Statuts de Société : 20 février 2023 Cour d’appel de Bordeaux RG n° 21/02255

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Statuts de Société : 20 février 2023 Cour d’appel de Bordeaux RG n° 21/02255
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COUR D’APPEL DE BORDEAUX

QUATRIÈME CHAMBRE CIVILE

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ARRÊT DU : 20 FEVRIER 2023

N° RG 21/02255 – N° Portalis DBVJ-V-B7F-MB5X

S.A.R.L. INTEGRAL

c/

Monsieur [K] [UM]

Nature de la décision : AU FOND

Grosse délivrée le :

aux avocats

Décision déférée à la Cour : jugement rendu le 11 mars 2021 (R.G. 17/02035) par le TJ hors JAF, JEX, JLD, J. EXPRO, JCP de BORDEAUX suivant déclaration d’appel du 15 avril 2021

APPELANTE :

S.A.R.L. INTEGRAL, prise en la personne de son représentant légal, domicilié en cette qualité au siège sis, [Adresse 3]

représentée par Maître Laurent BABIN de la SELARL ABR & ASSOCIES, avocat au barreau de BORDEAUX

INTIMÉ :

Monsieur [K] [UM], né le [Date naissance 1] 1955 à [Localité 5] ([Localité 4]), de nationalité Française, demeurant [Adresse 2]

représenté par Maître Camille BAILLOT, avocat au barreau de BORDEAUX et assisté par Maître Maximilien MATTEOLI de la SELARL ARMA, avocat au barreau de PARIS

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions de l’article 805 du Code de Procédure Civile, l’affaire a été débattue le 09 janvier 2023 en audience publique en double rapporteur, les avocats ne s’y étant pas opposés, devant Monsieur Jean-Pierre FRANCO, Président, chargé du rapport et Madame Sophie MASSON, Conseiller, composée de :

Monsieur Jean-Pierre FRANCO, Président,

Madame Marie GOUMILLOUX, Conseiller,

Madame Sophie MASSON, Conseiller,

qui en ont délibéré.

Greffier lors des débats : Monsieur Hervé GOUDOT

ARRÊT :

– contradictoire

– prononcé publiquement par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues à l’article 450 alinéa 2 du Code de Procédure Civile.

EXPOSE DU LITIGE:

Les sociétés SAS Soleeco, SARL Soleeco Technique et SARL Telline, appartenaient au Groupe Intégral, regroupant diverses sociétés dans le domaine du transport sanitaire d’urgence et diversifiant leur activité dans le domaine des énergies renouvelables.

La SARL Intégral détenait l’intégralité du capital de la SAS Soleeco, ayant pour activité la commercialisation, achat, vente et la négociation du système d’équipements thermiques et notamment de systèmes photovoltaïques.

La SAS Soleeco avait pour président M. [J] [V], également dirigeant des sociétés s’urs Soleeco Technique (assurant l’installation des panneaux photovoltaïques et thermiques vendus par la société Soleeco) et Telline (société de centres d’appels téléphoniques chargée de démarcher la clientèle pour le compte de la société Soleeco).

Les trois sociétés précitées avaient pour expert-comptable M. [F] [L] du groupe Expertise conseil, et la SAS Soleeco avait pour commissaire aux comptes M.[K] [UM], depuis sa constitution en 2009.

Au mois d’octobre 2014, la société Intégral a révoqué M. [V] de ses différents mandats sociaux au sein du groupe, pour perte de confiance.

Invoquant l’existence d’actes de concurrence déloyale et d’escroquerie commis par des sociétés dénommées ARISMEON et SIRIUS, crées sous le couvert du prête-nom des parents de Mme [G] [H], compagne de M. [V], la société Intégral a obtenu, par ordonnance sur requête du président du tribunal de commerce de Bordeaux en date du 6 novembre 2014, la désignation d’un huissier chargé d’effectuer une mesure d’instruction in futurum.

Par ailleurs, selon courrier de leur conseil en date du 12 janvier 2015, les sociétés du groupe Intégral ont déposé plainte devant le procureur de la République près le tribunal de grande instance de Bordeaux à l’encontre de M. [J] [V] et de Mme [G] [H] des chefs d’abus de biens sociaux, présentation de comptes annuels inexacts, faux et usage de faux, complicité et recel.

Par jugement en date du 17 mai 2018, le tribunal correctionnel de Bordeaux a renvoyé les prévenus des fins de la poursuite en déclarant les parties civiles irrecevables.

À la suite de l’appel interjeté contre ce jugement, la cour d’appel de Bordeaux a, par arrêt en date du 11 septembre 2020, infirmé le jugement en ce qu’il avait déclaré irrecevable la constitution de partie civile de la SELARL [S], en sa qualité de mandataire à la liquidation des sociétés Soleeco, en condamnant M. [V] au paiement de la somme de 1200 euros et en rejetant toutefois le surplus des demandes des parties civiles.

À la demande de la société Integral, qui invoquait l’existence d’anomalies comptables, de nature à travestir la situation financière réelle de la société Soleeco, M. [L] a établi un compte annuel rectifié, déposé le 7 janvier 2015, dont il ressortait un résultat courant avant impôt de – 292 463 euros et une perte sur l’exercice de 275 966 euros soit une différence de 561 448 euros entre le bénéfice présenté sur les comptes 2013 en avril 2014 et la perte ressortant des comptes rectifiés en janvier 2015.

Par lettre recommandée avec accusé de réception en date du 7 janvier 2015, la société Intégral a alors notifié à la Société Générale et au Crédit Agricole sa décision de mettre fin aux cautionnements solidaires jusqu’alors consentis à la société Soleeco afin de garantir les découverts bancaires de cette dernière.

À la réception des courriers de la société Intégral, les banques ont immédiatement dénoncé les concours consentis (le 12 janvier 2015 ce qui concerne la Société Générale et le 13 janvier 2015 en ce qui concerne le Crédit Agricole), puis elles ont sollicité paiement des sommes dues auprès de la société Intégral.

Par jugement en date du 14 janvier 2015, le tribunal de Commerce de Bordeaux a ouvert une procédure de liquidation judiciaire immédiate à l’égard de la société Soleeco, ainsi qu’à l’égard de la société Inovea (anciennement dénommée Soleeco Technique, filiale chargée de la pose des installations) et de la société Telline.

Se fondant sur un rapport réalisé à sa demande par M. [M] [OB], expert-comptable, la SARL Intégral a, par acte en date du 20 février 2017, fait assigner M. [K] [UM] devant le tribunal de grande instance de Bordeaux (devenu tribunal judiciaire) en soutenant que celui-ci avait engagé sa responsabilité professionnelle en certifiant sans réserve les comptes de la société SAS Soleeco arrêtés au 31 décembre 2013, alors que ceux-ci étaient erronés de plus de 561 000 euros, sans effectuer les diligences relevant de sa mission légale, ce qui lui avait fait perdre une chance de pouvoir notifier sans délai aux banques concernées sa décision de mettre fin aux cautionnements consentis.

Devant le tribunal, M. [K] [UM] a conclu à l’irrecevabilité de l’action, pour défaut d’intérêt et de qualité à agir, et subsidiairement au débouté, en contestant l’existence d’une faute imputable et d’un préjudice indemnisable, comme d’un lien de causalité entre la faute alléguée et le préjudice.

Par jugement en date du 11 mars 2021, tribunal judiciaire de Bordeaux a :

– déclaré irrecevable la demande de la société Intégral tendant à la condamnation de M. [K] [UM] à lui payer la somme de 90 090 euros en réparation de son préjudice au titre des sommes versées à M. [V],

– déclaré recevable la demande tendant à la condamnation de M. [UM] à lui payer la somme de 489 741 euros au titre de la perte de chance,

– débouté la société Intégral de sa demande,

– dit que chaque partie conservera la charge de ses frais irrépétibles,

– condamné la société Intégral aux dépens.

Pour statuer comme il l’a fait, le tribunal a retenu, pour l’essentiel :

– que la société Intégral n’avait pas qualité à demander réparation du préjudice causé par le versement d’indemnités à M.[V], dès lors que les sommes n’ont pas été payées par ses soins mais par les sociétés en liquidation judiciaire,

– qu’il ne pouvait être reproché au commissaire aux comptes de ne pas avoir recherché d’éventuelles anomalies ou fraude possible,

– qu’en revanche, il avait commis des négligences en omettant d’alerter la société Intégral sur les indices résultant d’un examen des comptes, tenant au montant des créances douteuses (sans provisions suffisantes à ce titre), et à la balance anormale des comptes clients ordinaires,

– que toutefois ces négligences n’étaient pas en rapport de causalité avec le préjudice invoqué par la société Intégral, à savoir la perte de chance de se dénoncer plus tôt ses engagements de caution solidaire.

Par déclaration en date du 15 avril 2021, la société Intégral a relevé appel partiel du jugement en ce qu’il a:

– déclaré irrecevable la demande de la société Intégral tendant à la condamnation de M. [K] [UM] à lui payer la somme de 90 090 euros en réparation de son préjudice au titre des sommes versées à M. [V],

– débouté la société Intégral de sa demande,

– dit que chaque partie conservera la charge de ses frais irrépétibles,

– condamné la société Intégral aux dépens.

Dans ses dernières conclusions notifiées par message électronique le 5 janvier 2023, la SARL Intégral demande à la cour :

A titre liminaire : ordonner le report de l’ordonnance de la clôture et fixer la clôture au jour des plaidoiries.

A titre principal, sur la nullité du jugement,

Vu l’article 6 § 1 de la Convention européenne de sauvegarde,

– Déclarer nul le jugement rendu par la 5 ème chambre du Tribunal Judiciaire de Bordeaux en date du 11 mars 2021, RG n°17/02035,

A titre subsidiaire, sur la réformation du jugement

– Réformer le jugement rendu par la 5 ème chambre du Tribunal Judiciaire de Bordeaux en date du 11 mars 2021, RG n°17/02035, en l’ensemble de ses dispositions en ce qu’il a :

– Déclaré irrecevable le chef de demande de la société Intégral tendant à la condamnation de M. [K] [UM] à lui payer une somme de 90 090 euros en réparation de son préjudice au titre des sommes versées à M. [V],

– Débouté la société Intégral de sa demande tendant à la condamnation de M. [UM] à payer une somme de 489 741 euros au titre de la perte de chance,

– Dit que chaque partie conserva à sa charge les frais engagés non compris dans les dépens,

– Condamné la société Intégral aux dépens.

‘ DANS TOUS LES CAS, STATUANT A NOUVEAU :

Vu l’article L 822-17 al. 1 du Code de commerce,

Vu l’article 1240 du Code civil,

Vu la norme NEP 315 homologuée par arrêté du 21 juin 2011 publié au J.O. n° 0178 du 3 août 2011,

– Déclarer la société Intégral recevable et bien fondée en ses demandes et y faisant droit,

– Déclarer que M. [K] [UM] a commis une faute dans l’exercice de sa mission de contrôle des comptes de la société Soleeco, en certifiant sans réserve des comptes présentant des anomalies majeures, décelables par tout commissaire aux comptes normalement diligent, et plus largement en s’abstenant d’effectuer les diligences normales dans l’accomplissement de sa mission ;

– Déclarer que la faute commise par M. [K] [UM] a causé à la société Intégral un préjudice, né de la perte de chance d’une part de n’avoir pu dénoncer dès le mois de juin 2014 les engagements de caution consentis auprès des banques en garantie des crédits octroyés à la SAS Soleeco, d’autre part d’avoir acquitté diverses indemnités de révocation à M. [V] qui n’auraient pas été versées si la société Intégral avait eu connaissance d’une situation

comptable fidèle et exacte ;

‘ A TITRE PRINCIPAL :

– Déclarer que la perte de chance subie par la société Intégral devra être évaluée à 99 % de la différence entre les sommes qui ont été effectivement exigés par les banques auprès de la société Intégral en sa qualité de caution, au titre des soldes débiteurs de Soleeco le 13 janvier 2015, et les montants qui auraient été exigés par les banques au titre des soldes débiteurs de Soleeco le 18 juin 2014 ;

– Déclarer que la perte de chance subie par la société Intégral devra être évaluée à 99 % des sommes versées à M. [V] au titre de la cession des parts de la société Telline et à l’occasion de sa révocation de ses différents mandats au sein des sociétés Telline et Soleeco TECHNIQUE ;

En conséquence,

– Condamner M. [K] [UM] à payer à la société Intégral la somme de 90.090 euros en réparation de son préjudice au titre des sommes versées à M. [V] au titre de la cession des parts de la société Telline et à l’occasion de sa révocation de ses différents mandats au sein des sociétés Telline et Soleeco TECHNIQUE,

– Condamner M. [K] [UM] à payer à la société Intégral la somme de 489.741 euros en réparation de son préjudice au titre de la perte de chance d’avoir eu à payer la différence entre les sommes qui ont été effectivement exigés par les banques auprès de la société Intégral en sa qualité de caution, au titre des soldes débiteurs de Soleeco le 13 janvier 2015, et les montants qui auraient été exigés par les banques au titre des soldes débiteurs de Soleeco le 18 juin 2014 ;

– Condamner M. [K] [UM] à rembourser à la société Intégral le montant des honoraires acquittés auprès de M. [OB] au titre de son rapport, qui a permis de préciser les manquements de M. [K] [UM] dans l’accomplissement de la mission de commissariat aux comptes ;

‘ A TITRE SUBSIDIAIRE :

Si par impossible la Cour retenait que la société Intégral a commis des négligences de nature à exonérer partiellement le Commissaire aux comptes de sa responsabilité :

– Déclarer que la responsabilité du Commissaire aux comptes est partiellement engagée, à hauteur des 2/3 du préjudice subi par la Société Intégral,

En conséquence,

– Condamner M. [K] [UM] à payer à la société Intégral la somme de 60.060 euros en réparation de son préjudice au titre des sommes versées à M. [V] au titre de la cession des parts de la société Telline et à l’occasion de sa révocation de ses différents mandats au sein des sociétés Telline et Soleeco TECHNIQUE.

– Condamner M. [K] [UM] à payer à la société Intégral la somme de 326.494 euros en réparation de son préjudice au titre de la perte de chance d’avoir eu à payer la différence entre les sommes qui ont été effectivement exigés par les banques auprès de la société Intégral en sa qualité de caution, au titre des soldes débiteurs de Soleeco le 13 janvier 2015, et les montants qui auraient été exigés par les banques au titre des soldes débiteurs de Soleeco le 18 juin 2014.

‘ A TITRE INFINIMENT SUBSIDIAIRE :

DANS L’HYPOTHESE où la Cour devrait considérer ne pas être suffisamment informée pour pouvoir statuer sur les fautes commises par M. [UM] dans l’exercice de sa mission de commissaire aux comptes de la société Soleeco, du montant des préjudices subis par la société Intégral en raison des fautes de M. [UM] et de l’existence du lien de causalité entre les fautes de ce dernier et les préjudices subis par la société Intégral,

– ORDONNER une expertise judiciaire et nommer un expert spécialisé en la matière avec pour mission de :

– Etablir si M. [K] [UM] en sa qualité de Commissaire aux comptes de la SAS Soleeco a commis une faute en certifiant sans réserve les comptes de cette société arrêtés au 31 décembre 2013 alors que ceux-ci étaient erronés de plus de 561 000 euros.

– Etablir les préjudices subis par la société Intégral en raison des fautes de M. [K] [UM] en sa qualité de Commissaire aux comptes de la SAS Soleeco au titre de la certification sans réserve les comptes de cette société arrêtés au 31 décembre 2013 alors que ceux-ci étaient erronés de plus de 561 000 euros, préjudices consistant en la perte de chance d’avoir pu dénoncer dès le mois de juin 2014 les engagements de caution consentis auprès des banques en garantie des crédits accordés à la société Soleeco et la perte de chance de ne pas avoir acquitté auprès de M. [V] les indemnités de révocations susvisées.

– Etablir le lien de causalité entre les préjudices subis par la société Intégral en raison des fautes de M. [K] [UM] en sa qualité de Commissaire aux comptes de la SAS Soleeco au titre de la certification sans réserve les comptes de cette société arrêtés au 31 décembre 2013 alors que ceux-ci étaient erronés de plus de 561 000 euros, préjudices consistant en la perte de chance d’avoir pu dénoncer dès le mois de juin 2014 les engagements de caution consentis auprès des banques en garantie des crédits accordés à la société Soleeco et la perte de chance de ne pas avoir acquitté auprès de M. [V] les indemnités de révocations susvisées.

‘ EN TOUT ETAT DE CAUSE :

– REJETER l’ensemble des demandes, fins et prétentions de M. [K] [UM] ;

– Condamner M. [K] [UM] à la somme de 10 000 euros en application des dispositions de l’article 700 du Code de procédure civile en cause d’appel.

Par dernières conclusions notifiées le 3 janvier 2023, M. [K] [UM] demande à la cour de :

A titre liminaire,

Ordonner la révocation de l’ordonnance de clôture prononcée le 26 décembre 2022,

Recevoir les présentes conclusions,

Vu l’article 430 du Code de procédure civile,

Débouter la société Intégral de sa demande de nullité du jugement entrepris.

A titre principal,

Vu les articles 30, 31, 32 et 122 du Code de Procédure civile,

Confirmer le jugement entrepris en ce qu’il a jugé irrecevable la demande de la société Intégral de se voir indemnisée des indemnités versées par ses filiales à M. [V],

Infirmer le jugement entrepris en ce qu’il a jugé recevables les autres demandes,

Statuant à nouveau,

Juger irrecevable l’action en indemnisation de la société Intégral pour défaut de qualité et d’intérêt à agir,

Débouter en conséquence la société Intégral de l’ensemble de ses demandes, fins et conclusions à l’encontre de M. [UM],

A titre subsidiaire,

Vu l’article L. 822-17 du Code de commerce

Vu l’article 1240 du Code civil,

Confirmer le jugement entrepris en ce qu’il a jugé que les conditions de la responsabilité de M. [UM] n’étaient pas réunies,

Juger que la société Intégral ne démontre pas l’existence d’une faute de la part de M. [UM], ni d’un préjudice indemnisable et d’un lien de causalité entre cette

faute et ce préjudice,

Débouter en conséquence la société Intégral de l’ensemble de ses demandes, fins et conclusions à l’encontre de M. [UM],

Vu les articles 146, alinéa 2, 238 et 566 du Code de procédure civile,

A titre principal,

Juger irrecevable et mal fondée la demande d’expertise formulée par la société Intégral en cause d’appel,

Débouter en conséquence la société Intégral de sa demande d’expertise

judiciaire,

Subsidiairement,

Amender la mission sollicitée, en :

– Supprimant l’intégralité des chefs de missions sollicités qui se substituent au pouvoir juridictionnel de la Cour,

– Ajouter un chef de mission portant sur la connaissance par Intégral de la situation financière de la société Soleeco au premier semestre de l’année 2014.

En tout état de cause,

Vu l’article 700 du Code de Procédure civile,

Condamner la société Intégral à payer à M. [UM] la somme de 25.000 euros au titre des frais irrépétibles, ainsi qu’aux entiers dépens de première instance et d’appel.

En application de l’article 455 du code de procédure civile, la cour renvoie expressément aux dernières conclusions précitées des parties pour plus ample exposé de leurs prétentions et moyens.

L’ordonnance de clôture est intervenue le 26 décembre 2022.

Lors de l’audience du 9 janvier 2023, les parties ont fait part de leur accord pour la révocation de l’ordonnance de clôture.

Par message électronique en date du 16 janvier 2023, les parties ont été invitées à faire valoir leurs observations éventuelles sur l’application des dispositions de l’article 562 du code de procédure civile, et sur l’absence éventuelle d’effet dévolutif de la déclaration d’appel, concernant la demande de nullité du jugement entrepris.

Par message électronique notifié par son conseil le 1er février 2023, M. [K] [UM] a demandé à la cour, au visa de l’article 562 du code de procédure civile, de juger qu’elle n’était pas saisie d’une demande de nullité du jugement.

Par message électronique notifié par son conseil le 6 février 2023, la société Intégral fait valoir que sa demande de nullité du jugement est recevable, même si elle ne figurait pas dans la déclaration d’appel, s’agissant d’un moyen aux fins de réformation du jugement en ses chefs critiqués.

Elle ajoute que la demande de nullité est fondée sur l’irrégularité de la composition de la juridiction de première instance, laquelle porte atteinte aux droits de la défense, de sorte qu’il s’agit d’une nullité d’ordre public qui affecte le jugement et qui doit être soulevée d’office par la juridiction saisie.

Elle précise enfin que l’annexe numéro un au rapport d’expertise de M. [OB] est un état des créances douteuses qui avait été établi par la société d’expertise comptable Soleeco, et qui aurait dû alerter le commissaire aux comptes.

MOTIFS DE LA DECISION:

Sur la demande de rabat de l’ordonnance de clôture :

1- Eu égard à l’accord des parties sur ce point, et afin d’assurer le respect du contradictoire, il convient d’ordonner le rabat de l’ordonnance de clôture prononcée le 26 décembre 2022, et de fixer la clôture de l’instruction à la date de l’audience, avant les plaidoiries, de sorte que les conclusions notifiées respectivement le 3 janvier 2023 et le 5 janvier 2023 par M. [K] [UM] et par la SARL Intégral seront déclarées recevables.

Sur la demande de nullité du jugement:

2- La société Intégral demande à la cour d’annuler le jugement, sur le fondement de l’article 6-1 de la Convention européenne de sauvegarde des Droits de l’Homme et des libertés fondamentales, au motif que l’un des magistrats ayant délibéré sur l’affaire (Mme [T] [B]) avait présidé la formation du tribunal correctionnel ayant statué par jugement du 17 mai 2018.

2- Au visa de l’article 430 du code civil, M. [UM] conclut à l’irrecevabilité de cette demande de nullité, dès lors que la prétendue irrégularité dans le composition du tribunal n’a pas été présentée lors de l’ouverture des débats, et qu’au surplus, Mme [B] n’a pas participé à l’élaboration de l’arrêt partiellement infirmatif de la cour d’appel de Bordeaux en date du 11 septembre 2020.

3- La cour rappelle que selon les dispositions de l’article 542 du code de procédure civile, l’appel tend, par la critique du jugement rendu par les juridictions du premier degré, à sa réformation ou à son annulation par la cour d’appel.

De plus, selon les dispositions de l’article 562 du code de procédure civile, l’appel défère à la cour la connaissance des chefs du jugement qu’il critique expressément et de ceux qui en dépendent. La dévolution ne s’opère pour le tout que lorsque l’appel tend à l’annulation du jugement ou si l’objet du litige est indivisible.

Par ailleurs, il est constant que seul l’acte d’appel opère la dévolution des chefs critiqués du jugement et détermine l’étendue de la saisine de la cour d’appel. Des conclusions ultérieures sont inopérantes à étendre la dévolution.

En l’espèce, dans sa déclaration d’appel du 15 avril 2021, la SARL Intégral n’avait pas demandé la nullité du jugement et n’avait formé qu’un appel partiel en visant les chefs expressément critiqués du jugement, à savoir en ce qu’il a :

– déclaré irrecevable la demande de la société Intégral tendant à la condamnation de M. [K] [UM] à lui payer la somme de 90 090 euros en réparation de son préjudice au titre des sommes versées à M. [V],

– déclaré recevable la demande tendant à la condamnation de M. [UM] à lui payer la somme de 489 741 euros au titre de la perte de chance,

– débouté la société Intégral de sa demande,

– dit que chaque partie conservera la charge de ses frais irrépétibles,

– condamné la société Intégral aux dépens.

4- Il en résulte que la demande de nullité du jugement, qui ne constitue pas un moyen mais une prétention spécifique distincte de la réformation, et qui n’a été formée que par conclusions et non dans la déclaration d’appel, doit être déclarée irrecevable, quand bien même la nullité alléguée serait d’ordre public.

En outre, au regard des dispositions des articles 4 et 5 du code de procédure civile, la cour ne peut, sans excéder ses pouvoirs, ni modifier l’objet du litige, prononcer d’office une nullité qui ne lui a pas été demandée de manière régulière.

Sur la recevabilité des demandes à l’encontre de M.[UM] :

Concernant la demande en paiement de la somme de 489’741 euros :

5- Au visa des articles 31 et 122 du code de procédure civile, M. [UM] conclut à l’irrecevabilité des demandes formées à son encontre, en paiement de la somme de 489 741 euros, pour défaut de qualité à agir, dès lors que la société Intégral, subrogée dans les droits de la Société Générale et de la Caisse Régionale de Crédit Agricole, et devenue créancière de la société Soleeco, ne peut s’opposer au monopole d’action dévolu au mandataire liquidateur de ladite société, s’agissant d’un préjudice subi collectivement par tous les créanciers.

6- La cour relève que la société appelante invoque bien un préjudice spécial et personnel, distinct de celui subi collectivement par les créanciers, en soutenant qu’elle a subi une perte de chance de ne pas avoir à exécuter une partie de son engagement de caution solidaire et de ne pas être poursuivie en paiement, par suite de la faute et des négligences imputées au commissaire aux comptes.

7-Il convient donc de confirmer le jugement en ce qu’il a déclaré cette demande recevable.

Concernant la demande en paiement de la somme de 90’090 euros :

7- M. [UM] conclut également à l’irrecevabilité de la demande formée à son encontre au titre des sommes versées à M.[V], qui ont été payées par les sociétés en liquidation, et non par la société Intégral.

8- La société Intégral réplique que si elle avait été avertie de la réalité de la situation comptable, elle n’aurait jamais accepté de négocier avec M.[V], et n’aurait pas approuvé les résolutions octroyant des indemnités de révocation à ce dernier, qu’elle a directement financées, ce qui lui occasionne une préjudice personnel en qualité d’associée majoritaire des sociétés Telline et Soleeco Technique.

9- L’indemnité sollicitée (90 000 euros) correspond pour partie à la perte de chance, invoquée par la société Integral, de ne pas avoir à payer à M. [V] les sommes suivantes :

– la somme de 35000 euros, au titre de son indemnité de révocation de ses fonctions de gérant la société Telline,

– la somme de 35000 euros, au titre de son indemnité de révocation de ses fonctions de gérant la société Soleeco Technique.

Il convient de constater que ces indemnités correspondent à des obligations mises à la charge des deux sociétés précitées, par délibérations des assemblées générales extraordinaires du 7 octobre 2014.

Il ne ressort nullement des productions que la société Integral ait payé ces indemnités à M. [V] et sa seule qualité d’associée majoritaire ne lui confère pas un intérêt à agir en justice, au lieu et place des sociétés Telline et Soleeco Technique, titulaires chacune d’une personnalité morale propre.

10- Il convient donc de confirmer le jugement en ce qu’il a déclaré la société Integral irrecevable en ces deux chefs de demandes.

11- En revanche, aux termes du protocole signé le 7 octobre 2014, M. [J] [V] a bien cédé à la SARL Integral les 210 parts sociales dont il était propriétaire depuis le 8 février 2014 dans le capital social de la SARL Telline, contre paiement de la somme de 21000 euros, par la société Integral, cessionnaire.

Dès lors que le préjudice invoqué correspond à une partie de la somme ainsi payée par la société Integral, celle-ci dispose d’un intérêt à agir à ce titre.

12- Le jugement sera donc infirmé sur ce point, et la demande formée de ce chef sera déclarée recevable.

Sur le bien fondé de la demande en paiement :

Sur les fautes :

13- La société appelante soutient que M.[UM] a commis une faute, engageant sa responsabilité surle fondement des articles L.822-17, L.823-9, L.823-10, L.823-13 du code de commerce et sur le fondement de la norme NEP 315 (désormais codifiée à l’article A 823-1), en certifiant sans réserves, sans aucune vérification utile ni prise en compte de la spécificité du secteur d’activité, les comptes de la SAS Soleeco arrêtés au 31 décembre 2013, faisant état d’un bénéfice de 285 482 euros, alors qu’en réalité, ces comptes étaient déficitaires de 275 966 euros, soit un écart de plus de 561 449 euros.

14- M.[UM] réplique que la preuve d’une faute n’est pas rapportée, au regard de l’obligation de moyens à sa charge, qui ne porte que sur la vérification des valeurs et documents comptables, et la contrôle de la conformité de la comptabilité sociale aux règles en vigueur, par une technique de sondages et de sélection d’élements à tester; de sorte que la seule existence d’une fraude opérée au sein de l’unité contrôlée ne suffit pas à engager sa responsabilité.

15- La cour rappelle que selon les disposition de l’article L.822-17 du code de commerce, les commissaires aux comptes sont responsables, tant à l’égard de la personne ou de l’entité que des tiers, des conséquences dommageables des fautes et négligences par eux commises dans l’exercice de leurs fonctions.

Selon l’article L.823-9 du code de commerce, les commissaires aux comptes certifient, en justifiant de leurs appréciations, que les comptes annuels sont réguliers et sincères et donnent une image fidèle du résultat des opérations de l’exercice écoulé ainsi que de la situation financière et du patrimoine de la personne ou de l’entité à la fin de cet exercice.

Dans sa rédaction applicable au litige, l’article L.823-10 du code de commerce dispose que les commissaires aux comptes ont pour mission permanente, à l’exclusion de toute immixtion dans la gestion, de vérifier les valeurs et les documents comptables de la personne ou de l’entité dont ils sont chargés de certifier les comptes et de contrôler la conformité de sa comptabilité aux règles en vigueur.

Ils vérifient également la sincérité et la concordance avec les comptes annuels des informations données dans le rapport de gestion du conseil d’administration, du directoire ou de tout organe de direction, et dans les documents adressés aux actionnaires ou associés sur la situation financière et les comptes annuels. Ils attestent spécialement l’exactitude et la sincérité des informations relatives aux rémunérations et aux avantages de toute nature versés à chaque mandataire social.

Ils vérifient, le cas échéant, la sincérité et la concordance avec les comptes consolidés des informations données dans le rapport sur la gestion du groupe.

Enfin, la norme NEP 315 prise en application de l’article L.821-1 du code de commerce, définit les principes relatifs à la prise de connaissance de l’entité et à l’évaluation du risque d’anomalies significatives dans les comptes.

16- Il en résulte que la commissaire aux comptes n’est débiteur, en principe, que d’une obligation de moyens, et que sa faute s’apprécie par rapport à ce qu’aurait fait un professionnel prudent, attentif et avisé, placé dans cette situation.

Le seul fait que des irrégularités ou erreurs comptables aient pu affecter des comptes certifiés par le commissaire aux comptes ne suffit donc pas à considérer ce dernier comme fautif, et il incombe au demandeur à l’action de démontrer qu’un commissaire aux comptes diligent placé dans les mêmes circonstances aurait agi différemment.

17- La société Integral reproche à M. [K] [UM] de ne pas avoir tenu compte de la spécificité du secteur d’activité de la société Soleeco et d’avoir certifié sans vérifications utiles ni diligences normales, les comptes de cette société arrêtés au 31 décembre 2013, faisant état d’un bénéfice de 285482 euros, alors qu’en réalité ces comptes étaient déficitaires de 275 966 euros.

18 – En particulier, elle lui fait grief, en premier lieu, de ne pas avoir constaté l’absence de provisions pour risques, alors que le compte charges faisait apparaître un compte 622 620 (honoraires juridiques) présentant un solde débiteur de 50 801,83 euros.

18-Dans son expertise amiable, M. [OB] indique en effet qu’il n’existait pas de provision pour risque dans les comptes certifiés par M. [UM], alors que les comptes rectifiés comportent une provision sur risques de 337845 euros et que le rapprochement effectué par ses soins entre le compte honoraires KPDB (société d’avocats) affichant un solde de 50 801,83 euros et les clients concernés permettait de constater l’existence d’au moins 7 clients douteux, n’ayant pas donné lieu à provision pour créances douteuses, ou à des provisions minimes (10 % pour trois d’entre eux).

19- La cour relève que l’absence de provision pour risques ne constituait pas en soi une anomalie comptable ainsi d’ailleurs que M. [OB] l’a mentionné dans son rapport.

Elle présentait toutefois un aspect anormal compte tenu d’une part, de la provision pour risque qui avait été comptabilisée lors de l’exercice précédent clos le 31 décembre 2012 (soit 122099.12 euros) et de l’activité exercée par la société Soleeco, à savoir la vente hors établissement auprès de particuliers de matériels photovoltaiques destinés à la production d’électricité, qui exposait la société à des contestations de la part des particuliers, voire à des contentieux liés à la validité des contrats au regard des règles protectrices du code de la consommation, et à la qualité des prestations fournies.

Par ailleurs, le compte 622 620 Honoraires juridiques comportait un solde débiteur de 50807.83 euros dans le compte annuel initial de l’exercice 2013 dressé par M. [L], expert-comptable.

S’il est constant que ce montant ne présentait pas un caractère particulièrement important au regard du chiffre d’affaires de la société Soleeco (soit 6 077 993.69 euros), il devait cependant être mis en regard du nombre d’écritures (65) correspondant à autant de paiements d’honoraires pour des dossiers en cours, avec à plusieurs reprises mentions de SCP autres que la société d’avocats KPDB (avocat habituel de la SARL Integral), outre des indications telles que ‘recouvrement’, ‘compagnie juridique’, ‘goupe expertise conseil’, ‘huissier’, ce dont il se déduisait, à la seule lecture du détail de ce compte, que la société Integral avait recours aux services de son avocat pour des prestations autres que le simple conseil juridique, et se trouvait en revanche exposée à un risque ‘clients douteux’.

Or, M.[UM], qui n’a produit aucun dossier relatif à ses travaux de vérifications, et n’a pas donné suite à la sommation de communiquer qui lui a été délivrée, ne justifie d’aucune vérification complémentaire ou sondage sur ce point.

La faute du commaissaire aux comptes est donc suffisamment caractérisée de ce chef.

20- La société appelante reproche en outre à M.[UM] de ne pas avoir remarqué la disproportion entre le montant des créances douteuses, figurant au bilan pour 237 363,86 euros HT, et la provision globale pour créances douteuses, ne s’élevant qu’à 33 530,33 euros, soit 14,13%, de sorte qu’il aurait dû réclamer dans cette situation un état des créances douteuses, ce qu’il n’a manifestement pas fait.

Dans les comptes rectifiés, le montant de de la provision pour créances douteuses a été porté à 164 033 euros soit 68 %.

21- M. [UM] réplique sur ce point qu’il n’est pas démontré que le bilan rectifié soit exact, que la société avait fait réponse à la demande d’explications sur le tableau des créances douteuses (annexe 1), ce qui lui a ensuite permis de certifier les comptes et de valider le montant des provisions comptabilisées, déjà préalablement contrôlé par l’expert-comptable, et qui était voisin de celui de l’exercice précédent (49 276 euros).

22- La cour relève que les deux autres données chiffrées du bilan certifié par le commissaire aux comptes ne sont pas contestables (créances douteuses pour 237 363 euros et provisions pour créances douteuses de 33 530,33 euros).

Il résulte certes du tableau figurant en annexe 1 du rapport d’expertise de M. [OB] que l’expert-comptable [L] avait dressé la liste des créances douteuses du compte 416, pour un montant de 279700.49 euros en mentionnant ses interrogations, tenant à l’ancienneté de la facture, au montant restant exigible et aux possibilités d’en obtenir le paiement.

23- Toutefois, les réponses apportées par la société comportaient des anomalies apparentes, dès lors que seul un nombre très limité de créances faisaient l’objet d’une provision de 100 % alors que les créances les plus importantes (pourtant de 2011 ou 2012) ne donnaient lieu qu’à une provision très réduite comprise entre 5 et 15 %.

24- Il apparaît que le commissaire aux comptes avait conscience de la nécessité d’approfondir les contrôles en ce qui concerne les créances douteuses, et que le tableau de synthèse dressé par l’expert comptable n’était pas suffisant pour apprécier le montant de la provision pour risques à retenir.

En effet, par courriel adressé le 21 juillet 2014 (pièce 6 de l’appelante), M. [UM] a indiqué à M. [C], directeur administratif et financier de la société Soleeco :

‘Je projette de venir à Caneja pour finaliser certains points sur Soleeco vendredi matin si vous n’êtes pas libres l’attente de votre choix en début de semaine prochaine. Parmi ces points : assurance, police, contrat : les comptes clients selon détail suivant.

Nous avions relevé un certain nombre de créances 2012 – 2013 qui n’étaient pas soldées au 31 mars 2014, pourriez-vous nous indiquer lors de notre passage si ses créances ont été soldées à ce jour et où en sont les procédures de recouvrement amiable ou judiciaire dans le cas contraire’

Quand Monsieur [V] prend-t-il ses congés, est-il possible de le rencontrer courant semaine prochaine en fonction de vos réponses sur l’avancement des encaissements de créances’

Le courriel détaillé ensuite les créances clients donnant lieu à demande de précisions :

[SC] 29 mai 2013 : 38’000 euros

[PG] [AB]: 15/5/2013 : 41’262 euros

[I] [KT]: 25 mai 2012: 44’608 euros

[R] [ZA]: novembre 2013 : 43’056 euros

[Z] [E]; 30 aout 2013 : 46’188 euros

[N] [SJ]: 30 octobre 2012 : 27’214 euros

[W] août 2012 : 45’531 euros

Monzie mars 2013 : 22’175 euros

[HK] 28 décembre 2012 : 30’939 euros

Calberson Litige casse, 2 septembre 2013 : 32’325 euros

[RE] [P] 26 mai 2013 : 11’770 euros

Factures second semestre 2013 :

Demaillard: 21 octobre 2013 : 39’347 euros

Dumestre: 24 septembre 2013 : 36’322 euros

Hiard: 29 novembre 2013 : 34’000 euros

[Y] [X] 31 décembre 2013 : 17’470 euros

jardin des lauréats : 30 septembre 2013 : 31’381 euros

[D] : 31 décembre 2013 : 14’800 euros

[MW] [VS], solde septembre 2013 : 21’696 euros

[EC] [U] : 6 septembre 2013 : 10’271 euros

[IP] [A]: 4 septembre 2013 : 20’116 euros

[XV] [TH] novembre 2013 : 34’934 euros

Soit un total de 643 405 euros.

En réponse, Monsieur [FH] [C] a signalé au commissaire aux comptes que le dirigeant n’était pas disponible le vendredi matin, et M. [UM] a convenu le 23 juillet 2013 d’échanger par téléphone avec M. [V], sur ‘ce problème des créances clients’ (fin du courriel).

Or, il ne ressort d’aucune des pièces des parties que des précisions pertinentes aient été apportées à M. [UM], au terme de son entretien avec M. [V].

Il en résulte que M. [UM] a commis une négligence fautive en certifiant des comptes 2013 dont le poste provision pour 33530.33 euros (soit un ratio très faible de 14 % des créances douteuses), dont le montant était en diminution par rapport à l’exercice précédent, et sans justifier du résultat des contrôles complémentaires qu’il estimait lui-même nécessaires, qui correspondaient pourtant à des diligences normales de la part d’un commissaire aux comptes.

Des investigations s’imposaient d’autant plus que pour quatre clients ([I], [N], [W] et [HK]), représentant un total de créances de 148 292.74 euros, les dossiers avaient plus d’une année d’ancienneté, et qu’un tel délai présentait un caractère anormal s’agissant de contrats d’installation de panneaux photovoltaique financés par recours à des crédits affectés, pour lesquels le capital est versé à l’installateur dès la signature, par les clients, de l’attestation de livraison conforme.

25- L’existence d’une faute du commissaire aux comptes est donc également caractérisée sur ce point.

26- L’intimé ne peut utilement se prévaloir du fait que le rapport de M. [OB] a été établi à la demande de la société Integral, dès lors, d’une part, que ce rapport a été régulièrement versé au débat et a pu être librement et contradictoirement discuté par les parties, et, d’autre part, que les observations et conclusions précises et circonstanciées faites par M. [OB] se trouvent corroborées par le simple examen des comptes de l’exercice 2013 tels que certifiés par M. [UM], et par celui des comptes rectifiés en 2015, dont rien ne démontre le caractère erroné.

La négligence fautive de M. [UM] se trouve en outre établie par son incapacité à produire la preuve des diligences accomplies par ses soins avant certification des comptes de l’exercice 2013, en dépit de la sommation de communiquer qui lui a été délivrée.

Le seul document qu’il verse au débat (autre que des extraits Kbis et les statuts de la société Soleeco) est en effet son courrier du 8 janvier 2015, par lequel il a informé le nouveau gérant de la société Soleeco du déclenchement de la procédure d’alerte.

Sur l’existence d’un lien de causalité entre les fautes et le préjudice invoqué :

27- La société appelante soutient que si M. [UM] avait réalisé accompli les diligences normales, constaté les anomalies et émis des réserves, elle aurait immédiatement demandé à son expert-comptable de reprendre les comptes de l’exercice clos au 31 décembre 2013, en vue d’une assemblée générale qui se serait tenue le 30 juin 2014 pour approbation des comptes rectifiés. Avisée de l’existence d’un résulat courant avant impôt de -292463 euros, et d’une perte sur l’exercice 2013 de 275 966 euros, elle aurait alors notifié aux banques, dès le mois de juin 2014, sans attendre le 7 janvier 2015, sa décision de mettre fin à ses engagements de caution , et aurait renoncé à verser diverses indemnités de révocation à M. [V].

29- L’intimé réplique que la perte de chance de dénoncer plus tôt les engagements de caution n’est pas indemnisable, faute pour la société de justifier, d’une part, de l’impossibilité dans laquelle elle serait d’exercer utilement son recours subrogatoire contre la société Soleeco, en qualité de caution, et, d’autre part, du montant effectivement versé aux banques.

Elle ajoute sur le fond que le calcul du préjudice subi par la société en qualité de caution est erroné, et ne tient pas compte des délais de préavis de trois mois contenus aux engagements de caution, concernant l’obligation de couverture.

Elle conclut à l’inexistence du préjudice relatif aux sommes versées à M. [V].

Elle fait ensuite valoir que la société Integral connaissait la situation financière très dégradée de sa filiale.

30- La cour rappelle que la responsabilité du commissaire suppose que sa faute ait directement provoqué un préjudice certain.

Le préjudice peut être constitué par la perte d’une chance qui doit être réelle et sérieuse.

Le lien de causalité est établi que lorsqu’il est prouvé que des diligences normales auraient permis d’éviter le dommage.

31- Il sera relevé, en premier lieu, que la société Integral avait connaissance de la situation financière très dégradée de la société Soleeco plusieurs mois avant la date de la résiliation de ses engagements de caution solidaire auprès de la Société Générale et de la Caisse Régionale de Crédit agricole mutuel d’Aquitaine, par lettre recommandée avec accusé de réception du 7 janvier 2015, puisque les comptes courants ouverts auprès de ces deux établissements de crédit affichaient au 30 juin 2014 un solde débiteur respectif de -651 837.73 euros et de -170 990.42 euros, soit un déficit total de trésorerie de 822 827 euros, ainsi que cela résulte des relevés versés au débat.

32- En outre, le directeur administratif et financier de la société Integral (M. [C]) assurait le suivi de la situation de trésorerie de la société Soleeco, notamment par le biais d’une convention d’intégration de trésorerie, et la holding connaissait également l’importance du poste créances clients, ainsi que cela ressort du courriel du 3 juin 2013 (cité en page 11 de l’arrêt de la chambre des appels correctionnels de la cour d’appel de Bordeaux du 11 septembre 2020) dans lequel le président de la holding, M. [O], indiquait à M. [V]: ‘Tu es à 200 000 euros de créances clients et 1 100 000 euros de découvert’.

La société appelante n’a pas contesté, au surplus, que son président avait adressé un autre courriel le 5 mars 2014 à M. [V], l’alertant sur le fait que la société était à -1 100 000 euros, et qu’il avait peur que ‘cela finisse en catastrophe’.

33- La société holding connaissait en outre le peu de crédit qui pouvait être accordé à M. [V], en qualité de dirigeant.

En effet, dans sa requête déposée le 3 novembre 2014 devant le président du tribunal de commerce de Bordeaux, les sociétés du groupe Integral et notamment la société Soleeco représentée par M. [O] (également président de la SARL Integral) indiquaient avoir découvert le 16 avril 2013 que M. [V] avait fait régler à la société Soleeco les frais de création d’un site Internet dénommé ENERDISCOUNT, qui s’avérait être une société-écran gérée par le père de sa compagne, destinée à concurrencer l’activité de la société ENR Discount, qui avait elle été créée avec l’aval de la société Integral en vue de la vente de matériels photovoltaiques par Internet.

Elles indiquaient également, dans la même requête, que les chiffres de résultat promis par M. [V] pour l’exercice 2013 (1 million d’euros) s’avéraient en réalité bien moindres au vu du bilan 2013 (soit une baisse de 75%), et que le gérant de la société Soleeco avait transmis des données erronées sur son activité en cours d’année 2014, avec pour objectif d’acquérir à vil prix le contrôle du capital social des sociétés du groupe Integral.

Il est ajouté, dans la même requête (paragraphes 5 et 6) que M. [O] avait alors fait procéder à des contrôles, avait constaté la supercherie, de sorte qu’il avait été mis un terme au projet de cession, et que la confiance était définitivement rompue au mois de septembre 2014.

La requête fait également état des renseignements apportés à M. [O] à la fin du mois d’octobre 2014, par un agent commercial puis par des salariés, relatant de manière concordante les manoeuvres frauduleuses de M. [V], afin de détourner la clientèle de la société Soleeco, et débaucher ses principaux salariés au profit des sociétés Arismeon et Sirius, toutes deux contrôlées par la mère de sa compagne.

Il est souligné, en fin de requête, que le préjudice commercial d’ores et déjà subi est considérable, et qu’en dépit de la révocation de M. [V] de ses fonctions de gérant de la société Soleeco, intervenue le 27 octobre 2014, le coût direct du détournement peut être évalué à 150 000 euros HT minimum, que de nombreux règlements de clients de Soleeco ont été encaissés directement par [J] [V], et que ce dernier a passé des commandes de 500 panneaux chez des fournisseurs, livrables en novembre, outre une pré-commande de 2000 panneaux, soit des quantités tout à fait inhabituelles, avec pour objectif d’assécher la trésorerie de la société Soleeco.

34- Au regard de ces éléments, la société appelante ne rapporte pas la preuve d’un lien de causalité entre, d’une part, les négligences fautives du commissaire aux comptes dans le contrôle des comptes de l’exercice 2013, et, d’autre part, le maintien, jusqu’à la date du 7 janvier 2015, de son engagement de caution solidaire vis à vis de la Société Générale et le Crédit agricole.

35- Elle ne démontre pas davantage le lien de causalité entre ces mêmes fautes et sa décision de racheter à M. [V] les 210 parts sociales dont il était propriétaire depuis le 8 février 2014 dans le capital social de la SARL Telline, contre paiement de la somme de 21000 euros.

36- Il convient en conséquence de confirmer le jugement, en ce qu’il a rejeté la demande formée par la société Integral, en paiement de la somme de 489 741 euros.

37- En l’absence de lien de causalité établi, la cour ne peut que rejeter la demande subsidaire tendant à un partage de responsabilité, et à voir condamner M. [UM] au paiement des sommes de 60060 euros et 326 494 euros, et celle tendant à la désignation d’un expert.

38- Ajoutant au jugement, la cour rejettera, comme mal fondée, la demande formée par la société Integral à l’encontre de M. [UM], au titre de la perte de chance de ne pas avoir à régler le prix de rachat des parts détenues par M. [V] dans le capital de la société Telline.

Sur les demandes accessoires :

39- Il n’est pas inéquitable de laisser aux parties la charge de leurs frais irrépétibles.

Les demandes formées sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile seront donc rejetée.

40- Echouant en son appel, la société Intégral supportera la charge des dépens d’appel.

PAR CES MOTIFS :

La cour, statuant publiquement, par arrêt contradictoire et en dernier ressort,

Ordonne le rabat de l’ordonnance de clôture prononcée le 26 décembre 2022, et fixe la clôture de l’instruction à la date de l’audience, le 9 janvier 2023, avant les plaidoiries,

Déclare irrecevable la demande de la SARL Integral, tendant à voir prononcer la nullité du jugement,

Infirme le jugement, en ce qu’il a déclaré irrecevable la demande de la SARL Integral, au titre de la perte de chance de ne pas avoir à régler le prix d’achat des parts détenues par M. [V] dans le capital de la société Telline (21000 euros),

Statuant à nouveau de ce seul chef,

Déclare mal fondée la demande formée par la SARL Integral à l’encontre de M. [K] [UM], au titre de la perte de chance de ne pas avoir à régler le prix d’achat des parts détenues par M. [V] dans le capital de la société Telline (21000 euros), et la rejette,

Confirme le jugement pour le surplus de ses dispositions,

Y ajoutant,

Rejette les autres demandes de la SARL Integral,

Rejette les demandes formées par les parties sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile, en ce compris la demande formée par la SARL Integral au titre des frais d’expertise de M. [OB],

Condamne la SARL Intégral aux dépens.

Le présent arrêt a été signé par M. FRANCO, président, et par M. Goudot, greffier, auquel la minute a été remise par le magistrat signataire.

 


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