SOC.
FB
COUR DE CASSATION
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Audience publique du 26 avril 2017
Cassation partielle
Mme VALLÉE, conseiller le plus
ancien faisant fonction de président
Arrêt n° 731 F-D
Pourvoi n° V 16-13.790
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
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AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
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LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l’arrêt suivant :
Statuant sur le pourvoi formé par la société Multithématiques, société par actions simplifiée, dont le siège est [Adresse 1], [Localité 1],
contre l’arrêt rendu le 19 janvier 2016 par la cour d’appel de Versailles (6e chambre), dans le litige l’opposant à M. [T] [Y], domicilié [Adresse 2], [Localité 2],
défendeur à la cassation ;
La demanderesse invoque, à l’appui de son pourvoi, les deux moyens de cassation annexés au présent arrêt ;
Vu la communication faite au procureur général ;
LA COUR, en l’audience publique du 15 mars 2017, où étaient présents : Mme Vallée, conseiller le plus ancien faisant fonction de président, M. Flores, conseiller référendaire rapporteur, M. Ricour, conseiller, Mme Lavigne, greffier de chambre ;
Sur le rapport de M. Flores, conseiller référendaire, les observations de la SCP Célice, Soltner, Texidor et Périer, avocat de la société Multithématiques, de la SCP Lyon-Caen et Thiriez, avocat de M. [Y], et après en avoir délibéré conformément à la loi ;
Attendu, selon l’arrêt attaqué, que M. [Y] a été engagé par la société Multithématiques en qualité de réalisateur bandes-annonces à compter du 5 septembre 2007 et jusqu’au 22 août 2013 dans le cadre de contrats à durée déterminée successifs pour la chaîne TPS Star ; que le salarié a saisi la juridiction prud’homale de demandes de requalification de la relation de travail en contrat à durée indéterminée et en paiement de diverses sommes au titre de l’exécution et de la rupture du contrat ;
Sur le premier moyen :
Attendu que l’employeur fait grief à l’arrêt de requalifier la relation de travail en contrat à durée déterminée et de le condamner au paiement de diverses sommes, alors, selon le moyen :
1°/ qu’il résulte de la combinaison des articles L. 1242-1, L. 1242-2, L. 1244-1 et D. 1242-1 du code du travail que dans les secteurs d’activité définis par décret ou par voie de convention ou d’accord collectif étendu, certains des emplois en relevant peuvent être pourvus par des contrats à durée déterminée successifs lorsqu’il est d’usage constant de ne pas recourir à un contrat à durée indéterminée en raison de la nature de l’activité exercée et du caractère par nature temporaire de ces emplois ; qu’en l’espèce il résulte de l’accord cadre du 12 octobre 1998 que des contrats à durée déterminée d’usage peuvent être conclus par les entreprises dont l’activité principale relève de l’une des branches du spectacle, notamment en ce qui concerne les fonctions de « réalisateur » ; que, sauf à constater qu’il a été employé afin de pourvoir à un emploi durable de l’entreprise, le recours aux contrats à durée déterminée d’usage est en conséquence régulier pour l’emploi d’un salarié aux fonctions de réalisateur de bande-annonces ; qu’en se fondant néanmoins, pour requalifier la relation de travail de M. [Y] en un contrat à durée indéterminée, d’une part, sur « la nature de son emploi, absolument nécessaire pour de nombreuses émissions et programmes diffusés par la société » et, d’autre part, sur « la fréquence du recours par la société Multithématiques à M. [Y] », circonstances insusceptibles à prouver que le recours aux services du salarié visait à un pourvoir un emploi durable de la société sur la période en cause, la cour d’appel n’a pas donné de base légale à sa décision au regard des articles L. 1242-1, L. 1242-2, L. 1244-1 et D. 1242-1 du code du travail, ensemble l’accord cadre du 18 mars 1999 mis en oeuvre par la directive 1999/70/CE du 28 juin 1999 ;
2°/ que constitue une « raison objective » au sens de la clause 5 de l’accord-cadre européen sur le travail à durée déterminée du 18 mars 1999 mis en oeuvre par la directive n° 1999/70 du 28 juin 1999, la démarche consistant pour les partenaires sociaux du secteur de l’audio-visuel à déterminer, après une concertation approfondie entre spécialistes ayant une connaissance exacte et complète des particularités des différents emplois concernés et des conditions de leur exercice, les emplois qui présentent un caractère « par nature temporaire » et ceux dont ce n’est pas le cas afin de déterminer les emplois pouvant être pourvus par contrat dit d’usage ; qu’en l’espèce, la société exposante faisait valoir que l’accord interbranches du 12 octobre 1998, applicable à l’eentreprise et négocié et signé par les syndicats représentatifs, avait prévu que le poste de réalisateur était un poste pour lequel il est d’usage constant de ne pas recourir au contrat à durée indéterminée ; qu’en examinant si le recours aux contrats à durée déterminée successifs était en l’espèce justifié par des éléments concrets établissant le caractère par nature temporaire de l’emploi occupé par M. [Y], cependant qu’elle avait constaté que l’emploi de réalisateur de bande-annonces figurait dans la liste des fonctions pour lesquelles il est d’usage de recourir au contrat à durée déterminée annexée à l’accord interbranche, ce dont il résultait que le recours à ces contrats successifs reposait sur des raisons objectives établissant la nature temporaire de l’emploi, la cour d’appel a violé la clause 5 de l’accord-cadre européen sur le travail à durée déterminée du 18 mars 1999 mis en oeuvre par la directive n° 1999/70 du 28 juin 1999, ensemble les articles L. 1242-2, L. 2221-2 du code du travail, l’accord national professionnel interbranches relatif au recours au contrat à durée déterminée d’usage concernant le secteur du spectacle du 12 octobre 1998 étendu par arrêté du 21 mai 1999 et l’article 1134 du code civil ;
3°/ que la répétition des contrats à durée déterminée, le rattachement au coeur de l’activité de l’entreprise des tâches confiées au salarié, où l’emploi sous contrat à durée indéterminée de salariés de qualification identique ne suffisent pas à caractériser le caractère permanent de l’emploi et le besoin structurel de main-d’oeuvre de l’employeur ; qu’en se bornant à faire état de « la fréquence du recours par la société Multithématiques à M. [Y] », du recours par la société à « des réalisateurs de bande-annonces comme lui-même employés sous CDD, mais aussi à des salariés en CDI », et de la « nature de son emploi, absolument nécessaire pour de nombreuses émissions et programmes diffusés par la société », pour en déduire que M. [Y] avait été engagé pour pourvoir durablement à un emploi lié à l’activité normale et permanente de l’entreprise, cependant que ces constatations n’étaient pas suffisantes pour caractériser son emploi sous CDI, la cour d’appel n’a pas légalement justifié sa décision au regard des articles L. 1242-1, L. 1242-2 et L. 1245-1 du code du travail ;
Mais attendu, d’abord, que s’il résulte de la combinaison des articles L. 1242-1, L. 1242-2, dans sa rédaction applicable, L. 1245-1 et D. 1242-1 du code du travail, que dans les secteurs d’activité définis par décret ou par voie de convention ou d’accord collectif étendu, certains des emplois en relevant peuvent être pourvus par des contrats à durée déterminée lorsqu’il est d’usage constant de ne pas recourir à un contrat à durée indéterminée en raison de la nature de l’activité exercée et du caractère par nature temporaire de ces emplois, et que des contrats à durée déterminée successifs peuvent, en ce cas, être conclus avec le même salarié, l’accord-cadre sur le travail à durée déterminée conclu le 18 mars 1999, mis en oeuvre par la Directive n° 1999/70/CE du 28 juin 1999, en ses clauses 1 et 5, qui a pour objet de prévenir les abus résultant de l’utilisation de contrats à durée déterminée successifs, impose de vérifier que le recours à l’utilisation de contrats à durée déterminée successifs est justifié par des raisons objectives qui s’entendent de l’existence d’éléments concrets établissant le caractère par nature temporaire de l’emploi ;
Attendu, ensuite, que la détermination par accord collectif de la liste précise des emplois pour lesquels il peut être recouru au contrat de travail à durée déterminée d’usage ne dispense pas le juge, en cas de litige, de vérifier concrètement l’existence de raisons objectives établissant le caractère par nature temporaire de l’emploi concerné ;
Et attendu que la cour d’appel, qui a constaté que le salarié avait travaillé selon une centaine de contrats pendant six ans comme réalisateur graphiste pour réaliser des bandes-annonces, que ces bandes-annonces étaient quasi-systématiques sur la plupart des émissions, que la nature de cet emploi était absolument nécessaire pour de nombreuses émissions et programmes diffusés par l’employeur expliquait qu’il soit régulièrement fait appel, chaque jour, à des réalisateurs de bandes-annonces a pu en déduire que les contrats à durée déterminée successifs avaient pour objet de pourvoir durablement un emploi lié à l’activité normale et permanente de l’entreprise ;
D’où il suit que le moyen n’est pas fondé ;
Mais sur le second moyen :
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