Convention collective de la production audiovisuelle : 26 avril 2017 Cour d’appel de Versailles RG n° 15/01225
Convention collective de la production audiovisuelle : 26 avril 2017 Cour d’appel de Versailles RG n° 15/01225

COUR D’APPEL

DE

VERSAILLES

Code nac : 80C

17e chambre

ARRÊT N°

CONTRADICTOIRE

DU 26 AVRIL 2017

R.G. N° 15/01225

AFFAIRE :

[D] [I]

C/

SA SOCIETE D’EDITION DE CANAL PLUS

Décision déférée à la cour : jugement rendu le 05 février 2015 par le conseil de prud’hommes – formation paritaire de BOULOGNE BILLANCOURT

Section : Encadrement

N° RG : 14/01058

Copies exécutoires délivrées à :

SELARL DAVIDEAU ASSOCIES

SCP FLICHY GRANGÉ AVOCATS

Copies certifiées conformes délivrées à :

[D] [I]

SA SOCIETE D’EDITION DE CANAL PLUS

POLE EMPLOI

le :

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

LE VINGT SIX AVRIL DEUX MILLE SEPT,

La cour d’appel de VERSAILLES, a rendu l’arrêt suivant, fixé au 03 mars 2017 prorogé au 22 mars 2017 puis prorogé au 26 avril 2017, les parties en ayant été avisées, dans l’affaire entre :

Monsieur [D] [I]

[Adresse 1]

[Localité 1]

représenté par Me Françoise DAVIDEAU de la SELARL DAVIDEAU ASSOCIES, avocate au barreau de PARIS, substituée par Me Emmanuel HAIMEZ, avocat au barreau de Paris, vestiaire : L0002

APPELANT

****************

SA SOCIETE D’EDITION DE CANAL PLUS

[Adresse 2]

[Localité 2]

représentée par Me Joël GRANGÉ de la SCP FLICHY GRANGÉ AVOCATS, avocat au barreau de PARIS, substitué par Me Nabila EL AOUGRI, avocate au barreau de Paris, vestiaire : P0461

INTIMÉE

****************

Composition de la cour :

L’affaire a été débattue le 12 janvier 2017, en audience publique, devant la cour composée de :

Madame Clotilde MAUGENDRE, Président,

Madame Isabelle DE MERSSEMAN, Conseiller,

Madame Monique CHAULET, Conseiller,

qui en ont délibéré,

Greffier, lors des débats : Madame Marine GANDREAU

Vu le jugement du conseil de prud’hommes de [Localité 3] (section encadrement) du 5 février 2015 qui a :

– dit que les contrats de travail à durée déterminée d’usage de M. [I] commencés le 6 janvier 2000 ne s’analysent pas en contrat de travail à durée indéterminée mais bien en contrats de travail à durée déterminée d’usage à temps partiel dont le dernier a été rompu le 28 mai 2014 par M. [I],

– débouté M. [I] de ses demandes en requalification de ses contrats de travail en contrat à durée indéterminée à temps plein,

– débouté M. [I] quant à sa demande au titre de la visite médicale,

– débouté M. [I] du surplus de ses demandes,

– débouté la société d’Edition de Canal Plus de sa demande reconventionnelle,

– mis à la charge de M. [I] les éventuels dépens de la présente instance,

Vu la déclaration d’appel adressée au greffe le 27 février 2015 et les conclusions déposées et soutenues oralement à l’audience par son conseil, pour M. [I], qui demande à la cour de :

– infirmer le jugement prononcé le 5 février 2015 par le conseil de prud’hommes de [Localité 3],

– dire que son licenciement est dépourvu de cause réelle et sérieuse,

– fixer son salaire mensuel brut à la somme de 6 842 euros, subsidiairement à la somme de 3 358,37 euros, à titre infiniment subsidiaire à la somme de 2 745 euros,

en conséquence :

– condamner la société d’Edition de Canal Plus à lui payer les sommes suivantes :

. 20’526 euros à titre d’indemnité de requalification,

. 120’000 euros à titre d’indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,

. 20’526 euros à titre d’indemnité compensatrice de préavis, subsidiairement la somme de 10’075,11 euros et à titre infiniment subsidiaire la somme de 8 235 euros,

. 2 052,60 euros à titre de congés payés sur préavis, subsidiairement la somme de 1 007,51 euros et à titre infiniment subsidiaire la somme de 823,50 euros,

. 20’526 euros à titre de rappel de treizième mois, subsidiairement la somme de 10’075,11 euros et à titre infiniment subsidiaire la somme de 8 235 euros,

. 28’394,30 euros à titre d’indemnité de licenciement, subsidiairement la somme de 13’937,23 euros et à titre infiniment subsidiaire la somme de 11’391,75 euros,

. 137’017,93 euros à titre de rappel de salaires, et à titre subsidiaire la somme de 21’899,61 euros,

. 13’701,79 euros à titre de congés payés sur rappel de salaire, et à titre subsidiaire la somme de 2 189,96 euros,

. 5 000 euros à titre de dommages intérêts pour non-respect des obligations de la société en matière de visite médicale,

. 20’000 euros à titre de dommages intérêts pour exécution déloyale du contrat de travail,

– débouter la société d’Edition de Canal Plus de l’ensemble de ses demandes,

– dire que ces sommes porteront intérêts au taux légal à compter de la saisine du conseil des prud’hommes,

– ordonner à la société intimée de lui remettre l’attestation Pôle emploi et un certificat de travail conformes sous astreinte de 100 euros par document et par jour de retard passé le délai de 5 jours à compter de la notification du jugement à intervenir,

– dire que les montants alloués dans l’arrêt à intervenir seront majorés, à défaut de règlement dans les 15 jours suivant notification de l’arrêt du droit de recouvrement ou d’encaissement par huissier, supporté par le créancier en application de l’article 10 du décret n° 96’1080 du 12 décembre 1996,

– condamner la société d’Edition de Canal Plus à lui payer la somme de 4 000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile,

Vu les conclusions déposées et soutenues oralement à l’audience par son conseil, pour la société d’Edition de Canal Plus, qui demande à la cour de :

– confirmer en toutes ses dispositions le jugement entrepris,

– juger les demandes de M. [I] irrecevables,

à titre principal,

– débouter M. [I] de sa demande de requalification de ses contrats de travail à durée déterminée d’usage en contrat à durée indéterminée et le débouter de l’intégralité de ses demandes,

à titre subsidiaire, si la cour faisait droit la demande de requalification :

– dire que la requalification doit se faire sur une base temps partiel,

– fixer le salaire de M. [I] à la somme de 2 844,60 euros bruts mensuel,

– dire que M. [I] dispose d’une ancienneté de 14,4 ans,

– débouter M. [I] de sa demande de rappel de salaire pour les périodes non travaillées,

– dire que M. [I] ne peut prétendre qu’au paiement d’une somme de 8 533,86 euros à titre de 13e mois,

– dire que le montant de l’indemnité de requalification sera limité à la somme de 2 844,62 euros,

– dire que la rupture des relations contractuelles est imputable à M. [I],

en conséquence :

– débouter M. [I] de ses demandes au titre de l’indemnité compensatrice de préavis, de l’indemnité de licenciement et de l’indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,

à défaut :

– dire que M. [I] ne peut prétendre qu’au paiement de :

. 17’067,72 euros à titre d’indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,

. 8 533,86 euros à titre d’indemnité compensatrice de préavis,

. 12’203,41 euros à titre d’indemnité de licenciement,

– le débouter de sa demande au titre des congés payés sur préavis,

à titre infiniment subsidiaire si la cour venait à faire droit à la demande de requalification en contrat de travail à durée indéterminé à temps plein :

– fixer le salaire de M. [I] à la somme de 5 336,32 euros bruts mensuels,

– dire que M. [I] dispose d’une ancienneté de 14,4 ans,

– dire que M. [I] ne peut prétendre qu’au paiement de 92’671,86 euros bruts à titre de rappels de salaires et de 9 267,18 euros bruts à titre de congés payés afférents,

– dire que M. [I] ne peut prétendre qu’au paiement d’une somme de 16’008,96 euros bruts à titre de 13e mois,

– dire que le montant de l’indemnité de requalification sera limité à la somme de 5 336,32 euros,

– dire que la rupture des relations contractuelles est imputable à M. [I],

en conséquence :

– débouter M. [I] de ses demandes au titre de l’indemnité compensatrice de préavis, de l’indemnité de licenciement et de l’indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,

à défaut :

– dire que M. [I] ne peut prétendre qu’au paiement de :

. 32’017,92 euros euros à titre d’indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,

. 16’008,96 euros bruts à titre d’indemnité compensatrice de préavis,

. 1 600,89 euros bruts à titre d’indemnité compensatrice de congés payés,

. 22’892 80 euros à titre d’indemnité de licenciement,

en tout état de cause :

– débouté M. [I] de sa demande de dommages intérêts pour non-respect des obligations de la société en matière de visite médicale,

– débouter M. [I] de sa demande formulée au titre de l’exécution déloyale du contrat de travail,

– condamner M. [I] à lui payer la somme de 4 000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile et aux dépens,

SUR CE LA COUR,

Considérant que M. [I] a été engagé, à compter du 6 janvier 2000, par environ cent cinquantes lettres d’engagement et contrats successifs à durée déterminée d’usage en qualité de réalisateur de bandes annonces par la société Canal Plus SA, filiale du groupe Canal Plus, devenue la société d’Edition de Canal Plus le 26 mai 2011 ;

Que les relations contractuelles étaient régies par la convention collective nationale de branche télédiffusion ;

Que, le 20 mars 2014, la société d’Edition de Canal Plus a proposé à M. [I] un contrat de travail à durée indéterminée de 109 jours annuels ;

Que le salarié a proposé à la société d’établir un contrat de travail à temps plein à durée indéterminée sur la base d’un salaire brut de 6 842 euros brut et que, la société n’ayant pas répondu, il a renouvelé cette proposition le 22 mai 2014 ;

Que la société a répondu à M. [I] le 26 mai 2014 en maintenant son offre initiale ;

Que le dernier contrat de travail de M. [I] le liant à la société d’Edition de Canal Plus a pris fin le 28 mai 2014 ;

Que le 12 juin 2014, M. [I] a saisi le conseil de prud’hommes de [Localité 3] de diverses demandes à l’encontre de la société d’Edition de Canal Plus ;

Considérant, sur la recevabilité des demandes de M. [I], que la société d’Edition de Canal Plus fait valoir le principe selon lequel « nul ne peut se contredire au détriment d’autrui » et soutient que M. [I] est irrecevable en ses demandes dès lors qu’il a refusé la proposition qu’elle lui a faite le 20 mars 2014 puis par écrit, le 26 mai suivant, de l’engager en contrat de travail à durée indéterminée ;

Qu’il résulte des pièces produites que la société d’Edition de Canal Plus a proposé à M. [I] une requalification en contrat de travail à durée indéterminée à temps partiel et non, comme le sollicitait M. [I] dès le 30 avril 2014, une requalification en contrat de travail à durée indéterminée à temps plein depuis le début de la collaboration ; que le caractère contradictoire de la position adoptée par M. [I] n’est donc pas établi ;

Que ce moyen, outre qu’il constitue un moyen au fond et non une fin de non-recevoir, n’est donc pas fondé ; que les demandes doivent donc être déclarées recevables ;

Considérant, sur la requalification, que s’il résulte de la combinaison des articles L.1242-1, L. 1242-2, L. 1243-11 et D.1242-1 du code du travail que dans les secteurs d’activité définis par décret ou par voie de convention ou d’accord collectif étendu, certains des emplois en relevant peuvent être pourvus par des contrats à durée déterminée lorsqu’il est d’usage constant de ne pas recourir à un contrat à durée indéterminée, en raison de la nature de l’activité exercée et du caractère par nature temporaire de ces emplois, et que des contrats à durée déterminée successifs peuvent, en ce cas, être conclus avec le même salarié, l’accord-cadre sur le travail à durée déterminée conclu le 18 mars 1999 et mis en oeuvre par la directive 1999/70CE du 28 juin 1999, qui a pour objet, en ses clauses 1 et 5, de prévenir les abus résultant de l’utilisation de contrats à durée déterminée successifs, impose de vérifier que le recours à l’utilisation de contrats successifs est justifié par des raisons objectives qui s’entendent de l’existence d’éléments concrets établissant le caractère par nature temporaire de l’emploi ;

Que M. [I] fait valoir que le formalisme imposé par les articles L.1242-12 et suivants du code du travail n’a pas été respecté à diverses reprises puisque les contrats de travail, au nombre d’une centaine au regard des bulletins de paie émis, ne lui ont pas tous été remis, qu’ils ont été presque systématiquement présentés après le délai légal de 2 jours et que certains de ces contrats n’ont pas été signés ; qu’il soutient par ailleurs que ces nombreux contrats qui représentent une collaboration exclusive de quatorze années avaient pour objet de pourvoir un emploi de réalisateur de bandes-annonces lié à l’activité normale et permanente de l’entreprise et qu’aucun usage constant de ne pas recourir à des contrats à durée indéterminée pour cet emploi n’est établi par l’employeur ;

Que la société d’Edition de Canal Plus soutient que les contrats ont été régulièrement établis et conteste le non respect du formalisme qui lui est reproché ; qu’elle fait valoir que son activité dans le secteur audiovisuel fait partie de celles pour lesquelles la loi autorise expressément des contrats à durée déterminée d’usage ; qu’elle conteste le caractère permanent de l’activité confiée à M. [I], soutient qu’il était choisi à chaque fois en fonction du programme à promouvoir et pour des programmes éphémères, que son activité était nécessairement à temps partiel et qu’il était impossible de prévoir la périodicité de réalisation ou la durée des bandes-annonces et qu’en conséquence les dispositions du code du travail relatives aux emplois à durée indéterminée à temps partiel n’auraient pas pu être respectées ;

Que M. [I], allègue notamment que certains contrats ne lui auraient pas été remis dans les deux jours sans préciser sur quels contrats porte sa contestation ;

Qu’il résulte néanmoins des contrats produits que le jour de signature du contrat de travail correspond au premier jour de contrat du mois ; que cette irrégularité n’est pas démontrée ;

Que l’absence de signature du contrat d’octobre 2002 par l’employeur est sans effet sur sa validité dès lors qu’il a été signé par le salarié ;

Que le moyen tenant au défaut de contrat pour certains mois en 2011 et 2012 auquel il est répondu par l’employeur par un tableau très circonstancié et par la production des contrats correspondants n’est pas non plus établi ;

Que le défaut de respect du formalisme n’est donc pas établi ;

Que la société d’Edition de Canal Plus a une activité dans le secteur de l’audiovisuel qui relève des dispositions de l’article L. 1242-2 et D.1242-1 6° du code du travail et que l’accord interbranche du 12 octobre 1998 relatif au CDD d’usage étendu par arrêté du 21 mai 1999 s’applique à la fonction de réalisateur ;

Que la société d’Edition de Canal Plus produit environ 150 lettres d’engagement ou contrats d’usage conclus avec M. [I] entre le 6 janvier 2000 et mai 2014 dont le nombre de jours varie selon les contrats et comportant un horaire journalier de 8 heures ; que ces documents démontrent que M. [I] a été employé en qualité de réalisateur de façon régulière sur cette période, avec des périodes intercalaires jusqu’en 2005 ; que ces engagements sont corroborés par les bulletins de paie de M. [I] ; que son travail consistait en la production de bande-annonces nécessaires à la promotion de l’ensemble ou de certaines des émissions et des programmes de la grille des chaînes de télévision du Groupe Canal Plus ; que si les lettres d’engagement visent des émissions qui varient dans le temps, certaines d’entre elles ne mentionnent que « bandes-annonces réguliers » comme en mai et juin 2002 et certaines émissions sont citées de manière répétée comme « BA Factory », que la société ne peut donc sérieusement soutenir qu’il ne s’agissait pas d’une activité permanente ;

Que la permanence est également établie par la signature par M. [I], chaque année à compter de 2005, de contrats-cadre pour la période de septembre à juin ;

Qu’enfin l’employeur, qui soutient que la production de bandes-annonces confiée à M. [I] est une activité qui ne peut pas être pourvue par un contrat à durée indéterminée en raison de la nature de l’activité exercée en faisant valoir la nécessité de conserver un libre choix du réalisateur ainsi qu’en raison du caractère par nature temporaire de l’emploi en alléguant les difficultés d’organisation du planning, ne le justifie par aucun élément objectif établissant le caractère temporaire de l’emploi ainsi pourvu qui est contredit par le fait que M. [I] a été employé de manière régulière pendant plus de quatorze années et par le fait que la société reconnaît employer certains réalisateurs dans le cadre de contrats à durée indéterminée ;

Que ces éléments établissent que les contrats consentis à M. [I] avaient pour objet de pourvoir durablement un poste lié à l’activité normale et permanente de l’entreprise et qu’il convient, infirmant le jugement, de faire droit à la demande de M. [I] de requalification de la relation de travail en contrat de travail à durée indéterminée ;

Considérant, sur la durée du travail, que l’article L. 3123-14 du code du travail dispose :

« Le contrat de travail du salarié à temps partiel est un contrat écrit.

Il mentionne :

. la qualification du salarié, les éléments de la rémunération, la durée hebdomadaire ou mensuelle prévue et, sauf pour les salariés des associations et entreprises d’aide à domicile et les salariés relevant d’un accord collectif de travail conclu en application de l’article L. 3122-2, la répartition de la durée du travail entre les jours de la semaine ou les semaines du mois,

. les cas dans lesquels une modification éventuelle de cette répartition peut intervenir ainsi que la nature de cette modification,

. les modalités selon lesquelles les horaires de travail pour chaque journée travaillée sont communiquées par écrit au salarié,

. les limites dans lesquelles peuvent être accomplies des heures complémentaires au delà de la durée de travail fixée par le contrat » ;

Que l’absence de clause prévoyant la répartition des heures de travail entre les jours de la semaine et les semaines du mois fait présumer que l’emploi est à temps complet, sauf à l’employeur à prouver qu’il s’agissait d’un emploi à temps partiel et que le salarié n’était pas dans l’impossibilité de prévoir à quel rythme il devait travailler et qu’il n’était pas dans l’obligation de se tenir à la disposition de son employeur ;

Que M. [I] soutient que les contrats en sa possession n’indiquent nullement la répartition entre les jours de la semaine et les semaines du mois et que la durée du travail n’était donc pas fixée par l’employeur ; qu’il soutient que les plannings ne lui étaient jamais communiqués à l’avance et que les jours de travail variant d’un mois sur l’autre, il était obligé de rester à disposition de l’employeur ; qu’il fait valoir qu’aucun planning n’est communiqué de 2000 à 2007, qu’il manque de nombreux plannings pour la période postérieure et que les modifications de plannings prouvent qu’il devait rester à disposition de l’entreprise ; qu’il soutient enfin que les contrats précisent qu’il s’engageait à travailler exclusivement pour l’entreprise pendant la période de collaboration alors qu’aucune date n’est indiquée au contrat ;

Que l’employeur réplique que les contrats de travail à durée déterminée d’usage faisaient bien mention des jours de travail, de sorte que les dispositions formelles de l’article L.3123-14 du code du travail ont bien été respectées ; qu’il soutient que M. [I] avait une parfaite connaissance de ses plannings, qu’il ne peut se prévaloir de ce que les contrats ne prévoyaient pas la répartition sur les jours de la semaine et les semaines dans le mois dès lors qu’il étaient conclus pour une seule journée et qu’il lui appartient donc de démontrer qu’il devait rester à disposition de l’entreprise ; qu’il fait valoir enfin que la clause d’exclusivité que l’on trouve dans une partie des contrats de travail de M. [I] ne concernent que quelques semaines pendant lesquelles il a été embauché à temps plein et rémunéré en conséquence ;

Qu’il résulte des documents produits par l’employeur qu’à compter du 1er août 2005, la société d’Édition de Canal Plus a établi des contrats à durée déterminée d’usage sur des périodes de plusieurs mois ainsi que des lettres d’engagement mensuelles; que ces contrats prévoient, compte-tenu du caractère difficilement prévisible et des aléas attachés à la grille des programmes, la transmission d’une planification prévisionnelle tous les deux mois et stipulent qu’une modification de la répartition des jours travaillés telle que définie dans les tableaux prévisionnels annexés peut intervenir dans un délai de prévenance de sept jours ; que les tableaux prévisionnels précisent le nombre de jours de travail par mois, une durée de 8 heures par jour et une fixation de la répartition selon les jours de la semaine et les semaines du mois ; que des modifications sont notamment intervenues en février, mars, avril et mai 2006 ainsi qu’en attestent les lettres de l’employeur adressées à M. [I] ;

Que les tableaux prévisionnels ne sont pas produits au débat pour les contrats établis entre le 1er février 2005 et le 1er septembre 2010 ; que si l’employeur produit en outre les lettres d’engagement signées mensuellement par le salarié qui s’ajoutaient à ces contrats et prévoyaient précisément le jour de travail sur le mois, il ne produit pas ces documents pour l’ensemble des mois de la période de collaboration de M. [I] ; que, notamment, pour l’engagement signé par M. [I] le 1er février 2005 pour les mois de mars, avril, mai et juin, aucun planning prévisionnel n’est produit et seule une lettre mensuelle prévoyant précisément le nombre de jours de travail pour le mois de mai 2005 est produite ;

Que les contrats produits établissent que M. [I] a travaillé de façon continue depuis 2005 pour la société d’Édition de Canal Plus et à défaut de production des plannings horaires établis par l’employeur et notifiés au salarié avant la période couverte, celui-ci n’établit pas que le salarié pouvait prévoir à quel rythme il devait travailler ;

Que, par ailleurs, la possibilité pour l’employeur de modifier les horaires prévus dans le cadre d’engagements semestriels dans un délai de prévenance réduit à sept jours suffit à établir que M. [I] était dans l’obligation de rester à disposition de la société ;

Qu’il convient donc de requalifier la relation contractuelle en contrat à durée indéterminé à temps plein et d’infirmer le jugement de ce chef ;

Considérant, sur les rappels de salaires, que la requalification de la relation contractuelle qui confère au salarié le statut de travailleur permanent de l’entreprise a pour effet de replacer ce dernier dans la situation qui aurait été la sienne s’il avait été recruté depuis l’origine dans le cadre d’un contrat de travail à durée indéterminée ;

Que M. [I] sollicite un rappel de salaires pour la période de juin 2011 à mai 2014 sur la base d’un salaire mensuel moyen brut de 6 842 euros correspondant au salaire journalier de 311 euros par mois convenu entre les parties depuis 2010 calculé sur 22 jours ;

Que l’employeur s’oppose à cette demande au motif qu’en cas de requalification de la relation de travail en contrat à durée indéterminée à temps plein, le salaire de référence ne peut être fixé à partir des salaires que M. [I] percevait dans le cadre des contrats à durée déterminée d’usage, ce taux horaire étant majoré pour tenir compte de la nature déterminée de la relation de travail et de l’absence de versement d’une prime de précarité ; qu’il se réfère aux dispositions de la convention collective qui prévoit des conditions minimales de rémunération pour les intermittents supérieures d’au moins 30% à celles dont bénéficient les salariés engagés sous contrat à durée indéterminée ; qu’il demande de replacer M. [I] dans la situation qui aurait été la sienne s’il avait été recruté en contrat à durée indéterminé à temps complet soit un salaire de 5 336,32 euros bruts correspondant au salaire d’un emploi de réalisateur soit un salaire horaire de 35,18 euros bruts pour 151,67 heures ; qu’il fait en outre observer que le salaire sollicité par M. [I] revient à le rémunérer sur la base de 176 heures soit au-delà de la durée légale hebdomadaire ;

Qu’aux termes de l’avenant intermittent à la convention collective d’entreprise de la société d’Édition de Canal Plus applicable aux sociétés de l’UES Canal +, les intermittents du spectacle doivent bénéficier de conditions minimales de rémunération supérieures d’au moins 30% aux conditions minimales de rémunération dont bénéficient les salariés engagés par la société sous contrat à durée indéterminée ;

Que M. [I], engagé en qualité de réalisateur dans le cadre d’une succession de contrats à durée déterminée et dont la relation de travail est requalifiée en un contrat à durée indéterminée, ne saurait prétendre à un rappel de salaire calculé sur la base d’un accord collectif reconnaissant aux intermittents une rémunération de 30% supérieure à celle minimale des salariés permanents ;

Que l’employeur précise que le salaire mensuel brut versé à un réalisateur dans le cadre d’un emploi permanent est de 5 336,32 euros ; que le salaire mensuel brut de référence sera donc fixé à ce montant, qui n’est pas discuté ;

Que le récapitulatif des salaires qu’aurait dû percevoir M. [I] effectué par l’employeur sur cette base pour 2011, 2012, 2013 et jusqu’en mai 2014 s’élève à 218 789,12 euros dont il convient de déduire les 126 117,26 euros de salaires effectivement perçus ;

Qu’il convient donc, infirmant le jugement, d’allouer à M. [I] la somme de 92 671,86 euros à titre de rappels de salaires et 9 267,18 euros de congés payés ;

Considérant, sur le rappel de 13ème mois, qu’aux termes des dispositions de l’article 1 du chapitre III-II de l’accord d’entreprise, tous les salariés titulaires d’un contrat à durée indéterminée ou à durée déterminée reçoivent, pour une année complète de présence, une gratification égale au montant des appointements bruts de base au taux en vigueur au mois de décembre de l’année considérée ;

Que M. [I] sollicite le paiement de cette prime pour les trois dernières années, demande à laquelle l’employeur ne s’oppose pas dans son principe mais au regard du quantum sollicité ;

Qu’il sera fait droit à cette demande sur la base d’un montant de 5 336,32 euros par année soit 16 008,89 euros et que le jugement sera infirmé de ce chef ;

Considérant, sur l’indemnité de requalification, qu’il résulte de l’article L.1245-2 du code du travail que lorsqu’il est fait droit à la demande du salarié tendant à voir requalifier un contrat à durée déterminée en un contrat à durée indéterminée, il est alloué à ce dernier une indemnité, à la charge de l’employeur, ne pouvant être inférieure à un mois de salaire ;

Qu’il sera alloué à M. [I] une indemnité de 5 400 euros à ce titre et que le jugement sera infirmé de ce chef ;

Considérant, sur la rupture, que le contrat de travail de M. [I] ayant été rompu du seul fait de la survenance du terme des contrats à durée déterminée requalifiés en un contrat à durée indéterminée, cette rupture s’analyse en un licenciement, nécessairement sans cause réelle et sérieuse en l’absence de lettre de licenciement, peu important en l’espèce que M. [I] ait refusé le contrat qui lui était proposé dès lors qu’il s’agissait d’un emploi à temps partiel et qu’il avait sollicité un contrat à temps plein ;

Que le jugement sera infirmé de ce chef ;

Considérant, sur les indemnités de rupture, que la société sera condamnée à verser au salarié une indemnité conventionnelle de licenciement, une indemnité compensatrice de préavis et les congés payés afférents dont il a été indûment privé ;

Que l’indemnité conventionnelle doit être calculée sur la base du salaire mensuel de référence, ce qui donne droit au salarié à une indemnité de 22 892,81 euros ;

Que l’indemnité de préavis sera fixée à trois mois de salaire conformément à l’article VIII du chapitre V de la convention collective non contestée par l’employeur ;

Qu’il sera donc alloué à M. [I] la somme de 16 008,89 euros à ce titre ;

Que l’employeur s’oppose au paiement des congés payés sur l’indemnité de préavis au motif que les congés de M. [I] étaient payés par les charges patronales du congé spectacle ainsi que cela résulte de ses bulletins de paie ;

Que dès lors que l’employeur est redevable des congés payés, leur paiement sera mis à sa charge, libre à lui ensuite d’en demander le remboursement s’il y a lieu aux organismes chargés du recouvrement de ces charges patronales ;

Qu’il appartient à l’employeur d’apporter la preuve que M. [I] a été rempli de ses droits au titre des congés payés sur préavis, ce qu’il ne fait pas en l’espèce ; qu’il lui sera donc alloué 1 600,88 euros à ce titre ;

Que le jugement sera infirmé de ces chefs de demande ;

Considérant, sur l’indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, que M. [I] qui, à la date du licenciement, comptait au moins deux ans d’ancienneté dans une entreprise employant habituellement au moins onze salariés a droit, en application de l’article L. 1235-3 du code du travail, à une indemnité qui ne saurait être inférieure aux salaires bruts perçus au cours des six derniers mois précédant son licenciement ;

Qu’au regard de son âge au moment du licenciement, 51 ans , de son ancienneté d’environ 14 ans dans l’entreprise, du montant de la rémunération qui lui était versée, de son aptitude à retrouver un emploi eu égard à son expérience professionnelle et de ce qu’il ne communique aucun élément sur sa situation professionnelle depuis la rupture, il convient de lui allouer, en réparation du préjudice matériel et moral subi, la somme de 56 000 euros ; que le jugement sera infirmé de ce chef ;

Considérant qu’en application de l’article L. 1235-4 du code du travail, il convient d’ordonner d’office le remboursement par l’employeur, à l’organisme concerné, du montant des indemnités de chômage éventuellement servies au salarié du jour de son licenciement au jour du prononcé de l’arrêt dans la limite de 6 mois d’indemnités ;

Considérant, sur les dommages et intérêts pour non-respect des visites médicales, que M. [I] soutient que la société d’Edition de Canal Plus s’est soustraite à cette obligation et que ce non-respect est préjudiciable à sa santé ;

Que l’employeur soutient que du fait de son adhésion au CMB, le suivi médical de M. [I] était assuré par ce dernier et qu’en tout état de cause M. [I] ne démontre pas de préjudice ;

Qu’en l’espèce M. [I] ne démontre pas avoir subi un préjudice de ce fait ; qu’il sera donc débouté de sa demande et le jugement confirmé de ce chef ;

Considérant, sur les dommages et intérêts pour exécution déloyale du contrat de travail, que M. [I] soutient que l’employeur a manqué à ses obligations au titre de la bonne foi contractuelle en refusant de lui accorder un contrat à durée indéterminée et en utilisant des contrats à durée déterminée d’usage ;

Que l’employeur conteste avoir méconnu ses obligations, précise avoir proposé un contrat à durée indéterminée à M. [I] et fait valoir qu’en tout état de cause il n’allègue pas à ce titre de préjudice distinct de celui déjà présenté au soutien de ses autres demandes indemnitaires ;

Que la société d’Edition de Canal Plus a, le 20 mars 2014, puis le 26 mai suivant, proposé à M. [I] un contrat de travail à durée indéterminée de 109 jours annuels ;

Que le seul désaccord entre les parties sur le contrat proposé ne suffit pas à établir la mauvaise foi contractuelle de l’employeur ; qu’en outre, M. [I] ne démontre pas avoir subi un préjudice distinct de ceux déjà réparés par les différentes indemnités allouées ;

Que M. [I] sera débouté de sa demande à ce titre et le jugement confirmé de ce chef ;

Considérant que sans qu’il soit besoin d’assortir cette mesure d’une astreinte, il convient d’ordonner à la société d’Edition de Canal Plus de remettre à M. [I] une attestation Pôle emploi, un bulletin de salaire récapitulatif et un certificat de travail conformes au présent arrêt ;

Considérant que, s’il peut être rappelé qu’en application de l’article 8-1 du décret n° 96-1080 du 12 décembre 1996, tel que modifié par le décret n° 2001-376 du 27 avril 2001, le droit de recouvrement ou d’encaissement des sommes dues en vertu d’une décision de justice, alloué à l’huissier de justice qui en a reçu mandat, est à la charge du débiteur, la demande présentée à ce titre par l’appelant est irrecevable, faute d’intérêt à agir, en l’absence de litige né de ce chef ;

PAR CES MOTIFS :

La cour statuant publiquement et contradictoirement,

Déclare les demandes de M. [D] [I] recevables,

Infirme partiellement le jugement,

Statuant à nouveau,

Requalifie la relation contractuelle en contrat de travail à durée indéterminée à temps plein,

Condamne la société d’Edition de Canal Plus à payer à M. [D] [I] les sommes suivantes :

. 92 671,86 euros à titre de rappels de salaires et 9 267,18 euros de congés payés,

. 16 008,89 euros à titre de rappel de 13ème mois,

. 16 008,89 euros à ce titre à titre d’indemnité compensatrice de préavis,

. 1 600,88 euros à titre de congés payés sur préavis,

. 22 892,81 euros à titre d’indemnité de licenciement,

ces sommes avec intérêts au taux légal à compter du jour de la réception par l’employeur de la lettre le convoquant devant le bureau de conciliation,

. 5 400 euros à titre d’indemnité de requalification,

. 56 000 euros à titre d’indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,

ces sommes avec intérêts au taux légal à compter du présent arrêt,

Ordonne d’office le remboursement par l’employeur, à l’organisme concerné, du montant des indemnités de chômage éventuellement servies au salarié du jour de son licenciement au jour du prononcé de l’arrêt dans la limite de 6 mois d’indemnités,

Ordonne à la société d’Edition de Canal Plus à remettre à M. [I] une attestation Pôle emploi, un bulletin de salaire récapitulatif et un certificat de travail conformes au présent arrêt,

Confirme pour le surplus le jugement,

Déboute les parties de leurs demandes autres, plus amples ou contraires,

Condamne la société d’Edition de Canal Plus à payer à M. [I] la somme de 3 000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile,

Condamne la société d’Edition de Canal Plus aux dépens.

Arrêt prononcé par mise à disposition au greffe de la cour, conformément à l’avis donné aux parties à l’issue des débats en application de l’article 450, alinéa 2, du code de procédure civile, et signé par Madame Clotilde Maugendre, président et Madame Marine Gandreau, greffier.

Le greffier,Le président,

 


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