014, ne pouvait avoir pour effet de justifier la dissolution de la Sci familiale, cette hypothèse n’étant pas prévue par les statuts, etant en conséquence exclue par les dispositions de l’article 1870 du code civil. La transmission des parts des suites du décès d’un associé au profit des ascendants, descendants ou conjoint de l’associé décédé se réalisant sans aucune nécessité d’agrément en application de l’article 17 des statuts, les héritiers de M.[N] [A], dont son conjoint survivant Mme [K] [R] en application des articles 756 et suivants du code civil, et son fils M.[S] [A] étaient devenus ipso facto copropriétaires indivis des parts dont le défunt était titulaire dans la société. M. [U] ne peut donc utilement soutenir que des suites du décès de [N] [A], il aurait pu solliciter la dissolution de la société civile ni que M.[S] [A], son débiteur, était devenu titulaire de 66 parts dans le capital de la Sci [A], ni encore que les statuts de la société auraient dus être modifiés pour permettre la vente du bien immobilier dont la Sci était titulaire. A la date du 4 juin 2015, M.[S] [A] n’était titulaire que de 32 parts de la Sci en pleine propriété, dont la valeur nominale s’élevait à 48 € (32×1,50) , et de droits indivis avec sa mère Mme [K] [R] veuve [A] sur les 34 parts dont avait été titulaire [N] [A], décédé en 2014, droits indivis qui ne pouvaient quant à eux être saisis par le créancier d’un indivisaire en application des dispositions de l’article 815-17 alinéa 2 du code civil, seulement autorisé par la loi à provoquer un partage judiciaire entre les coïndivisaires. En aucun cas, des suites du décès de M.[N] [A], M.[U] n’aurait pu, contrairement à ce qu’il soutient, procéder à la saisie immobilière du bien immobilier appartenant à la Sci pour apurer les dettes de [S] [A] à l’encontre duquel seul il disposait de titres exécutoires de condamnation.
Le nantissement des parts dont était titulaire M.[S] [A], s’il avait été effectivement réalisé à compter du 4 juin 2015 pour tenter une réalisation forcée des titres, mesure d’exécution soumise à l’aléa non seulement d’une procédure de contestation mais aussi à celui d’une procédure d’agrément, n’aurait donc pu affecter que les 32 parts dont il était titulaire. Dans ces circonstances la vente de l’immeuble de la Sci décidée par les associés subsistants, intervenue début septembre 2015, ne pouvait être raisonnablement évitée, quelles qu’aient pu être les diligences de l’huissier instrumentaire.
Ainsi que rappelé ci-dessus, ce bien immobilier sur lequel M.[U] ne pouvait pas prétendre au bénéfice d’une inscription hypothécaire à défaut de toute créance à l’encontre de la Sci, était grevé d’inscriptions de privilège de deniers et d’hypothèque de premier rang au profit de la Société Générale jusqu’au 7 novembre 2026 en garantie d’une créance totale en principal, accessoires et sauf mémoire de 258.000 € en vertu d’un prêt de 170.000 € consenti le 27 octobre 2006 remboursable sur 240 mois au taux contractuel de 4,61%, créance garantie supérieure à la valeur de l’immeuble à la date de sa vente, intervenue le 4 septembre 2015 selon l’état des renseignements des formalités produit au débat pour un prix de 171.000€. La Société Générale dont le solde effectif de la créance garantie au jour de la vente n’est pas établi, la simulation de tableau d’amortissement produite par M.[U] faisant ressortir à début septembre 2015 un capital restant dû théorique de 142.773,19 € en l’absence de tout impayé, situation non certaine, a manifestement été désintéressée de ce solde sur le prix de réalisation de l’immeuble, pour avoir consenti à la radiation de son inscription radiée en totalité à la diligence du notaire instrumentaire de l’acte de vente le 31/10/2017 de manière simplifiée, soit nécessairement en application de l’article 2436 du code civil.
En conséquence M.[U] n’établit pas qu’il disposait d’une chance quelconque de récupérer quoi que ce soit sur le prix de l’immeuble vendu par la Sci, ni qu’une valeur résiduelle se soit retrouvée à l’issue du désintéressement de la Société Générale dans le patrimoine de la Sci.
M. [U] ne justifie par ailleurs d’aucune perte de chance raisonnable, des suites de l’absence d’inscription de nantissement sur les seules parts dont M.[S] [A] était titulaire en pleine propriété. La Sci ne disposant manifestant d’aucun patrimoine autre que l’immeuble vendu le 4 septembre 2015, en l’absence de toute justification d’un reliquat lui ayant bénéficié sur le produit de la vente, la réalisation forcée des seules 32 parts dont M.[S] [A] était titulaire en pleine propriété n’aurait pu produire au mieux qu’un montant égal à leur valeur nominale, soit 48 €. Une telle procédure exposant nécessairement le créancier poursuivant à des frais de réalisation forcée excédant en toute hypothèse 48 €, M.[U] ne justifie pas qu’il aurait pu tirer un profit quelconque d’une telle vente forcée.
Il résulte du tout que la seule abstention de l’huissier chargé du recouvrement de nature à caractériser un manquement à son obligation de diligence, à savoir l’absence d’inscription de nantissement sur les parts sociales dont était titulaire M. [S] [A] à la date du 4 juin 2015 dans la Sci [A], date d’échéance des mesures recommandées par la commission de surendettement, n’a pu générer pour M. [H] [U] aucune perte de chance raisonnable de récupérer tout ou partie de sa créance.
Le jugement entrepris doit en conséquence être confirmé en ce que le premier juge a débouté M.[H] [U] de toutes ses demandes à l’encontre de l’huissier chargé du recouvrement des créances pour lesquelles il était titré à l’égard de M.[S] [A].
Succombant en ses prétentions, M.[U] supportera les dépens de première instance, ainsi que retenu par le premier juge, et les dépens d’appel. Il se trouve redevable au titre de la procédure d’appel d’une indemnité sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile dans les conditions définies au dispositif du présent arrêt, sans pouvoir lui-même prétendre à l’application de ce texte à son profit.
PAR CES MOTIFS :
La Cour,
Confirme le jugement entrepris en toutes ses dispositions
Y ajoutant,
Condamne M.[H] [U] aux dépens d’appel
Condamne M.[H] [U] à payer à Me [I] [E], ès qualités de mandataire ad hoc de la Scp [L] [G] et [L] [T], une indemnité de 3.000 € sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile au titre de la procédure d’appel
Déboute M.[H] [U] de sa demande d’indemnité sur ce même fondement.
Le Greffier Le Président
N. DIABY C. ROUGER