Convention collective de la production audiovisuelle : 8 juillet 2020 Cour de cassation Pourvoi n° 18-23.148
Convention collective de la production audiovisuelle : 8 juillet 2020 Cour de cassation Pourvoi n° 18-23.148

SOC.

CH.B

COUR DE CASSATION
______________________

Audience publique du 8 juillet 2020

Rejet

M. SCHAMBER, conseiller doyen
faisant fonction de président

Arrêt n° 609 F-D

Pourvoi n° G 18-23.148

R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________

ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, DU 8 JUILLET 2020

La société France télévisions, dont le siège est […] , a formé le pourvoi n° G 18-23.148 contre l’arrêt rendu le 5 juillet 2018 par la cour d’appel de Paris (pôle 6, chambre 8), dans le litige l’opposant :

1°/ à M. M… A…, domicilié […] ,

2°/ au syndicat SNRT-CGT, dont le siège est […] ,

défendeurs à la cassation.

La demanderesse invoque, à l’appui de son pourvoi, les deux moyens de cassation annexés au présent arrêt.

Le dossier a été communiqué au procureur général.

Sur le rapport de Mme Mariette, conseiller, les observations de la SCP Gatineau, Fattaccini et Rebeyrol, avocat de la société France télévisions, de la SCP Waquet, Farge et Hazan, avocat de M. A… et du syndicat SNRT-CGT, après débats en l’audience publique du 27 mai 2020 où étaient présents M. Schamber, conseiller doyen faisant fonction de président, Mme Mariette, conseiller rapporteur, M. Sornay, conseiller, Mme Grivel, avocat général, et Mme Lavigne, greffier de chambre,

la chambre sociale de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.

Faits et procédure

1. Selon l’arrêt attaqué (Paris, 5 juillet 2018), M. A… a été engagé à compter du 9 août 2000 par la société France 3 aux droits de laquelle vient la société France Télévisions (la société) dans le cadre d’une succession de contrats de travail à durée déterminée, en qualité d’électricien-éclairagiste, chargé de la mise en place, du fonctionnement et de la maintenance des matériels nécessaires à l’éclairage des productions audiovisuelles.

2. Il a saisi la juridiction prud’homale pour obtenir la requalification des contrats à durée déterminée en contrat à durée indéterminée et le paiement de diverses sommes à titre d’indemnisation de la précarité dans laquelle il a été maintenu et de reconstitution de carrière portant sur le salaire et ses accessoires.

3. Le Syndicat national de radiodiffusion et de télévision du groupe France Télévisions SNRT-CGT est intervenu volontairement à l’instance et a demandé la condamnation de la société à lui payer une somme à titre de dommages-intérêts.

Examen des moyens

Sur le premier moyen

Enoncé du moyen

4. La société fait grief à l’arrêt de dire que la relation de travail était à temps complet et de la condamner à payer au salarié des sommes à titre de rappel de salaire et de congés payés afférents, de prime d’ancienneté, de prime de fin d’année, de « mesures FTV » et de supplément familial, et au syndicat SNRT-CGT des sommes à titre de dommages-intérêts, alors :

« 1°/ que la requalification d’un contrat de travail à temps partiel en contrat de travail à temps complet ne porte que sur la durée de travail pendant les périodes effectivement travaillées ; qu’en cas de requalification de contrats à durée déterminée successifs en contrat à durée indéterminée à temps complet, le salarié ne peut obtenir de rappel de salaires pour les périodes interstitielles qu’à la condition de prouver qu’il est resté à la disposition de l’employeur ; qu’en l’espèce, sous couvert d’une requalification de la relation de travail en contrat à durée indéterminée à temps complet, la cour d’appel a jugé M. A… bien fondé à solliciter, non pas des rappels de salaire au titre des périodes travaillées, mais des rappels de salaires afférents aux périodes non travaillées ; qu’en statuant ainsi après avoir relevé que la société France Télévisions ne rapportait pas la preuve que le salarié aurait refusé d’une quelconque façon de travailler pour elle, qu’aucun élément du dossier ne permettait d’écarter l’affirmation du salarié selon laquelle il n’aurait jamais reçu de planning et n’aurait jamais su quand ni combien de fois par mois la société le ferait travailler, et qu’ainsi la société ne renversait pas la présomption de temps complet, lorsqu’il appartenait au salarié qui revendiquait le paiement de périodes non travaillées, de rapporter la preuve qu’il se tenait à la disposition permanente de la société France Télévisions pendant ces périodes, la cour d’appel a violé les articles 1103 et 1353 du code civil, ensemble les articles L. 1245-1 et L. 1245-2 du code du travail ;

2°/ que le travail effectué pour d’autres employeurs au cours des périodes séparant deux contrats à durée déterminée conclus avec un même employeur, exclut toute disposition permanente à l’égard de ce dernier ; qu’il résulte des propres constatations de l’arrêt que M. A… avait travaillé pour d’autres employeurs au cours des périodes non travaillées pour le compte de France Télévisions ; qu’en retenant néanmoins que le salarié se tenait à la disposition permanente de la société France Télévisions, la cour d’appel n’a pas tiré les conséquences qui s’évinçaient de ses propres constatations en violation des articles L. 1245-1 et L. 1245-2 du code du travail, ensemble l’article 1103 du code civil ;

3°/ qu’en retenant que les revenus tirés par M. A… d’activités exercées pour le compte d’autres employeurs sont restés marginaux, la cour d’appel qui n’a pas caractérisé que le salarié se tenait à la disposition permanente de la société France Télévisions pendant qu’il travaillait pour ces autres employeurs, a à tout le moins privé sa décision de base légale au regard des articles L. 1245-1 et L. 1245-2 du code du travail, ensemble l’article 1103 du code civil. »

Réponse de la cour

5. Appréciant souverainement les éléments de fait et de preuve qui lui étaient soumis, la cour d’appel a constaté d’une part, que le salarié avait tiré la quasi-totalité de ses revenus de son travail pour France Télévisions ou de prestations pôle Emploi, les revenus provenant d’activités chez d’autres employeurs étant restés marginaux et d’autre part, qu’il n’avait jamais reçu de planning et ne savait quand ni combien de fois par mois la société le ferait travailler, de sorte qu’il s’était tenu à la disposition permanente de la société.

6. La cour d’appel, qui en a exactement déduit que le salarié pouvait prétendre à un rappel de salaire pour les périodes interstitielles, a par ces seuls motifs, abstraction faite des motifs erronés mais surabondants, critiqués par la première branche, légalement justifié sa décision.

Sur le second moyen

Enoncé du moyen

7. La société fait grief à l’arrêt de la condamner à payer au salarié des sommes à titre d’indemnité de requalification, de prime d’ancienneté et de prime de fin d’année, de « mesures FTV » et de supplément familial et au syndicat SNRT-CGT des sommes à titre de dommages-intérêts, alors :

« 1°/ que le salarié ne peut cumuler les avantages attachés au statut d’intermittent et ceux liés au statut de salarié permanent ; qu’il est constant que les salariés intermittents de la société France Télévisions bénéficient d’une majoration de 30 % de la rémunération servie aux salariés permanents destinée à compenser la précarité de leur situation ; qu’en jugeant que la requalification de la relation contractuelle en un contrat à durée indéterminée ouvrait droit à M. A… aux accessoires de salaires dus aux salariés permanents sans déduction de la majoration de 30 % perçue en tant qu’intermittent, la cour d’appel a violé les articles L. 1245-1, L. 1221-1 du code du travail et 1103 du code civil ;

2°/ qu’en vertu du principe de la réparation intégrale du préjudice, les dommages-intérêts alloués à une victime doivent réparer le préjudice subi par elle sans qu’il en résulte ni perte ni profit ; qu’en accordant à M. A… une indemnité de requalification d’un montant de 15 000 euros pour le dédommager du préjudice subi en raison de la privation des avantages liés au statut de salarié permanent tout en condamnant la société France Télévisions à lui servir ces mêmes avantages, la cour d’appel a violé le principe susvisé. »

Réponse de la Cour

8. La requalification de la relation contractuelle en contrat à durée indéterminée qui confère au salarié le statut de travailleur permanent de l’entreprise a pour effet de replacer ce dernier dans la situation qui aurait été la sienne s’il avait été recruté depuis l’origine dans le cadre d’un contrat de travail à durée indéterminée. Il en résulte que les sommes qui ont pu lui être versées en sa qualité d’intermittent destinées à compenser la situation dans laquelle il était placé du fait de son contrat à durée déterminée, lui restent acquises nonobstant une requalification ultérieure en contrat à durée indéterminée.

9. Ayant prononcé la requalification de la relation contractuelle, la cour d’appel en a exactement déduit que le salarié devait être replacé dans la situation qui aurait été la sienne s’il avait été recruté depuis le 9 août 2000 dans le cadre d’un contrat de travail à durée indéterminée et pouvait ainsi prétendre à des rappels de primes d’ancienneté, primes de fin d’année, de supplément familial et de mesures France Télévisions.

10. En allouant en outre une indemnité de requalification, la cour d’appel a, sans méconnaître le principe de la réparation intégrale, dès lors que les rappels de primes sont des accessoires du salaire et visent, non pas à compenser la précarité subie par le salarié mais à le replacer dans la situation qui aurait été la sienne s’il avait été recruté depuis l’origine dans le cadre d’un contrat de travail à durée indéterminé, souverainement apprécié l’existence et l’entendue du préjudice subi par le salarié du fait de la précarité dans laquelle il avait été maintenu abusivement.

11. Le moyen n’est donc pas fondé.

PAR CES MOTIFS, la Cour :

REJETTE le pourvoi ;

Condamne la société France Télévisions aux dépens ;

En application de l’article 700 du code de procédure civile, rejette la demande formée par la société France Télévisions et la condamne à payer à M. A… et au Syndicat national de radiodiffusion et de télévision du groupe France Télévisions SNRT-CGT la somme globale de 3 000 euros ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du huit juillet deux mille vingt.

 


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