Convention collective de la production audiovisuelle : 24 janvier 2020 Cour d’appel de Rennes RG n° 17/02370
Convention collective de la production audiovisuelle : 24 janvier 2020 Cour d’appel de Rennes RG n° 17/02370

8ème Ch Prud’homale

ARRÊT N°37

R.G : N° RG 17/02370 et 18/04316 joints –

N° Portalis DBVL-V-B7B-N2KB

M. [O] [L]

C/

SAS THINKOVERY

Confirmation

Copie exécutoire délivrée

le :

à :

REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

COUR D’APPEL DE RENNES

ARRÊT DU 24 JANVIER 2020

COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DÉLIBÉRÉ :

Monsieur Rémy LE DONGE L’HENORET, Président de chambre,

Madame Isabelle LECOQ-CARON, Conseillère,

Monsieur Emmanuel ROCHARD, Conseiller,

GREFFIER :

Monsieur Philippe RENAULT, lors des débats et lors du prononcé

DÉBATS :

A l’audience publique du 06 Décembre 2019

devant Monsieur Emmanuel ROCHARD, magistrat rapporteur, tenant seul l’audience, sans opposition des représentants des parties, et qui a rendu compte au délibéré collégial

ARRÊT :

Contradictoire, prononcé publiquement le 24 Janvier 2020 par mise à disposition au greffe comme indiqué à l’issue des débats

****

APPELANT et intimé à titre incident du jugement partiel du 2 mars 2017 et du jugement de départage du 29 mai 2018:

Monsieur [O] [L]

né le [Date naissance 1] 1974 à [Localité 3] (44)

demeurant [Adresse 5]

[Localité 4]

représenté par Me Anne-Marie LOUVIGNE-MENETRIER, Avocat au Barreau de NANTES

INTIMEE et appelante à titre incident du jugement partiel du 2 mars 2017 et du jugement de départage du 29 mai 2018:

La SAS THINKOVERY prise en la personne de son représentant légal et ayant son siège social :

[Adresse 2]

[Localité 3]

représentée par Me Etienne DELATTRE de la SELARL NMCG AVOCATS ASSOCIES, Avocat au Barreau de NANTES

M. [O] [L] a été engagé suivant un contrat à durée indéterminée signé le 23 octobre 2012 par la SAS THINKOVERY en qualité de technicien vidéaste, statut agent de maîtrise, dans le cadre de la convention collective de la production audiovisuelle, pour un salaire brut de 2.500 € par mois, puis 3.000 € par mois à compter du mois de février 2014.

M. [L] a été placé en arrêt de travail à compter du 2 septembre 2014.

Le 10 octobre 2014, les parties ont signé une rupture conventionnelle du contrat de travail, laquelle a été homologuée le 7 novembre 2014.

Le 2 juin 2015, M. [O] [L] a saisi le conseil de prud’hommes de Nantes afin de voir dire nulle cette rupture conventionnelle et condamner la SAS THINKOVERY au paiement de diverses sommes.

Par jugement du 2 mars 2017, le conseil de prud’hommes de Nantes a :

– Dit que l’existence d’une relation de travail antérieure au 22 octobre 2012 n’est pas démontrée ;

– Débouté M. [O] [L] de ses demandes formées au titre du travail dissimulé;

– Renvoyé partiellement l’affaire à la formation de départage, s’agissant des demandes formées au titre de la reconnaissance du statut cadre et de ses conséquences financières, ainsi que de celles formées sur l’exécution et la finalisation du contrat de travail et notamment sur la nullité de la rupture conventionnelle ;

– Condamné M. [O] [L] aux dépens.

Le 30 mars 2017, M. [O] [L] a régulièrement interjeté appel de ce jugement.

Par jugement de départage en date du 29 mai 2018, le conseil de prud’hommes de Nantes a :

– Dit que M. [O] [L] exerçait au sein de la SAS THINKOVERY un emploi de réalisateur, statut cadre ;

– Ordonné à la SAS THINKOVERY de fournir à M. [O] [L] un bulletin de salaire rectificatif conforme à cette décision ;

– Débouté M. [O] [L] de ses autres demandes ;

– Condamné les deux parties aux dépens par moitié.

Le 27 juin 2018, M. [O] [L] a régulièrement interjeté appel de ce jugement.

En raison de leur connexité, les deux procédures ont été jointes par une ordonnance du conseiller de la mise en état, datée du 21 mars 2019.

Par un arrêt de réouverture des débats en date du 21 juin 2019, la cour a ordonné la révocation de la clôture afin de garantir le respect du principe du contradictoire et renvoyé l’affaire à la mise en état.

Une nouvelle ordonnance de clôture a été prononcée le 19 novembre 2019, l’affaire étant rappelée et retenue à l’audience de plaidoiries du 6 décembre 2019.

Vu les écritures notifiées le 9 juillet 2019 par voie électronique suivant lesquelles M. [L] demande à la cour de :

‘ Réformer le jugement en ce qu’il l’a débouté de sa demande portant sur l’existence d’un travail dissimulé antérieur à la signature du contrat de travail,

‘ Confirmer le jugement en ce qu’il a jugé qu’il occupait réellement la fonction de réalisateur et relevait du statut cadre,

‘ Réformer le jugement pour le surplus,

‘ Constater l’existence d’un travail dissimulé antérieur à la signature du contrat de travail,

‘ Ordonner à la SAS THINKOVERY de procéder à son affiliation au régime de retraite complémentaire des cadres, de régler les cotisations afférentes, de refaire les bulletins de paie sur toute la période d’emploi d’octobre 2012 à novembre 2014 en tenant compte du statut cadre ainsi que les documents sociaux conformes à la décision,

‘ Dire que la rupture conventionnelle est nulle pour vice de consentement et produit les effets d’un licenciement sans cause réelle et sérieuse,

‘ Dire qu’en lui imposant une rupture conventionnelle au lieu d’engager une procédure de licenciement pour motif économique, elle l’a privé des dispositifs attachés au licenciement économique,

‘ Condamner la SAS THINKOVERY à lui verser :

– 18.402,76 € net à titre d’indemnité forfaitaire pour travail dissimulé,

– 14.527,98 € brut à titre de rappel de salaire pour la période de juin 2012 jusqu’à la signature du contrat de travail,

– 7.500 € brut à titre de rappel de salaire afférent à l’emploi de réalisateur statut cadre,

– 750 € brut au titre des congés payés afférents,

– 18.402,78 € net à titre de dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,

– 6.134,26 € brut au titre de l’indemnité de préavis,

– 613,42 € brut au titre des congés payés afférents,

– 3.067,37 € net à titre de dommages-intérêts pour non-respect de la procédure de licenciement,

– 1.914,93 € net au titre du reliquat d’indemnité conventionnelle de licenciement pour motif économique,

– 10.000 € net de dommages-intérêts en réparation des préjudices résultant de la privation du CSP, de l’ASP, de l’indemnité conventionnelle de licenciement pour motif économique,

– 5.000 € net à titre de dommages-intérêts pour manquements répétés à l’exécution de bonne foi du contrat de travail,

– 5.000 € net à titre de dommages-intérêts pour manquements de l’employeur à son obligation de sécurité,

– 2.000 € net à titre de dommages-intérêts pour manquements de l’employeur à son obligation d’information sur la portabilité du régime de prévoyance,

– 3.000 € sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile et frais irrépétibles,

‘ Fixer les entiers dépens à la charge de la société.

Vu les écritures notifiées le 18 novembre 2019 par voie électronique suivant lesquelles la SAS THINKOVERY demande à la cour de :

‘ Confirmer le jugement en ce qu’il a débouté M. [L] de sa demande indemnitaire pour travail dissimulé,

‘ Infirmer le jugement en ce qu’il a reconnu la qualité de cadre à M. [L] ou, subsidiairement, confirmer le jugement en ce qu’il n’a pas accordé de dommages-intérêts à M. [L] à ce titre,

‘ Confirmer le jugement entrepris s’agissant des autres demandes de M. [L],

‘ Condamner M. [L] à lui verser la somme de 4.000 € au titre de l’article 700 du code de procédure civile, ainsi qu’aux éventuels dépens.

Pour un plus ample exposé des moyens et prétentions des parties, la cour, conformément à l’article 455 du code de procédure civile, renvoie aux conclusions notifiées par voie électronique.

***

*

MOTIFS DE LA DÉCISION :

Sur l’origine de la relation de travail

Pour infirmation à ce titre, M. [L] fait principalement observer qu’il travaillait sous le statut d’auto-entrepreneur en fin d’année 2011 et que la SAS THINKOVERY lui a confié à compter de juin 2012 le travail de lister, répertorier, chiffrer le matériel vidéo nécessaire pour l’exercice de l’activité de la société, puis en septembre et octobre 2012 la conception et la mise en place technique des vidéos, sans paiement ni contrat de travail jusqu’à la signature d’un contrat à durée indéterminée le 23 octobre 2012.

La SAS THINKOVERY rétorque pour l’essentiel qu’elle n’a été créée et immatriculée que le 18 octobre 2012 et qu’aucun lien de subordination n’est caractérisé jusqu’à cette date pour les échanges auxquels il a alors participé et pour son aide ponctuelle dans le contexte de création de cette ‘start up’.

Il résulte des articles L.1221-1 et suivants du code du travail que le contrat de travail suppose un engagement à travailler pour le compte et sous la subordination d’autrui moyennant rémunération.

L’existence d’un contrat de travail dépend, non pas de la volonté manifestée par les parties ou de la dénomination de la convention, mais des conditions de fait dans lesquelles est exercée l’activité du travailleur.

En particulier, le lien de subordination est caractérisé par l’exécution d’un travail sous l’autorité d’un employeur qui a le pouvoir de donner des ordres et des directives, d’en contrôler l’exécution et de sanctionner les manquements de son subordonné. L’existence d’un lien de subordination n’est d’ailleurs pas incompatible avec une indépendance technique dans l’exécution de la prestation.

Dans la présente affaire, il est constant qu’aucun document écrit n’a été établi entre les parties avant la signature du contrat à durée indéterminée daté du 23 octobre 2012 (pièce n°1 de M. [L]), lequel indique un engagement à compter de cette même date en qualité de vidéaste, classification technicien, sous réserve d’une période d’essai de trois mois de travail effectif.

A l’appui de ses demandes, M. [L] produit une attestation de sa compagne (pièce n°5) indiquant qu’il aurait en réalité travaillé à son domicile dès le mois de juin 2012 à la demande de M. [M] sur l’élaboration et la réalisation de films, la définition des besoins matériels et la demande de devis comparatifs.

Cependant, aucune pièce au dossier ne démontre un quelconque travail effectué entre juin et août 2012.

Deux brefs courriels (pièces n°2 et 3) confirment que des rendez-vous ont pu être pris au cours des mois de septembre et octobre 2012 entre M. [M] et M. [L] au domicile de celui-ci. Des essais de vidéos auraient alors été effectués avec le matériel personnel de M. [L] ; le courriel de M. [M] daté du 5 septembre 2012 (pièce n°2) évoque trois demi-journées pour ces ‘essais’. A la même période, M. [M] a fourni à M. [L] une adresse de courriel ‘[Courriel 6]’.

Ces pièces restent néanmoins insuffisantes pour démontrer à elles seules qu’un travail effectif aurait été effectué dès cette période par M. [L] sous les ordres et directives de M. [M] qui en aurait contrôlé l’exécution. Les deux brefs courriels précédemment cités n’apportent en effet aucune précision sur la nature exacte d’un travail de M. [L] pour le compte de M. [M], tandis qu’aucun autre document antérieur au contrat de travail écrit n’évoque plus précisément la définition du poste de M. [L] au sein de la SAS THINKOVERY, ses horaires de travail ou un quelconque contrôle de M. [M] sur son travail.

Une autre attestation (pièce n°8 de la SAS THINKOVERY) évoque pour la période antérieure à la signature du contrat de travail des ‘échanges (…) réflexions et questionnements’ entre M. [L] et M. [M] ‘pour inventer le concept des vidéos’, ce qui est compatible avec l’organisation des réunions tenues à son domicile selon les courriels visés, les essais de vidéos s’inscrivant ainsi dans ces échanges préalables à la formation d’un contrat de travail.

De surcroît, la SAS THINKOVERY démontre (pièce n°1) qu’elle n’a été immatriculée qu’à la date du 18 octobre 2012, de sorte que M. [M] n’en a été le gérant qu’à compter de cette date, soit quatre jours avant la signature du contrat à durée indéterminée offert à M. [L].

Au vu des pièces versées aux débats, c’est donc à juste titre que les premiers juges ont retenu que le lien de subordination, nécessaire pour déterminer l’existence d’un contrat de travail, n’était pas suffisamment caractérisé pour la période antérieure à la signature du contrat à durée indéterminée.

Le jugement du 2 mars 2017 sera ainsi confirmé en ce qu’il a retenu que l’existence d’une relation de travail antérieure au 22 octobre 2012 n’était pas démontrée et a débouté, par voie de conséquence, M. [L] de ses demandes formées au titre du travail dissimulé.

Par suite, M. [L] doit également être débouté de sa demande de rappel de salaire pour la période allant du mois de juin 2012 à la date de signature du contrat de travail.

Sur la reclassification au statut de cadre

Pour infirmation à ce titre, l’employeur soutient principalement que M. [L] n’a jamais assumé de fonctions de réalisateur au sens de la convention collective et ne disposait ni du diplôme ou de l’expérience professionnelle, ni de l’autorité, ni de l’initiative, ni de la haute responsabilité nécessaires à sa classification comme réalisateur.

Pour confirmation, le salarié soutient qu’il a bien exercé des missions de réalisateur et que celles-ci correspondaient à sa formation et à son expérience professionnelle.

M. [L] ayant été engagé en qualité de vidéaste, classification technicien selon les termes de son contrat de travail, il lui revient d’apporter la preuve qu’il exerçait les fonctions correspondant à la classification revendiquée.

A ce titre, il démontre qu’il a réalisé un nombre important de vidéos pour le compte de l’entreprise (pièce n°29) et avait les compétences et l’expérience d’un réalisateur (pièces n°7, 33 à 35).

Outre que la SAS THINKOVERY admet avoir présenté M. [L] comme réalisateur sur son site Internet (pièce n°8 du salarié) et a par ailleurs souligné plus haut son apport personnel dans l’élaboration du concept des vidéos produites par l’entreprise, les attestations de deux anciennes salariées (pièces n°9 et 10) confirment que celui-ci était présenté comme réalisateur au reste de l’équipe ainsi qu’aux différentes interlocuteurs et avait régulièrement la charge d’élaborer et organiser les tournages, montages et suivis des vidéos.

Une autre attestation (pièce n°50) indique que M. [L] a supervisé le travail d’un vidéaste embauché au sein de l’entreprise.

L’employeur critique le manque d’objectivité supposée de certaines de ces attestations mais n’apporte pas d’élément contraire s’agissant des faits ainsi rapportés.

C’est donc à juste titre que les premiers juges ont retenu que dans la réalité de ses fonctions au sein de la SAS THINKOVERY, M. [L] occupait un emploi de réalisateur et en ont tiré la conséquence en constatant qu’il relevait du statut de cadre conformément à la classification des emplois par la convention collective de la production audiovisuelle.

Sur le rappel de salaire

Pour infirmation à ce titre, M. [L] soutient qu’en dépit de l’absence dans la grille des salaires d’un salaire minimum pour l’emploi de réalisateur classé dans le niveau «HN», il est fondé à demander un rappel de salaire calculé à hauteur de 3.000,00 € brut dès le début de son contrat de travail, faute de quoi son salaire perçu avant l’augmentation obtenue en février 2014 était inférieur à celui des assistants réalisateurs ou des conseillers techniques en réalisation classés niveau II.

Pour confirmation, la SAS THINKOVERY fait principalement observer que sous réserve de faire assurer le respect de plusieurs principes (respect du SMIC et des minima conventionnels, non-discrimination et égalité de traitement), le juge n’a pas le pouvoir de déterminer le montant de la rémunération d’un salarié.

Selon l’article 1315 devenu 1353 du code civil, celui qui réclame l’exécution d’une obligation doit la prouver. Réciproquement, celui qui se prétend libéré doit justifier le paiement ou le fait qui a produit l’extinction de son obligation.

En l’espèce, les moyens soutenus par M. [L] en cause d’appel au soutien de sa demande de rappel de salaire ne font que réitérer, sans justification complémentaire utile, ceux dont les premiers juges ont connu et auxquels, se livrant à une exacte appréciation des faits de la cause et à une juste application des règles de droit s’y rapportant, ils ont répondu par des motifs pertinents et exacts que la cour adopte, que le salaire de M. [L] n’était pas inférieur au minimum conventionnel même en qualité de réalisateur au statut de cadre et résultait donc de la libre négociation des parties.

M. [L] doit en conséquence être débouté de sa demande de rappel de salaire fondée sur cette seule reclassification, le jugement entrepris étant confirmé sur ce point.

Sur l’exécution déloyale du contrat de travail

Pour infirmation à ce titre, M. [L] fait observer que :

– Du fait de la réorganisation de l’activité de la société vers la création d’un magazine papier, l’employeur a cessé de lui donner du travail de conception et de réalisation vidéos à compter de mars 2014, manquant ainsi à son obligation de lui fournir le travail convenu,

– L’employeur a verrouillé le 4 septembre 2014 l’accès informatique de M. [L] à son compte alors que le contrat de travail était suspendu pour maladie,

– L’employeur a formulé à son encontre des reproches cinglants sur un soi-disant mauvais travail un dimanche soir.

Pour confirmation, la SAS THINKOVERY conteste avoir privé de travail le salarié et fait principalement observer que celui-ci a refusé le tournage de nouvelles vidéos à [Localité 7] en 2014, qu’il a conservé l’accès à sa boîte mail à laquelle il s’est encore connecté le 2 décembre 2014 après la rupture du contrat de travail, que les pièces visées ne démontrent aucune déloyauté de l’employeur et qu’à l’inverse, M. [L] avait un comportement agressif depuis le début de l’année.

Par application de l’article L.1222-1 du code du travail, le contrat de travail est présumé exécuté de bonne foi, de sorte que la charge de la preuve de l’exécution de mauvaise foi du contrat incombe à celui qui l’invoque.

En l’espèce, M. [L] procède à ce titre essentiellement par affirmations et ne démontre par aucune pièce l’absence de fourniture du travail, pas plus que l’impossibilité d’accéder à son courrier électronique (la pièce n°21 indiquant seulement un changement de mot de passe, sans qu’il soit fait état d’une quelconque réclamation du salarié à ce titre).

Il ressort certes des pièces produites et notamment des attestations versées aux débats par M. [L] (pièces n°17 et 18) qu’à compter du mois de mars 2014, l’activité de la SAS THINKOVERY s’est davantage tournée vers le marché du ‘format papier’ au détriment de la production de vidéos. En particulier, l’entreprise a préparé la sortie d’un magazine ‘papier’ prévue en septembre 2014. Cependant, ainsi qu’il a été relevé à juste titre par les premiers juges au vu de ces pièces, l’activité de M. [L] a certes été réduite durant ces quelques mois mais n’était pas inexistante, la préparation et le tournage de vidéos n’étant pas entièrement interrompus. Si M. [L] a pu exprimer à des collègues son désarroi dans ce contexte et son sentiment d’être inutile aux nouvelles activités de l’entreprise, il ne justifie donc pas avoir été privé de travail.

D’autre part, les pièces produites ne mettent pas en évidence un manquement particulier de l’employeur à son obligation d’exécuter de bonne foi le contrat de travail ou plus généralement à ses obligations contractuelles envers M. [L] sur cette période. L’unique courriel du 26 janvier 2014 cité à ce titre par le salarié (pièce n°23) indique seulement que sa hiérarchie a exprimé son insatisfaction sur un document produit, dans des termes ne visant pas particulièrement la personne ou le travail de M. [L] et ne permettant de caractériser aucun abus ou comportement déloyal, en l’absence de tout autre élément.

Le jugement entrepris sera donc confirmé en ce qu’il a débouté M. [L] de cette demande.

Sur l’obligation de sécurité

Pour infirmation à ce titre, M. [L] soutient que l’employeur a laissé sa santé se détériorer. Il indique avoir été placé en arrêt de travail prolongé pour ‘stress au travail’, faute pour l’employeur d’avoir pris des mesures pour protéger sa santé physique et mentale lors de la réorganisation de l’activité de la société vers le magazine papier et compte tenu des conséquences qui en ont résulté sur son emploi de réalisateur et ses conditions de travail.

La SAS THINKOVERY ne forme pas d’observation sur cette demande.

Selon l’article L.4121-1 du code du travail, en sa rédaction applicable au litige, l’employeur prend les mesures nécessaires pour assurer la sécurité et protéger la santé physique et mentale des travailleurs. Ces mesures comprennent :

1° Des actions de prévention des risques professionnels et de la pénibilité au travail ;

2° Des actions d’information et de formation ;

3° La mise en place d’une organisation et de moyens adaptés.

L’employeur veille à l’adaptation de ces mesures pour tenir compte du changement des circonstances et tendre à l’amélioration des situations existantes.

En l’espèce, les premiers juges ont relevé à juste titre que si l’employeur ne justifiait pas des mesures légales et réglementaires prises en application de ces dispositions légales, le salarié ne fondait pas sa demande sur ce motif mais sur le seul constat que sa santé était dégradée.

La référence faite par M. [L] à une réorganisation de l’activité de la société vers le magazine ‘papier’ ne permet pas, à elle seule, de démontrer que des mesures d’accompagnement particulières auraient été rendues nécessaires pour préserver la santé des salariés concernés.

L’avis d’arrêt du travail daté du 2 septembre 2014 et sa prolongation datée du 25 septembre 2014 (pièce n°19 du salarié) n’apportent à cet égard aucune information.

L’attestation du médecin généraliste (pièce n°20), établie le 1er juillet 2015 soit dix mois après cet arrêt de travail, mentionne un arrêt de travail ‘pour stress au travail’ sans aucune autre précision, ce qui ne permet pas d’en déduire la responsabilité de l’employeur dans cette situation.

Ces éléments restent très insuffisants pour établir la démonstration d’un manquement particulier de la SAS THINKOVERY à ses obligations en matière de sécurité ou le préjudice en résultant pour M. [L].

Le jugement entrepris sera donc également confirmé de ce chef.

Sur la rupture conventionnelle du contrat de travail

Pour infirmation, M. [L] soutient que la rupture conventionnelle est nulle pour vice du consentement et fait principalement observer à ce titre que :

– La SAS THINKOVERY lui a imposé cette rupture, de sorte qu’il n’avait d’autre choix que de l’accepter,

– A compter du mois de mars 2014 et compte tenu de la nouvelle activité de la société (parution d’un magazine scientifique), il n’avait plus d’utilité au sein de la société et était ‘mis au placard’,

– Cette situation était devenue insupportable psychologiquement et a gravement altéré sa santé,

– Confronté à des difficultés financières importantes, l’employeur refusait d’engager une procédure de licenciement économique et lui a imposé cette rupture conventionnelle,

– Il n’a pas été remplacé à son départ, ce qui démontre que son poste a été supprimé,

– L’atmosphère au travail était devenue anxiogène et très tendue, l’employeur ayant adopté un comportement irrespectueux et l’ayant placé sous pression pour accepter cette rupture conventionnelle,

– La validité de son consentement était d’autant plus affectée qu’il était à cette période en grande souffrance psychologique et en arrêt maladie pour ‘stress au travail’, conséquence de la dégradation de ses conditions de travail entièrement imputables à l’employeur.

Pour confirmation, la SAS THINKOVERY soutient que le formalisme prévu par le contrat de travail a été respecté et que cette convention a été homologuée le 7 novembre 2014 par l’autorité administrative. Elle conteste avoir contourné les règles applicables en matière de licenciement économique et fait observer que le poste occupé par M. [L] n’a pas été supprimé après son départ, la partie vidéo du site continuant à exister.

Aux termes de l’article L.1237-11 du code du travail, employeur et salarié peuvent convenir des conditions de la rupture du contrat de travail.

La rupture conventionnelle exclusive du licenciement ou de la démission, ne peut être imposée par l’une ou l’autre des parties. Elle résulte d’une convention signée par les parties au contrat.

Sauf en cas de fraude ou de vice du consentement, une rupture conventionnelle peut être valablement conclue au cours de la période de suspension du contrat de travail consécutive à un arrêt de travail.

D’autre part, si la rupture conventionnelle résultant d’une cause économique est intervenue dans un contexte de suppressions d’emplois dues à des difficultés économiques et s’inscrivant dans un projet global et concerté de réduction des effectifs, le juge peut procéder à l’annulation de la convention de rupture.

En l’espèce, il est constant que la convention de rupture du contrat à durée indéterminée signée par les parties à la date du 27 octobre 2014 (pièce n°4 de l’employeur) a été homologuée par l’administration le 7 novembre 2014, sans avoir fait l’objet d’une rétractation par le salarié.

M. [L] soutenant que son consentement a été vicié, il lui appartient d’en faire la démonstration au regard de l’article 1109 du code civil (en sa rédaction applicable à la date de la convention) aux termes duquel il n’y a point de consentement valable si le consentement n’a été donné que par erreur ou s’il a été extorqué par violence ou surpris par dol.

Or si M. [L] établit qu’il était placé en arrêt de travail et souffrait selon l’attestation citée plus haut d’un ‘stress au travail’ au moment où il a signé la rupture conventionnelle de son contrat, il a été précédemment relevé que le salarié ne démontrait pas un manquement particulier de l’employeur à son obligation de sécurité.

Les attestations produites de part et d’autre sont contradictoires en ce qui concerne l’ambiance de travail régnant au sein de la SAS THINKOVERY durant l’année 2014, celle-ci étant perçue de manière très variable par les différents salariés de l’entreprise. Cependant, aucune d’entre elles n’indique une pression particulière exercée par l’employeur pour contraindre le salarié à accepter la rupture conventionnelle de son contrat.

A l’inverse, les courriels échangés entre les parties tendent à indiquer que M. [L] a été en partie à l’initiative de cette rupture conventionnelle (pièce n°12 de l’employeur):

– Le 5 octobre 2014, il a écrit au gérant de l’entreprise pour lui demander ‘si ta suggestion de rupture conventionnelle du 15 mai dernier était toujours d’actualité’ ;

– Le même jour, le gérant lui a répondu ‘Cela dépend de ce que tu proposes’ ;

– Le 6 octobre 2014, M. [L] a écrit au gérant : ‘Je te propose une rupture conventionnelle, avec pour indemnités 3 mois de mon salaire brut moyen. (…)’

Aucune autre pièce n’établit que M. [L] serait ensuite revenu sur cette demande ni qu’il aurait été contraint par les circonstances à la formuler ou à accepter les termes de la convention signée.

De surcroît, il ne ressort pas des pièces produites que le poste occupé par M. [L] a été supprimé à son départ ni que celui-ci serait intervenu dans un contexte de suppressions d’emplois dues aux difficultés économiques ou à la réorientation partielle de l’activité de la SAS THINKOVERY vers le ‘format papier’ au cours de l’année 2014, laquelle n’a pas privé le salarié de travail, ainsi qu’il a été relevé précédemment, l’employeur justifiant au surplus de la poursuite d’une activité régulière de production de vidéos après le départ de M. [L].

Compte tenu de l’ensemble de ces éléments, l’existence d’un vice du consentement affectant la rupture conventionnelle du contrat de travail n’étant pas démontrée, le jugement entrepris doit être confirmé en ce qu’il a débouté M. [L] de l’ensemble des demandes relatives à cette rupture.

Sur le défaut d’information relative à la portabilité du régime de prévoyance

Pour infirmation à ce titre, M. [L] soutient que l’employeur a manqué à son obligation en la matière, ce qui lui cause nécessairement un préjudice.

Pour confirmation, la SAS THINKOVERY soutient que l’accord collectif applicable ne lui imposait une telle information qu’en matière de licenciement et non dans l’hypothèse d’une rupture conventionnelle.

Il est relevé que les dispositions issues de la loi n°2013-504 du 14 juin 2013 de sécurisation de l’emploi, imposant à l’employeur d’informer le salarié sur la portabilité du régime de prévoyance, sont entrées en vigueur au 1er juin 2015 et n’étaient pas encore applicables à la date de la rupture du contrat de travail de M. [L].

En revanche, par application de l’avenant n° 3 du 18 mai 2009 à l’accord national interprofessionnel du 11 janvier 2008 sur la modernisation du marché du travail, l’employeur était tenu d’une obligation de remettre au salarié en cas de rupture du contrat de travail une notice d’information mentionnant les conditions d’application de la portabilité.

Il résulte de l’article 14 de l’accord interprofessionnel que cette obligation concerne toute rupture du contrat de travail non consécutive à une faute lourde.

Pour autant, alors que les premiers juges ont débouté M. [L] de sa demande de dommages-intérêts après avoir relevé qu’il ne justifiait à ce titre d’aucun préjudice et ne versait aucune pièce, l’appelant n’a produit en cause d’appel aucun élément justificatif d’un préjudice tenant au défaut d’information sur la portabilité de ses droits.

Le jugement entrepris sera donc confirmé à ce titre.

Sur la remise des documents sociaux et l’affiliation au régime de retraite complémentaire des cadres

Compte tenu des développements qui précèdent, il conviendra de confirmer le jugement entrepris en ce qu’il a ordonné à la SAS THINKOVERY de fournir à M. [L] un bulletin de salaire rectificatif conforme à la décision.

Par suite de sa reclassification au statut de cadre, M. [L] est fondé à demander rétroactivement son affiliation au régime de retraite complémentaire des cadres pour la durée du contrat de travail. Cependant, étant relevé que la caisse de retraite complémentaire n’a pas été appelée en la cause, il reviendra au salarié de se rapprocher de celle-ci dans le cadre de l’exécution de cette décision.

Sur les frais irrépétibles

L’équité et la situation économique ne justifient pas qu’il soit fait application de l’article 700 du code de procédure civile.

LA COUR,

Statuant publiquement, contradictoirement et en dernier ressort par arrêt mis à la disposition des parties au greffe,

CONFIRME les jugements entrepris ;

DÉBOUTE M. [O] [L] du surplus de ses demandes ;

Y ajoutant,

DÉBOUTE les parties de leur demande respective au titre de l’article 700 du code de procédure civile ;

CONDAMNE M. [O] [L] aux dépens d’appel.

LE GREFFIER,LE PRESIDENT

 


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