RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
COUR D’APPEL DE PARIS
Pôle 6 – Chambre 3
ARRÊT DU 28 Mars 2017
(n° , 11 pages)
Numéro d’inscription au répertoire général : S 14/12200
Décision déférée à la Cour : jugement rendu le 09 Juillet 2014 par le Conseil de Prud’hommes – Formation paritaire de PARIS RG n° 12/13569
APPELANTS
Madame [C] [N]
[Adresse 1]
[Localité 1]
née le [Date naissance 1] 1953 à [Localité 2]
comparante en personne,
assistée de Me Joyce KTORZA, avocat au barreau de PARIS, toque : B0053 substitué par Me Marion LAURENT, avocat au barreau de PARIS
SYNDICAT SNRT-CGT
Syndicat National de Radiodiffusion et de Télévision du Groupe France Télévisions
[Adresse 2]
[Localité 3]
représentée par M. [I] [E] (Délégué syndical ouvrier)
assisté de Me Joyce KTORZA, avocat au barreau de PARIS, toque : B0053 substitué par Me Marion LAURENT, avocat au barreau de PARIS
INTIMEE
SOCIETE FRANCE TELEVISIONS
[Adresse 2]
[Localité 3]
N° SIRET : 399 449 107
représentée par Me Marie CONTENT, avocat au barreau de PARIS, toque : U0001 substitué par Me Marlène ELMASSIAN, avocat au barreau de PARIS, toque : K 186
COMPOSITION DE LA COUR :
En application des dispositions de l’article 945-1 du code de procédure civile, l’affaire a été débattue le 24 Janvier 2017, en audience publique, les parties ne s’y étant pas opposées, devant Madame Laurence SINQUIN, Conseillère, chargée du rapport.
Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :
Monsieur Daniel FONTANAUD, Président
Madame Roselyne NEMOZ, Conseillère
Madame Laurence SINQUIN, Conseillère
qui en ont délibéré
Greffier : Madame Claire CHESNEAU, lors des débats
ARRET :
– contradictoire
– prononcé par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du Code de Procédure Civile.
– signé par Monsieur Daniel FONTANAUD, Président et par Madame Claire CHESNEAU, Greffière à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
EXPOSÉ DU LITIGE
Madame [C] [N] a souscrit son premier contrat à durée déterminée auprès de la société FRANCE 3 à compter du 4 mai 2000, en qualité de maquilleuse, non cadre, niveau 2. La relation de travail a été renouvelée à de nombreuses reprises sous forme de contrats à durée déterminée pendant près de 14 ans.
Par l’effet de la fusion absorption de FRANCE 3 par la société FRANCE TELEVISIONS SA, la dénomination de l’employeur a été modifiée à compter de 2009.
La dernière prestation de Madame [N] pour la société FRANCE TELEVISIONS a eu lieu le 24 avril 2014.
Madame [N] a saisi le conseil de prud’hommes le 14 décembre 2012 pour obtenir la requalification de ses contrats à durée déterminée en contrat à durée indéterminée, les rappels de salaires consécutifs et les indemnités et dommages-intérêts liés à la rupture de la relation de travail.
Par jugement du 9 juillet 2014, le conseil de prud’hommes de Paris a requalifié les contrats à durée déterminée en contrat à durée indéterminée et condamné la société FRANCE TELEVISIONS au paiement de :
‘ 1785 euros à titre d’indemnité compensatrice de préavis,
‘ 10710 euros à titre d’indemnité de licenciement,
‘ 11000 euros à titre de dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,
‘ 1585 euros à titre d’indemnité de requalification,
‘ 2000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile.
Il a débouté les parties pour le surplus.
Madame [N] a relevé appel de cette décision. Le Syndicat national de radiodiffusion et de télévision du groupe FRANCE TELEVISIONS ( SNRT-CGT) est intervenue volontairement à la cause. La société FRANCE TELEVISIONS SA a fait appel incident.
Par conclusions visées au greffe le 24 janvier 2017, au soutien de ses observations orales auxquelles il est expressément fait référence en ce qui concerne ses moyens, Madame [N] demande à la Cour la confirmation du jugement en ses dispositions concernant la requalification des contrats de travail, le licenciement sans cause réelle et sérieuse et la condamnation au titre de l’article 700 de procédure civile. Elle demande la fixation de son salaire de base à la somme de 3680 euros et sa rémunération mensuelle à 3968 euros, la requalification du contrat de travail à temps partiel en contrat de travail à temps plein et le paiement des sommes de :
‘ 215394 euros à titre de rappel de salaire et les congés payés afférents,
‘ 11904 euros à titre d’indemnité compensatrice de préavis et les congés payés afférents,
‘ 53568 euros à titre d’indemnité de licenciement
A titre subsidiaire et à titre très subsidiaire, elle sollicite la minoration du montant de son salaire et de sa rémunération mensuelle et des condamnations en conséquence.
En tout état de cause, elle réclame :
‘ 20000 euros au titre l’indemnité de requalification,
‘ 9875 euros au titre de la prime d’ancienneté et les congés payés afférents,
‘ 12250 euros au titre de la prime de fin d’année,
‘ 1672 euros au titre des mesures France-Télévision,
‘ 200000 euros à titre de dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,
‘ 484490 euros au titre de l’indemnisation du préjudice de retraite,
‘ 7000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile en cause d’appel.
Par conclusions visées au greffe le 24 janvier 2017, au soutien de ses observations orales auxquelles il est expressément fait référence en ce qui concerne les moyens, le SNRT-CGT sollicite la somme de 10000 euros sur le fondement de l’article L2132 -3 du code du travail en réparation du préjudice causé à l’intérêt collectif de la profession et1000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile.
Par conclusions visées au greffe le 24 janvier 2017, au soutien de ses observations orales auxquelles il est expressément fait référence en ce qui concerne les moyens, la société FRANCE TELEVISIONS sollicite, à titre principal, le rejet des demandes de Madame [N] et du SNRT-CGT, l’infirmation du jugement et le remboursement par Madame [N] des sommes versées au titre de l’exécution provisoire du jugement.
À titre subsidiaire, dans l’hypothèse d’une requalification des contrats de travail à durée déterminée, la société demande la confirmation du jugement qui a rejeté la requalification à temps plein et la demande de rappel de salaire. Elle estime que les condamnations doivent être ramenées aux sommes suivantes :
‘ 4632,05 euros à titre de rappel de prime d’ancienneté,
‘ 5634,76 euros à titre de rappel de prime de fin,
‘ 907,27 euros au titre des mesures France-Télévision,
‘ 948,07 euros à titre d’indemnité de requalification,
‘ 1896,14 euros à titre d’indemnité compensatrice de préavis,
‘ 12096,89 euros à titre d’indemnité conventionnelle de licenciement.
Elle réclame enfin, à titre incident, la somme de 7000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile.
Pour plus ample exposé des faits de la procédure et des prétentions des parties, la cour se réfère à leurs conclusions visées par le greffier et développées lors de l’audience.
MOTIFS
Sur la demande de requalification des contrats de travail
Même lorsqu’il est conclu dans le cadre de l’un des secteurs d’activité visés par les articles L.1242-2.3° et D.1242-1 du code du travail, le contrat de travail à durée déterminée ne peut avoir d’autre objet que de pourvoir un emploi présentant par nature un caractère temporaire.
Il convient de rechercher si, pour l’emploi considéré, il est effectivement d’usage constant de ne pas recourir au contrat à durée indéterminée et de vérifier si le recours à un ou plusieurs contrats à durée déterminée est justifié par des raisons objectives, qui s’entendent de l’existence d’éléments concrets établissant le caractère par nature temporaire de l’emploi.
Madame [N] a bénéficié depuis le 4 mai 2000 d’une multitude de contrats à durée déterminée pour les motifs suivants : contrat d’usage, remplacement de salarié, surcroît d’activité et renfort intermittent.
Les contrats de travail sont très majoritairement motivés par l’usage et sont établis en référence à l’article L 1242-2 du code du travail et à un accord collectif national de branche de la télédiffusion relatif aux salariés employés sous contrat à durée déterminée d’usage du 22 décembre 2006.
Les contrats souscrits en vue du remplacement d’un salarié absent se réfèrent à des absences pour congés ou repos mais aussi des remplacements de salariés « temporairement à temps partiel ».
Quelques contrats (par exemple en mai 2001, janvier et mars 2009 ) portent un motif de recours intitulé : « renfort intermittent ».
Il n’est pas contesté que des dispositions conventionnelles autorisent l’emploi de maquilleuse sous forme de contrats à durée déterminée d’usage. L’accord professionnel national, branche de la télédiffusion du 22 décembre 2006 en son article 1.1 et la liste 1 sous l’article 4.1 prévoient les fonctions de maquillage et l’article V.2 de la convention collective applicable jusqu’en 2013 ainsi que l’accord du 2 juillet 2008 relatifs aux salaires.
Toutefois même dans ce cadre, l’emploi ne peut pas avoir pour effet de pourvoir durablement à un emploi lié à l’activité normale et permanente de l’entreprise.
L’accord collectif national du 22 décembre 2006 ne dit pas autre chose lorsqu’il précise dans ses dispositions générales : « Le recours à ce type de contrat (d’usage) est justifié que lorsque cet emploi s’exerce dans les circonstances suivantes : lorsque que pèsent sur ces activités des incertitudes quant à leur pérennité ou lorsqu’elles ont un caractère exceptionnel ou événementiel ou lorsqu’elles requièrent des compétences techniques ou artistiques spécifiques ».
La convention collective également indique que le recours au contrat à durée déterminée d’usage dans le spectacle n’est possible que pour un objectif déterminé dont le caractère temporaire doit être incontestable et dont le terme est soit connu par sa date, soit déterminé par l’intervention d’un événement certain.
En l’espèce, la société FRANCE TELEVISIONS SA a pour activité principale sur l’ensemble de l’année, la conception, la production, la création et la programmation d’émissions télévisées et si l’emploi de maquilleuse ne constitue l’activité principale de l’entreprise, elle constitue une fonction indissociablement liée à cette activité. Elle s’impose en permanence dès qu’un présentateur ou qu’une personne passe à l’écran et constitue une fonction technique indissociable à toute création artistique télévisuelle.
Outre le fait que la société ne rapporte pas la preuve des incertitudes sur la pérennité de l’emploi, du caractère exceptionnel ou événementiel ou des compétences techniques ou artistiques spécifiques de l’emploi de Madame [N], elle ne transmet pas non plus des éléments objectifs justifiant le caractère temporaire de l’emploi de maquilleuse.
Enfin, aucun élément ne vient établir la preuve du surcroît d’activité et la réalité des absences des salariés remplacés.
L’ensemble de ces éléments conduit nécessairement à la requalification des contrats à durée déterminée depuis l’origine en contrat à durée indéterminée.
Sur la requalification de contrat à temps partiel en temps plein
La requalification d’un contrat de travail à temps partiel en contrat de travail à temps complet ne porte que sur le terme du contrat et laisse inchangées les stipulations contractuelles relatives à la durée du travail pendant les périodes effectivement travaillées.
En cas de requalification de contrats à durée déterminée successifs en contrat à durée indéterminée à temps complet, le salarié ne peut obtenir de rappel de salaire pour les périodes interstitielles qu’à la condition de prouver qu’il est resté à la disposition de l’employeur.
En l’espèce, Madame [N] ne transmet aucun élément permettant de justifier qu’entre les périodes d’embauche journalière auprès de France-Télévision, elle se soit tenue à la disposition de cet employeur pour exécuter le cas échéant de nouvelles missions.
La société transmet à l’inverse plusieurs éléments de nature à établir que la salariée disposait d’autres activités professionnelles qui induisaient nécessairement qu’elle ne se tenait pas à la disposition de la société FRANCE TELEVISIONS.
Il ressort de ces pièces que Madame [N] était depuis 2000, gérante d’une société DDB, qu’elle y assurait une présence effective trois jours par semaine et que cette société située à [Localité 1] comptait deux autres établissements secondaires à [Localité 4] et [Localité 5].
Les déclarations de revenus de Madame [N] indiquent également qu’elle était « multi-employeur ». Le dossier de candidature et le curriculum vitae de la salariée de 2005 démontrent qu’elle a régulièrement travaillé en qualité maquilleuse pour plusieurs autres sociétés.
La société justifie également d’une activité, probablement annexe de la salariée, dans la gestion d’un accueil en gîte.
Cette pluralité d’activités indique de façon claire que la salariée n’était pas en situation d’attente à l’égard de la société FRANCE TELEVISIONS et ne se tenait pas à sa disposition.
Cet état de fait paraît d’autant plus vraisemblable que l’analyse de l’agenda des missions effectuées par la salariée permet de relever que Madame [N] n’a été mobilisé auprès de la société FRANCE TELEVISIONS qu’en moyenne 6,4 jours par mois.
La mise en place de contrats à durée déterminée d’usage sur des périodes journalières ou en tout cas inférieure à la semaine, n’est pas prohibé ni par les dispositions légales ni par les dispositions contractuelles précitées. Cette stipulation contractuelle ne peut suffire à inverser la charge de la preuve et a considéré qu’il appartient à l’employeur durant les périodes interstitielles d’établir que la salariée n’était pas placé dans l’impossibilité de prévoir à quel rythme elle devait travailler.
La salariée établit que l’ensemble des contrats de travail ne sont pas produits par la société FRANCE TELEVISIONS. L’absence de ces contrats écrits conduit à présumer que le travail exécuté sur ces plages de temps était un travail à temps plein. Madame [N] transmet les bulletins de salaires sur les périodes des contrats manquants et justifie avoir été rémunéré pour un travail à temps plein sur ces périodes.
Madame [N] fixe la liste des jours pour lesquels les contrats sont manquants mais ne prétend pas avoir travaillé au delà de ces jours. S’agissant des périodes non travaillées entre ces contrats manquants, elles répondent au régime des périodes interstitielles. Pour obtenir un rappel de salaire, il appartient à Madame [N] d’établir qu’elle se tenait à la disposition de son employeur ce qu’elle n’établit pas.
Au vu de l’ensemble de ces motifs les demandes de requalification du contrat de travail à temps partiel en temps plein et de rappels de salaires consécutives seront rejetées.
Sur le salaire de référence et la demande de classification au groupe 4
En raison de la requalification en contrat à durée indéterminée, Madame [N] sollicite une reconstitution de carrière et le calcul de salaire par référence à l’évolution de la rémunération dont elle aurait du bénéficier au regard de son expérience et en tant que chef maquilleur du groupe 5S/expertise, statut cadre.
En application du principe ‘A travail égal, salaire égal’, elle demande que son salaire soit fixé à la somme de 3680 euros, subsidiairement à 2760 euros et plus subsidiairement encore par référence à ses fiches de paye de 2012 à la somme de1331 euros. Elle communique à l’appui de ses demandes les montants de salaire perçus par trois collègues, employés par contrat à durée indéterminée comme chef maquilleur et une table de logarithme précisant par groupe et catégorie, la tendance des salaires attribués par FRANCE TELEVISIONS en fonction de l’âge du salarié.
L’employeur conteste la classification sollicitée par Madame [N] et déclare qu’elle ne disposait pas des conditions conventionnelles pour bénéficier d’un passage du groupe 3 au groupe 5. Il estime que ni la comparaison avec des collègues disposant d’une ancienneté et d’une qualification bien supérieures à la sienne, ni la table des courbes de salaires ne justifient la demande. Il propose une reconstitution de carrière au terme de laquelle Madame [N] bénéfice en 2013 d’une position en qualité de ‘chef maquilleuse’en tant que technicien de maîtrise, de groupe3, au niveau 4 et d’un salaire mensuel de 2080 euros pour un temps plein.
En application du principe ‘A travail égal, salaire égal’, énoncé par les articles L.2261-22-II-4, L. 2771-1-8 et L. 3221-2 du code du travail, l’employeur est tenu d’assurer l’égalité de rémunération entre tous les salariés pour autant que ceux-ci sont placés dans une situation identique.
Il appartient au salarié qui invoque une atteinte à ce principe de soumettre au juge les éléments de fait susceptibles de caractériser une inégalité de rémunération, et il incombe à l’employeur de rapporter la preuve d’éléments objectifs et matériellement vérifiables justifiant cette différence.
Madame [N] dispose en vertu de son contrat de travail d’une embauche en qualité de maquilleuse avec une qualification ‘intermittent groupe 4″. Elle déclare avoir toujours exercé des fonctions de cadre comme chef maquilleur.
Néanmoins, Madame [N] ne transmet aucun élément sur la nature des fonctions qu’elle exerçait notamment celles de chef maquilleur au lieu de maquilleur et ne justifie aucunement que sa rémunération n’était pas en adéquation avec les missions de maquilleuse qui lui était confiées.
La comparaison avec trois collègues disposant d’un niveau de classification supérieur au sien ne peut être opérante que si elle établit au préalable qu’elle exerçait des fonctions similaires aux leurs, ce qu’elle démontre pas.
La demande formulée en application du principe ‘A travail égal, salaire égal’ doit donc être rejetée.
La requalification de relation contractuelle qui confère au salarié le statut de travailleur permanent a pour effet de replacer ce dernier dans la situation qui aurait été la sienne s’il avait été recruté depuis l’origine dans le cadre d’un contrat à durée indéterminée.
En se fondant sur les dispositions de la convention collective de la communication et de la production audiovisuelle applicable en 2012 qui déterminent pour le personnel professionnel de spécialité ‘maquilleur’ les modalités de progression de carrière en raison de l’ancienneté et la progression par niveau au sein du groupe de qualification et en faisant application des modifications apportées par les accords d’entreprise de 2007 puis du 28 mai 2013, l’employeur transmet une reconstitution de carrière.
Au vu des normes conventionnelles précitées, du tableau élaboré par l’employeur à partir de l’origine de la relation de travail, la reconstitution proposée par société FRANCE TELEVISIONS n’apparaît pas lésionnaire mais au contraire tout à fait conforme aux dispositions applicables.
L’évolution de carrière reconstituée par l’employeur sera donc retenue dans les termes suivants:
– de mai 2000 à avril 2001 : B6-NR
– de mai 2001 à avril 2002 : B6-N1
– de mai 2002 à avril 2003 : B6-N2
– de mai 2003 à avril 2006 : B6-N3
– de mai 2006 à décembre 2006 : B6-N4
– de janvier 2007 à avril 2010 : B9-N4
– de mai 2010 à décembre 2011 :B9-N5
– de janvier 2012 à décembre 2012 : B11-N3
– de janvier 2013 à avril 2014 : groupe 3 niveau ‘confirmé’ niveau de placement 4.
La revalorisation consécutive du salaire mensuel doit être fixé à la somme de 2080,66 euros. Au regard du temps partiel moyen calculé sur l’ensemble des années d’activité de la salariée, le salaire de référence de Madame [N] sera fixé à la somme de 948, 07 euros.
Sur les demandes relatives aux accessoires du salaire
* Sur la prime d’ancienneté
Madame [N], en application l’accord collectif d’entreprise FRANCE TELEVISIONS du 28 mai 2013, sollicite un rappel de prime d’ancienneté depuis le 1er décembre 2007 jusqu’au 30 avril 2014 à hauteur de 9875 euros et les congés payés afférents pour un montant de 987 euros.
La société FRANCE TELEVISIONS ne conteste pas l’application de la prime mais fait valoir que le calcul doit se faire à proportion du temps partiel exercé par la salariée, sur la base du salaire de référence excluant la majoration du salaire des intermittents et demande le rejet des congés payés y afférents
Le bénéfice pour la salariée de la prime d’ancienneté n’est pas contestable en application des dispositions de l’accord collectif d’entreprise FRANCE TELEVISIONS précité ( titre I livre 2 article 1.4.2 ) et de la convention collective de la communication et production audiovisuelles du secteur public ( article V4 ).
Dans la mesure où la salariée revendique les conséquences liées à la requalification en contrat à durée indéterminée, elle ne peut également prétendre que les calculs se fassent sur la base d’un salaire comportant les majorations salariales liées à sa qualité d’intermittent. La société est bien fondée à soutenir que le calcul de la prime d’ancienneté doit se faire à partir du salaire de référence précédemment établi.
Au regard du tableau de reconstitution de carrière produit par l’employeur, année par année en fonction de la progression salariale et statutaire de la salariée, le calcul proposé sur la base du temps partiel est justifié et il sera donc alloué à Madame [N] la somme de 4632,05 euros au titre de la prime d’ancienneté.
Sur les congés payés afférents à la prime d’ancienneté sollicitée par Madame [N], il y a lieu de rappeler que la prime d’ancienneté est payable toute l’année, périodes de travail et de congés inclus et que l’octroi de congés payés reviendrait à la faire payer une seconde fois par l’employeur. La demande de congés payés sur le rappel de prime sera donc rejetée.
* Sur la prime de fin d’année
Madame [N] sollicite une prime de fin d’année à hauteur de 12250 euros.
La société FRANCE TELEVISIONS ne conteste pas le droit de la salariée au bénéfice de cette prime mais indique qu’elle a pris fin en 2012 avec l’entrée en vigueur du nouvel accord d’entreprise et que sur les 5 années de 2008 à 2012, son montant ne peut excéder 5634,67 euros.
La salariée établit son droit au bénéfice de la prime par la production de notes de service de 2003 à 2008. Son calcul sur la base d’un temps plein à hauteur d’un salaire mensuel supérieur à 1574,80 euros ne peut néanmoins être retenu.
En effet, les notes de service indiquent que le salaire qui doit servir de base pour déterminer le montant total à verser est le salaire contractuel et que la prime est calculée au prorata du temps de présence. Il doit en conséquence être calculé au regard du temps partiel.
Au vu du barème communiqué par la salariée, du montant de la prime en 2008 et tenant compte du temps partiel réalisé, le calcul effectué par l’employeur apparaît régulier. Il sera fait à la demande de Madame [N] à hauteur de la somme 5634,67 euros.
*Sur les mesures France-Télévision
Madame [N] transmet un message du 10 septembre 2008 relatif aux mesures salariales applicables à compter de 2008, en vertu de la négociation annuelle obligatoire de la direction de FRANCE 3 avec les organisations syndicales. Au titre de ces mesures, elle sollicite la somme de 1672 euros pour les années 2008, 2009, 2010 et 2011. La société FRANCE TELEVISIONS ne conteste pas le bénéfice de ces mesures au profit de la salariée mais élabore un calcul au prorata du temps partiel et évalue la somme due à 907,27 euros.
Il ressort du message précité, que pour chacune des années concernées, une augmentation de salaire est prévue mais également un minimum garanti. Rien dans les dispositions transmises par le service des ressources humaines de la société FRANCE TELEVISIONS ne prévoit de proratiser ce minimum en fonction du temps de travail réalisé par la salariée.
Dès lors, la demande formulée par la salariée apparaît justifié dans son principe comme dans son calcul et il lui sera alloué la somme de 1672 euros .
Sur l’indemnité de requalification
Madame [N] sollicite la somme de 20000 euros à titre d’indemnité de requalification. La précarité générée par la succession de contrats à durée déterminée pendant plus de 13 ans, justifie qu’il soit alloué à Madame [N] la somme de 3000 euros en application de l’article L 1245-2 du code du travail.
Sur les conséquences indemnitaires liées à la rupture du contrat travail.
La requalification des contrat à durée déterminée emporte comme conséquence que la rupture de la relation de travail intervenue le 24 avril 2014 s’analyse en un licenciement sans cause réelle et sérieuse. Les demandes d’indemnité compensatrice de préavis et d’indemnité de licenciement sont fondées. L’employeur n’en conteste pas le principe mais le montant.
Au regard du salaire de référence retenu par la Cour, il convient de minorer les demandes de la salariée évaluées sur la base d’un salaire pour un travail à temps plein.
En application de l’article 8.4.3. de l’accord collectif du 28 mai 2013 et des dispositions de l’article IX.8 de la convention collective, l’indemnité compensatrice de préavis calculé sur la base du salaire brut incluant la prime d’ancienneté et représentant deux mois de salaire pour les non cadres doit être fixé à la somme de 1896,14 euros.
L’indemnité de licenciement en vertu des dispositions de la Convention (article IX.6) et de l’accord ( article8.4.4.1) précités doit être fixé à la somme de 12087,89 euros.
Sur les dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse
Madame [N] fait valoir l’existence d’un préjudice moral lié à la rupture brutale de la collaboration alors qu’elle avait donné toute satisfaction à la société FRANCE TELEVISIONS pendant plus de 14 années de présence. Âgé de 63 ans elle indique n’avoir pu retrouver un emploi dans le secteur de l’audiovisuel et invoque un préjudice financier du fait de sa perte de revenus et de ses charges de famille. Elle sollicite en réparation la somme de 200000 euros.
La société FRANCE TELEVISIONS indique que le préjudice économique est inexistant puisque la salariée a perçu ses droits de Pôle Emploi alors qu’elle pouvait faire valoir à la date de la rupture sa mise à la retraite à taux plein et qu’à ce titre elle pouvait bénéficier non pas seulement de la retraite de base mais également du bénéfice acquis auprès des caisses de retraite complémentaires. Elle soutient que la salariée bénéficie de revenus tirés d’autres activités.
L’employeur souligne que les circonstances de la rupture ne sont pas vexatoires la salariée ayant continué à travailler jusqu’en avril 2014 malgré une demande de résiliation judiciaire auprès du conseil des prud’hommes en décembre 2012.
Au vu de l’ensemble des éléments versés aux débats, compte tenu du fait que Madame [N] avait plus de 13 ans d’ancienneté, que son âge (61 ans) au moment de la rupture rendait très difficile ses conditions de retour à l’emploi, qu’elle justifie malgré la présence de ressources tirées d’autres activités d’une baisse de revenus, la Cour dispose des éléments nécessaires et suffisants pour fixer à 12325 euros le montant de la réparation du préjudice subi en application de l’article L.1235-3 du code du travail
Sur l’indemnité pour préjudice de retraite
Madame [N] considère que l’exercice de sa collaboration auprès de la société FRANCE TELEVISIONS sous forme de contrats à durée déterminée irréguliers est à l’origine d’un préjudice sur ses droits à retraite et a eu un impact sur ses cotisations retraite et ses droits futurs. Elle transmet un rapport d’expertise confié à un cabinet d’experts-comptables qui évalue le montant de son préjudice à hauteur de 484’490 euros.
La société FRANCE TELEVISIONS considère la demande infondée dans son principe s’agissant d’un préjudice futur et éventuel.
Elle soutient en outre que les droits à retraite de sa salariée sont également déterminés par les temps où elle n’exerçait pas auprès de la société puisqu’elle travaillait auprès d’autres employeurs ou se trouvait soumise au régime des prestations Pôle Emploi.
Elle soutient que le quantum évalué par le cabinet d’experts-comptables est erroné en raison de la base de calcul utilisé (salaire revendiqué par Madame [N] au lieu du salaire des 25 meilleures années sans tenir compte du plafond annuel de la sécurité sociale pour la pension de retraite du régime général). S’agissant de la retraite complémentaire, elle indique que le cabinet a également fait une erreur en retenant un rattachement à l’AGIRC/ARRCO au lieu de l’IRCANTEC, caisse à laquelle sont rattachées les salariés en contrat à durée indéterminée au sein de la société FRANCE TELEVISIONS.
Elle transmet une analyse du cabinet ACTENSE aux termes de laquelle les droits à retraite de la salariée calculé sur la base d’un contrat à durée indéterminée à temps partielle depuis le 5 mai 2000 indique un montant de pension de retraite inférieure à celui dont bénéficiera réellement Madame [N]. Elle sollicite en conséquence le rejet de la demande.
La requalification des contrats à durée déterminée en contrat à durée indéterminée a conduit à une reconstitution de carrière qui emporte nécessairement des conséquences sur le montant des cotisations retraite et des droits à retraite consécutif.
Néanmoins, dans le cas particulier de Madame [N] qui a bénéficié pendant plusieurs années du statut particulier d’intermittent et par là-même de majoration salariale mais aussi d’attribution de points retraite complémentaires grâce à l’allocation chômage, il convient de déterminer si la différence de situation a été génératrice d’un préjudice financier.
Les parties transmettent deux analyses de deux cabinets d’expertises.
Dès lors que la Cour a retenu un contrat de travail à temps partiel, l’analyse du cabinet CONSAUDEXPERT est obsolète puisqu’elle part d’une base de calcul fondée sur le salaire à plein temps revendiqué par la salariée.
L’expertise transmise par l’employeur tient compte de la reconstitution de carrière retenue par la Cour et de la rémunération à temps partiel perçue par la salariée.
Au terme de son analyse, le cabinet ACTENSE indique clairement : « si la relation de travail entre Madame [N] et la société FRANCE TELEVISIONS avait été un contrat à durée indéterminée elle n’aurait pas cotisé à l’AGIRC et à l’ARRCO mais à l’IRCANTEC. Sur la base de la prise en compte du salaire réellement perçu, le préjudice au titre de la CNAV est nul et le préjudice au titre des régimes complémentaires et négatifs (- 61848 euros ).
Ceci s’explique principalement par le fait qu’en tant qu’intermittent du spectacle, Madame [N] à bénéficier de l’attribution gratuite de points AGIRC et ARRCO grâce à l’allocation chômage perçue ».
Les calculs transmis à l’appui de ces conclusions et après analyse de l’évaluation de l’assurance retraite Rhône-Alpes transmises par la salariée permettent à la cour de conclure que le préjudice de retraite invoqué par la salariée n’est pas justifié.
Sur la demande incidente du syndicat national de radiodiffusion et de télévision du groupe FRANCE TELEVISIONS
Le syndicat «SNRT-CGT » sollicite sur le fondement de l’article L2132 ‘ 3 du code du travail la réparation du préjudice porté à l’intérêt collectif en raison de la violation des dispositions relatif aux contrats précaires.
La société FRANCE TELEVISIONS soulève l’irrecevabilité de la demande en l’absence d’une délibération du syndicat conforme à ses statuts pour engager l’action en justice. Elle estime n’avoir pas manqué à ses obligations et considère que le préjudice n’est pas justifié.
Il convient de constater, à titre préliminaire, que dans le cadre des débats le syndicat remet une délibération du Bureau National du 13 janvier 2017 autorisant Monsieur [E] à le représenter devant la cour d’appel de Paris dans le cadre du présent dossier et un mandat du secrétaire général du syndicat mandatant Monsieur [E] pour le représenter. Le moyen tiré de l’irrecevabilité sera rejeté.
Dans le contexte particulier qui entoure ce contentieux et au regard des nombreux débats qui se sont élevés sur ce sujet au sein des diverses institutions représentatives de la société FRANCE TELEVISIONS, la défense des personnels soumis au régime à des contrats de travail précaires constitue bien la défense d’un intérêt collectif.
Dès lors que la cour a procédé à la requalification du contrat travail, à une reconstitution de carrière et a fait droit partiellement aux demandes indemnitaires de la salariée, le syndicat est bien fondé à soutenir qu’il y a eu violation par la société FRANCE TELEVISIONS des dispositions encadrant le recours aux contrats précaires. Il est donc en droit de solliciter réparation des faits portant un préjudice indirect à l’intérêt collectif de la profession.
Il convient toutefois de limiter le montant des dommages et intérêts à la somme de 1500 euros.
PAR CES MOTIFS
INFIRME le jugement sauf en ce qu’il a fait droit à la demande de requalification des contrats à durée déterminée en contrat à durée indéterminée et a alloué à Madame [N] la somme de 2000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile;
DIT que cette requalification doit s’effectuer depuis l’origine de la relation de travail soit le 4 mai 2000 ;
Et statuant à nouveau sur les chefs infirmés :
FIXE le salaire mensuel brut moyen de référence de Madame [N] à la somme de 948,07 euros ;
CONDAMNE la société FRANCE TELEVISIONS SA à payer à Madame [N] la somme de :
– 3000 euros à titre d’indemnité de requalification ;
– 12325 euros à titre de dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse ;
– 1896,14 euros à titre d’indemnité compensatrice de préavis et 196,61 euros au titre des congés payés y afférents ;
– 12087,89 euros à titre d’indemnité de licenciement ;
– 4632,05 euros à titre de rappel de prime d’ancienneté ;
– 5634,67 euros à titre de rappel de prime de fin d’année ;
– 1672 euros de rappels de salaire dus au titre des mesures France-Télévision ;
Y ajoutant ;
REJETTE l’irrecevabilité de la demande soulevée par la société FRANCE TELEVISIONS à l’égard du syndicat «SNRT-CGT » ;
CONDAMNE la société FRANCE TELEVISIONS à payer au syndicat «SNRT-CGT» la somme de 1500 euros en réparation du préjudice causé à l’intérêt collectif ;
VU l’article 700 du code de procédure civile
CONDAMNE la société FRANCE TELEVISIONS à payer à Madame [N] en cause d’appel la somme de 2000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile ;
DEBOUTE les parties du surplus des demandes ;
CONDAMNE la société FRANCE TELEVISIONS pour aux dépens de première instance et d’appel.
LE GREFFIER LE PRÉSIDENT
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